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1. RAISONNEMENT CLINIQUE: DÉFINITIONS ET MODÈLES

1.2. Modèles de raisonnement clinique

1.2.2. Prise de décision

Elstein et Schwartz (2002) proposent que « du point de vue de la théorie de la prise de décision, le processus menant au diagnostic signifie une révision d’une opinion à partir d’informations imparfaites »4. Le choix d’une représentation du problème ou d’une intervention résulte de l’appréciation des avantages et des inconvénients des options envisagées (Elstein et Schwartz, 2002). Défini ainsi, le raisonnement clinique est considéré dans son entier comme étant essentiellement une démarche de prise de décision.

Par contre, Gay et Beaulieu (2004) dans leur essai où ils se sont attardés à mettre en évidence l’apport de la médecine basée sur des données probantes, indiquent clairement les différents moments où un choix doit être fait au cours du

4 Traduction libre : “From the point of view of decision theory, reaching a diagnosis means updating

raisonnement clinique. La figure 2 en témoigne. Dans ce cas, le raisonnement clinique ne serait pas une démarche de prise de décision, mais serait un processus qui comprend la prise de décision qui a lieu plusieurs fois au cours du raisonnement clinique.

Figure 2. Contribution de la médecine basée sur des données probantes au processus de raisonnement clinique. « EBM » indique les moments du raisonnement clinique où la prise de décision selon l’« evidence-based medicine » contribue à faire un choix. Tirée et adaptée de Gay et Beaulieu (2004, p. 176).

Il semble y avoir un accord afin de définir la prise de décision qui serait une démarche qui conduit à un choix parmi plusieurs alternatives, ce choix étant considéré le meilleur dans les circonstances, y compris celui de ne poser aucune action (Hill, 1999; Klein, 1998; Sirkka et Salanterä, 1998; Smith, Higgs, et Ellis, 2008). La prise de décision comporte les étapes similaires au raisonnement clinique et

sont a) la reconnaissance du problème ou la formulation d’un but; b) la recherche de solutions; c) l’attribution d’une valeur à la solution ou la prédiction des conséquences des solutions retenues; d) le choix d’une solution parmi celles qui ont été relevées (Gay et Beaulieu, 2004; Harbison, 2001; Lauri et Salanterä, 1998).

Cette démarche prend surtout place en présence de situations complexes où règne un degré d’incertitude important et où seront alors utilisées des ressources particulières afin d’aider les choix requis aux différentes étapes du raisonnement clinique (Elstein, et al., 2002; Gay et Beaulieu, 2004; Harbison, 2001). Ces différentes ressources peuvent prendre la forme de modèles statistiques, d’algorithmes, d’études, d’avis ou de consensus d’experts (Schwartz et Elstein, 2008). La médecine basée sur les données probantes (evidence-based medicine) recourt à ces ressources qui proviennent de divers types d’écrits (Gay et Beaulieu, 2004). Les professionnels de la santé qui appliquent les principes d’une pratique basée sur les données probantes considèrent de façon systématique les types d’études et d’écrits scientifiques selon leur niveau de preuve au moment de faire des choix. Les études et les écrits sur lesquels s’appuient les professionnels de la santé n’ont pas tous le même niveau de preuve scientifique. Ainsi, le plus haut niveau de preuve est attribué aux études dont le choix des participants s’est fait de façon aléatoire. Ce qui aide à attribuer une valeur ou un poids aux choix qui doivent être faits durant la résolution du problème de santé.

Une pratique professionnelle basée sur les données probantes n’est pas réservée uniquement au domaine de la médecine, on la retrouve aussi en soins infirmiers et certains auteurs du domaine de l’inhalothérapie font remarquer que la pratique de la profession gagnerait en efficacité si une pratique professionnelle basée sur des évidences était appliquée (Branson et Johannigman, 2004; Hess, 2004; Kallstrom, 2004; Mishoe, 2002). Mishoe (2003), Stoller et al. (2002) ainsi que Welch (2002) préconisent l’incorporation de données probantes à la prise de décision afin de rendre le processus plus rigoureux.

Dans son étude, Mishoe (2003) fait remarquer que les inhalothérapeutes se basent surtout sur leurs expériences antérieures au moment de prendre des décisions. Soulignons ici que les participantes et les participants à cette recherche étaient des inhalothérapeutes considérés comme étant des experts. Le modèle de prise de décision décrit par Mishoe correspondrait au modèle non analytique du raisonnement clinique décrit à la section précédente traitant des modèles cognitivistes du raisonnement clinique. Mais selon ce qu’elle énonce, il pourrait aussi s’agir du raisonnement inductif ou causal, où à partir de la reconnaissance d’un problème, des causes et des solutions sont immédiatement envisagées. Nous ne pouvons nous prononcer sur les types de raisonnement utilisés, car le but de l’étude de Mishoe (2003) n’était pas de mettre en évidence les processus cognitifs utilisés par les inhalothérapeutes dans leur raisonnement clinique, mais plutôt de relever les situations où la pensée critique est mise à contribution au cours de leur pratique.

Aussi ces dernières années, surtout aux États-Unis, on constate la disponibilité de plusieurs guides de pratiques basés sur des données probantes sur lesquels peuvent s’appuyer les inhalothérapeutes lors du choix d’un traitement ou d’une procédure (Branson et Johannigman, 2004; Heitman et Flemons, 2001; Kallet, 2004; Kallstrom, 2004; Littlewood et Durbin, 2001). L’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec (2009) a fourni à ses membres un outil qui permet de recueillir toute l’information pertinente de façon systématique et complète auprès du malade. L’outil consiste en un acronyme, « SCORE », où les lettres « SC », « O », « R » et « E » signifient respectivement situation clinique, observation, recherche et examen. Pour chacune de ces lettres, des choix sont suggérés. Il a été élaboré dans le but « d’optimiser et de faciliter la prise de décision, la transmission des éléments à noter au dossier et la communication avec l’équipe interdisciplinaire » (Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec, 2009, p.9 et 10) lors du suivi du malade. Ce guide offre des suggestions d’interprétation à partir des données recueillies. Ces interprétations sont appuyées par différentes sources telles que des ouvrages généraux, des études ou des consensus d’experts. Le niveau de preuve des études qui appuient ces interprétations n’est toutefois pas spécifié. Il ne s’agit pas

d’une approche basée sur les données probantes, mais plutôt d’un outil qui offre une méthode systématique de cueillette de données et qui donne certaines pistes d’interprétations afin de faciliter la prise de décision de l’inhalothérapeute. Soulignons que l’application ainsi que l’efficacité de cet outil n’ont pas fait l’objet d’une validation ou d’une étude auprès des inhalothérapeutes.

Dans le cadre de la présente recherche, en nous appuyant sur les écrits consultés et en prenant en considération notre propre définition, le raisonnement clinique sera considéré comme un processus de résolution de problème qui se compose de plusieurs moments de prise de décision.