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U est aussi un ensemble élémentaire

3. La tendance : on traite un autre problème

Nous avons utilisé la seule variable stratégie employée pour identifier cette tendance ou catégorie.

Comment la variable stratégie employée permet d’identifier cette tendance Certaines des stratégies de preuve adoptées, bien qu’en dehors de la question, répondent à un critère pour déterminer un point, comme par exemple, rechercher un point qui réalise l’égalité des distances à quatre autres points. C’est une sorte d’esprit de justice qui guide les enseignants qui oublient le problème. En voici un exemple : […] Deuxième idée :- SA≈ SB≈ SC≈ SD.

- Si points A, B, C, D sont cocycliques, on sait résoudre. - Si points A, B, C, D non cocycliques

→ tracés des quatre médiatrices, on obtient quatre centres de cercles circonscrits. […] (extrait de FC02-02)

Mais d’autres, comme celle qui consiste à réduire le quadrilatère de départ jusqu’à ce qu’il devienne « très petit » sont des pseudo-procédures de convergence, sans réel fondement mathématique par rapport à ce problème : elles ont pour seul objectif d’aboutir à un seul point qui serait le centre cherché.

⇒ recherche sur le triangle avec médiatrice et barycentre.

⇒ médiatrice des points groupés par 3 puis les médiatrices des 4 points obtenus et récurrence de quadrilatère de + en + petit.

[…] (extrait de FC06-4-G2)

Les enseignants se raccrochent à ces stratégies, sans se rendre compte qu’ils se détournent ainsi du problème à résoudre.

Ces deux stratégies évoquées, comme toutes celles qui figurent dans cette catégorie et que nous illustrons ci-dessous, relèvent d’une conception de la preuve comme moyen de faire fonctionner des méthodes connues, en rapport avec la composante de conception FM101 (fichier-méthodes). Le problème est que certaines de ces stratégies n’ont qu’une vague parenté avec des méthodes reconnues et qu’elles sont utilisées sans raisons mathématiques. Il faut dire que le problème incite102, par les objets familiers qu’il met en jeu, à se raccrocher à un environnement connu. Les enseignants se sentent dans un milieu familier, celui de la géométrie plane, des segments, triangles et quadrilatères. Ils manipulent cependant ces objets sans avoir

de problématique de recherche mathématique. Une telle pratique de résolution des

problèmes, de la part des enseignants, qui est aussi celle qu’ils enseignent, est un obstacle à la pratique mathématique par rapport à un problème comme le Centre de secours.

Nous identifions ainsi au travers de l’utilisation de ces procédures, cette tendance, identifiée par on traite un autre problème, qui regroupe les productions où des développements assez importants sont rédigés suivant les stratégies que nous allons décrire ci-dessous.

Les stratégies qui relèvent de cette tendance

Stratégie CS-ED (Centre de Secours : Egalité de Distances)

Elle peut se formuler ainsi : on recherche un point qui réalise l’égalité des

distances à deux, trois ou quatre points. Elle est illustrée par le premier exemple

donné dans le sous-paragraphe précédent.

Ceci conduit au milieu pour le cas de deux points, ce qui est vrai. Cette procédure donne le centre du cercle circonscrit pour le cas de trois points, ce qui

101 Une preuve se construit à partir des stratégies courantes vues dans le cursus secondaire, elle repose sur un corpus de connaissances construit et bien identifié dans lequel il n’y a qu’à puiser.

Chapitre 10 (Deuxième partie) - Le Centre de secours

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n’est vrai que si le triangle a tous ses angles aigus. Pour quatre points, on n’obtient le centre du cercle circonscrit à ces quatre points, que s’ils sont cocycliques.

Comme nous l’avons dit, se raccroche à cette stratégie une certaine idée de justice : on voudrait mettre tous les villages à égalité. On ne se rend pas compte que cela n’est pas cohérent avec le problème posé. On risque en effet d’éloigner le centre de secours d’un village sous prétexte que la distance du centre aux villages doit être la même, alors que cela ne change rien pour le ou les villages les plus éloignés de ce centre.

Dans certaines productions, on propose de tracer a priori des médiatrices ou des cercles circonscrits à des triangles, sans pour autant expliciter que l’on recherche un point qui soit équidistant des quatre villages, ni que l’on cherche un point qui réalise le minimum de la plus grande distance à chaque village . Nous identifions tout de même cette stratégie CD-ED au travers de ces productions. Voici un exemple :

[…] Ensuite j’ai commencé par tracer les médiatrices des côtés du quadrilatère formé par les quatre villages mais ça « n’avait pas l’air » de mener à grand chose à part pour certains cas particuliers (lesquels ?). […] (extrait de FC06-1-G1)

Notons bien que cette méthode donne une réponse au problème dans plusieurs cas de figures. Lorsqu’elle apparaît après un raisonnement, comme, par exemple, pour le cas de trois villages formant un triangle aux angles tous aigus, nous ne la relevons pas dans cette catégorie. Nous l’identifions uniquement dans le cas où elle est présentée comme un moyen de trouver un point qui respecte une certaine égalité, sans référence à la question de départ.

Stratégie CS-MSD (Centre de Secours : Minimiser la Somme des Distances) Elle veut dire : on cherche à minimiser la somme des distances du centre aux

quatre villages.

Voici un exemple :

On a voulu minimiser les distances du centre de secours aux quatre villes. Pistes explorées :

* Tracer les quatre centres des cercles circonscrits aux 4 triangles et recommencer l’opération

* minimiser la fonction OV1 + OV2 + OV3 + OV4 […] (extrait de FC06-6-G2)

Cette approche correspondrait, par exemple, au problème de la construction d’une laiterie chargée de collecter le lait dans les villages. Chaque village fournissant une quantité de lait telle que la cuve du camion serait remplie, le transporteur de lait devrait en effet faire un aller-retour entre chaque village et la laiterie. On chercherait alors à minimiser le nombre de kilomètres que devrait faire le camion.

Dans le cas de trois points alignés, on démontre que le minimum est obtenu pour l’un des points, celui qui est situé entre les deux autres.

Dans le cas de trois points non alignés, on démontre que le minimum n’est obtenu pour un point intérieur au triangle, le point de Toricelli, que si les trois angles

construits en reliant ce point aux trois sommets mesurent moins de 120° ; sinon, il est obtenu pour l’un des sommets du triangle.

Dans le cas de quatre points qui forment un quadrilatère convexe, le minimum est obtenu pour le point d’intersection des diagonales, en effet :

• le point I d’intersection des diagonales [AC] et [BD] est un point M en lequel les sommes positives MA + MC et MB + MD sont minimales, donc en lequel la somme MA + MB + MC + MD est minimale et égale à AC + BD ;

• supposons que le minimum de MA + MB + MC + MD soit obtenu en un point M autre que I, alors MA + MB + MC + MD ≤ AC + BD ; de plus, M n’appartient pas à l’un au moins des segments [AC] ou [BD], donc, on a

AC < AM + MC ou BD < BM + MD. Donc

AC + BD < MA + MB + MC + MD ≤ AC + BD, ce qui est impossible.

Dans le cas de quatre points qui forment un quadrilatère concave, on démontre que le minimum est obtenu pour le point qui est à l’intérieur du triangle qui constitue l’enveloppe convexe du quadrilatère.

Stratégie CS-R (Centre de Secours : Réduction)

On la formule ainsi : dans la recherche du centre de secours, on remplace

certains points par un seul, ce qui permet de réduire le nombre de points ou la figure obtenue.

Voici un exemple, qui montre cette procédure associative : […]

② J’essaie en enlevant une contrainte : s’il n’y avait que trois points, je saurais où placer le centre de secours (CS) mais évidemment, même en prenant le milieu de ce point et du quatrième, ça ne fonctionne pas tout le temps.

[…] (extrait de FC06-7-G1)

Cette stratégie ne convient pas. Un contre-exemple peut être donné par quatre points A, B, C, D tels que le triangle ABC soit rectangle en C et que D appartienne à l’intérieur du disque de diamètre [AB]. Soit O le milieu de [AB], O est le centre de secours relatif aux trois points A, B, C, et celui des quatre points A, B, C, D. Il ne peut pas être le milieu de [OD] comme le donne la stratégie.

Elle propose de remplacer trois des points par un seul point, comme on l’utilise, sous certaines conditions, pour la recherche d’un barycentre par exemple, grâce à la propriété qui s’appelle justement l’associativité du barycentre.

Nous avons vu un autre exemple dans le premier sous-paragraphe, où l’on obtient « un quadrilatère plus petit ». Puisqu’on cherche un point (l’unicité de ce point n’est jamais remise en question), il est plus facile de l’obtenir à partir d’un quadrilatère « plus petit », d’où l’idée de réduire de plus en plus celui-ci, jusqu’à imaginer qu’il ne reste plus qu’un point.

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Stratégie CS-ID (Centre de secours : Intersection des Diagonales du quadrilatère) Il s’agit de : on détermine le point d’intersection des diagonales du

quadrilatère formé par les quatre points.

Voici un exemple :

Première idée : nous avons pensé au quadrilatère de Varignon : Schéma :

Nous avons placé les quatre villages de façon quelconque, tracé le « quadrilatère des milieux » et tracé les diagonales de ce quadrilatère.

Le centre de secours serait l’intersection des diagonales.

[…] (extrait de PLC2-06-5-G1)

Cette procédure, couramment utilisée dans une approche naïve du problème, est la plus simple qui fasse apparaître un point construit à partir de quatre autres points. On peut évidemment en trouver des contre-exemples. Elle fait parfois suite à une autre procédure qui consiste d’abord à réduire le quadrilatère (CS-R) par exemple), puis à en tracer les diagonales lorsqu’il est « petit ».

Stratégie CS-B (Centre de Secours : Barycentre)

On la formule ainsi : on cherche l’isobarycentre des quatre points.

Cette stratégie est très souvent mise en avant, pour trouver directement le centre de secours (c’est l’isobarycentre) ou comme un intermédiaire. Voici un exemple :

A1, A2, A3, A4 sont quatre points du plan

1) On cherche à minimiser la fonction scalaire ! f : M a MAi2 i=1 4

"

Indication : considérer l’isobarycentre des points

!

Ai

( )

i=1,…,4

[…] (FC06-5-G2)

Les mots de barycentre ou d’isobarycentre évoquent un centre, centre de gravité, mais la norme associée ne correspond pas à celle qui sous-tend la recherche du centre de secours. Le barycentre est notamment utilisé pour minimiser la somme des carrés des distances d’un point aux quatre villages. La somme des distances d’un point aux quatre villages étant assez difficile à minimiser, on transforme le problème en celui du minimum de la somme des carrés. Cette association des deux procédures est peut-être liée à l’idée que le minimum de x 2 + y2 est obtenu pour (x ; y) = (0 ; 0), qui est aussi le point qui réalise le minimum de x + y pour x ≥ 0 et y ≥ 0.

Stratégie CS-Gb (Centre de Secours : Géométrie de base)

On l’exprime par : on en reste à la géométrie du triangle ou des quadrilatères,

sans évoquer les angles.

Une fois la modélisation réalisée, le contexte rassurant du problème (quatre points d’un plan) incite à rester dans le cadre de la géométrie plane simple du collège, où il est finalement peu question d’angle, mis à part les angles droits. Voici une illustration :

* D’abord les cas simples

* Si les quatre villages sont alignés :

on place le centre de secours au milieu du segment reliant les deux villages les plus éloignés.

Comme il est à égale distance des deux plus loin, il est évidemment plus près des deux autres.

* Si trois points (villages) sur quatre sont alignés, il faut rechercher le point le moins éloigné des trois villages qui constituent le triangle.

Donc en prenant le centre du cercle circonscrit, on se place à égale distance des 3 plus loin. Et si on se décale de ce point, on sera forcément plus loin de l’ensemble des trois ⇒ pas possible.

* Sinon, cela forme un quadrilatère :

① le centre de secours, pour bien faire, devrait être à égale distance des quatre. C’est impossible, sauf cas particulier, mais j’utilise cette piste en traçant les quatre médiatrices des côtés. Je ne sais pas comment utiliser ces constructions.

② J’essaie en enlevant une contrainte : s’il n’y avait que trois points, je saurais où placer le centre de secours (CS) mais évidemment, même en prenant le milieu de ce point et du quatrième, ça ne fonctionne pas tout le temps.

③ Ensuite, je me dis que le CS doit être à égale distance des deux villages les plus éloignés, pour ne pas en pénaliser un.

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Il faut donc en plus de regarder les diagonales, aussi les côtés car :

Malheureusement dans certains cas, problème.

④ Reste peut-être à retravailler soit sur les médiatrices des segments les plus longs, soit sur le régionnement du plan qu’elles entraînent. (FC06-7-G1)

Effectif de chacune de ces stratégies dans les productions

L’analyse des productions des enseignants met à jour les résultats chiffrés suivants : on peut se reporter à l’annexe à ce chapitre pour lire les productions intégralement.

Stratégie Productions qui la mettent à jour Effectif

CS-ED : Egalité de Distances FC02-2, 1-G1, 2-G1, 7-G1, FC06-3-G2, FC06-6-G2, PLC2-06-5-G1, PLC2-06-1-G2, PLC2-06-2-G2, APM02-1, APM02-2, PLC2-06/07-4, PLC2-06/07-8 13 CS-B : Barycentre FC06-3-G2, FC06-4-G2, FC06-5-G2, FC06-6-G2, PLC2-06-3-G1, PLC2-06-5-G1, APM-02-1, APM02-2, 06/07-2, 06/07-3, 06/07-4, PLC2-06/07-8 12 CS-MSD : Minimiser la Somme des Distances

FC02-1, FC02-2, FC02-4, FC06-3-G2, FC06-4-G2, FC06-5-G2, FC06-6-G2, APM02-1, APM02-2 9 CS-R : Réduction FC06-7-G1 FC02-2, FC06-4-G2, PLC2-06-3-G1, PLC2-06-4-G1, PLC2-06-5-G1, PLC2-06/07-2 7

CS-ID : Intersection des Diagonales

FC06-2-G1, PLC2-06-5-G1 2

CS-Gb : Géométrie de base

FC06-7-G1 1

Figurent au moins une fois dans ce tableau dix-neuf productions sur vingt-six, soit 73% : c’est donc le pourcentage des productions qui révèlent l’utilisation d’au moins une stratégie sans rapport avec la question posée.

On pourrait dire que la stratégie CS-ED n’est, somme toute, pas étrangère à la résolution du problème : rappelons cependant qu’elle n’est pas identifiée dans la production si elle apparaît après un raisonnement, comme, par exemple, pour le cas de trois villages formant un triangle aux angles tous aigus, elle n’est relevée que dans le cas où elle est présentée comme un moyen de trouver un point qui respecte une

certaine égalité, sans référence à la question de départ.

On remarque que les trois procédures les plus proposées sont CS-ED (13 fois sur 44, soit environ 30%), CS-B (12 fois sur 44, soit aussi environ 30%) et CS-MSD (9 sur 44, soit environ 20%). Elles correspondent toutes trois à des questions assez couramment posées dans l’enseignement secondaire.

On peut se demander combien de méthodes sans rapport avec le problème sont proposées dans certaines productions ? Le nombre obtenu dépend-il du temps proposé aux enseignants pour la recherche du problème. La seule classe de productions obtenues après un temps plus long que les autres est celle qui est identifiée par FC02.

Nombres de méthodes utilisées sans rapport avec le problème 4 3 2 1 Productions correspondantes PLC2-06-5-G1 FC02-2 FC06-4-G2 FC06-6-G2 APM02-1 APM02-2 FC06-2-G1 FC06-3-G2 FC06-5-G2 FC06-7-G1 PLC2-06-3-G1 PLC2-06/07-2 PLC2-06/07-4 PLC2-06/07-8 FC06-1-G1 FC02-1 FC02-4 PLC2-06-4-G1 PLC2-06/07-3 Nombre de productions correspondantes 1 5 8 5

On remarque que cinq productions (5/19) proposent une seule stratégie de cette catégorie on traite un autre problème, quatorze (14/19) proposent au moins deux stratégies de cette catégorie et six (6/19) vont jusqu’à donner au moins trois stratégies, sans rapport avec le problème posé. Ce n’est pas le temps laissé à la recherche qui augmente le nombre de stratégies erronées.

On peut noter que quatorze productions sur vingt-six, soit environ 54%, empruntent au moins deux voies qui sont étrangères au problème lui-même. Ainsi, pour plus de la moitié des productions, se rendre compte que la méthode utilisée ne convient pas ne renvoie pas à se poser la question, Que cherche-t-on ?, mais à s’engager dans une autre voie, qui n’a pas davantage de rapport avec le problème posé.

C’est un des premiers résultats sur ce problème : très majoritairement et avec insistance, les enseignants manipulent des objets mathématiques sans avoir de problématique de recherche mathématique. Le recours à un catalogue de méthodes, évoquées par le contexte a priori familier du problème, les empêche de voir le problème. Celles-ci sont souvent utilisées sans souci de contrôle de validité.

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Ceci va complètement à l’encontre de ce que nous avons développé au sujet de la preuve, dans le paragraphe 1 du premier chapitre de ce travail.

Cette persistance à ne pas entrer dans le problème, pour peu qu’elle soit montrée aux enseignants en formation, devrait les questionner, à la fois :

• dans leur rapport à la preuve : pourquoi le recours à des procédures apprises, non adéquates, l’emporte-t-il sur la question fondamentale Quel est le

problème ? ;

• sur le plan de leur enseignement : qu’apprend-on aux élèves pour démarrer un problème ? La mise en avant de la boîte à outils pour démontrer est-elle un auxiliaire pédagogique utile ? Si oui, correctement employé, prématuré ? Ne doit-on pas alors séparer l’apprentissage de la démonstration et la mise en œuvre du cours qui vient d’être traité ?

Nous faisons en effet l’hypothèse que ceci pourrait être mis en relation avec le contrat usuel relatif à la preuve, notamment la règle du fichier-méthodes. Cette même attitude, manipulation d’objets mathématiques sans problématique de recherche, est, nous l’avons identifié, encouragée en classe par le recours systématique aux catalogues de méthodes lorsqu’on est en phase d’apprentissage de la preuve (composante de conception FM). Ceci est cautionné par les programmes, et surtout, par les manuels.

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