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La professionnalisation accrue des métiers des éducateurs territoriaux du sport Face à l‟offre sportive marchande, les collectivités territoriales vont progressivement appuyer

sport territorial

II. La professionnalisation accrue des métiers des éducateurs territoriaux du sport Face à l‟offre sportive marchande, les collectivités territoriales vont progressivement appuyer

leurs politiques sportives sur des agents formés à la gestion, au management et au droit, et aptes à mobiliser des compétences transversales. Cette évolution des métiers vers un modèle managérial fait apparaître les éducateurs comme des « animateurs-entrepreneurs ». Les représentations des agents sur l‟exercice de leur métier nous permettront aussi de rendre compte des mutations du management public territorial. La professionnalisation des activités des éducateurs est ainsi légitimée par la nécessaire adaptation à un environnement (local) nouveau, et impose à ces derniers d‟acquérir des compétences complémentaires.

II.1. L’éducateur territorial du sport : une représentation managériale de son métier

1 La loi n°2007-209 du 19 février 2007 sur la fonction publique territoriale a prévu une nouvelle répartition dans l‟organisation des concours (et examens professionnels) de catégorie A, B et Centre les Centres départementaux de gestion et le CNFPT. Elle permet ainsi aux Centres de gestion de devenir les principaux organisateurs des concours, confiant au CNFPT l‟organisation des concours A+ (administrateurs territoriaux notamment). L‟entrée en vigueur du nouveau dispositif est conditionnée à la prise de décrets d‟application (ceux-ci sont attendus, vraisemblablement, pour le 2ème semestre 2008).

2

Voir notamment la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. 3 Article L 3211-1 du CGCT pour les départements, article L 4211-1 du CGCT pour les régions.

Bien avant la création de la filière sportive territoriale, les services municipaux des sports ont

recruté massivement du personnel1. Ils ont assis leur légitimité sur l‟enseignement des

pratiques sportives et sur les équipements sportifs. Les moniteurs municipaux des sports, d‟abord simples animateurs de clubs ou spécialistes d‟un sport, vont prendre peu à peu en charge l‟enseignement scolaire (notamment au sein des écoles primaires) et périscolaire de l‟éducation physique et sportive, puis, l‟organisation de stages et séjours sportifs pendant les vacances scolaires. Mais, à partir des années 1970-80, les pratiques sportives (et le patrimoine sportif) se diversifient, le sport connaissant un intérêt croissant auprès du public. Partant, les politiques sportives vont se complexifier et la professionnalisation de l‟agent sur l‟emploi occupé va, progressivement, devenir déterminante. D‟autant plus que les politiques sportives des collectivités sont alors mises en œuvre dans un contexte juridique de plus en plus pointu et dans un contexte intercommunal omniprésent. En effet, de nombreux textes ont été publiés

sur la sécurité des équipements2, sur l‟organisation des manifestations sportives3

, sur les

conditions d‟encadrement des activités physiques et sportives4

. La création de structures intercommunales a amené également des bouleversements dans la gestion des politiques sportives (surtout depuis l‟Acte II de la décentralisation), de plus en plus favorables à la

délégation de service public (DSP)5.

L‟évolution du droit dans le sport interpelle directement les encadrants de la filière sportive

territoriale6, et les démarches de professionnalisation qui se généralisent les invitent à

transformer radicalement leurs rôles et leurs comportements, surtout en ce qui concerne les agents territoriaux de proximité (ils appartiennent fréquemment aux catégories B) qui

souhaitent « défendre leur existence » (E 11) en aspirant à plus de reconnaissance. « Il faut

qu‟on soit mieux formé en matière de gestion - nous dit un responsable territorial - car le métier a évolué, on a moins de missions opérationnelles et beaucoup plus de dossiers à traiter » (E 2). De même, « il faut qu‟on soit capable de mettre en place un plan de financement, de réhabilitation et d‟investissement », souligne un autre interlocuteur (E 8). Par ailleurs, le passage d‟une gestion locale des équipements sportifs à une gestion intercommunale, voire déléguée à des gestionnaires privés, devient symptomatique d‟une adaptation nécessaire des politiques sportives à une demande de loisirs des publics de plus en

plus consommatrice et clientéliste. Devant satisfaire des publics volatils7, ces équipements

classés en établissements recevant du public doivent répondre à des normes de sécurité beaucoup plus rigoureuses qu‟auparavant (les normes sécuritaires tendant désormais à remplacer les normes sportives). L‟offre sportive devient alors plus individualisée, polyvalente et modulable pour répondre aux demandes multiples et plus pressantes desdits

1

Les conditions de recrutement du personnel des services municipaux des sports ont été fixées dans une circulaire du 16 mai 1966.

2 Voir les articles L 312-1 et suivants du Code du sport (relatifs aux équipements) ; L 322-1 et suivants (sur les garanties d‟hygiène et de sécurité dans les établissements sportifs). Voir également le code de la construction (art. R 123-3 sur la sécurité des établissements recevant du public).

3 Voir les articles L 331-1 et suivants du Code du sport (sur l‟organisation des manifestations sportives) et les articles L 332-1 et suivants (relatifs à la sécurité des manifestations).

4 Voir les articles L 212-1 et suivants du Code du sport (relatifs à l‟obligation de qualification des personnels encadrant les activités physiques et sportives). Dans le même Code, voir également les articles D 212-70 et suivants et R 212-75 et suivants (relatifs aux brevets d‟Etat des éducateurs sportifs).

5 L‟affermage est l‟une des formes les plus répandues de DSP. Elle suppose que la collectivité prend à sa charge les investissements nécessaires à la création d‟un équipement sportif et en confie la gestion à une entreprise qui exploite le service à ses risques et périls. Dans le secteur du sport, on compte quelques entreprises spécialisées dans la DSP : Carilis, Recréa, Vertmarine, Foresthill, l‟UCPA,…

6 Y compris les ETAPS auxquels peuvent être confiées des missions d‟encadrement (d‟un service et/ou de personnes).

7

« Les gens veulent la sécurité maximale, le confort : une propreté absolue, pas de nuisances sonores, une bonne acoustique, de l‟espace et tous les accessoires nécessaires » (E 1).

publics. Dans un marché économique des APS ouvert à la concurrence, la

professionnalisation des métiers des acteurs en charge de la mise en œuvre des politiques

sportives locales, répond donc à une nécessité. Cela explique que « le rôle de l‟éducateur d‟aujourd‟hui est bien éloigné de son rôle des années 1980 ; celui-ci se contentait alors de venir avec son matériel de handball pour faire ses séances dans le temps scolaire » (E 3). De nos jours, ses missions évoluent vers une fonction de conseil auprès des clubs et il intervient non plus sur une discipline sportive, mais sur plusieurs pratiques sportives auprès d‟un public

diversifié1. Les agents que nous avons interviewés affirment avec force que l‟éducateur

territorial est devenu également « un mobilisateur de ressources » (E 4) et « un manager de

projets », qui « doit savoir s‟adapter à des publics très différents et être polyvalent » (E 5).

Ainsi, les éducateurs territoriaux des sports sont « des concepteurs de projets sportifs » et des « animateurs managériaux » (E7), soutient un ETAPS. Pour un des agents du CNFPT que nous avons rencontrés, cela ne fait guère de doute : « On va vers une organisation et un enrichissement des tâches des éducateurs » (E9), (Meunier, 2002).

D‟une manière générale, les missions des agents territoriaux intègrent désormais autant la gestion sportive que le management (management participatif - central dans les prescriptions de rôle -, management de projets,...). En d‟autres termes, ils sont investis de nouvelles missions concernant la gestion managériale du sport et doivent redéfinir leurs secteurs d‟intervention (gestion des équipements de proximité, rationalisation des coûts de fonctionnement, …). Il reste que ces problématiques les positionnent au même niveau que leurs homologues du secteur privé, dont on sait l‟importance qu‟ils accordent à la rationalisation des coûts de fonctionnement. En ce sens, ce rapprochement supposé du management public territorial et du management privé est, de notre point de vue, révélateur d‟une profonde évolution du métier de l‟éducateur territorial. Plus largement, le management public territorial doit tenir compte désormais d‟un environnement complexe et globalisé, amenant l‟acteur territorial à exercer dans des situations de travail variées et changeantes. Pour cela, il doit acquérir « des savoirs lui permettant de transférer ses compétences dans un champ professionnel imprévisible et instable ». Le système de formation a donc pour objectif essentiel d‟apporter « des compétences transférables dans des situations multiples » (Collardin & Lantier, 1982). Ainsi, ce sont les compétences nécessaires à l‟exercice du métier d‟éducateur territorial qui se transforment.

II.2. L’éducateur territorial du sport : un professionnalisme renforcé des activités et des compétences

Une transformation des métiers dans la filière sportive s‟opère, sans doute lente, mais réelle. Les rôles assurés par les agents territoriaux des sports se diversifient. Ils sont tenus d‟offrir un service professionnalisé, impliquant une prise en charge plus autonome de chaque activité. Face à la concurrence âpre du secteur commercial, les collectivités territoriales - et leurs agents - cherchent à « fidéliser les publics » (E7). Pour ce faire, la modernisation des

politiques sportives des collectivitéss‟appuie désormais sur un jeu complet d‟outils de gestion

expérimentés dans le secteur privé (projets de service, entretiens d‟évaluation du personnel,…). Aux méthodes de gestion plus rationnelles et visant l‟optimisation des actions, les dirigeants (administratifs et politiques) ajoutent des obligations de résultats. Des plans

d‟action imposent le respect des délais et fixent les objectifs à réaliser. Dans cette rhétorique

managériale, l‟éducateur est appelé à participer davantage à la définition même des finalités des politiques sportives des collectivités et à leur évaluation. En outre, les ETAPS sont des relais des besoins de la population pour favoriser la prise en compte personnalisée des

1

Avant la création de la filière sportive territoriale, soulignons que les moniteurs municipaux des sports étaient (souvent) recrutés pour l‟enseignement d‟une seule discipline sportive.

problèmes rencontrés par les usagers des services des sports. Du reste, nos interlocuteurs le disent spontanément : les élus reconnaissent leur professionnalisme (E 2).

Plus largement, c‟est sur toutes ces problématiques que les mutations du management public territorial, à travers les contenus de formation (externes et internes) des agents de la filière sportive, jouent, désormais, un rôle décisif. Dans ce contexte, la formation doit s‟adapter et « innover ». C‟est pourquoi la nouvelle réglementation (loi n°2007-209 du 19 février 2007

relative à la FPT1) a réorganisé les diverses catégories de formations dont peuvent bénéficier

les agents territoriaux des sports. La loi entend, notamment, « spécialiser » le processus de

formation des agents territoriaux2. Elle souligne expressément que la formation se déroule,

aujourd‟hui, tout au long de la vie professionnelle3. Elle vise ainsi à structurer l‟action des

acteurs territoriaux du sport et leur professionnalisation sur l‟emploi occupé, en les

encourageant, périodiquement, à entretenir et parfaire leurs compétences4.

Il n‟y a plus à proprement parler de formation initiale (formation avant titularisation ou FAT) et continue (formation d‟adaptation à l‟emploi ou FAE). Les formations obligatoires comprennent désormais les « actions d‟intégration » (dispensées en début de carrière aux agents des catégories A, B et C, elles visent à appréhender la conduite de l‟action publique locale ; en outre, elles vont permettre aux collectivités de disposer dès le recrutement d‟agents rapidement opérationnels sur l‟emploi occupé et partageant la « culture du sport territorial ») et de « professionnalisation » (dispensées tout au long de la carrière et à l‟occasion de l‟affectation dans un poste de responsabilité, elles sont liées à l‟exercice d‟un métier ; elles constitueront un temps fort de la carrière des agents, notamment en termes d‟actualisation des connaissances et d‟échanges sur les pratiques professionnelles). Ces dispositifs se rattachent ainsi à la vie statutaire, mais aussi à l‟évolution de la situation professionnelle. Il s‟agit donc d‟une évolution importante puisque les acteurs territoriaux vont pouvoir disposer d‟un système de formation analogue à celui du secteur privé. D‟ailleurs, le glissement sémantique (passage de la FAT et FAE aux actions d‟intégration et de professionnalisation) n‟est pas anodin : la loi utilise un langage importé de l‟entreprise. Nouveau langage qui implique une redéfinition des « compétences requises ». Parallèlement aux formations obligatoires, les actions de formation personnelle des agents (congé de formation professionnelle, bilan de compétences et VAE) sont encouragées et, le cas échéant, amplifiées (elles s‟intègrent dans le plan de formation des agents défini à l‟article 9 du décret du 26 décembre 2007). Interlocuteur privilégié des collectivités territoriales pour toutes les questions touchant aux compétences et à la professionnalisation des métiers territoriaux, il revient au CNFPT d‟assurer la cohérence

et la modernisation des dispositifs de formation5 et de veiller à leurs adaptations, dans la

durée, aux besoins sportifs locaux. C‟est pourquoi les nouveaux dispositifs de formation

1

JO du 21 février.

2 Pour plus de détails, voir le décret n°2007-1845 du 26 décembre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la FPT, le décret n°2008-512 du 29 mai 2008 relatif à la formation statutaire obligatoire des fonctionnaires territoriaux, et le décret n°2008-513 modifiant les statuts particuliers de certains cadres d‟emplois de la FPT.

3 « La formation professionnelle tout au long de la vie des agents des collectivités territoriales (…) doit favoriser le développement de leurs compétences, permettre leur adaptation au changement des techniques et à l‟évolution de l‟emploi territorial » (art. 1er

de la loi et du décret n°2007-1845).

4 Les statuts particuliers des cadres d‟emplois définissent les durées minimale et maximale de ces formations, ainsi que la périodicité de la formation de professionnalisation tout au long de la carrière (voir l‟article 28 du décret n°2008-513 concernant les ETAPS). Ce texte est entré en vigueur le 1er juillet 2008.

34 Voir en ce sens l‟article 2 du décret n°2008-512.

35 La cohérence des dispositifs entre eux est importante car c‟est d‟elle que dépend la possibilité pour un agent, souhaitant suivre une formation (de professionnalisation), de se limiter à « l‟indispensable » et ne pas « reprendre ce qu‟il connaît déjà » ; il est ainsi tenu compte des acquis antérieurs : acquis de formation et acquis professionnels (voir en ce sens les articles 17,18 et 19 du décret n°2008-512).

seront sans doute conçus à partir des référentiels d‟emplois, d‟activités et de compétences, eux-mêmes nourris de travaux de prospective afin de faire coïncider (au mieux) cohérence

d‟ensemble1

et spécificités locales. Plus largement, le CNFPT s‟inscrit ici dans une démarche d‟aide à une gestion dynamique des ressources humaines des collectivités (analyse des besoins de formation individuels et collectifs, élaboration d‟actions de formation liées aux

activités et négociées entre l‟agent, la collectivité et le CNFPT2

).

Conclusion :

Notre étude a tenté de montrer la professionnalisation accélérée des activités et des compétences des éducateurs territoriaux du sport qui impacte désormais fortement l‟organisation du travail et le mode de management dans les services des sports des collectivités. Les nouvelles pratiques managériales qui se généralisent dans l‟exercice des métiers territoriaux du sport, sont au centre des démarches de modernisation des politiques sportives locales. Avec la transformation du cadre d‟action du service public territorial des sports, on assiste à une forte recomposition des activités et des compétences dans les emplois sportifs territoriaux, ainsi qu‟au renforcement des fonctions transversales dans ces métiers (ces dernières sont d‟ailleurs significatives des évolutions en cours et à venir). La professionnalisation des métiers passe notamment par un accroissement des niveaux de compétence et de formation, autorisant les éducateurs territoriaux à mobiliser, d‟une part, plusieurs registres de compétences selon les problématiques locales (développement de pratiques, par exemple, en rapport avec les contextes culturel et/ou géographique) et, d‟autre part, à recourir aux outils et méthodes de travail propres jusque là au secteur privé.

Ainsi, l‟image de l‟éducateur comme « simple animateur de club ou spécialiste d‟un sport » disparaît-elle progressivement au profit de celle d‟un « animateur-manager des politiques sportives locales ». Cette « professionnalité élargie » de ses missions est la conséquence de la

décentralisation orchestrée maintenant depuis trois décennies, et qui a conduit in extenso à

une réelle reconnaissance statutaire de la fonction publique territoriale3 et, partant, de sa

filière sportive. Elle participe, in fine, aux valeurs et aux représentations de la « société

sportive moderne ».

3 La loi du 19 février 2007 adapte ainsi l‟organisation de la fonction publique territoriale aux évolutions de l‟Acte II de la décentralisation (2003-2004), et aux mutations des collectivités territoriales qui se poursuivent (notamment avec l‟intercommunalité).

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