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Ce que les professeurs attendent de leurs élèves en mathématiques

U est aussi un ensemble élémentaire

2. Ce que les professeurs attendent de leurs élèves en mathématiques

Lors de divers stages de formation continue ou en formation initiale à l’IUFM, nous avons posé directement aux enseignants la question suivante : quelles attitudes, quels comportements souhaiteriez-vous qu’un élève ait quand il fait des mathématiques ? L’analyse que nous proposons porte sur cent seize réponses à cette question, soixante six venant d’enseignants expérimentés, inscrits volontairement à une formation sur la démonstration, et cinquante de stagiaires PLC215.

Demander aux enseignants ce qu’ils attendent d’un élève qui fait des mathématiques vise les conceptions que ces professeurs ont de l’activité mathématique, en rapport avec leur enseignement, plus directement pensons-nous, que si on leur demande de décrire ce que signifie pour eux faire des mathématiques. Notre objectif est de décrire les cent seize réponses obtenues au moyen des activités que nous avons qualifiées de mathématique, technique, d’apprendre et scolaire.

Notre méthodologie d’analyse des réponses

L’expérience dans le métier, nulle pour les PLC2 et non nulle pour les enseignants en formation continue, est une variable qu’il nous a semblé important de prendre en compte dans notre analyse, les préoccupations des enseignants débutants étant différentes de celles de leurs collègues plus expérimentés. Nous avons ainsi étudié, d’une part les cinquante réponses des professeurs stagiaires, que nous avons découpées en cent cinquante-huit éléments de réponse (au sens que nous précisons ci-dessous), d’autre part, les soixante-six réponses des professeurs plus expérimentés, enseignant tous en collège, réponses qui ont été scindées en trois cent trente-neuf éléments de réponse.

Ce que nous appelons un élément de réponse, c’est un groupe de mots décrivant une idée qui se rapporte à notre description de l’activité mathématique ou bien aux autres étiquettes de technique, d’apprendre ou scolaire. Illustrons notre propos par des exemples recueillis dans les réponses. « Avoir un esprit critique » est rattaché à une activité mathématique, « maîtrise d’un certain nombre de règles » renvoie à une activité que nous avons qualifiée de technique, « faire des recherches dans son cours ou ses exercices, dans le manuel scolaire » relève de ce que nous avons nommé une activité d’apprendre, « trouver le sens de la question, de la consigne » renvoie à une activité scolaire. Nous avons classé autres les éléments que nous ne pouvions ranger dans aucune des catégories précédentes, comme par exemple « je souhaiterais qu’il perçoive les exercices comme un jeu intellectuel, amusant (?). ». Pour montrer comment nous avons découpé une réponse en différents éléments, nous prenons deux exemples.

Chapitre 2 (Première partie) - Les attendus des enseignants et le contrat usuel

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La première réponse a été donnée en 2005 par un enseignant expérimenté de collège (nous avons ajouté des numéros pour faciliter la compréhension de nos commentaires) :

→ s’impliquer, ne pas regarder le prof ou les autres élèves faire des maths. (1) → ne pas accepter de ne pas comprendre : en maths, tout s’explique. (2) → pour être performant, il faut s’entraîner avec sérieux et régularité. (3) → les maths : l’école de la rigueur, des règles (sans exception !) (4)

→ pour les exercices de base, pas besoin de beaucoup d’imagination, se donner la peine de comprendre la règle et de l’appliquer correctement (5)

→ faire des erreurs à l’entraînement est un bon moyen pour progresser à condition d’analyser correctement celles-ci pour ne pas les reproduire (6)

Cette réponse est facile à scinder en différents éléments puisque l’auteur lui-même l’a fait en allant à la ligne pour chaque nouvelle idée. Nous avons classé les éléments (2) et (4) comme relevant de l’activité mathématique, l’élément (1) nous semble correspondre à une activité essentiellement scolaire, l’élément (5) à une activité

technique, enfin les éléments (3) et (6) en rapport avec une activité d’apprendre de

l’élève, qui, si l’on en juge par (6), peut être proche de l’activité mathématique. La seconde, dont l’auteur est aussi un enseignant expérimenté de collège, est moins évidente à séparer en différents éléments. Nous avons rajouté des numéros dans le texte pour montrer notre découpage :

L’élève doit être concentré (1), faire attention à chaque mot du texte de façon à se l’approprier (2) et doit chercher à comprendre pourquoi ce qu’il lit dans les questions de l’énoncé est vrai (3). Il doit pour cela faire appel à ce qu’il sait (4). Il doit avoir le goût de trouver, de chercher à comprendre ce qui se passe (5). Il cherche une méthode logique (6) et élégante pour approfondir et comprendre le problème posé.

Nous avons relevé six éléments de réponse. Les trois premiers relèvent à notre sens d’une activité scolaire, l’élément (3) évoque le vrai, mais il ne s’agit pas de la recherche de la vérité, on doit, en vertu du contrat, considérer que l’énoncé dit le vrai, il n’y a pas de doute, qui pourrait amener à une activité mathématique. L’élément suivant, le (4), montre que cette vérité est obtenue par une mise en œuvre des connaissances du cours. Nous rattachons cet élément à une activité essentiellement technique car il s’agit d’appliquer ce qu’on sait. De la fin de la réponse, nous avons retenu deux éléments qui concernent l’activité mathématique, la volonté de comprendre et le raisonnement (logique).

Les résultats de notre analyse

Les tableaux ci-dessous rendent compte de nos résultats. Ces pourcentages sont à considérer avec beaucoup de précautions, nous ne les considérons que comme des indicateurs assez grossiers des parts relatives des différents types d’activités tels que nous les avons définis :

Ce que les professeurs de mathématiques stagiaires disent qu’ils attendent de leurs élèves, c’est

qu’ils aient une activité essentiellement

mathématique technique d’apprendre scolaire autre

Ce que les professeurs de mathématiques expérimentés disent qu’ils attendent de leurs élèves, c’est

qu’ils aient une activité essentiellement

mathématique technique d’apprendre scolaire autre

Sur 339 éléments de réponse : 48 % 6 % 6 % 31 % 9 %

Dans les attendus des enseignants, cette part assez importante d’activité que nous qualifions de scolaire indique la part du contrat social, cadre nécessaire à toute activité collective16. Comme prévu, les attentes des enseignants stagiaires sont légèrement différentes de celles de leurs collègues plus expérimentés : ils sont en effet essentiellement à la recherche d’une position d’autorité dans la classe, concevant difficilement que l’intérêt et la concentration des élèves soient liés à la tâche qu’ils ont à accomplir, au problème qu’ils ont à résoudre, et demandent davantage que les élèves aient une activité scolaire. Ceci est fort bien mis en évidence dans la réponse suivante :

Ne pas se balancer sur sa chaise, se tenir correctement face au tableau, ne pas parler avec son voisin , ne pas parler quand le professeur fait une explication au tableau, ne jamais dire « j’ai rien compris » avec un air médisant et tourner la tête vers ses voisins pour rigoler quand le prof tente vainement de réexpliquer, sortir une feuille et un stylo, ne pas crier, ni hurler, ne pas insulter le prof, ne pas lui lancer d’objet…, poser des questions en rapport avec le cours, ne pas siffler…, après toutes ces conditions on arrive enfin à faire cours correctement.

Il ne faut en effet pas voir trop d’ironie dans cette tirade : l’auteur est sincère ! De plus un enseignant stagiaire juge de sa capacité à s’imposer en tant que maître au fait que ses élèves sont calmes et silencieux. Nous faisons l’hypothèse que ce professeur a des difficultés à gérer ses classes. Ces mêmes attentes scolaires sont aussi mises en avant dans des réponses d’enseignants expérimentés (nous en proposons deux à la fin de ce paragraphe). Certains enseignants ont même une image très étroite de l’élève qui fait des mathématiques, uniquement orientée vers l’utilisation du cours, comme le montre, par exemple, cette autre réponse d’un professeur stagiaire :

Qu’il soit attentif aux explications données au tableau par le professeur.

Qu’il cherche à comprendre le cours et non à l’apprendre par cœur sans comprendre. Qu’il fasse des exercices d’entraînement (en particulier, ceux donnés par l’enseignant) en essayant d’appliquer le cours correspondant, qu’il recherche dans le cours les outils utiles à la résolution de l’exercice s’il a des difficultés à démarrer, et qu’il fasse le lien entre cours et exercices (utilité du cours pour la résolution d’une certaine classe d’exercices).

Pour un élève, faire des mathématiques en classe voudrait donc dire bien écouter le professeur, comprendre le cours, s’entraîner avec des exercices d’application. Ceci est loin de notre description de l’activité mathématique. Enfin, quelques-uns de ces stagiaires sont tellement centrés sur leur propre rôle dans la classe qu’ils en oublient l’activité mathématique de leurs élèves et qu’ils s’inventent une autre question. Voici une partie d’une réponse qui n’a même pas été répertoriée sous les rubriques

Chapitre 2 (Première partie) - Les attendus des enseignants et le contrat usuel

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précédentes, car, au lieu de se placer sur le plan de l’élève, un enseignant répond sur son rôle à lui :

[…] Il faut encourager toutes les propositions, toutes les pistes, et voir dans quelle mesure elles sont intéressantes, ne pas hésiter à valoriser les idées de la classe.

Si l’on regroupe les résultats obtenus, sans distinction entre stagiaires et professeurs plus expérimentés, on obtient les résultats suivants, qui — et nous insistons sur ce point — sont à considérer comme des indicateurs très approximatifs des parts relatives des différents types d’activités attendues par les enseignants :

Ce que les professeurs de mathématiques disent qu’ils attendent de leurs élèves, c’est qu’ils aient une activité

essentiellement

mathématique technique d’apprendre scolaire autre

Sur 497 éléments de réponse : 47 % 5 % 6 % 33 % 9 %

La conclusion qui se dégage de ces résultats chiffrés, c’est que les attendus des professeurs par rapport à leurs élèves ne relèvent pas clairement17 que de l’activité mathématique : seulement 47 %. Une réelle activité mathématique ne correspond pas à la moitié de ces attentes. Globalement, 42 % des attendus sont non mathématiques, dont une proportion importante d’attendus scolaires. La part des attendus techniques est faible au regard de ce que nous allons mettre en évidence dans la deuxième partie de ce chapitre.

Enfin voici deux réponses intégrales de deux enseignants de collège expérimentés, qui ne renferment rien qui puisse être raccroché à une activité

mathématique :

Réponse 1

Attitude, comportement - calme

- pas de menaces, d’injures - qu’il reste assis

- communique avec ses camarades (engendre des discussions) Image des mathématiques

Outil pour les autres matières Réponse 2

La même attitude que quand il fait de l’histoire, ou de l’anglais ou…, à savoir parfois une attitude « curieux », parfois une attitude « appliqué ».

Nous classons l’intégralité des attentes de ces enseignants dans le domaine scolaire. Si le professeur lui-même n’exprime même pas l’idée qu’il attend que ses élèves pratiquent une réelle activité mathématique, il est impossible que celle-ci puisse avoir lieu dans ses classes. Cette attitude évoquée ci-dessus, de curiosité, d’application, devrait être induite par l’activité mathématique en classe, et non pas préalable à celle-ci : on est curieux face à une (vraie) question et appliqué si on est intéressé à se donner les moyens d’y répondre. Il reste que certaines réponses posent

17 Nous avons précisé que les activités technique et d’apprendre pouvaient, suivant les conditions dans lesquelles elles étaient pratiquées, être proches ou non de l’activité mathématique.

questions ! Pour terminer donnons en effet un extrait relevé dans une réponse d’un enseignant de collège expérimenté, l’enseignant dit ce qu’il attend d’un élève : Qu’il admette avant de comprendre.

Ceci montre combien les conceptions des enseignants peuvent même être à l’opposé de notre modèle de l’activité mathématique.

Dans la suite de ce travail, nous envisageons un moyen d’accéder aux conceptions des enseignants, sur la preuve notamment.

LE CONTRAT USUEL RELATIF A LA PREUVE DANS LES PRATIQUES DE CLASSE DE COLLEGE

Les faits décrits dans cette partie, en rapport avec l’enseignement de la preuve en collège, qui nous permettent d’illustrer ce contrat, ont été saisis dans des lieux différents : stage de formation continue, manuel scolaire, préparation de cours rédigée par un enseignant, classe, site officiel de l’Education Nationale, mémoires professionnels d’enseignants débutants. Ce ne sont pas seulement ces quelques exemples qui nous ont permis d’expliciter ce contrat, mais nous les avons choisis car ils sont génériques. Nous verrons dans la suite de notre étude que tous les exemples choisis par rapport à l’apprentissage de la preuve (en collège) se situent bien dans ce contrat.

1. On sait que… or… donc… : la recette « miracle » pour apprendre à

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