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L’absence « légale » d’un cadre d’intervention des collectivités territoriales dans le sport

sport territorial

I. L’absence « légale » d’un cadre d’intervention des collectivités territoriales dans le sport

Un bref historique des évolutions des politiques sportives locales va nous permettre de mieux

situer la construction « quasi empirique4 » desdites politiques. Il nous aidera aussi à souligner,

de façon sous-jacente, la progressive reconnaissance institutionnelle des agents qui les

mènent5. La nécessité de donner un statut aux acteurs territoriaux du sport (et de renforcer

ainsi leur légitimité professionnelle) va alors pousser le législateur à créer, en 1992, la filière sportive.

I.1. Les évolutions des politiques sportives des collectivités par le recours à la « clause générale de compétence »6

1 C‟est pourquoi nous pensons qu‟on ne définit pas précisément le concept de professionnalisation, on le décrit globalement. Nous proposerons donc ici une étude transversale du concept portant sur l‟évolution des métiers et des nouveaux besoins de compétences des éducateurs sportifs territoriaux.

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Les compétences, au pluriel, appartiennent au registre cognitif et désignent la capacité à mobiliser les habiletés propres à un métier dans des situations variées. La compétence, exprimée au singulier, révèle une capacité d‟action. Voir, en ce sens, le Guide méthodologique des référentiels d‟emplois, d‟activités et de compétences du CNFPT.

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Nous avons réalisé douze entretiens avec des cadres territoriaux (dont la plupart sont d‟anciens éducateurs) évoluant dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics (CNFPT) entre février et avril 2008. Le détail de la méthodologie employée est donné à la fin de notre article (Annexe n°1). Si le choix de la filière sportive territoriale s‟explique par les affinités et contacts que nous avons avec les acteurs du sport local, l‟étude de cette filière est une bonne illustration des tendances lourdes observables dans l‟ensemble de la fonction publique territoriale (FPT).

4 La plupart du temps, les politiques sportives locales se sont en effet créées ex nihilo. 5

Précisons d‟emblée qu‟avant la Seconde Guerre mondiale les agents communaux étaient régis, globalement, par des règles s‟appliquant aux fonctionnaires de l‟Etat et par des règles établies commune par commune. Ils revendiquaient un statut législatif et non pas réglementaire (c'est-à-dire un statut national) ; cependant, ils seront exclus du champ d‟application du statut général de la fonction publique de 1946.

6 La « clause générale de compétence » a été instituée par la loi sur les communes du 5 avril 1884. Définie par les articles L 1111-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT), elle signifie que les communes peuvent intervenir dans tous les domaines qui concernent l‟intérêt général communal, que les départements peuvent intervenir pour ce qui concerne l‟intérêt général départemental et que les régions peuvent intervenir pour ce qui concerne l‟intérêt général régional. C‟est, le moins qu‟on puisse dire, une définition très générale et très vague !

Schématiquement (et pour faire court), c‟est sous l‟action des acteurs associatifs et fédéraux que le sport est apparu en France au XIX° siècle. Ce n‟est que plus tard (et très progressivement) que l‟Etat, puis les collectivités territoriales, vont accompagner son développement. Les communes notamment vont investir dans la construction d‟équipements sportifs, afin de répondre dans un premier temps aux besoins de la population scolaire, suite à

la loi George du 27 janvier 1880 rendant obligatoire la gymnastique (Arnaud, 1992). Grâce à

la « plasticité » de la notion d‟intérêt général communal (telle que définie par la loi du 5 avril 1884), vont apparaître, dès les années 1920, les premiers stades dans quelques grandes villes

françaises (Lyon, 19201) et, peu après, les premières organisations sportives municipales (le

plus souvent, des offices municipaux des sports - Brest, 1936). Suivront bientôt les services municipaux des sports (Clermont-Ferrand, 1945) qui, progressivement, vont se structurer et

recruter du personnel communal spécialisé2. Puis, en 1952, (loi du 28 avril), sont publiées des

dispositions générales sur le statut des emplois communaux (qui hiérarchisent ces derniers selon un modèle type). Durant les deux décennies qui suivent, la situation va, en revanche,

peu évoluer3. Il faut attendre la mise en œuvre de la politique de décentralisation (acte I de la

décentralisation4) pour que la situation se modifie fortement. En effet, cette politique va

contribuer au renouvellement du mode d‟administration et de gestion des collectivités qui devront « se structurer pour encadrer les services des sports et piloter leur action afin de réfléchir sur les perspectives de développement des politiques sportives » (E 7 ou entretien n° 7). Dès lors, un véritable cadre législatif fonde les bases actuelles du statut général de la

fonction publique et organise les dispositions statutaires5. La loi du 16 juillet 1984 (n°84-610)

610) sur le sport souligne de son côté que « les collectivités territoriales contribuent, au même titre que d‟autres institutions, à la promotion et au développement des activités physiques et

sportives » (APS)6. Ces fonctions attribuées aux collectivités alors même que les lois de

décentralisation n‟avaient pas indiqué que le sport faisait partie des compétences transférées

par l‟Etat, font désormais de celles-ci des acteurs majeurs7

de l‟organisation sportive « à la

française ». C‟est, en effet, dans les territoires que les clubs sportifs s‟enracinent et c‟est à partir d‟eux que le sport français se développe. Précisons, en outre, que l‟absence de service des sports ne signifie pas pour autant l‟absence de politique sportive car la plupart des collectivités territoriales appliquent une politique sportive, même embryonnaire, ne serait-ce que par le versement de subventions aux clubs sportifs (Bolot, 2005).

Les communes, qui occupent historiquement une place prépondérante dans cette action locale, définissent ainsi leurs politiques sportives (et engagent des finances publiques) sur la base de

la « clause générale de compétence »,qui permet à chaque collectivité d‟exercer librement ses

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Notons que si Lyon construit Gerland, ce n‟est pas uniquement pour fournir un stade accessible à la pratique du plus grand nombre, c‟est aussi pour concurrencer la candidature aux JO de Paris (1924).

2 Avec la construction de piscines pour l‟apprentissage de la natation, les collectivités recrutent notamment des maîtres nageurs sauveteurs (MNS), dont la profession est régulée dès 1951.

3 Ainsi, jusqu‟à cette période, l‟histoire des politiques sportives locales est « assimilée » à celle des équipements sportifs et à celle des offices municipaux des sports.

4 Il s‟agit de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, départements et régions (loi sur l‟organisation), de la loi du 17 juillet 1982 portant réforme de la planification, de la loi du 31 décembre 1982 définissant les statuts particuliers de Paris, Lyon et Marseille, des lois du 7 janvier 1983 et du 22 juillet 1983 relatives à la répartition des compétences (lois sur les compétences).

5 Il s‟agit de la loi du 13 juillet 1983 (n°83-634) portant droits et obligations des fonctionnaires, de la loi du 26 janvier 1984 (n°84-53) portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi du 12 juillet 1984 (n°84-594) relative à la formation des agents de la FPT.

6 Article L 100-2 du Code du sport (ancien article premier de la loi du 16 juillet 1984).

7 Notons que depuis plusieurs décennies les organisations municipales des sports contribuent aussi, puissamment, à l‟expression des besoins de la population en équipements sportifs, en animation, en structures, rendant l‟intervention locale incontournable.

compétences (notamment en matière de sport). D‟une manière générale, cette clause permet aux collectivités de décider librement de l‟organisation de ses services publics territoriaux, selon les priorités fixées par ses instances délibératives (Conseil régional pour la région, Conseil général pour le département et Conseil municipal pour la commune). Il en va de même pour le recrutement des agents, en particulier des personnels encadrants.

Plus largement, l‟article 72 de la Constitution de 1958 justifie également l‟intervention des

collectivités sur les politiques sportives (principe de libre administration des collectivités).

Intervention qui trouve son fondement là aussi... dans l‟intérêt public local ! Assurément,

chacun connaît cette caractéristique « botanique » du droit français qui est de vouloir « pousser en branches » (Grua, 1993). Cela peut poser quelques problèmes en ce que la production normative en matière sportive apparaît un peu dispersée, mais c‟est le « prix » d‟une politique sportive de proximité. Quoi qu‟il en soit, l‟essentiel, rappelle un de nos interlocuteurs, est « de donner du sens à chaque action qu‟on propose de mettre en place et d‟en déterminer les effets attendus » (E 3). Mais, dès les années 1980, dans un marché

économique des APS qui s‟ouvre à la concurrence1, le développement du sport local répond

désormais à un tel enjeu qu‟il devient dès lors fondamental de donner aux professionnels territoriaux du sport ce qu‟ils réclament depuis longtemps, à savoir un véritable cadre statutaire spécifique.

I.2. La création de la filière sportive territoriale dans un contexte local en profonde mutation

La décentralisation a renforcé les pouvoirs locaux et a façonné, petit à petit mais inexorablement, un « management territorial » en vue d‟améliorer l‟efficacité des politiques locales. Dans le domaine du sport, cela s‟est traduit notamment par l‟importance accordée aux problématiques sportives locales et aux moyens de leur mise en œuvre par les agents territoriaux (dont les statuts restaient encore à inventer au début des années 1990). Mais, les enjeux croissants des politiques sportives territoriales, déployées dans un contexte juridique de plus en plus complexe et dans un contexte intercommunal plus prégnant, vont conduire le

législateur à créer, en 1992, la filière sportive territoriale2. Celle-ci remplace alors le statut

communal dont les caractéristiques étaient l‟absence de catégorieAet un recrutement sur titre

(sans concours). Les décrets n°92-363, 364 et 368 du 1er avril 1992 instaurent la création de

trois cadres d‟emplois3

sportifs de catégorie A, B et C4au sein des collectivités. Il s‟agit des

conseillers territoriaux des activités physiques et sportives (CTAPS) - catégorie A (décret n°

92-364 modifié), des éducateurs territoriaux (ETAPS) - catégorie B(décret n°92-363 modifié)

et des opérateurs territoriaux (OTAPS) - catégorie C (décret n°92-368 modifié). Le

recrutement des agents se fait par voie de concours organisés par le Centre National de la

Fonction Publique Territoriale (CNFPT)5 - pour les conseillers - ou les Centres

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La massification et la diversification des pratiques sportives ont permis, à cette époque, l‟émergence d‟une offre sportive marchande qui s‟est insérée entre l‟offre publique proposée par les collectivités, et l‟offre portée par le mouvement associatif.

2 Il existe, en sus de la filière sportive, sept autres filières (administrative, technique, médico-sociale, culturelle, animation, police municipale, pompiers professionnels). Chaque filière correspond à des activités de même type dans les grands secteurs de compétences.

3 Le cadre d‟emplois correspond au corpsde la fonction publique étatique et hospitalière. Il regroupe l‟ensemble des agents soumis au même statut particulier (ce dernier ayant, pour chaque cadre d‟emploi, défini des missions). 4 La catégorie se définit par le niveau de recrutement (niveau de l‟enseignement supérieur, baccalauréat, inférieur au baccalauréat), ainsi que par la nature des fonctions (direction, conception, encadrement et coordination de services, application et/ou encadrement, exécution).

5 Le CNFPT est un établissement public à caractère administratif, créé en même temps que la FPT par la loi du 26 janvier 1984 (n°84-53). Institution clef du paysage territorial, il assure notamment la cohérence et la modernisation des dispositifs de formation professionnelle des agents et leur adaptation aux besoins locaux.

départementaux de gestion de la FPT - pour les éducateurs et les opérateurs1. Ces concours, « dont le niveau d‟exigence aujourd‟hui - précise un cadre départemental - a permis de faire

évoluer le niveau global dans chaque service » (E 6), comportent des épreuves qui sont, en

règle générale, de même nature : compositions et notes (notes administratives et/ou de synthèse) pour l‟admissibilité, épreuves orales et physiques pour l‟admission (les programmes, bien évidemment, sont distincts). Des mesures d‟intégration ont également été prévues pour les agents en exercice (notamment les moniteurs municipaux des sports, les

maîtres nageurs sauveteurs,…) avant la publication des décrets. Une décennie plus tard, dans

le prolongement de ces dispositifs, la nouvelle législation sur la décentralisation2 (acte II)

confère une compétence générale aux régions et aux départements, qui peuvent désormais

intervenir sur les questions sportives de leur circonscription3. Ainsi, l‟action des régions dans

le domaine sportif s‟oriente vers la formation, celle des départements vers le social.

En définitive, dans le cadre de la décentralisation et de la « clause générale de compétence »,

une collectivité peut librement décider de créer un service public territorial des sports. Ce choix est bien évidemment politique. En offrant un service public au plus grand nombre d‟usagers possibles dans les meilleures conditions possibles, il s‟agit de répondre à des besoins fortement exprimés par les administrés. Pour cela, les élus doivent recruter du personnel compétent sur le plan technique mais aussi managérial ; en d‟autres termes, des professionnels de la gestion sportive locale, aptes à mettre en œuvre des connaissances techniques et organisationnelles et des « compétences sociales » (communication, capacité de travailler en équipe, prise d‟initiatives pertinentes,…). D‟ailleurs, « même si l‟animation et l‟enseignement sportif constituent toujours une grande part de notre activité - souligne un ETAPS - quand ils nous recrutent, les élus ne recherchent plus automatiquement la spécificité sportive, ils recherchent aussi des gestionnaires et des managers polyvalents » (E 11). Cet extrait d‟entretien est révélateur d‟une tendance lourde d‟évolution des métiers des éducateurs et est significatif de l‟exigence de professionnalisation accrue sur l‟emploi occupé, attendue par les élus.

II. La professionnalisation accrue des métiers des éducateurs territoriaux du sport

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