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1- L’officialisation de l’Enseignement sportif et le développement du Plein air

L’éducateur sportif dans le secteur postscolaire : une nouvelle approche historique des formations, 1943-1961

II- 1- L’officialisation de l’Enseignement sportif et le développement du Plein air

1 Circulaire n°1983 EPS/2 du 24 novembre 1948, op. cit.

2 Malgré le conflit du début des années 1950 entre les professeurs certifiés d‟EPS et les maîtres d‟EPS du secteur scolaire, l‟accès à la fonction publique, à travers la maîtrise d‟EPS, est un enjeu de taille pour les aides-moniteurs le plus souvent issus du monde ouvrier. Voir au sujet des relations « professeur / maître » ATTALI, M., Le syndicalisme des enseignants d’éducation physique, 1945-1981, Paris, L‟Harmattan, 2004, p. 50.

Le secteur postscolaire connaît en 1949, après la fin du tripartisme gouvernemental et l‟arrivée du

plan Marshall (Berstein et Milza, 2000, p.11-14),une restructuration administrative menant à la

naissance d‟un bureau unique de gestion de l‟éducation physique et des sports de la jeunesse non scolaire. Le deuxième Bureau devient ainsi la structure nationale en charge du postscolaire. Dans le même temps, une classification rationnelle des activités postscolaires est déterminée. Après la phase de construction tout azimut dans le secteur de la Jeunesse ouvrière, du Plein air et de

l‟Enseignement sportif1, la direction générale souhaite structurer son engagement par la création

de trois sous-directions au sein du deuxième Bureau. Les agents des services régionaux et départementaux ainsi que les aides-moniteurs voient leurs activités de plus en plus cloisonnées dans le postscolaire dans les domaines de la Jeunesse Ouvrière et Rurale, du Plein Air et de

l‟Enseignement sportif2. Malgré le maintien d‟une cohérence générale dans les missions du

postscolaire, l‟année 1949 marque par la séparation des domaines d‟intervention, le début des réflexions sur la spécialisation des aides-moniteurs. Dans le même temps, le support initial des

actions du postscolaire évolue dans ce sens. Les centres d‟activités physiques3 (CAP),

initialement créés pour rassembler la jeunesse des centres d‟apprentissage et des usines, sont

complétés en 1953 par les centres d‟initiation sportif4 (CIS), les centres de perfectionnement

sportif5 (CPS) et les centres d‟initiation sportif de plein air (CISPA). Alors que la définition des

CAP ouvre la voie de l‟éducation sportive pour les jeunes ouvriers et les apprentis, les CIS, les CPS et les CISPA, par leur instauration, tentent de généraliser la pratique sportive et le plein air pour l‟ensemble de la jeunesse inorganisée.

Néanmoins, l‟enseignement sportif des CIS et des CPS se dissocie naturellement des enjeux des CISPA au-delà de la gestion administrative au sein du deuxième Bureau. Par conséquent, le concept de spécialisation est ici impérativement à éclairer. En effet, la première phase de spécialisation du postscolaire prend deux formes à l‟entrée des années 1950. La première tend, comme nous l‟avons déjà exposé, vers une séparation des domaines d‟action. Les « spécialistes » de l‟enseignement sportif et les « spécialistes » du plein air développent à travers les CIS, CPS et CISPA des modèles particuliers de diffusion de l‟éducation sportive. Ensuite, dans l‟enseignement sportif même, la naissance des centres de perfectionnement témoigne d‟une volonté politique de créer une relation forte entre le monde fédéral et le secteur postscolaire. La spécialisation sportive après l‟initiation multisports est un élément clef dans la réforme des formations d‟éducateur sportif. Toutefois, avant d‟entrer plus en détail au sein des influences de cette spécialisation sur l‟évolution des statuts d‟éducateurs sportifs, il semble important de déterminer avec précision les axes forts de l‟enseignement sportif et du plein air dans le secteur postscolaire.

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À partir de 1949, le secteur postscolaire divise ses actions autour de la Jeunesse ouvrière, de l‟Enseignement sportif et du Plein air. Ce dernier, jugé essentiel pour la formation physique des jeunes au travail, prend une place particulière au sein des formations d‟éducateur sportif.

2 Circulaire EPS/2 n°2775 du 3 novembre 1949. Bulletin Officiel de l‟Éducation nationale n°47 du 24 novembre 1949.

3 Circulaire n°460 EPPS du 30 mai 1945. Fascicule Jeunesse Ouvrière et Rurale 1960. Archives personnelles de Roland Devisy.

4 Circulaire n°537 EPS/2 du 12 mars 1953. Fascicule Jeunesse Ouvrière et Rurale, 1960. Archives personnelles de Roland Devisy.

Pour les centres d‟initiation, l‟enjeu est de taille : « obtenir que tout jeune, avant de se spécialiser, bénéficie d‟un ou deux ans d‟entraînement omnisport au cours duquel on l‟aidera à découvrir sa

vocation sportive1 ». Les CPS viennent alors compléter les missions des CIS afin de former les

jeunes spécialistes sportifs utiles à la pratique fédérale. Destinés initialement aux jeunes de quatorze à vingt ans sur le modèle des centres d‟activités physiques, les CIS peuvent, lorsque la situation locale est favorable, recruter des jeunes scolaires de onze à douze ans. Ainsi, l‟action du postscolaire dépasse le cadre des activités physiques et sportives des jeunes en dehors de l‟école pour compléter une formation physique de base des jeunes scolaires. Le plus souvent dans les zones rurales, cette action particulière à destination des onze Ŕ douze ans s‟expliquent par l‟absence d‟un maillage associatif efficace. En effet, l‟objectif des CIS et des CPS est à la fois de

combler le vide fédéral et de diffuser une éducation sportive sur l‟ensemble du territoire2. Dans le

cas où une association locale préexiste, les centres d‟initiation ont pour mission de se greffer à cette dernière afin de l‟aider dans son recrutement et dans la gestion des débutants. À aucun moment, l‟administration centrale ne souhaite entrer en concurrence avec les fédérations sportives. Par les CIS, la direction générale de la Jeunesse et des Sports (DGJS) tente au contraire d‟apporter un soutien aux zones difficilement conquises par le monde fédéral. Dans le même temps, malgré la conception unisport des CPS, l‟objectif reste le même. Les centres de perfectionnement s‟adressent à des jeunes pratiquants déjà spécialisés et, à ce titre, ces organismes se présentent comme des lieux de perfectionnement pour des sportifs appartenant par ailleurs à des associations. Malgré les craintes des dirigeants locaux au début de l‟expérience en 1953 d‟un glissement de leurs effectifs vers les CPS, « ils sont unanimes à reconnaître maintenant l‟intérêt d‟une telle organisation » (Bertrand, 1954, p.37). À titre d‟exemple, l‟expérience réalisée dans la région lyonnaise entre la Fédération Française de Lutte (FFL) et les CPS du Rhône est remarquable. Organisés sous forme de stage, 26 lutteurs bénéficient de l‟enseignement des maîtres d‟EPS et des aides-moniteurs spécialisés. Malgré le peu de données statistiques sur l‟évolution du niveau de pratique et sur le nombre de licenciés dans la région lyonnaise, il reste que la lutte, au début des années 1950, n‟est pratiquée dans le lyonnais que par quelques licenciés des fédérations affinitaires. Pourtant, en 1954, la lutte lyonnaise, grâce à son activité « retrouvée », se voit offrir l‟organisation des championnats nationaux FFL, ce qui témoigne

d‟une évolution non négligeable3. Au nombre de 1519 sur toute la France dans l‟année 1953, les

CIS, grâce à leur caractéristique multisports, restent majoritaires par rapport aux CPS qui se

limitent à 4324.

Dans le même temps, la création des centres d‟initiation sportif de plein air connaît une logique identique à la construction des CIS pour répondre à la demande croissante d‟accès aux activités de plein air. Avant tout multisports, les CISPA se placent dans la continuité des actions des centres d‟activités physiques où l‟objectif central est d‟offrir à l‟ensemble de la jeunesse française un lieu d‟accès aux activités de plein air peu pratiquées. Essentiellement destinés aux jeunes urbains afin de favoriser les conditions d‟un retour à la nature, les CISPA ne ferment cependant

1

Circulaire n°537 EPS/2, op. cit.

2Ibid.

3Ibid.

4Éducation physique et sportive de la Jeunesse non scolaire. Ministère de l‟Éducation Nationale, haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports, non daté. Archives du ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative. Document du service de documentation.

pas leurs portes aux jeunes ruraux qui, certes, passent la plupart de leur temps au grand air sans accéder toutefois aux joies des pratiques de plein air.

La spécialisation des actions du secteur postscolaire dans les domaines de l‟enseignement sportif et du plein air, malgré les enjeux de formation très différents entre le développement des pratiques sportives et la gestion des enjeux sécuritaires, conduit à poser de nouveau la question des formations. Nous l‟avons plusieurs fois précisé, en dehors du monde fédéral et des réglementations de la loi Montagne de 1948, aucun diplôme, à part l‟aide-moniteur et la maîtrise d‟EPS, ne permet une gestion cohérente des perspectives de la fin des années 1950. En effet, comment les aides-moniteurs et les maîtres d‟EPS généralistes des pratiques sportives, peuvent-ils répondre à la bascule spécialisante des CIS, CPS et CISPA ?

La formation des personnels du secteur postscolaire passe essentiellement par les stages de perfectionnement au sein des CREPS. Aucun diplôme spécifique n‟est mis en place à partir de la spécialisation des domaines. En effet, les CIS restent des lieux de pratique multisports où l‟éducateur, par sa connaissance plurielle dans les activités sportives, peut mettre en œuvre une pratique sportive pour tous. De même, les CISPA sont aussi des lieux de pratiques multisports

depuis la publication officielle en 1958 des activités considérées comme relevant du plein air1.

Par conséquent, la spécialisation se limite dans un premier temps à une séparation des secteurs d‟intervention où l‟éducation physique au sein des CAP, les sports dans les centres d‟initiation et les centres de perfectionnement et le plein air dans les CISPA se répartissent des généralistes par secteur d‟activité. Ainsi, l‟aide-moniteur ou le maître d‟arrondissement en charge du plein air encadre l‟ensemble des activités de plein air sans spécialisation tout en se cantonnant à ce seul domaine d‟action. En somme, le glissement progressif vers les diplômes de spécialité sportive s‟amorce au début des années 1950 par une distinction administrative des actions du secteur postscolaire.

II-2- Les premières étapes du brevet d’éducateur sportif : le rôle du plein air dans la fin des

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