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[il est] probable que l'immunodéficience observée chez les hémophiles résulte de l'injection de protéines étrangères ou d'un virus ubiquitaire plutôt qu'à un vi-

rus spécifique du SIDA dans les concentrés de facteur VIII» (Ludlam

&

al.,

1983).

Un éditorial de

Nature

qui fait le point sur le SIDA relève:

«de nombreux centres d'hémophilie limitent désormais l'usage des concentrés de

facteur VIII, un produit issu de pools allant jusqu'à 20 000 donneurs, et utilisent à

la place des cryoprécipités, produit plus volumineux issu d'un nombre plus res-

treint de donneurs» (Groopman

&

Gottlieb, 1983).

En juin, les Drs Bove et Miller, membres du Comité consultatif des produits sanguins de la FDA rappellent, dans un éditorial du

Journal of Anesthesiology,

les mesures prises par la NHF, les banques de sang, l' ABRA et le CDC pour réduire le risque de transmission du SIDA par le sang et les dérivés sanguins. Ils indiquent que le dépistage de l'anti-HBc évince- rait trop de donneurs non dangereux et serait trop coûteux, et note que la longue période de latence, d'approximativement 1 an, rend difficile la prise de décisions intelligentes et l'évaluation de leurs effets. Ils concluent que la possibilité d'une transmission par le sang

«reste toujours non prouvée»

et que ce n'est que lorsque un agent aura été identifié que des décisions responsables et définitives pourront être prises.

«D'ici là, une prudence accrue

dans l'usage du sang et des dérivés sanguins est indispensable»

(Bove & Miller, 1983).

LE SYSTÈME TRANSFUSIONNEL FRANÇAIS FACE AU SIDA

La presse et la médiatisation du risque transfusionnel

En France, la presse, qui jusqu'à la fin 1982 a traité le SIDA comme une maladie ne touchant que les homosexuels, commence à le présenter de façon différente et à mentionner le risque de transmission par le sang.

Fin janvier 1983, un dossier du

Point

consacré aux maladies sexuellement transmissibles ac- corde plus d'une page et demie au SIDA. Le début de l'article indique que les homosexuels ne sont plus les seuls touchés: des bisexuels, des hommes, des femmes sont touchés. Après avoir retracé l'évolution des découvertes, et le travail du groupe de recherche français, l'article aborde le cas du sang:

«Ce n'est pas tout. Comme l'hépatite B encore, le Sida semble pouvoir être

contracté également par transfusion sanguine ou par piqûre intraveineuse: cer-

tains malades américains non homosexuels sont des hémophiles qui reçoivent des facteurs sanguins de coagulation; beaucoup sont des drogués qui se piquent. »

Et il mentionne le cas «significatif» d'un Français s'étant fait transfuser à Haiti (24/01183). En mars, Libération, le Figaro et le Monde consacrent de longs articles au SIDA.

Dans Libération, le dernier dossier d'une série sur les maladies sexuelles est consacré au

«cancer gay». fi rend compte du 2ème colloque national des médecins gays. Un article pré-

sente le travail de collecte et de diffusion de l'information du groupe de recherche français, et relève l'attitude défensive du·milieu homosexuel français, moins organisé qu'aux États-Unis. Un article d'Anne-Marie Casteret synthétise les informations scientifiques disponibles. Elle relève que la maladie, qui touche plus de 800 personnes aux États-Unis et une vingtaine à Paris, prend des formes diverses; mais tous les malades subissent un effondrement de certai- nes cellules T.

«Si la population homosexuelle des grandes villes est particulièrement touchée (75%), le quart restant est constitué d'hommes bisexuels, de femmes ayant été en contact intime avec eux, d'enfants nés de femmes toxicomanes "dures", de quel- ques personnes ayant subi des transfusions sanguines dont le donneur était déjà contaminé, et, enfin, aux États-Unis, d'Haïtiens récemment émigrés. »

Quant aux hypothèses sur la maladie,

«le virus de l'hépatite B a été nommé non comme acteur principal mais simple- ment pour l'analogie de transmission qu'il présente avec le virus mystérieux: pour l'un comme pour l'autre, la transmission peut se faire par voie sanguine. [ ... ] On se doute que, comme dans toutes les maladies infectieuses, il

y

a des porteurs sains. On sait qu'entre l'infection et l'apparition de ces redoutables complications peut s'écouler un délai de

6

mois, un an voire trois ans. Ainsi, l'un des premiers malades soigné en France, hétérosexuel monogame, qui avait subi une transfu- sion sanguine en Haïti après un accident de voiture, a été, trois ans après, victime de cette maladie, dont il est mort. [Certaines personnes en bonne santé présentent des anomalies immunitaires] sans que l'on sache s'il s'agit d'un stade précoce de la maladie, ou d'une forme de résistance, ou encore d'une autre pathologie ».

Le correspondant à New- York du journal rend compte des réactions de la communauté homo- sexuelle américaine confrontée

à

la maladie:

«La levée de boucliers la plus vive à l'encontre des homosexuels est venue de la Fondation Nationale des Hémophiles, dont

15

membres sont morts à cause de l'AIDS. Réunis le

14

janvier en conseil, ils ont annoncé que les homosexuels étaient bannis des banques de sang» (Libération, 1/03/83).

n

cite les mesures d'éviction des donneurs prises par les autorités publiques et l'ARC et rend compte des débats qui agitent, aux États-Unis, les milieux de la santé sur la possibilité de prendre de telles décisions sans preuves établies.

Dans le

Monde

du 23 mars 1983, Jean-Yves Nau établit un bilan des connaissances sur le SIDA. Son introduction précise:

«Il est notamment démontré que cette affection peut, dans certains cas, être

transmise par les dérivés du sang. Ce dernier point pose d'importantes questions

aux responsables de santé publique

».

L'article présente d'abord les symptômes de la maladie (fièvres, fatigue, infections pul- monaires, sarcome de Kaposi) et le pronostic, souvent sombre: 66% de décès dans les deux ans suivant l'apparition de la maladie. La découverte d'autres groupes à risques que les homo- sexuels (parmi lesquels

«femmes se livrant à la prostitution et malades hémophiles ou rece-

vant des produits dérivés du sang»)

a remis en question les hypothèses jusqu'alors émises sur l'étiologie.

«Aujourd'hui, la plupart des recherches portent sur l'identification d'un agent pa-

thogène, vraisemblablement de nature virale. Rien pourtant ne permet encore de

conclure. Les progrès portent essentiellement sur la description des perturbations

du système immunologique et sur la démonstration du caractère transmissible de

l'affection. A cet égard, il est démontré que la contagion peut se faire par les

transfusions de sang ou de produits dérivés du sang. Ce point pose une difficile

question aux responsables de la santé publique. Comment éliminer les produits à

risque, alors même que l'on ne connaît pas l'origine du risque? La situation se

complique, aux États-Unis, du fait que le vaccin contre l'hépatite B est fabriqué

par la firme Merck à partir de sérums sanguins dont une partie ont été prélevés

chez des homosexuels masculins. N'y a-t-il pas là un risque majeur de dissémina-

tion de l'AIDS? Un travail rétrospectif a été mis en œuvre il

y

a peu (JAMA du

Il

février). Si quelques cas d'AIDS ont bien été dépistés aux États-Unis chez des per-

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