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U est aussi un ensemble élémentaire

6. Le raisonnement par induction passant aussi par

décomposition/recomposition permet différentes preuves de l’existence d’un pavage dans le cas où le trou est une case noire, pour un polymino de côtés n et p impairs

Nous verrons que ce type de preuve n’est pas disponible chez les enseignants. Il ne figure dans aucun programme de l’enseignement secondaire. Le raisonnement par induction se voit plutôt sous la forme d’un raisonnement par récurrence ascendante, pour lequel il faut connaître précisément la propriété à démontrer et savoir à quel rang elle est initialisée : il apparaît de ce fait souvent comme un exercice formel (nous reviendrons sur ce point à la fin de ce paragraphe). Le raisonnement par induction, au contraire, permet une construction de la classe

113 Nous rappelons que, dans tout ce qui suit, la coloration en noir et blanc est telle que la case en haut à gauche de tous les rectangles est noire.

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d’objets qu’on étudie. Soit à démontrer la conjecture selon laquelle tout polymino de côtés n et p, impairs, dont le trou est une case noire, est pavable.

On raisonne par l’absurde. Supposons que cette conjecture soit fausse. Il existe donc des contre-exemples (au moins un), parmi les plus petits, considérons-en un, autrement dit, un contre-exemple minimal, soit un plus petit polymino M de côtés impairs avec un trou sur une case noire, qui soit non pavable.

n R’ R p

On le partage en deux rectangles dont l’un, R, est sans trou avec un côté non nul pair (marqué par une flèche ci-contre) : R est pavable. L’autre rectangle avec trou, R’, est plus petit que M, il est donc pavable. Donc la réunion de R et de R’ est pavable, ce qui signifie que M est pavable. D’où la contradiction.

Le partage utilisé au début de ce raisonnement est-il toujours possible ? Non, puisqu’il faut qu’on puisse enlever un rectangle sans trou dont l’un des côtés est au moins égal à 2 ; ce qui est impossible si le polymino est réduit à un trou ou si le trou est la case centrale du polymino de taille 3. Ces deux cas, qui doivent être traités autrement, constituent la base de l’induction.

Dans ce type de raisonnement, on « descend » vers des objets plus petits. Par ce découpage, il faut s’assurer que l’objet sur lequel on arrive a bien les mêmes propriétés que l’objet de départ. Sinon il faut modifier la propriété qu’on veut démontrer pour qu’elle soit conservée par le découpage. Ainsi, si au lieu de prouver la propriété sur les polyminos rectangles, on veut la prouver sur les polyminos carrés : on démarre le découpage sur un contre-exemple minimal qui est un polymino carré de côté n impair, avec un trou sur une case noire, non pavable, mais le découpage en deux nous amène à deux objets dont aucun n’est un carré. De plus, il faut vérifier que le découpage est toujours possible. Ces deux aspects, trouver le bon

découpage et la bonne propriété ne sont jamais évoqués au lycée, où l’on ne travaille

que sur l’ensemble des entiers naturels.

A ce propos, le programme de terminale de la série scientifique précise :

on présentera le principe de récurrence comme un axiome. (B.O. hors série n°4 du 30/08/2001)

Et on trouve le commentaire suivant dans le document d’accompagnement de ce programme, qui fait état de la difficulté de beaucoup d’élèves à comprendre qu’on démontre effectivement quelque chose, vue la présentation qui est adoptée :

Le principe de récurrence peut s’énoncer ainsi : soit P(n) une propriété de l’entier positif ou nul n. Si on a P(0) et que pour tout n ≥ 0, P(n) implique P(n+1), alors on a P(n) pour tout n ≥ 0. Il est important de faire remarquer aux élèves qu’on peut également appliquer ce principe à partir d’un certain rang n0, en leur donnant des exemples simples où la récurrence ne s’initialise pas en 0.

Si un problème en requiert l’usage, on peut présenter le « principe de récurrence fort », qui s’énonce ainsi : soit P(n) une propriété de l‘entier positif ou nul n. Si on a P(0), et que pour tout n > 0, on a l’implication « si on a P(k) pour tout k strictement inférieur à n, alors on a P(n) », alors on a P(n) pour tout n ≥ 0.

- Ces deux formes sont logiquement équivalentes, et encore équivalentes114 à

l’énoncé : « tout ensemble non vide d’entiers positifs admet un plus petit élément », ou à l’énoncé : « toute suite décroissante d’entiers positifs est constante à partir d’un certain rang ». mais on ne pas bien sûr entraîner les élèves dans ces subtilités, ni leur faire établir l’équivalence des différentes formes du principe de récurrence.

- On ne multipliera pas les exemples de « paradoxes » démontrés à l’aide d’une

récurrence subtilement incorrecte, mais on montrera sur des exemples l’usage positif et puissant qu’on peut en faire.

La difficulté conceptuelle du principe de récurrence est qu’il faut bien comprendre ce qu’on fait quand on suppose P(n) pour démontrer P(n+1). Les élèves peuvent en effet avoir l’impression de supposer ce qu’ils veulent démontrer et donc qu’il n’y a rien à faire, ou au contraire que l’argumentation est un cercle vicieux. La mise en forme d’une démonstration par récurrence est difficile , et il pourra être utile de proposer un schéma de rédaction. Quelques exercices seront sans doute plus efficaces qu’un discours abstrait pour leur faire saisir que la récurrence permet de démontrer une infinité de propositions parce que le pas qui permet de passer d’une de ces

propositions à la suivante est toujours le même. Une image classique à ce sujet est celle d’un escalier (infini) gravi par un marcheur (infatigable) qui cependant ne pourrait pas sauter des marches. Une autre image est celle de sucres disposés verticalement les uns à côté des autres (chaque sucre fait tomber le suivant à condition qu’on pousse le premier), ou celle de l’hérédité d’une propriété de la génération n à la génération n + 1. (Accompagnement des programmes de

mathématiques des classes terminales des séries scientifique et économique et sociale 2002)

On retrouve ainsi dans ces lignes le recours au formalisme a priori pour apprendre aux élèves la pratique du raisonnement par récurrence, puisqu’il est suggéré « de proposer un schéma de rédaction ». Ce même document décrie pourtant le formalisme imposé au collège pour l’apprentissage du raisonnement déductif. Cette contradiction est peut-être masquée par le fait que le raisonnement par récurrence ne vit qu’en classe de terminale, mais on peut faire l’hypothèse que les difficultés rencontrées par suite du recours abusif au formalisme sans réflexion sur le fond se rencontrent dans l’enseignement supérieur.

Les enseignants proposent des raisonnements par récurrence pour traiter ce problème, mais d’un autre type que le précédent (qui met en jeu des rectangles). Nous en développons deux en les présentant de manière inductive. La propriété à démontrer est : tout polymino de taille n impaire, dont le trou est une case noire, est pavable. On suppose que c’est faux. Il existe donc un contre-exemple minimal, soit un plus petit polymino M de taille n impaire avec un trou sur une case noire, qui soit

non pavable. L’une des preuves se poursuit par le partage du polymino en une bande

en L sans trou de largeur 2 (sur deux côtés) et un polymino plus petit (de taille n – 2), l’autre par le partage du polymino en une couronne sans trou de largeur 1 (tout autour) et un polymino de taille n – 2 aussi.

114 Ce qui est faux pour les ensembles en général (n’a de sens que pour certains types d’ensembles comme celui des entiers naturels)

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Découpage d’une bande en L de largeur 2 La bande en L sans trou est pavable puisqu’elle est de largeur 2, le polymino P de taille

n – 2 aussi, puisqu’il est plus petit que M. Donc la

réunion de la bande en L et de P est pavable, c’est-à-dire que M est pavable, d’où la contradiction. Ce découpage est toujours possible, sauf si le polymino est de taille 3 avec le trou sur la case centrale (noire) ou s’il est réduit au trou. La base de l’induction est la même que pour le raisonnement précédent (avec les rectangles).

n 2

n

2

Découpage d’une couronne de largeur 1 La couronne de largeur 1 est pavable puisqu’elle compte un nombre pair de cases (soit 4

n – 4) : on peut donc placer les dominos l’un à la

suite de l’autre. Le polymino P de taille n – 2 est pavable aussi, puisqu’il est plus petit que M. Donc la réunion de la couronne de largeur 1 et de P est pavable, c’est-à-dire que M est pavable, d’où la contradiction. Ce découpage est toujours possible, sauf si on ne peut pas enlever de couronne sans trou, c’est-à-dire si le trou est une case noire du bord (le cas du polymino réduit au trou est inclus). La base de l’induction est la classe des polyminos avec le trou sur une case noire du bord (il s’agit d’une base de taille infinie).

1 1

n

n

LES ENSEIGNANTS FACE AU PROBLEME DU POLYMINO

Nous proposons dans cette partie, une étude des soixante-quatre productions que nous avons recueillies sur ce problème entre 2002 et 2007, suivant différents

indicateurs relatifs à la preuve (nous allons préciser ce que nous entendons par indicateurs). Ces soixante-quatre productions d’enseignants correspondent au travail

d’environ cent treize personnes, certaines d’entre elles étant produites par des groupes. Elles ont été recueillies au cours de six formations différentes en relation avec la preuve, formation initiale ou continue. Trois variables nous semblent importantes pour notre analyse : le public (enseignants débutants ou bien expérimentés de collège), le temps donné pour la recherche du problème (assez court pendant la formation ou bien non contrôlé car en dehors du temps de formation), la consigne pour l’écriture du texte (production à présenter au groupe ou bien narration de recherche). Ainsi nous regroupons les productions en cinq classes :

• La classe PLC2-0203 (vingt-huit personnes) : elle est constituée de huit productions d’enseignants stagiaires en formation initiale (à l’IUFM). Elles ont été rédigées en groupe, de façon assez soignée, après une recherche longue d’une durée de deux heures. Les textes n’excèdent pas deux pages, ils sont écrits à la main. La solution générale du problème est donnée par un groupe, un autre s’en approche, mais comporte des trous.

• La classe formée des cinq productions désignées par FC04Ch-i et des six désignées par FC04V-k : les enseignants (environ une quarantaine) exercent en collège, ils se sont inscrits, un groupe à Chambéry, l’autre à Valence, à une formation sur la démonstration. La consigne demandait d’écrire, après une recherche assez courte (une trentaine de minutes115) un texte d’une page sur les résultats obtenus, et un autre d’une page aussi sur les démarches, les questions, chacun d’eux devant être photocopié sur un transparent et présenté au grand groupe. Mise à part une des productions, celles-ci sont très pauvres au niveau des résultats et ne présentent pas d’idée de preuve dans le cas général.

Plusieurs enseignants, surtout dans le groupe de Chambéry, se sont montrés réfractaires à la recherche de ce problème. Nous y revenons plus loin. Aucun texte ne donne la résolution générale du problème.

• La classe FC06G (sept enseignants) est constituée de sept productions rédigées individuellement après une recherche en groupe (un groupe de quatre et un groupe de trois), assez courte. Il est demandé de décrire sa démarche, de donner ses résultats. Ces stagiaires, qui enseignent en collège depuis plusieurs années, se sont inscrits à une formation sur la démonstration. Ils font partie d’un groupe plus important, les autres ayant à chercher soit le Centre de

secours, soit le Pentagone.

• La classe formée de quatre productions PLC2-06-GB (quatre personnes seulement, le reste du groupe ayant cherché un autre problème) et de treize productions PLC2-06-GA (treize personnes) : les professeurs concernés sont

115 Nous insistons sur le fait que c’est la façon d’aborder le problème qui nous importe. Nous ne cherchons pas à « piéger » les enseignants en leur accordant un temps trop court. Nous les prévenons d’ailleurs en leur disant que, dans le temps imparti, nous pensons qu’ils n’auront pas le temps de résoudre complètement le problème.

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débutants, en formation initiale, dans le cadre de laquelle ils suivent un module sur la démonstration. Les enseignants devaient chercher le problème en

groupes pendant une trentaine de minutes, avaient ensuite dix minutes pour rédiger individuellement un texte qui devait mettre en évidence la démarche suivie, les résultats obtenus, les pistes suivies (même si elles n’avaient pas abouti).

• La classe PLC2-07-G (vingt et une personnes) est constituée de vingt et une narrations de recherche, que les enseignants (stagiaires) ont rédigées en dehors du temps de formation. Les textes sont souvent tapés, très bien présentés ; beaucoup donnent, comme le demandait la consigne, des indications

intéressantes sur la démarche de recherche. La longueur est très variable, entre une et huit pages.

Le positionnement des enseignants face à ce problème, leurs méthodes de résolution et les preuves fournies permettent d’interroger et expliciter les conceptions sur la preuve et d’envisager une remise en cause du contrat usuel116 relatif à la preuve. A cet effet il est pertinent de confronter certaines productions des enseignants à celles d’élèves sur ce problème (nous l’avons proposé dans les exercices donnés à choisir aux enseignants pour l’enseignement de la preuve, voir chapitre 4) ; nous en proposons quelques-unes dans les paragraphes suivants, où nous dégageons des résultats concernant l’utilisation de ce problème en formation.

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