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1953-1967 : D’une émanation de l’État à une structure plus autonome

Formations et diplômes fédéraux à la FFEPMM Sports pour Tous: de compétences étatiques à des compétences propres, puis

I- 1953-1967 : D’une émanation de l’État à une structure plus autonome

De la création d‟une Amicale en 1953 à la mise sur pied de la Fédération Française EPMM en 1967, l‟organisation étudiée a utilisé des personnels pour encadrer des activités physiques. Mais, n‟étant pas encore fédérale, la structure ne pouvait pas détenir ses propres formations et diplômes, et devait utiliser des compétences extérieures. Créée directement par des personnels des services extérieurs de Jeunesse et Sport, c‟est donc naturellement des qualifications de cet organe d‟État dont se sert la future FFEPMM Sports pour Tous. Nous détaillerons plus loin les qualifications exploitées par l‟Amicale, mais l‟on peut déjà noter qu‟elle demeure très liée à son institution de référence. En effet, tous ses membres sont des fonctionnaires de l‟institution « Jeunesse et Sports ». En outre, le premier bulletin de l‟Amicale comprend, juste après l‟éditorial, une double page comportant d‟une part la photographie de Monsieur Gaston Roux, Directeur Général de la Jeunesse et des Sports, et d‟autre part sa lettre de soutien au

Président de l‟Amicale, M. Bartel3

. Gaston Roux y précise accepter « le patronage du Bulletin

de votre Amicale4 ». En outre, il semble intéressant de noter que le titre « Jeunesse ouvrière,

enseignement sportif, plein air » qui apparaît sur la couverture des revues Ŕ le nom du bulletin ne figurant qu‟en petits caractères tout en bas Ŕ n‟est autre que celui des fascicules de documentation administrative publiés par le ministère de l‟Education Nationale, qui exposent notamment l‟action du Haut Commissariat à la Jeunesse et aux Sports, et plus largement la division administrative du secteur post-scolaire débutée en 1949 et officialisée en 1953. Le lien ne saurait passer inaperçu. Les amicalistes ne cherchent d‟ailleurs aucunement à s‟en

1 Les différents niveaux de ces diplômes disparaissent en 1976, 1977 et 1978.

2 D‟une manière plus précise, nous avons conduit 18 entretiens entre avril 2004 et juillet 2007, avec 10 cadres fédéraux différents.

Ce travail est issu d‟une thèse : Coulbaut A, Histoire et Identité d’une Fédération Sportive: l’exemple de la Fédération Française EPMM Sports pour Tous, Thèse de doctorat STAPS (dir B. During), Paris, Université Paris-Descartes, 2008.

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Bulletin n°1, mars 1954, p. 4-5. 4Ibid.

cacher, puisque l‟on trouve même dans les bulletins, en dernière page, la précision que « cette

revue est publiée avec l‟approbation du Haut Commissariat à la Jeunesse et aux Sports »1

Ces liens expliquent, en vertu de l‟article n°4602, du 30 mai 1945, pourquoi l‟Amicale ne

pouvait se prolonger par aucun club. En effet, cet article stipule que « le domaine d‟action du service de l‟éducation physique post-scolaire ne s‟étend pas aux jeunes qui sont groupés dans des associations sportives ». L‟action de l‟Amicale ne pouvait donc concerner que les jeunes

des structures post-scolaires ministérielles. Il s‟agit des CAP (Centre d‟Activités Physiques3),

des CIS (Centre d‟Initiation Sportive4

) et des CPS (Centres de Perfectionnement Sportif). L‟une des dimensions fondamentales de ces deux derniers types de centres réside dans le fait qu‟ils forment les jeunes aux activités physiques, puis les confient Ŕsurtout les meilleurs d‟entre euxŔ aux clubs afin qu‟ils évoluent, notamment en compétition. Cet élément est précisé à plusieurs reprises. Par exemple, dans le numéro de mai 1956, le rédacteur explique que, grâce aux compétitions Jeunesse Ouvrière, « nous pensons fournir aux Fédérations des éléments « neufs » qui auront acquis au sein de la Jeunesse Ouvrière, sinon une grande

technique, du moins un véritable esprit sportif 5 ». Cela exige de la part des animateurs un

désintéressement total, puisqu‟ils ne peuvent tirer aucun bénéfice symbolique de la réussite de leurs protégés, celui-ci revenant aux clubs. Il faut préciser que ces animateurs s‟attachent davantage à l‟aspect éducatif du sport et des activités physiques, qu‟aux aspects compétitifs

qu‟ils laissent globalement aux fédérations6. Il s‟agit là d‟un fonctionnement très particulier,

qui positionne la future Fédération Française EPMM d‟une manière singulière de par l‟origine de ses cadres sportifs. On note à ce propos que plusieurs types d‟intervenants sont mis à contribution pour l‟encadrement des activités. Celui-ci est essentiellement assuré par le personnel JOR du secteur post-scolaire, puis par les personnes formées sur place. Il s‟agira

par exemple pour ces dernières des aides-moniteurs7. Les aides-moniteurs sont des animateurs

animateurs bénévoles qui oeuvrent dans les centres tels que les CAP par exemple. Leur formation est sanctionnée par un Brevet d‟aide-moniteur, en vigueur depuis l‟arrêté du 10 septembre 1946. Elle comprend une préformation réalisée dans un centre proche de la résidence du postulant, suivie d‟une formation effectuée lors d‟un stage d‟un ou trois mois

1 A titre d‟exemple, voir bulletin n°21-22, septembre-octobre 1959, p.104. 2 Fascicule de documentation administrative Jeunesse Ouvrière, 1960, p.23.

3 Le texte n°2845 EPS/2, du 5 octobre 1953, définit les CAP comme « des organismes grâce auxquels un milieu professionnel peut bénéficier de l‟aide des services départementaux de la Jeunesse et des Sports, afin d‟accroître, par l‟entraînement physique : la force, la vitesse, l‟adresse, la résistance des jeunes ouvriers et ouvrières de 14 à 20 ans et améliorer ainsi leur bon état physique général, leur résistance à la maladie, leur valeur professionnelle, leur aptitude à éviter les accidents, leurs chances de bonheur et leur comportement social. ».

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Les CIS ont un fonctionnement différent, puisqu‟ils ne sont pas liés à une entreprise. La circulaire EPS/2 n° 537 du 12 mars 1953 les définit comme les organismes « grâce auxquels on s‟efforcera de généraliser la pratique sportive dans la masse et d‟obtenir que tout jeune, avant de se spécialiser, bénéficie d‟un ou deux ans d‟entraînement omnisport au cours duquel on l‟aidera à découvrir sa vocation sportive ». Ce qui correspond bien à l‟éducation sportive développée alors à l‟Institut National des Sports, à partir des idées de M. Baquet. Ces centres s‟adressent « en principe à des jeunes de 14 à 20 ans […] non scolaires », mais peuvent « pour des raisons d‟ordre technique ou tenant à un plus facile regroupement des jeunes », étendre leur action à des jeunes d‟ « un âge scolaire, 11 ou 12 ans par exemple. ». Ils visent à compenser le manque d‟associations sportives dans les communes, ou l‟incompétence de ces associations.

5 Bulletin de l‟Amicale, n°7, mai 1956, p.17. L‟acquisition de ce « véritable esprit sportif » est dû, selon l‟auteur, au fait que « les rencontres se déroulent, dans la plupart des cas, sur des terrains de fortune, toujours sans arbitre officiel, sans public, sans annonce ni commentaire dans la presse, et il est agréable, réconfortant, de voir nos jeunes se livrer à fond, donner le meilleur d‟eux-mêmes, et apporter dans la lutte l‟esprit sportif le plus pur ». 6 Même s‟il existe des compétitions inter-CIS, perçues davantage comme une stimulation que comme un objectif avec une victoire à conquérir.

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Voir l‟article de Y. Blondel, Les sports dans le secteur post-scolaire : une nouvelle approche historique de l’éducateur sportif 1943-1964, dans le présent ouvrage.

dans un CREPS terminé par un examen1. Les candidats aide-moniteurs se recrutent sans niveau d‟entrée particulier, étant précisé qu‟il s‟agit souvent d‟ « un contremaître ou un ouvrier d‟une certaine ancienneté, appartenant à l‟entreprise qu‟il connaît bien, ardent,

convaincu et désireux de conseiller ses jeunes camarades2 ». Le temps de stage d‟un ou trois

mois dépend du temps dont dispose le candidat, ainsi que de l‟importance de la préformation qu‟il a suivie. Il semble que le choix de la durée soit laissée aux candidats, tout en rappelant que pour ces stages, « un concours d‟entrée a lieu dont le niveau est facilement accessible

après les cours de préformation3 ». En outre, le caractère facultatif est affirmé pour ces stages,

stages, tout en sachant que « le stage se termine par un examen. Les candidats qui se sont

préparés par leurs propres moyens peuvent également s‟y présenter4

». Mais seul le succès à l‟examen permet la délivrance du Brevet d‟Aide-Moniteur. Ces personnes prennent le relais, pour l‟animation des activités physiques, du personnel JOR du secteur non scolaire, auprès de

qui ils peuvent trouver soutien et conseil5. A noter que le personnel JOR du secteur

post-scolaire peut comprendre « des professeurs et des maîtres d‟éducation physique et sportive, titulaires ou délégués, des instituteurs, des agents contractuels enfin dont le travail est

uniquement consacré à la jeunesse non scolaire6». Concernant les compétences requises, nous

nous apprenons que « cette diversité d‟origine prouve déjà que les qualités requises de ce

personnel, outre un niveau technique minimum, sont surtout la foi et le dynamisme7. » On

trouve également parmi ces éducateurs sportifs des Brevetés d‟État, en particulier de plein air. Ces Brevets d‟État de plein air ne correspondent pas aux futurs Brevets spécialisés par activité physique, mais sont basés sur une conception polyvalente du plein air développée à l‟époque

par l‟institution Jeunesse et Sports. Généralistes8, ils regroupent l‟encadrement des activités

définies par Jeunesse et Sports comme étant de plein air, du camping au canoë en passant par

la randonnée pédestre ou cycliste9… Ils conviennent particulièrement bien à l‟encadrement

des différentes activités proposées par l‟Amicale et conviendront tout aussi bien à ses formes postérieures, Association Nationale et Fédération EPMM. Dans ce domaine, particulièrement mis en avant par l‟Amicale, puis l‟Association Nationale et la Fédération EPMM, l‟existence de diplômes de plein air généralistes permet à l‟organisation étudiée de se reposer une fois

1 Pour des précisions quant aux modalités d‟organisation, aux dispositions réglementaires… ainsi que des exemples, se reporter au livret Education Physique et Sportive de la Jeunesse non scolaire, Édition du Bulletin de l‟Amicale des anciens stagiaires, animateurs des activités physiques de la jeunesse ouvrière et rurale, p.17-20, sur « L‟Aide-moniteur, Sa place- Sa formation ». En outre, un numéro entier de la Revue EPMM est consacré aux aides-moniteurs et aide-monitrices. Il s‟agit du n°46/47, de novembre 1965. Bien qu‟ultérieur à la période de l‟Amicale, ce numéro fournit une documentation précise sur ces personnes et leur statut.

2 Livret Education Physique et Sportive de la Jeunesse non scolaire,op cit, p.18. 3

Livret Education Physique et Sportive de la Jeunesse non scolaire,op cit, p.19. 4

Ibid.

5 Ce brevet, échelon de base de la formation, ne constitue en rien une limite pour ses titulaires. En effet, sans nous lancer dans une étude de leur devenir, nous pouvons signaler qu‟au moins l‟un d‟entre eux deviendra par la suite titulaire d‟un doctorat en sociologie…

6 Fascicule de documentation administrative, section 153/B, 1960, p.10. 7Ibid.

8 Même s‟ils correspondent au début de la spécialisation des « éducateurs sportifs » du post-scolaire (voir Y. Blondel dans le présent ouvrage), ils sont encore généralistes et imprégnés d‟une conception du plein air dont l‟influence demeurera nette chez les responsables de ce qui deviendra la FFEPMM.

9 La Circulaire E.P.S./2 n°1928 du 23 mai 1958 définit comme activités de plein air « susceptibles d‟obtenir l‟appui des services » la liste suivante : « moyenne montagne et escalade ; randonnée à ski ; natation et jeux d‟eau ; canoë, kayak ; navigation à voile ; spéléologie ; camping, randonnées pédestres ou cyclistes, à la condition essentielle que ces randonnées généralement associées au camping aient pour cadre la nature et pour objectif principal une ou plusieurs des activités ci-dessus ou une connaissance et une étude des multiples aspects de la nature », Fascicule de documentation administrative, section 153/C/1/2, 1960, p.21 Cependant, d‟autres textes du même fascicule mentionnent d‟autres activités de plein air, comme l‟exploration sous-marine, le ski, les sports automobiles et motonautiques…

encore sur les compétences étatiques, sans nul besoin de développer des formations spécifiques dans ce domaine, même lorsque son évolution l‟y autorisera. Ce qui ne pose pas question tant qu‟elle n‟est qu‟une Amicale. En effet, l‟imbrication Amicale/Institution tutélaire se révèle considérable, puisque les animateurs de l‟Amicale sont des fonctionnaires d‟État, formés par le ministère au sein des CREPS. Mais la distinction est très peu faite entre l‟encadrement d‟activités en tant qu‟attribution professionnelle pour laquelle les personnels sont rémunérés, et l‟encadrement d‟activités au-delà de leur temps de travail, notamment en soirée, pendant les week-end et les vacances. Ce qui correspond à une certaine vision altruiste du service public assez répandue dans la société française des années 1950 (Vivier et Loudcher, 1998). Cela contribue à la confusion bénévoles/professionnels. Sans entrer ici dans le détail et les débats liés à ces termes de bénévoles et de salariés, notre distinction s‟effectue

simplement sur la définition légale de l‟un et de l‟autre1

, précisant notamment que le premier œuvre volontairement et ne perçoit pas de rémunération pour son activité, à l‟inverse du second.

L‟Amicale encadre des activités d‟abord dans des centres de type CAP, CIS, etc., comme nous l‟avons vu. Mais deux transformations, l‟une spécifique, et l‟autre liée au contexte plus général, la mènent à encadrer ensuite ces activités dans les clubs qu‟elle crée. La première tient en des modifications statutaires l‟ayant conduite à devenir une Fédération Française, pouvant donc rassembler des clubs en son sein. La seconde s‟observe dans la disparition progressive au cours des années 1960 des centres dans lesquels elle oeuvrait, disparition qui n‟est pas sans influence sur le changement de stratégie de la nouvelle FFEPMM, que nous verrons plus loin.

A la fin des années 1960, l‟organisation devenue fédération encadre différentes activités grâce au personnel d‟État mais également, peu à peu, à des personnes non fonctionnaires, animatrices bénévoles. On passe d‟un ancrage strictement étatique à une vision qui se centre peu à peu davantage sur la structure, son développement par le biais d‟activités nouvelles, de la prise en compte d‟un public diversifié, de cadres nouveaux, et bientôt, de ses propres diplômes.

II- 1970-2000 : Appropriation d’un délaissement de l’État et marquage territorial d’une

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