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1- Le partenariat État – fédérations : les stages de formation des services départementaux et régionaux de la Jeunesse et des Sports

L’éducateur sportif dans le secteur postscolaire : une nouvelle approche historique des formations, 1943-1961

I- 1- Le partenariat État – fédérations : les stages de formation des services départementaux et régionaux de la Jeunesse et des Sports

La Quatrième République, grâce à l‟ordonnance de 1945, instaure de nouvelles relations avec les mondes sportif et fédéral. L‟octroi des subventions et l‟obligation des visites médicales pour les clubs est le moyen, malgré la délégation de pouvoir, de contrôler les activités des associations sportives (Lassus, Martin et Villaret, 2007, p.119-154). Pourtant, la qualité de l‟enseignement des

moniteurs et des éducateurs sportifs, formés en grande majorité par les fédérations elles-mêmes3,

ne peut pas rester en dehors de l‟expertise de l‟État. En effet, dans une période de reconstruction ministérielle, l‟urgence n‟est pas à la création des diplômes d‟encadrement. En revanche, la

participation des services extérieurs4 de la Direction Générale de l‟Éducation Physique et des

Sports (DGEPS) apparaît comme un élément important des relations fédérations Ŕ État dans la gestion des formations d‟éducateur sportif.

1 La création du deuxième Bureau au sein de la Direction Générale de la Jeunesse et des Sports en 1949 et la distinction de ces activités entre la Jeunesse Ouvrière et Rurale, l‟Enseignement Sportif et le Plein Air sont, nous le développerons par la suite, une source de rupture dans l‟approche des formations d‟éducateur sportif du secteur postscolaire.

2 Voir aussi l‟article de J. Pierre dans le présent ouvrage.

3 Voir à ce sujet l‟article d‟A. Coulbaut dans le présent ouvrage qui se focalise sur l‟exemple de la Fédération Française d‟Entraînement Physique dans le Monde Moderne.

4

Les services extérieurs sont représentés par les services régionaux ou académique de la Jeunesse et des Sports et par le service départemental de la Jeunesse et des Sports.

Le cas des stages sportifs nationaux et régionaux est, dans ce cas de figure, une réponse intéressante à la codification des formations des intervenants sportifs non soumis aux réglementations spécifiques des pratiques à risque. Organisés par « entente directe entre les

fédérations sportives et la direction générale de la Jeunesse et des Sports1 », ils ont pour objectifs

de perfectionner, dans la pratique d‟un sport déterminé, les athlètes de niveau national ou international en vue de les intégrer aux associations sportives. Ceux-ci s‟étendent également aux

moniteurs et aux entraîneurs présents dans les clubs2. Directement gérés par les niveaux

régionaux ou départementaux de la Jeunesse et des Sports, les stages sont élaborés à partir de

l‟expérience des maîtres d‟EPS affectés au secteur postscolaire3

. Dans un contexte de « crue brutale » (Chantelat et Tétard, 2007, p.17) des effectifs fédéraux entre 1945 et 1947, passant de 850 000 à 1,7 million de licenciés (Callède, 2002, p.127-147), la DGEPS instaure les stages sportifs au sein de l‟Institut Nationale des Sports (INS), de l‟École Normale Supérieure

d‟Alpinisme (ENSA) et des Centres Régionaux d‟EPS (CREPS)4

en fonction des spécialités sportives.

Un double but est poursuivi non seulement autour du contrôle des contenus de formation et du perfectionnement des moniteurs et des éducateurs sportifs en action dans les associations sportives, mais aussi autour du développement des clubs dans les zones géographiques en

pénuries5. Ainsi, les formations apparaissent comme un moyen pour l‟État d‟accompagner la

diffusion de l‟éducation sportive sur le territoire. L‟amélioration technique et morale des éducateurs est l‟œuvre des établissements nationaux (INS, ENSA) et régionaux (CREPS). L‟encadrement est assuré par le personnel des établissements et peut être complété par des

éducateurs bénévoles jugés compétents par les fédérations dans la spécialité enseignée6. Pour les

stages régionaux, l‟enseignement est réalisé par les professeurs et les maîtres d‟EPS détachés

dans les CREPS7. L‟accès aux stages n‟est toutefois pas de droit pour l‟ensemble des candidats.

En ce qui concerne les athlètes, ils doivent êtres âgés de dix-sept ans minimum et de trente ans maximum et passent un examen de performance dans leur activité de référence. En revanche, pour les moniteurs, les exigences sont très différentes. Âgés de vingt ans au minimum, ils sont invités à satisfaire à un examen portant sur les connaissances générales à l‟activité et sur des

épreuves pédagogiques8. En somme, le niveau de performance pour une tranche d‟âge limitée est

le point central de sélection des athlètes, alors que la connaissance de l‟activité et les enjeux pédagogiques déterminent l‟accès aux stages pour les moniteurs. Néanmoins, la sélection pour les stages nationaux est du ressort des fédérations qui sont responsables de l‟homogénéité des candidats, et pour les stages régionaux, il appartient au chef du service académique de la Jeunesse et des Sports de mener une large prospection, sous couvert des ligues régionales, pour constituer

des équipes homogènes9. Malgré les différences entre le stage des athlètes et des moniteurs,

1 Circulaire DDS/16 du 16 mai 1946. 2

Circulaire EPS/1 du 10 février 1950. 3

Le secteur postscolaire, dont nous développerons ses actions par la suite, regroupe l‟ensemble des actions d‟éducation physique et sportive à destination des jeunes travailleurs et des jeunes inorganisés. La jeunesse inorganisée regroupe les quatorze Ŕ vingt ans au travail, dans les écoles d‟apprentissage, ainsi que l‟ensemble de la même classe d‟âge se situant en dehors des mouvements de jeunesse et des fédérations sportives.

4

Circulaire DSS/16, op. cit.

5 Circulaire EPS/1 n°2123 du 30 juin 1950. 6 Circulaire DSS/16, op. cit.

7Ibid.

8

Circulaire EPS/2 n°401 du 10 février 1950. 9 Circulaire DSS/16 du 24 mai 1946.

l‟objectif de l‟Administration centrale est de disposer dans le plus grand nombre d‟associations, d‟un éducateur sportif formé.

Parallèlement, l‟accent est porté sur la formation morale des éducateurs en développant une relation d‟influence entre les établissements formateurs et les stagiaires. La relation de confiance apparaît ici essentielle pour la construction des techniques adaptées à chaque activité. Par

conséquent, au-delà des apports spécifiques, les directives officielles1 rappellent le rôle important

important d‟une formation physique de base comme support des techniques sportives spécifiques. Le principe « d‟éducation sportive » est ici l‟axe central des positions de l‟État. En effet, derrière le perfectionnement dans une discipline sportive et grâce à la relation de confiance que doivent créer les instructeurs, la DGEPS souhaite réinstaurer une formation physique générale dans chaque enseignement de spécialité. L‟urgence sanitaire d‟une population en souffrance durant la guerre nécessite ainsi la mise en œuvre concrète d‟une « éducation physique de base » dans chaque sport.

Destinés à l‟élite, les stages nationaux nécessitent une sélection technique approfondie de la part des fédérations. Ils n‟entrent que très rarement dans le dispositif de massification des associations sportives prôné par la DGEPS. En revanche, l‟action des stages régionaux répond à la double problématique du perfectionnement et du recrutement des nouveaux moniteurs et éducateurs sportifs. Le constat de l‟administration centrale du début des années 1950 est clair : l‟augmentation du nombre de licenciés et du nombre d‟associations sportives engendre inévitablement une augmentation du nombre d‟éducateurs. Cependant, la répartition géographique des associations n‟est pas homogène sur l‟ensemble du territoire français. Ainsi, l‟organisation des stages doit, dans les secteurs les plus riches en associations, conforter les vocations d‟éducateur. Dans les zones de faible implantation, la mission des services départementaux de la Jeunesse et des Sports s‟inscrit à la fois dans la construction des nouvelles vocations et dans la formation des futurs éducateurs sportifs nécessaires à la vie de l‟association locale.

Avant l‟organisation d‟un stage sportif, les services départementaux sont amenés à réaliser un

bilan de la situation locale dans le domaine de l‟animation sportive2. Le nombre d‟associations, le

le nombre d‟éducateurs bénévoles déjà formés et l‟identification des zones les moins fournies en associations sportives sont les principaux éléments nécessaires à un examen précis. En partenariat avec les ligues régionales et les comités départementaux, les agents du service départemental de la Jeunesse et des Sports sont missionnés pour créer et encadrer les associations sportives. L‟objectif est sans appel au début des années 1950 : favoriser par tous les moyens l‟encadrement sportif des jeunes. Ainsi, lorsque les éducateurs sportifs bénévoles manquent pour créer une

association, les fonctionnaires départementaux, principalement des maîtres d‟EPS3, animent et

prospectent dans les zones géographiques les plus défavorisées en pratique sportive. En d‟autres termes, le partenariat avec les fédérations sportives dépasse la formation des éducateurs déjà en action dans les associations pour tendre vers une implication en lieu et place des ligues et des

1 Circulaire EPS/1 n°2123, op. cit.

2Ibid.

3 Les maîtres d‟EPS dans le secteur postscolaire possèdent le statut de maîtres d‟arrondissement. Ils ont en charge l‟organisation des activités sportives et la gestion des associations et des éducateurs sur l‟ensemble de l‟arrondissement.

comités dans la création et la gestion des associations sportives. Une fois le fonctionnement autonome de la structure associative grâce au rattachement fédéral, les fonctionnaires Jeunesse et

Sports peuvent orienter les nouveaux éducateurs bénévoles vers les stages sportifs régionaux1.

« Une fois le stage terminé, les services départementaux doivent veiller à ce que les stagiaires

accomplissent réellement les tâches pour lesquelles ils ont été formés2 ». L‟administration

centrale qui finance pour une grande part les frais engendrés par les stages sportifs, demande en contrepartie que les éducateurs sportifs enseignent réellement à la jeunesse l‟ensemble des connaissances techniques acquises lors de la formation. Des engagements écrits sont alors envisagés entre les stagiaires et les services départementaux afin de s‟assurer du retour sur investissement des stages. Le contrôle des activités effectives des éducateurs sportifs se réalise majoritairement à travers l‟utilisation des fiches et des rapports transmis chaque année par les éducateurs, sous couvert des services départementaux, à la direction générale. Néanmoins, l‟aspect « inspection » est ici à relativiser. En effet, le rôle des maîtres EPS s‟engage plutôt vers

un accompagnement de l‟encadrement et des initiatives des éducateurs bénévoles3

. En toute logique, par une prospection importante, la mission des services départementaux est de généraliser sur l‟ensemble de la France un maillage en associations sportives suffisant à la pratique du plus grand nombre de jeunes, souvent sortis prématurément du système scolaire. En définitive, les stages sportifs nationaux et régionaux, en proposant une spécialisation de haut niveau à destination des moniteurs et des athlètes, et en assurant, au niveau local, la formation des éducateurs sportifs bénévoles, se substituent aux fédérations sportives afin d‟assurer une diffusion massive des pratiques en France. Le recensement des formations, malgré la flexibilité laissée à chaque service départemental par l‟absence de programme national, est un autre moyen de s‟assurer de l‟efficacité de l‟action. Dans le cas présent, le partenariat État Ŕ fédérations permet aux jeunes délégataires du champ sportif de construire de manière quasi autonome une organisation et une gestion des diplômes d‟éducateurs. En revanche, celui-ci permet à l‟État, par la mise à disposition des logistiques humaine et matérielle des services départementaux, d‟élaborer un examen permanent des formations et de l‟utilisation des éducateurs des diverses ligues régionales et des comités départementaux. Rapidement pourtant, l‟État est amené à officialiser l‟un des premiers brevets sportifs garantissant un socle commun de connaissance pour les éducateurs sportifs.

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