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CHAPITRE II ENQUÊTES, CORPUS ET MÉTHODE ENQUÊTES, CORPUS ET MÉTHODE

4. Profils des apprenants enquêtés

Au Liban, « le pluralisme scolaire est en quelque sorte le reflet du pluralisme social. »49 Ce constat élaboré par Abdallah Naaman en 1979, reflète bien la réalité libanaise d’aujourd’hui. En tête des institutions qui assurent la diffusion des langues, l’école constitue le facteur principal qui contribue à leur vitalité. Deux grandes aires éducatives se répartissent l’enseignement au Liban : l’enseignement privé très ancien et relevant en général des communautés et l’enseignement public né avec l’Indépendance en 1946. Les écoles au Liban sont divisées comme suit :

Écoles privées payantes : Elles sont nationales ou étrangères, religieuses ou laïques. Elles ne sont pas subventionnées par l’État et fixent librement les frais de scolarité ;

Écoles privées gratuites : Elles sont subventionnées par l’État. Elles sont très souvent religieuses, elles ne vont pas au-delà du cycle primaire ;

49

Naaman A., 1979, Le français au Liban, essai sociolinguistique, Paris, Édition Naaman, p. 168. 0 10 20 30 40 50 60 70 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 2006-2007

Distribution des étudiants suivant leur sexe et leur langue de spécialisation à l'Université libanaise

Littérature française Homme Littérature française Femme Littérature anglaise Homme Littérature anglaise Femme

Écoles publiques ou officielles : Elles sont assumées par l’État, elles dépendent du Ministère de l’Éducation Nationale, et assurent un enseignement général et professionnel. Les frais d’inscription sont imposés par l’État.

Les études montrent qu’ « en l’an 2000, il existait 2639 écoles au Liban dont 1318 écoles publiques qui emploient plus que 63 000 enseignants et accueillent 33 % des élèves libanais. [ 49 % des élèves sont scolarisés dans le privé et 18 % dans le privé gratuit ]. »50 Selon les données statistiques du CRDP (Liban), le nombre des écoles en (2007-2008) atteint 2805 écoles dont 1385 écoles publiques, 1046 écoles privées et 374 écoles privées gratuites. En 2008, le secteur public accueille également 33 % de l’ensemble des élèves scolarisés au Liban qui sont au nombre de 908 201 élèves. Je tiens à préciser ici que les données statistiques fournies prennent en compte uniquement les élèves appartenant à l’Enseignement Général, ceux faisant partie de l’Enseignement Professionnel ne sont pas concernés.

Le graphique suivant montre la distribution des élèves (Enseignement Général) selon le secteur éducatif fréquenté en (2007-2008) :

Graphique 6 : Distribution des élèves libanais selon le secteur éducatif fréquenté en 2008

50

Assaf R. et Barakat L., 2003, Atlas du Liban, Géographie-Histoire-Économie, Beyrouth, Presses de l’Université Saint-Joseph, p. 98.

14% 33% 53% 0 10 20 30 40 50 60

Enseignement privé gratuit Enseignement public Enseignement privé non gratuit

Distribution des élèves libanais selon le secteur d'enseignement fréquenté en (2007-2008)

En fait, la multiplicité des établissements s’est faite à l’image de la société libanaise. Selon l’Article 10 de la Constitution : « l’enseignement est libre en tant qu’il n’est pas contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, et qu’il ne touche pas à la dignité des confessions. Il ne sera porté aucune atteinte au droit des communautés d’avoir leurs écoles, sous réserve des prescriptions générales sur l’instruction publique édictées par l’État. » Ce pluralisme, au niveau de l’enseignement laisse aux parents la possibilité de choisir à leur gré, les établissements pour leurs enfants selon plusieurs facteurs : le coût des études ou le barème des tarifs de scolarité, le lieu de résidence des parents, les langues d’enseignement pratiquées et parfois l’appartenance confessionnelle de l’institution.

Au Liban, l’école est depuis longtemps un enjeu stratégique. Historiquement, le domaine de l’enseignement a été utilisé pour asseoir les dominations, qu’elles viennent des Libanais eux-mêmes, empêtrés dans leurs divisions communautaires ou qu’elles soient le fait des ingérences extérieures qui se sont efforcées d’exacerber ces divisions, afin de tirer des avantages politiques ou économiques. Dans ce pays, l’éducation n’est jamais séparée des problèmes sociaux. Chaque établissement scolaire a son histoire, ses raisons d’être, ses motifs d’existence, sa clientèle, sa façon propre de procéder et, ses convictions dans l’art éducatif. Chaque école est devenue l’expression d’une certaine idéologie. De même l’éducation reflète le pluralisme socio-économique du pays. Le milieu socio-économique est, en effet, le déterminant principal dans le choix de l’école. À chaque secteur est liée une clientèle assez typée et socialement l’école publique accueille des étudiants économiquement peu favorisés.

Le privé puise ses effectifs dans les milieux les plus aisés. Depuis quelques années, cette réalité sociale commence à changer, même les familles de revenus moyens sont prêtes à tout sacrifier pour scolariser leurs enfants dans des établissements privés, notamment dans ceux qui jouissent d’une meilleure réputation en ce qui concerne l’enseignement des langues. Le secteur privé occupe une place très importante dans le système éducatif libanais. 53 % de l’ensemble des élèves libanais dans l’Enseignement Général sont scolarisés dans ce secteur. Par ailleurs, au plan socioculturel, il est le principal promoteur de grandes manifestations qu’il s’agisse des médias, de la culture, de l’art, du sport, etc. La société est obligée de

reconnaître ce que le Liban doit en vitalité et en créativité à l’instigation du secteur privé.

Par ailleurs, l’éducation au Liban est victime de plusieurs contradictions. Elle fournit au pays des « produits de qualité inégale », des diplômés d’orientations culturelles différenciées et, de comportements socioculturels variés. La qualité de l’enseignement des langues et le degré du bilinguisme varient, en effet, en fonction du type d’écoles fréquentées. Il faut reconnaître que le bilinguisme (arabe-français) ou (arabe-anglais) n’a pas la même place dans toutes les catégories d’écoles. Dans le secteur public, on rencontre de nombreuses difficultés dues aux méthodes inadaptées aux besoins et aux attentes des apprenants, à l’environnement sociolinguistique de ces derniers qui leur offre rarement la possibilité de pratiquer ces langues, à l’absence d’une véritable interaction effective entre enseignants et apprenants.

Il faut signaler que ces problèmes ne sont pas l’apanage du secteur public. Le secteur privé qui bénéficie d’une sorte d’autonomie dans l’application des systèmes éducatifs, est confronté aux mêmes difficultés à des degrés divers. D’autant plus que dans ce secteur, l’on profite de cette autonomie en transformant ces établissements en de véritables marchandises, et pour les faire valoir, l’on prétend avoir recours aux TIC dans les pratiques didactiques, et faire appel à des enseignants diplômés des meilleures universités au Liban ou à l’étranger notamment en France et aux États-Unis. L’offre est intéressante, en conséquence les frais de scolarité deviennent plus élevés. Ils augmentent progressivement selon le cycle d’enseignement, et dépassent très souvent les moyens de vie des Libanais. La seule victime est le citoyen libanais qui, pour offrir un bon bagage éducatif à ses enfants, n’hésite pas à les scolariser dans ces écoles.

Il convient donc de constater que le pluralisme scolaire est une réalité enracinée dans le pays, elle reflète la complexité sociale, économique et politique de la société. Tous les Libanais se présentent au même examen officiel du baccalauréat, celui-ci marque le passage obligatoire à l’enseignement universitaire. Cependant, la divergence dans l’acquisition du français dans les deux secteurs (privé et public) est flagrante, elle relève de la situation de l’école et de son organisation.

Quant à la place effective qu’occupe la langue française dans l’enseignement au Liban, d’après les données statistiques du Centre de Recherche et de Développement Pédagogique (CRDP Liban), cette langue est enseignée dans 70 % des établissements scolaires. Elle est classée ainsi devant l’anglais qui commence à gagner du terrain de près de 1 % chaque année depuis 1997.

Le graphique suivant montre le taux des apprenants libanais répartis selon leur première langue étrangère d’apprentissage :

Graphique 7 : Distribution des apprenants libanais selon leur première langue étrangère d'enseignement

Au Liban, l’on peut donc observer que :

 62 % des apprenants ont le français comme première langue étrangère en (2007-2008) contre 70 % en (1996-1997) ;

 38 % des apprenants ont l’anglais comme première langue étrangère en (2007-2008) contre 30 % en (1996-1997).

Au département de Nabatieh (terrain de recherche), le taux des apprenants ayant le français comme première langue étrangère s’élevait à 68 % en (2000-2001), alors qu’en (2007-2008), ce taux représente 57 %. Il est à remarquer que dans ce département, l’anglais progresse avec une moyenne de 2 % environ depuis les

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Distribution des apprenants libanais selon leur première langue étrangère d'enseignement

Francophones Anglophones

années 2000. Le taux des apprenants anglophones en (2000-2001) représentait 32 % alors qu’en (2007-2008), ce taux atteint 43 %.

Le graphique suivant montre la répartition des apprenants à Nabatieh, selon leur première langue d’enseignement entre les années (2000-2008) :

Graphique 8 : Distribution des apprenants selon leur langue d'enseignement au département de Nabatieh

Cela revient à dire qu’au Liban, la place qu’occupe le français est assez variable suivant les lieux, l’appartenance communautaire, sociale et professionnelle, les sujets de discussions et même tout simplement les circonstances de la vie quotidienne. En effet, les motivations et les intérêts d’apprentissage de cette langue ne peuvent pas être interprétés de la même façon selon les différentes régions, les tranches d’âge et même les secteurs éducatifs fréquentés. Dans cette étude, la population enquêtée est constituée des lycéens/apprenants de français scolarisés dans les lycées publics à Nabatieh (région). 56 % de ces enquêtés sont en Première année secondaire. 44 % parmi eux sont en Deuxième année – Série Humanités.

Le graphique suivant montre la répartition des apprenants enquêtés selon leur sexe et leur année de scolarité :

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Distribution des apprenants selon leur première langue étrangère d'enseignement au département de Nabatieh

Francophones Anglophones

Graphique 9 : Répartition des apprenants enquêtés selon leur sexe et leur année de scolarité

Ces enquêtés ont, notamment, la particularité de voir leur apprentissage de la langue française inscrit dans leur projet et dans leur vie professionnelle. Ainsi, leurs représentations de cette langue et de son apprentissage révèlent une certaine singularité. Ces enquêtés sont d’âge moyen entre (16-19) ans. L’échantillon est donc représentatif de la jeunesse, ayant de solides connaissances en langue française avec cependant une majorité d’enquêtées féminines (78 %). Généralement, trop de disparités subsistent dans les parcours scolaires des filles et des garçons, ils ne font pas les mêmes choix d’orientation. Les filles sont surreprésentées dans les filières littéraires du secondaire. En 2008, 70 % des étudiants libanais inscrits en Deuxième année secondaire – Série Humanités étaient des filles contre 49 % des filles dans les séries scientifiques.

25 % 19 % 75 % 81 % 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

Première année secondaire Deuxième année secondaire Répartition des apprenants enquêtés selon leur sexe et leur

année de scolarité

Hommes Femmes

CHAPITRE III

CONTEXTE(S), PRATIQUES DIDACTIQUES ET