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METHODES DE LA RECHERCHE

1. JUSTIFICATION DES APPROCHES APPLIQUEES

La problématique générale de ce travail porte sur la caractérisation socio-économique des élites ayant vécu dans l’épicentre de Naachtun au Classique terminal, grâce à la détermination des niveaux de prospérité de ces groupes sociaux et à la compréhension des dynamiques politiques, sociales et économiques dans lesquelles ils étaient impliqués. Comme l’a montré le chapitre précédent, la persistance de ces entités sociales s’inscrivait dans un contexte de fort déclin démographique de la cité, mais aussi de grands bouleversements dans l’organisation de la société maya des Basses Terres Centrales et Méridionales. Par conséquent leur résilience associée à un certain degré de prospérité pose d’emblée problème.

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Hirth (1993) et Smith (1987 ; 2015) ont montré qu’en Mésoamérique, les résidences et le mobilier associé reflètent assez directement, sinon le rang social, du moins le niveau socio-économique de prospérité des habitants (voir Introduction et Chap. 1.2), et aident à déterminer la nature et la diversité de leurs activités. Ce sont donc ces deux grandes approches archéologiques qui permettent de « faire le pont » entre les connaissances (en partie théoriques) du Classique terminal maya (Chap. 2) et le travail de validation de nos hypothèses de recherche (voir Tabl. 3.3) au moyen des données de terrain et de laboratoire.

1.1. L’approche résidentielle

Les informations concernant l’architecture domestique sont reconnues comme étant de très bons indicateurs de hiérarchisation entre groupes sociaux au sein des sociétés agraires, de par les investissements nécessaires en main-d’œuvre et en matériaux entre autres indicateurs. On se fonde sur l’étude des techniques de construction, de la qualité du matériel employé et du programme de décoration architecturale lorsqu’il existe (Hirth, 1993 : 123-124 ; Kamp, 2000 : 92 ; Olson, 2001 : 83-85 ; Smith, 1987 : 301). Cette approche globale (au sens de

proxy) est très employée dans l’aire maya pour définir la compétence technique, les capacités

de mobilisation de main d’œuvre et même au moins une part de l’identité des résidents commanditaires (Abrams, 1998 ; Carmean, 1991). Les différences observées dans les investissements architecturaux peuvent avoir diverses causes, liées par exemple à la charge politique de l’habitant (Inomata et Triadan, 2003 : 176), voire à des particularismes régionaux (Tourtellot, Sabloff et Carmean, 1992). Quoi qu’il en soit, la variation observée fonde les systèmes de classification des structures résidentielles d’un site (Palka, 1997), regroupées au sein d’unités d’habitat bien identifiées (Ashmore, 1988 ; Lemonnier, 2009).

En effet, au-delà de leurs caractéristiques physiques, les résidences mayas sont spatialement distribuées et concentrées selon des modalités reflétant certaines dynamiques sociales à l’œuvre au sein des sociétés. Les unités d’habitat étaient ainsi organisées principalement selon des liens de parenté et de co-résidence entre différents groupes, en étant souvent intégrées au sein de regroupements de dimensions intermédiaires à l’échelle de la cité, hiérarchisés en interne à divers niveaux, familial, socio-économique, politique (Arnauld, Michelet et Nondédéo, 2013 ; Haviland, 1988 ; Hendon, 1991 ; Lemonnier, 2011). Les unités d’habitat correspondaient également aux unités de base du système productif et de stockage, mais aussi de la distribution de biens (Hirth, 1993 : 121 ; Lemonnier, 2011 : 8-9).

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En outre, un séquençage diachronique des regroupements spatiaux, par comparaison avec les groupes proches, à l’échelle du voisinage et du site, s’avère nécessaire afin de percevoir différents processus marqueurs de dynamiques propres à chacune des entités sociales, ces trajectoires étant susceptibles d’aider à évaluer nos hypothèses sur l’agrandissement des unités, leur croissance sociale, et leur résidence stable en contexte urbain (voir Tabl. 3.3). En effet, la longévité, et donc la résilience, d’une occupation résidentielle est le signe de la stabilité du groupe occupant, qu’il soit prospère ou non. Et cela est une donnée significative dans une société agraire comme celle des Mayas de la période classique car l’abandon d’une résidence implique la perte de l’usufruit des terres agricoles qui lui était lié (Michelet et Arnauld, 2006 : 67 ; Smith, 2015 : 9). De même, la croissance démographique d’un groupe, est considérée comme une caractéristique liée à la prospérité de celui-ci (Smith, 2015 : 9), qu’elle soit « naturelle » ou due à l’immigration de personnes extérieures attirées en son sein (Arnauld, Michelet et Nondédéo, 2013 ; Lemonnier, 2011 : 19-20). Cette évolution se manifeste empiriquement notamment dans le développement architectural de l’unité d’habitat, voire de l’ensemble du regroupement intermédiaire auquel elle appartient. Enfin, les transformations architecturales des espaces résidentiels reflétaient également l’identité sociale en élaboration (Gillespie, 2000a ; Hendon, 2000) et les prérogatives des groupes résidents (Arnauld, Michelet et Nondédéo, 2013). Ainsi, pour les principales factions politiques, elles correspondaient à de réels marqueurs de réussite et de domination socio-politique (exemple de Copán : Andrews et Fash, 1992 ; Sheehy, 1991 ; Webster, 1989b ; Webster et al., 1998), avec par exemple l’intégration d’espaces publics au

sein des unités d’habitat élitaires (Bazy, 2013).

1.2. L’approche analytique du mobilier

Il est admis que les assemblages mobiliers, s’ils sont correctement enregistrés en contexte résidentiel, sont de bons reflets de la quantité et du type de ressources contrôlées par les habitants d’une unité d’habitat. Ceci est d’autant plus vrai que ces groupes à patio résidentiels représentaient l’échelle de base de l’économie dans ces sociétés, et donc que le mobilier est fortement lié aux activités de production pratiquées à l’intérieur de ces derniers, parfois sous la forme de concentrations d’artefacts ou de déchets liés à ces productions. Il s’agit, dans tous les cas, de données qui permettent de valider nos hypothèses sur les activités urbaines des élites du Complexe Sud, sans oublier celle de l’hétérogénéité sociale probable de ce complexe puisqu’il est possible de hiérarchiser les unités entres elles à condition de croiser les données

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du mobilier avec celles de l’architecture (e.g. Andrieu, 2013 ; Christie, 2003a ; Hendon,

1991 ; Hirth, 1993 : 123-124 ; 2009 ; Palka, 1995 ; Smith, 1987 : 302).

En outre, les assemblages mobiliers sont le reflet des capacités et des dynamiques économiques propres à chacun des groupes (Hirth, 2009 : 18-19). Certains artefacts peuvent notamment illustrer leurs capacités à établir des connexions à l’extérieur de leur communauté, par l’acquisition de biens et de matériaux exogènes (Smith, 2015 : 5-6). Cette qualité est repérable par les diverses analyses des matières premières, éventuellement de l’iconographie associée ou du style. Ce mobilier peut alors représenter la traduction matérielle de la création et du maintien de réseaux sociaux avec d’autres groupes (mariages, alliances…) qui impliquaient de nombreuses contreparties et échanges (Hirth, 1992). Ceci permet de statuer sur notre hypothèse de l’insertion des élites étudiées dans des réseaux à longue distance (Tabl. 3.3).

Un travail diachronique sur les assemblages mobiliers et les témoignages matériels d’activités de production, permet de révéler les changements dans le temps de la consommation générale de certains biens, informations qui se révèlent primordiales pour la caractérisation et la compréhension des dynamiques et stratégies socio-économiques de ces groupes (Olson, 2001). Cela est particulièrement le cas dans les moments de transition socio-politique et de transformation économique comme le Classique terminal où ces tendances peuvent illustrer les capacités d’adaptation et de résilience des sociétés mayas (Hoggarth, 2012).

2. METHODE SELECTIVE DES FOUILLES HORIZONTALES INTENSIVES DANS