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U est aussi un ensemble élémentaire

7. Présentation de la suite de notre travail

Cette deuxième partie comporte sept chapitres.

Elle propose une ingénierie de formation sur la preuve en mathématiques. Elle s’adresse à des enseignants de collège ou lycée, stagiaires (PLC266) ou expérimentés, des formateurs, des inspecteurs. Elle débute par un chapitre où nous montrons que le contrat usuel relatif à la preuve est fondé sur des malentendus (nous définissons ce mot), ceci constitue un autre point d’appui pour infléchir un changement dans les pratiques. L’ingénierie de formation est ensuite présentée dans le chapitre 8 : elle se décline sur les chapitres 9 à 12.

66 Professeurs de Lycée ou de Collège, qui ont réussi les concours de recrutement du CAPES ou de l’agrégation et qui sont en année de formation à l’IUFM (c’est, pour ceux qui ont préparé le CAPES à l’IUFM, leur 2e année de formation à l’IUFM).

CHAPITRE 7 LES MALENTENDUS

« Tu te conduis comme un enfant. Les malentendus ont-ils jamais gêné l’amour ? N’est-ce pas le contraire ? Tu n’es pas ici en géométrie. » (Jean Giono, Les âmes fortes, 1949)

L’objet de ce chapitre est de montrer en quoi un autre regard sur les actions des élèves, dont les raisons sont la plupart du temps interprétées en termes de difficultés, peut permettre de sensibiliser les enseignants à la reconnaissance que certaines pratiques sont inopérantes. Nous interprétons certaines réactions d’élèves en termes de sources d’actions pour le professeur, non pas de re-médiation par rapport à ces élèves, mais en vue d’un changement de pratique pour tous. Il s’agit en effet bien souvent de malentendus. Nous allons donc préciser ce que nous entendons par ce terme, le concept nous étant utile en tant qu’outil d’analyse de ce qui se passe en classe de mathématiques67.

Pourquoi ce terme de malentendu ? Il convient pour expliquer certains faits de classe, certaines productions d’élèves, qui, au premier abord, paraissent surprenants, mais qui, à notre sens, révèlent que, dans la classe, l’élève et le professeur évoluent dans des univers parallèles sans qu’aucun des deux ne s’en rende compte : l’un

entend mal ce que dit l’autre, voire ne l’entend pas du tout. Bautier & al (2006) parle

de malentendu en tant que « […] co-construction de l’école et des élèves qui ne sont pas de plain-pied dans les attendus scolaires ». Cette définition introduit une dissymétrie entre le professeur et les élèves : on pourrait la reformuler en disant que certains élèves n’entendent pas ce que voudrait leur dire l’école. Ce n’est pas seulement ce que nous voulons dire. Nous ajoutons dans ce terme de malentendu que le professeur n’entend pas non plus ce que lui dit l’élève dans certains cas, et c’est ce point que nous voulons développer dans notre ingénierie de formation. Lorsque nous disons que l’élève et le professeur évoluent dans des univers parallèles, nous ne parlons pas du phénomène qu’on dit de dédoublement de la situation, dans la théorie des situations didactiques, qui désigne le fait que les élèves évoluent dans une situation qui n’est pas celle du professeur (Perrin-Glorian & Hersant 2003). Nous voulons décrire cette réalité où, dans certains cas, il n’y a même pas de situation du tout, tant la distance est grande entre ces deux univers parallèles.

Il ne faut pas voir dans l’utilisation de ce mot de malentendu une façon anodine de qualifier certains dysfonctionnements. On pourrait croire en effet qu’il suffirait de

lever le malentendu pour que l’élève et le professeur se retrouvent en phase. Bien au

contraire, les malentendus dont nous parlons sont résistants et difficiles à lever, comme nous l’explicitons dans la suite.

Chapitre 7 (Deuxième partie) - Les malentendus

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Une même tâche donnée par le professeur peut induire divers types d’activités suivant les élèves d’une même classe. Ainsi le décrivent Bautier & al (2006) :

Concernant le travail scolaire, certains élèves sont simultanément dans la tâche et dans l’activité, c’est-à-dire la réflexion sur l’objet à apprendre et l’apprentissage de l’objet par l’intermédiaire de la tâche à faire, quand d’autres sont dans la seule exécution du travail demandé qui n’entraîne pas d’apprentissage au-delà de celui qui concerne l’effectuation du travail […]

Ceci voudrait dire que certains élèves auraient les clés pour décrypter ce qui est à apprendre et que d’autres ne les auraient pas. Ces auteurs ajoutent que le milieu social d’origine joue sur ce plan un rôle primordial. Nous ne le nions pas, mais nous ne nous aventurons pas sur ce terrain. Dans toutes les analyses qui suivent, relatives à des épisodes de vie scolaire, nous adoptons une position épistémologique qui nous permet d’agir sur le plan de la formation et de l’enseignement des mathématiques. Nous la décrivons ainsi : l’élève est de bonne volonté et n’est pas en posture de refus de l’école, il fait ce qu’il pense être attendu par le professeur, le professeur a pour objectif premier l’apprentissage de mathématiques par ses élèves. Des raisons qui poussent les élèves à agir de telle ou telle manière, nous excluons celles qui sont d’ordre personnel68, non pas parce que nous pensons qu’elles ne sont pas importantes ; au contraire, ces raisons-là ont une influence non négligeable sur les attitudes, mais nous n’avons pas de moyens d’action dans les domaines qu’elles mettent en jeu. Ainsi nous nous contentons d’identifier, parmi les explications possibles de certains faits scolaires, celles qui se rapportent à l’école, aux pratiques des enseignants…, tout en pensant que ces comportements d’élèves sont finalement inévitables et découlent, presque nécessairement, des contextes dans lesquels ils sont placés.

Nous distinguons plusieurs types de malentendus, que nous illustrons ensuite par des exemples, un même exemple pouvant d’ailleurs aider à en décrire plusieurs.

• Le professeur ne réalise pas que le type de tâche proposée à l’élève ne conduit pas nécessairement à l’apprentissage escompté. L’élève réussit la tâche, à chaque fois qu’elle lui est donnée, le professeur n’a pas d’indice lui permettant de voir que l’apprentissage visé n’est pas réalisé. Pour illustrer ce cas, on évoque les élèves qui réussissent à écrire des preuves suivant la règle « on sait que… or…donc… », mais qui n’ont pas compris ce qu’était une preuve. Nous le désignons par le malentendu réussite de l’élève.

• Le professeur constate l’échec de l’élève dans la réalisation d’un type de tâche, il l’identifie alors comme étant « en difficulté » dans l’apprentissage escompté, bien que celui-ci ne découle pas nécessairement du type de tâche. Celui-ci n’est cependant pas remis en cause. Ce cas est désigné par malentendu

diagnostic échec.

• Le professeur ne se rend pas compte que certains apprentissages préalables sont nécessaires à l’entrée des élèves dans la preuve. Il pense que le « bon sens » suffit, que « cela va de soi » pour que l’on puisse comprendre le jeu mathématique. Il a en vue le rapport attendu des élèves à la preuve, il ne voit

pas qu’il doit asseoir sa pratique sur le rapport existant des élèves à la preuve. Nous l’appelons le malentendu rapport existant des élèves à la preuve. • Le contrat dans la classe est tel qu’il est antinomique de l’activité

mathématique. Nous avons déjà étudié dans le chapitre 2 combien les attendus scolaires pouvaient être loin des mathématiques. Ceci peut être source d’un malentendu sur la nature du savoir. Nous l’appelons le malentendu sur le

savoir.

• Le professeur, malgré son souci de faire entrer les élèves dans une démarche mathématique, ne réalise pas que la tâche proposée peut les détourner de toute activité mathématique. Le malentendu est tel que l’élève n’apprend rien du tout sur le plan mathématique.

Nous illustrons d’abord, avec l’exemple de l’ami malade, ce cas extrême, que nous nommons malentendu du détournement mathématique.

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