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METHODES DE LA RECHERCHE

2. METHODE SELECTIVE DES FOUILLES HORIZONTALES INTENSIVES DANS LE COMPLEXE SUD LE COMPLEXE SUD

2.2. Programme de fouilles horizontales intensives (2011-2014)

Dans la perspective de cette recherche sur les groupes sociaux ayant résidé dans l’épicentre de Naachtun des fouilles horizontales étendues étaient indispensables pour disposer de données précises à haute résolution chronologique et spatiale sur les trajectoires propres à ces groupes, tant au niveau des assemblages mobiliers que des dynamiques architecturales.

C’est pourquoi fut réalisé entre 2011 et 2014 un vaste programme de fouilles horizontales et de sondages (Op. II.3a et II.3b ; Tabl. 4.1), incluant en particulier la recherche de dépotoirs domestiques et de sépultures (Fig. 4.2). Le programme fut appliqué à trois unités d’habitat bien identifiées (UH/Patios 28, 31 et 34) et leurs alentours immédiats (UH/Patios 32, 33 Sud et 35) (Fig. 4.1).

24 Ces décomptes n’intègrent pas les espaces qui ne sont pas considérés comme ayant été de véritables unités d’habitat mais furent tout de même dénommés « patios » : Patios 29, 36 et 36bis.

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2.2.1. Sélection du patio référentiel : le Patio 28

L’unité de « référence » devait être fouillée dans son intégralité, structures comme espaces extérieurs. Les données recueillies au sein de cet ensemble constituent un « référentiel » pour les comparaisons ultérieures avec les autres unités explorées de manière plus partielle. Dans l’optique des hypothèses de recherche concernant la croissance, les activités urbaines, le rôle politique, la cohésion socio-économique et la ségrégation des unités résidentielles du Complexe Sud (Tabl. 3.3), c’est le Patio 28 qui fut choisi comme référence pour diverses raisons : la hauteur de ses monticules, les plus hauts du complexe ; son association directe avec la Place Río Bec au travers de l’Ensemble 6O-5, outre le Soubassement 6O-4 situé juste à l’ouest, en faisaient l’unité résidentielle dominante au moins au sein du Complexe Sud ; et sa configuration spatiale très fermée, en « quadrilatère » suggérait a priori un processus de forte cohésion et de fermeture (Fig. 4.1).

Au total, l’ensemble des monticules constituant ce Patio 28 ainsi qu’une proportion significative de ses abords orientaux (Patio 32) ont été fouillés, alors que les abords sud (Patio 37) et ouest ont été explorés de façon plus limitée (Diaz et Sion, 2014 ; Sion, Arnauld et Antillón, 2012 ; Sion, Caal et Diaz, 2013). Dans le détail, les fouilles réalisées entre 2011 et 2013 au sein de l’Opération II.3a ont comporté 44 tranchées et 30 sondages équivalents à la fouille d’environ 410 m2 (Fig. 4.4). Elles ont occasionné la découverte de quatre sépultures (Barrientos, 2013), sans oublier que 12 tranchées de pillage récentes ont été nettoyées, étudiées et remblayées.

2.2.2. Sélection des autres unités : les Patios 31 et 34

La sélection des autres unités à étudier se fit sur la base des nombreuses disparités observées entre ces dernières et le patio « référentiel », afin d’obtenir un échantillon le plus diversifié possible. En effet, ces unités s’en distinguent tant au niveau de la localisation et de l’organisation spatiale des monticules, que de leur volume. Le Patio 31, localisé au centre du complexe, montre une configuration spatiale beaucoup plus ouverte que le Patio 28 mais aussi d’assez gros monticules. Pour le Patio 34, les caractéristiques principales sont sa localisation au niveau de la limite orientale du complexe, la faible hauteur de ses monticules, et surtout l’organisation spatiale de cette unité. En effet, une seconde unité (Patio 35) lui est accolée à l’est et ces unités semblent partager les deux structures alignées localisées au nord (Fig. 4.1).

En ce qui concerne le Patio 31 et ses abords septentrionaux (Patio 32), les fouilles de l’Opération II.3b ont comporté 11 tranchées et trois sondages couvrant environ 85 m2 (Fig.

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4.5) ; trois sépultures ont été découvertes (Barrientos, 2014a ; 2014b ; Barrientos et al., 2015),

et cinq pillages modernes ont été exploités (Sion, 2014). Le Patio 34 et les secteurs situés à l’est ont, quant à eux, été couverts au moyen de 22 tranchées et de 13 sondages stratigraphiques, sur environ 140 m2 (Fig. 4.6), ainsi qu’au nettoyage d’une tranchée de pillage moderne (Sion, 2014 ; 2015) ; deux sépultures ont été fouillées (Barrientos, 2014a ; 2014b ; 2015a ; 2015b).

2.2.3. Recherche de dépotoirs pour les études quantitatives de mobilier en contexte résidentiel

Au sein des unités sélectionnées, la réalisation de tranchées exploratoires a permis de libérer des surfaces bâties et d’en étudier les caractéristiques (techniques de construction, décoration, aménagements…), les sondages fournissant de leur côté des informations sur les évolutions et les dynamiques constructives. Mais il était également primordial d’avoir accès aux données matérielles associées à ces unités d’habitat, le mobilier fournissant également de bons marqueurs de différenciation socio-économique quantitative et qualitative (Hirth, 1993 : 123-124 ; Smith, 1987 : 302) en prenant en compte les variables affectant sa composition (Smith, 1987 : 322-323).

Dans cette optique, la recherche de dépotoirs est apparue indispensable afin d’obtenir une vision à la fois générale et détaillée des assemblages mobiliers et des activités pratiquées, car ces contextes particuliers fournissent des informations fiables et bien datées (LeCount, 2001 : 946 ; Olson, 2001 : 89-91). Et cela par contraste avec le reste des artefacts qui provient des remblais de construction ou des décombres, contextes mélangés, perturbés et incertains. En effet, le matériel retrouvé in situ, de facto là où il était utilisé dans les activités

quotidiennes, est extrêmement rare (A. Chase et D. Chase, 2004 ; D. Chase et A. Chase, 2000 ; Inomata et al., 2002 ; Sheets, 2000) car les sols sont retrouvés la plupart du temps

« propres » au sein des résidences mayas classiques (Arnauld, Michelet et Nondédéo, 2013 : 472 ; Olson, 2001 : 90), les habitants balayant les espaces intérieurs et extérieurs, concentrant les rebuts dans les dépotoirs (« primaires » et surtout donc, « secondaires » : Chase et Chase 2000), qu’ils incorporaient ensuite périodiquement dans les niveaux de construction, du moins tant qu’ils continuaient à édifier des structures (A. Chase et D. Chase, 2004 : 352). Ces données matérielles de dépotoirs sont donc cruciales pour aider à la caractérisation socio-économique de groupes sociaux, en complétant les informations obtenues à travers l’étude de l’architecture et des dynamiques de développement des unités. Et cela de manière d’autant

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plus marquée dans le cas du Classique terminal de Naachtun qui est caractérisé par une activité constructive très réduite. Ce mobilier apparaît alors comme la principale possibilité de caractériser, avec un contrôle chronologique suffisant, les groupes ayant vécu dans ces unités et leurs activités lors de la dernière phase d’occupation de la cité.

Concrètement, les dépotoirs mis au jour lors des opérations de fouille, en général des sols extérieurs, se caractérisent par une matrice riche en cendres et charbons provenant des vidanges de foyers domestiques, confirmant les balayages de l’intérieur des structures. Les zones privilégiées pour le rejet des détritus correspondent aux angles des patios domestiques où ils ne gênaient pas la circulation, mais également aux espaces localisés près des portes des structures résidentielles ou au pied des plate-formes, c’est-à-dire au plus proche des zones d’activité, démontrant souvent une politique de gestion des déchets partisane « du moindre effort » (Hayden et Cannon, 1983) (Fig. 4.1). Certains de ces contextes ne correspondent pas

stricto sensu à des dépotoirs cumulés, du fait de quantités moindres d’artefacts et malgré leur

matrice cendreuse. Ils sont considérés comme le résultat d’un simple balayage (donc secondaires), voire comme le premier niveau d’accumulation de matériel d’une future concentration détritique. Ces contextes ont été désignés comme des « zones de rejet sporadique », les dépotoirs étant considérés comme les secteurs de rejet privilégiés. Il convient de signaler à ce sujet que ni structures directement culinaires ni structures de combustion n’ont été détectées au cours des fouilles. Il faut admettre que, dans ces ensembles maçonnés et stuqués, on consommait plus qu’on ne traitait les aliments, qui étaient donc assez certainement préparés en dehors des unités et apportés dans des plats (Sion, 2010). La céramique collectée ne comporte pas de restes de braseros. Mais dans l’ensemble, ce problème des lieux de cuisine demanderait des fouilles plus extensives que les nôtres.

2.2.4. Recherche de sépultures et de dépôts rituels

Les fouilles horizontales réalisées en combinaison avec de nombreux sondages dans les patios et les édifices ont permis la mise au jour de plusieurs sépultures (Fig. 4.1) et dépôts rituels25 placés dans les remblais de construction (Fig. 4.3). Ces contextes particuliers sont parfois proches les uns des autres, tant au niveau de leur localisation que de leur contenu, et un certain continuum est observé entraînant parfois des difficultés pour les distinguer (Becker,

25 Nous ne considérons que les dépôts intentionnels « enterrés », c’est-à-dire englobés ou recouverts par les remblais, les dépôts de « clôture/abandon » sur sol étant traités à part.

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1993 : 49 ; Chase et Chase, 1998 : 300 ; Hendon, 2000 : 47 ; McAnany, 1998 : 279). Rassemblés dans une catégorie dénommée « dépôts spéciaux », ils résultent tous d’actions plus ou moins collectives permettant de forger l’identité du groupe social vivant dans l’unité et d’ancrer cette dernière au sein d’une « géographie sacrée » (Demarest et al., 2003 ; Kunen,

Galindo et Chase, 2002). Ces rituels commémoraient notamment les ruptures architecturales des lieux résidentiels, au moyen principalement de dépôts dits « de fondation » (Baudez, 2002 : 232-244 ; Chase et Chase, 1998), ainsi que les décès d’individus particuliers enterrés dans les remblais et ainsi impliqués dans un processus symbolique de création d’ancêtres (Barrientos, Salazar et Sion, sous presse ; Gillespie, 2000a ; McAnany, 1998), ces deux types d’évènements étant parfois intrinsèquement liés dans certaines sépultures particulières (Pereira, 2013).

Ces dépôts spéciaux, en particulier les sépultures, sont depuis longtemps considérés comme de bons marqueurs socio-économiques, notamment par la nature du mobilier et l’ampleur des aménagements associés (e.g. Haviland et Moholy-Nagy, 1992 : 52-54 ; Smith,

1987 : 301). L’étude des squelettes permet également de prendre en compte des données ostéologiques liées à l’alimentation (e.g. Henderson, 2003 ; White, Healy et Schwarcz, 1993),

aux maladies et aux traumatismes, ainsi qu’à certaines activités (Barrientos, 2013) pour tenter de caractériser du point de vue socio-économique les individus inhumés. C’est également le cas des données bio-culturelles, comme les déformations crâniennes et les mutilations dentaires (Tiesler, 1998 ; 2001).

Pourtant, les données issues de ces contextes doivent être prises en compte avec prudence car de nombreux éléments viennent contredire des visions trop réductrices issues de l’analyse de tels contextes. En effet, ces derniers se caractérisent par une extrême diversité à l’intérieur d’un même site (par exemple à Caracol : Chase et Chase, 1998) et par des contre-exemples au sein des associations établies entre sépultures et niveaux socio-économiques des individus, notamment en ce qui concerne le mobilier accompagnant les défunts (Inomata et Triadan, 2003 : 164 ; Palka, 1995 : 394). Dans certains cas, la prise en compte des sépultures pour caractériser le rang ou le statut social des personnes inhumées semble même hors de propos (par exemple à Río Bec : Pereira, 2013 : 460-462). Enfin, les phénomènes de réouvertures intentionnelles qui peuvent être observés (Barrientos et al., 2015) impliquent que

le contenu de ces dépôts n’était pas « figé » et pouvait évoluer au cours du temps, du fait de la récupération éventuelle de certains éléments, biaisant ainsi la vision que nous en avons. Cette situation illustre le fait que ces contextes particuliers ne sont pas « isolés » du reste de l’occupation, mais participent au contraire aux dynamiques d’élaboration du pouvoir au sein

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de groupes sociaux (Hendon, 2000 : 49). Cette catégorie de dépôts spéciaux a été intégrée aux analyses générales mais avec précaution en raison de leur signification sociale au sein des espaces résidentiels, et aussi du fait qu’ils peuvent inclure des concentrations exceptionnelles de certains types de mobilier.

3. METHODE SELECTIVE DES ANALYSES DE LABORATOIRE, EN