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La vitesse de diffusion d'un mouvement scientifique

Encadré 1.3 Grille d’entretien

Les quatre principaux axes proposés aux témoins contactés :

1) Des origines à aujourd'hui, retracer votre carrière : pourquoi la géographie ? Pourquoi un intérêt marqué pour la géographie théorique et quantitative ? Étapes et moments-clés d'un point de vue individuel mais également collectif.

2) Les références intellectuelles et scientifiques ; les personnes avec qui vous avez collaboré, travaillé, interagi.

3) Les événements scientifiques et les lieux de l'interaction que vous privilégiez. 4) La question de la labellisation : nommer pour être visible, où vous situez-vous ?

Entretien de 2h30. Retranscription intégrale et droit de modification, complément, suppression a posteriori par l'enquêté et l’enquêteur, par courriel.

Premièrement, nous demandons aux enquêtés de nous préciser les différentes étapes de leur carrière d'un point de vue individuel mais également collectif, de nous expliquer, pour ceux qui étaient concernés, comment ils étaient devenus géographes, et pourquoi ils avaient choisi la géographie théorique et quantitative. Nous leur demandons également d’indiquer comment ils se sont intégrés au mouvement, même s'ils n'avaient pas construit l'ensemble de leur carrière autour de la géographie théorique et quantitative. Deuxièmement, afin de compléter notre analyse de réseaux,

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nous leur demandons quelles sont (et ont été) leurs références intellectuelles (personnes et publications) et leurs relations professionnelles préférentielles, afin de mieux comprendre les interactions auxquelles ils avaient participé dans le mouvement et les filiations qui pouvaient exister. Troisièmement, nous nous intéressons aux lieux qu’ils fréquentent de nos jours et ont fréquenté dans le passé, ainsi qu’aux événements scientifiques auxquels ils participent et ont participé, pour reconstituer l’histoire du mouvement en recoupant ces informations orales et en les confrontant aux sources écrites. Les entretiens visent en particulier à mieux montrer si les localisations et la proximité jouent un rôle déterminant dans l'émergence et le développement du mouvement ou bien si d'autres logiques réticulaires expliquent son développement. Enfin, la question de l'étiquetage est abordée par la demande faite aux enquêtés de se situer en référence à des mots clés précis.

Comme un mouvement scientifique a des limites floues qui évoluent, il est difficile de déterminer exactement quels sont les acteurs du champ disciplinaire qui en font partie ou non. Néanmoins, l’analyse de différentes sources présentées ci-dessus (Répertoire des géographes français, Intergeo Bulletin, l’Espace géographique, ou encore les listes de communications aux colloques européens de géographie théorique et quantitative) nous permet d’estimer à quelque 250 personnes le nombre des acteurs qui ont été très impliqués dans le mouvement, entre 1970 et 2014. Notre échantillon représente un taux de couverture de plus de 20% puisque nous avons choisi de réaliser 58 entretiens comprenant quelques géographes extérieurs au mouvement mais qui ont participé à son développement. Pour augmenter la représentativité de cet échantillon, nous le décomposons en catégories en fonction de plusieurs critères de manière à représenter le mieux possible la diversité du profil des acteurs de la géographie théorique et quantitative européenne francophone55. Cette

diversité des enquêtés nous permet d'avoir une vision relativement exhaustive de l'ensemble des histoires et des conceptions dans le champ des acteurs et donc de couvrir un maximum d'aspects du mouvement. Cela représente une grande richesse d'expériences, de vécus et de récits qui viennent nourrir la compréhension de l'histoire de la géographie théorique et quantitative européenne. Le matériau recueilli lors des entretiens est d’autant plus intéressant que les protagonistes du mouvement se sentent détenteurs d’un savoir qu’ils souhaitent faire partager et qui peut conférer une certaine légitimité à l’histoire restituée avec leur aide56.

Les sept critères retenus pour construire l'échantillon sont :

1. L'origine des participants. Notre aire d'étude étant l'Europe francophone, il nous est paru essentiel que soit représenté l’ensemble :

- des pays (Belgique, France, Luxembourg et Suisse), - des pôles historiques présents dans la littérature,

- des lieux qui ont connu une diffusion de la géographie théorique et quantitative à la suite de la nomination de jeunes quantitativistes, par exemple.

55 Nous regrettons cependant le décès de certains d'entre eux tels qu'Hubert Beguin (Louvain-la-Neuve), Jean-Claude

Wieber et Jean-Philippe Massonie (Besançon), René Grosso (Avignon), Jean-Luc Bonnefoy (Aix-en-Provence) ou encore Michel Vigouroux (Montpellier) pour ne citer que quelques personnes.

56 Un des témoins mobilisés nous l'a affirmé : « je ne comprends pas que certains se permettent d'écrire notre histoire

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Cela nous a conduit à aller de Rennes à Nice, de Louvain-la-Neuve à Lausanne, de Besançon à Rouen ou encore de Paris à Aix-en-Provence en faisant un détour par Strasbourg. Nous rencontrions la plupart du temps plusieurs personnes dans chaque ville.

2. Des acteurs de différentes générations : des pionniers jusqu'aux plus jeunes. Il est néanmoins beaucoup plus difficile d'interroger des doctorants que des géographes déjà à la retraite. Les motifs invoqués ont souvent trait à des enjeux de carrière. Schématiquement, ces générations sont dans un premier temps représentées par des tranches d'années de naissance de dix ans (tab 1.4).

3. La position des acteurs dans le mouvement : centraux, périphériques, pouvant évoluer d'une position dominée à dominante avec le développement du mouvement. Cette dimension a trait à leur rôle dans les sous-réseaux des acteurs du mouvement soit un rôle plus ou moins clé de meneur, de passeur ou encore d'éclaireur. Ce rôle est fonction de leur participation plus ou moins grande à des événements scientifiques théoriques et quantitatifs, au nombre de publications réalisées ou encore au nombre de doctorants formés. Ainsi, par exemple, sont interrogés des pionniers du mouvement, auteurs, pour la plupart, de textes historiographiques ou de manuels évoquant l'histoire de la géographie théorique et quantitative.

4. La spécialité du témoin mobilisé. L'ensemble des spécialités du champ scientifique est représenté puisqu'il a été montré que le mouvement de la géographie théorique et quantitative traverse les différentes spécialités de la discipline, ce qui fait en partie sa spécificité. Des climatologues, ruralistes, urbains, morphologues, ou encore participants de la géographie des risques sont interrogés.

5. La discipline d’appartenance du témoin : comme la géographie théorique et quantitative possède des interactions très fortes avec d'autres champs disciplinaires, en plus des géographes, des mathématiciens ou encore des informaticiens qui ont participé au développement du mouvement de différentes façons sont mobilisés.

6. Le statut des acteurs du mouvement est une information utile pour comprendre leur rôle possible à partir de leur situation professionnelle (enseignants-chercheurs, ingénieurs de recherche par exemple), de même que leur appartenance institutionnelle (université, CNRS ou encore IRD (ex-ORSTOM)).

7. La position du témoin par rapport au mouvement : pour avoir une vue la plus complète possible, nous avons également interrogé des personnes éloignées du mouvement théorique et quantitatif mais appartenant au champ disciplinaire de la géographie. Ces personnes sont d'une manière ou d'une autre (ou ont été) en contact avec le mouvement. Enfin, les différentes caractéristiques de chacun des participants ont bien entendu évolué au cours de la période d'étude. Nous n'avons pas seulement tenu compte de leur statut actuel, tel que précisé dans le tableau 1.4 mais encore et surtout de leur trajectoire globale.

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À l’aide des différentes sources mobilisées, ces critères établis nous ont permis d’identifier 58 témoins, classés ici par année de naissance (tab 1.3).

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