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CHAPITRE II ENQUÊTES, CORPUS ET MÉTHODE ENQUÊTES, CORPUS ET MÉTHODE

2. Présentation de l’enquête

Jacques Bres explique que « l’entretien n’est pas la voie royale d’accès à la

parole des locuteurs mais un moyen commode de provoquer sa production – et donc sa récolte – dans un cadre particulier : l’interaction de l’interview. Il convient donc de le concevoir en complémentarité avec – et non en substitution de – l’observation des pratiques langagières de la vie sociale. »44 Cependant, l’observation des pratiques didactiques dans les classes de français au département de Nabatieh n’était pas une tâche facile. La présence d’un « étranger » même en qualité de « chercheur » est très souvent jugée dérangeante voire intrusive par certains enseignants. Afin de mener à bien cette étude, j’ai opté donc pour une deuxième enquête quantitative sous forme d’un questionnaire écrit auprès des lycéens/apprenants de français du même département. Tout en les interrogeant sur leurs besoins, leurs attentes et leurs difficultés d’apprendre le français, cette enquête met l’accent sur le profil particulier de ce public demandeur d’une certaine compétence culturelle et/ou d’une langue d’étude et des capacités discursives liées à des pratiques académiques et professionnelles.

2.1. Enquête qualitative avec les enseignants de français

Dans un premier temps, j’ai proposé un questionnaire écrit aux enseignants de français. L’objectif était d’établir une sorte d’état des lieux de la profession et des caractéristiques majeures de l’enseignement du français dans le pays tel qu’ils le perçoivent. Dans un second temps, en me basant sur les données recueillies, j’ai élaboré mon protocole d’entretien pour m’adresser à un public ayant une certaine expérience de l’enseignement ou de la formation dans le département de Nabatieh.

Tous les entretiens ont été enregistrés avec l’accord des professeurs. Ils se déroulaient pendant leur temps libre dans les locaux des lycées ou bien à leur domicile en dehors des heures du cours. Certains professeurs ont montré une certaine réserve au départ et ont refusé de mener l’entretien notamment ceux qui enseignent dans les séries scientifiques. Dans le cycle secondaire, le thème de la francophonie n’est proposé qu’en classe de Deuxième année Littéraire – Série Humanités. Dans la mesure où le corpus littéraire francophone (non français)

44 Bres J., 1999, « L’entretien et ses techniques », in Calvet L.-J. & Dumont P., L’enquête sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, p. 75.

proposé dans manuels de français en usage dans les séries scientifiques est très limité, ces enseignants déclarent ne pas être qualifiés pour parler de la francophonie notamment libanaise qui fait l’objet principal de cette recherche.

Le protocole d’entretien (Annexe 2), dans sa forme définitive, se compose de deux parties concernant :

1. Les caractéristiques contextuelles générales : Expériences et pratiques 2. L’identification des problèmes, difficultés, ressources et suggestions

Dans la première partie de l’entretien, les enseignants sont invités à parcourir leur histoire professionnelle, à exprimer leurs sentiments vis-à-vis de leur métier et des formations suivies et à établir le profil général de leur public dans le département de Nabatieh. Cette partie se concentre sur les caractéristiques contextuelles de l’enseignement de la langue et de la culture françaises ainsi que sur les objectifs prioritaires que cet enseignement devrait atteindre au niveau du cycle secondaire selon les nouveaux programmes. Elle s’intéresse aussi à la place du manuel et au rôle de la littérature francophone dans les cours de français. La deuxième partie, plus affinée, a pour but de repérer les facteurs principaux qui entrent en jeu dans l’apprentissage du français et les sources de difficultés en terme de motivation et d’autonomie/dépendance des apprenants mais aussi des sources de facilitation et, de recenser les initiatives développées par les enseignants pour remédier à ces problèmes en proposant de nouvelles mesures afin d’améliorer l’enseignement du français au Liban.

La grande quantité d’informations obtenues lors de ces entretiens n’était pas exploitable en l’état. Il a été donc nécessaire, en premier temps, de répertorier l’ensemble des opinions, des perceptions et des propositions émises par les enseignants en les regroupant par thèmes ou rubriques. Dans un second temps, j’ai procédé à une mise en relation des résultats provenant de différentes sources sollicitées ; enquêtes, statistiques et documents officiels et études, etc.

2.2. Enquête quantitative avec les apprenants de français

Toute enquête a des biais inévitables. L’enquête par questionnaire n’a pas pour fonction de décrire les conduites des acteurs sociaux avec le plus de détails possible. L’un de ces objectifs c’est de « […] mesurer des fréquences, faire des comparaisons, observer des relations entre variables, expliquer les déterminants de conduites, repérer le poids des facteurs sociaux. »45 Le questionnaire n’est jamais un travail exclusivement empirique comme il ne décrit jamais exhaustivement une pratique. Il a été critiqué parce qu’il limite nécessairement l’expression des individus aux strictes interrogations qui leur sont proposées et qui peuvent éviter les propres interrogations du sujet. Cependant, dans le contexte libanais, le questionnaire écrit est mieux adapté qu’un entretien par exemple. Dans les classes secondaires, les apprenants sont plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral vu leur âge et leur niveau linguistique (généralement bas) en français. En tous cas, comme le note Caroline Juillard « les différentes manières d’aborder un terrain d’enquête sont tributaires des objectifs qu’on se fixe, d’une part, du type de connaissances préalablement acquises, d’autre part. Il existe effectivement des modes d’approche et d’observation différents, selon qu’on connaît déjà ou qu’on ne connaît pas encore le terrain. »46 Quels que soient les biais de l’enquête par questionnaire, son intérêt majeur est évidemment le recueil d’informations attendues, estimées nécessaires à la compréhension du cas étudié.

Dans ce questionnaire, j’ai opté pour des « questions ouvertes ». Celles-ci sont posées sans suggestion de réponses. La personne interrogée est invitée à y répondre librement, à livrer ses commentaires, à donner des détails, à formuler des jugements à sa guise. Ce type de question renseigne sur le niveau d’informations des enquêtés et sur leur compréhension des questions. Selon Ahmad Boukous, « l’avantage des questions ouvertes est qu’elles donnent l’entière liberté au sujet d’exprimer son point de vue, elles sont notamment appropriées aux questions portant sur l’opinion, l’attitude et la représentation. »47

En revanche, elles représentent l’inconvénient de fournir des réponses ne présentant pas de réel intérêt pour l’objet de recherche. Également, j’ai utilisé des « questions fermées » où les interrogés doivent choisir entre des réponses déjà formulées à l’avance en leur

45

Berthier N., 1998, Les techniques d’enquête, Paris, Armand Colin, p. 24.

46 Juillard C., 1999, « L’observation des pratiques réelles », in Calvet L.-J. & Dumont P.,

L’enquête sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, p. 102.

47

Boukous A., 1999, « Le questionnaire », in Calvet L.-J. & Dumont P., L’enquête sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, p. 18.

laissant la possibilité de donner plusieurs réponses. Le troisième type de questionnement que j’ai utilisé relève des «questions mixtes ». Elles prennent alors la forme de questions à choix multiple où une liste de réponses préétablie est suggérée au témoin qui choisit parmi les réponses alternatives celle qui lui paraît la plus conforme à son point de vue. Cette liste de réponses finit par une dernière modalité qui invite la personne interrogée à apporter des précisions en toute liberté (Autres).

J’ai demandé aux personnes interrogées, des renseignements jugés importants pour l’analyse. Ce sont des « questions de fait » relatives aux phénomènes observables. Ce sont par exemple les questions qui ont trait au sexe, à l’âge et au lieu de résidence du témoin. Enfin, j’ai estimé important de ranger l’ensemble de questions selon un ordre logique et cohérent qui permet de mettre à l’aise les personnes interrogées.

Le questionnaire était administré aux apprenants dans les dix lycées de la région de Nabatieh (classes de Première et de Deuxième année secondaire). Pour moi, le choix de ce public était un facteur primordial. Cela s’explique par le fait qu’au cycle secondaire, la littérature est au cœur de l’enseignement-apprentissage du français. D’autant plus que la particularité des programmes de français en classes de Première et de Deuxième année réside dans la place relativement importante accordée à l’enseignement de la littérature francophone libanaise. Mon but étant de mesurer le degré de réception de ces textes par les apprenants d’où l’intérêt que je porte spécifiquement pour ce public.

Le questionnaire est composé de 31 questions (Annexe 3) reparties en trois parties. Chaque partie regroupe des questions relevant du même thème :