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1. CAS DE MARIE

1.8. Analyse de la troisième situation

1.8.2. interventions pédagogiques

Les interventions pédagogiques relevées au cours de cette situation concernent en particulier l’articulation des connaissances, la réflexion sur l’action, le

coaching, l’échafaudage, la modélisation ainsi que le retrait graduel.

1.8.2.1. Articulation des connaissances. L’intervention se rapportant à l’articulation

des connaissances se présente au tout début, lors de l’arrivée du patient. Marie fait part aux étudiantes de la possibilité d’une intubation difficile pour ce patient en leur mentionnant les éléments sur lesquels elle se fonde. Elle soulève alors que la stagiaire devrait posséder ces notions comme le montre ce passage :

je le fais observer aux étudiantes, elles ont des cours là-dessus sur le fait que les gens de petite taille, un peu plus corpulents avec un cou relativement court, sont des sujets qui risquent d’être difficiles à intuber. (C1C3. 30-32)

Il s’agit donc ici de rappeler certaines connaissances apprises en classe.

1.8.2.2. Réflexion sur l’action. La réflexion sur l’action se traduit par un retour sur la

situation. Tout comme lors de la situation précédente, ce retour a lieu en allant au café, en marchant, « de façon non formelle » (C1C3.579). Marie lui parle d’abord du retrait du tube endotrachéal, ce qui s’est révélé être la solution au problème, en demandant à l’étudiante : « tu as eu la perception vraiment que… on devait le retirer, elle dit oui c’était franc quand on a vu, on avait besoin de le retirer » (C1C3.471-472).

Elle revient « avec elle sur le fait que ce n’est pas facile, dans une salle d’opération en action, de bien entendre en auscultation bilatérale […] et qu’il ne faut pas se gêner pour reprendre une auscultation bilatérale si nécessaire » (C1C3.479-484). Ce qui constitue ici un conseil pour la future pratique de son étudiante. Aussi, Marie confie à l’étudiante la perception d’une partie de son rôle auprès de l’anesthésiologiste qui, pour elle, consiste à décrire la situation en fournissant les données pertinentes et non en portant un jugement. Marie s’exprime alors de cette façon :

Quand on est allée au café là je lui ai dit en même temps que, j’ai dit moi je suis là, je ne suis pas là pour dire c’est beau, ce n’est pas bien, c’est bien, moi je suis juste là pour dire : regardez, on est à 24 et plus à la lèvre. […] Est-ce que ça vous va? Tu sais, moi dans le fond, je ne suis pas là pour dire vous ne l’avez pas, vous l’avez, je suis là pour faire l’observation. (C1C3. 532-537)

1.8.2.3. Coaching. Le coaching se produit lorsque Marie administre le

bronchodilatateur au patient. Pour s’assurer que son étudiante demeure vigilante et participe à la situation, Marie l’interroge à propos de ce qu’elle fait à cet instant. Voici comment Marie s’exprime à ce sujet :

je veux la garder dans le décor […] pour qu’elle compte avec moi les bouffées, entre les bouffées on regarde la courbe, tout le monde ensemble, voir si ça l’air à améliorer, on va jusqu’à 6 bouffées. […] Et à un moment donné, je me dis, est-ce qu’on est bien rendu à quatre là? Puis elle me confirme qu’on est rendu à quatre, ce qui fait en sorte que je suis certaine qu’elle a encore un lien avec moi parce qu’elle est capable de me dire à combien de bouffées on est rendu. Fait que c’est comme une corde que je lance pour voir si elle est encore parmi nous. (C1C3. 334-343)

Elle ne confirme pas elle-même le nombre de bouffées déjà administrées, mais sollicite son étudiante à ce sujet.

1.8.2.4. Échafaudage. Des interventions pédagogiques plus directives de la part de

Marie s’adressent à deux étapes du processus de résolution de problème : la recherche de données pertinentes et la reconnaissance du problème.

En effet, au cours de cette situation, Marie insiste sur la recherche de données pertinentes. Cette démarche est apparente lorsque Marie fait remarquer les caractéristiques physiques du patient. Une autre donnée importante est aussi mise en évidence lors de la consultation du dossier médical. Marie et l’anesthésiologiste trouvent effectivement des informations pouvant les renseigner au sujet du risque potentiel lors de l’intubation. Cette consultation du dossier se fait en présence de la stagiaire en inhalothérapie et de l’externe de médecine. Toutes deux sont invitées elles aussi à prendre connaissance des informations « pour que tout le monde soit bien au courant qu’il y a un risque d’intubation » (C1C3.57).

Un peu plus tard, toujours en présence des étudiantes, la courbe de CO2 est

ensuite attentivement scrutée par Marie et l’anesthésiologiste afin de rechercher la nature du problème. De façon non verbale, Marie et l’anesthésiologiste dirigent le regard des étudiantes vers le moniteur qui affiche la courbe de CO2 afin de signifier

que cette donnée est cruciale dans l’analyse de cette situation. Ils ont agi ainsi : « On regarde la courbe du CO2 tous les deux, en faisant mine que c’est important de la

regarder… » (C1C3. 289-290).

Marie contribue aussi à ce que sa stagiaire reconnaisse le problème lorsqu’elle entreprend de « comparer qu’est-ce qu’on voit à l’écran et qu’est-ce qu’il y a sur un tube ordinaire pour voir à quelle profondeur on est inséré » (C1C3.371- 372). Cette comparaison s’est effectuée à l’aide d’un autre tube endotrachéal en provenance du cabinet d’anesthésie. Marie a donc indiqué une façon de procéder pour aider à confirmer l’emplacement du tube. Plus tard, la stagiaire fera part à Marie que cette action lui a permis elle aussi de constater l’insertion trop profonde du tube endotrachéal.

1.8.2.5. Modélisation. Marie fait beaucoup usage de la modélisation au cours de cette

situation. C’est soit une modélisation à voix haute, soit une modélisation par le geste. Tout au long de l’épisode consacré à l’intubation, Marie laisse l’étudiante assister, mais elle fait part de ses observations à voix haute. Marie est consciente de

cela. Le passage qui suit illustre bien les intentions de Marie lorsqu’elle émet à voix haute un commentaire en présence de l’étudiante :

Je le dis tout fort à l’anesthésiste quand il y a une observation à faire, je trouve que c’est valorisant pour l’enseignement, pour que l’étudiante, finalement, pense comme moi. J’émets tout haut ce que je pense qui ait pu être un risque pour le patient. […] Pour que mon message soit fait vers l’anesthésiste, parce que c’est ma principale responsabilité, mais aussi qu’en même temps, l’étudiante soit au courant de ce que je pense, pour que… elle ait la même ligne de pensée au fil du temps. […] donc après une dizaine de semaines, la plupart du temps, vers la fin, je viens pour dire quelque chose puis l’étudiante le dit juste avant moi, fait qu’on se transmet la ligne de pensée. (C1C3. 257-267)

Aussi, au moment de l’intubation, Marie s’informe auprès de l’anesthésiologiste : « vous allez commencer comment finalement, est-ce que vous prenez le Glide Scope ou si on prend une lame standard? » (C1C3.170). L’intervention se fait à voix haute en présence de l’étudiante. La modélisation verbale a aussi lieu lorsque l’intubation est terminée où alors Marie fait la remarque à propos de la position du tube. Voici son intervention : « On est à plus de 24, est-ce que ça vous convient toujours comme ça? » (C1C3. 269). Marie reviendra sur cette action lors d’un retour sur la situation.

Concernant la modélisation par le geste, elle a lieu, entre autres, lorsque Marie prend la relève parce que l’étudiante ne répond pas à la demande de procédure de BURP de l’anesthésiologiste. Marie procède alors elle-même à la technique demandée et l’étudiante regarde ce qu’elle fait comme l’illustre ce passage : « Alors je fais le BURP parce que là ça commence à être plus corsé, donc je m’implique davantage dans la séquence, tout en la gardant avec moi » (C1C3. 230-231).

La situation se poursuit et la prochaine intervention se rapportant à une modélisation avec gestes est apparente lorsque l’anesthésiologiste fait le commentaire « il semble un peu obstructif » (C1C3.292). À partir de cette information, sans attendre l’ordre verbal de l’anesthésiologiste, Marie anticipe l’administration d’un bronchodilatateur. Comme elle le mentionne : « Il ne m’a pas dit qu’il en voulait, mais un obstructif hein c’est ma spécialité » (C1C3.293). Elle prépare alors le

nécessaire sous l’œil de son étudiante. Comme Marie l’avait anticipé, l’anesthésiologiste « décide qu’il veut six bouffées » (C1C3.319) de bronchodilatateur.

1.8.2.6. Retrait graduel. Marie évalue le niveau d’autonomie de sa stagiaire. À au

moins trois occasions, Marie souligne que son étudiante est à sa 2e semaine de stage, ce qui justifie soit que l’étudiante devrait être capable d’effectuer la tâche demandée, soit qu’elle aura besoin de support. Pour cette situation, Marie considère que son étudiante est capable d’effectuer l’assistance à l’intubation. Cet extrait l’illustre bien :

Donc l’étudiante à ce moment-là est à sa 2e semaine […] Donc, une intubation standard, ça peut quand même bien se faire […] Mais… je reste pas loin, ma proximité est toujours… c'est-à-dire que je me tiens, plus le stage n’est pas avancé beaucoup, plus je suis près de l’étudiante. (C1C3. 152-157)

Aussi, lors de l’intubation, Marie porte attention à ce que fait l’étudiante et s’aperçoit qu’« elle ne réagit pas » (C1C3.226) lorsque l’anesthésiologiste demande la procédure de BURP. Elle prend alors la relève. Marie juge aussi que c’est elle qui doit administrer le bronchodilatateur parce que son étudiante n’en est qu’à sa deuxième semaine de stage. Voici comment cela s’est déroulé :

Fait qu’évidemment une première bouffée qu’on donne, on attend quelques instants, pendant ce temps-là on rebrasse et c’est moi qui donne les bouffées […] parce que c’est sur le connecteur, le circuit, elle est à sa 2e semaine. (C1C3. 327-331)

Enfin, lors du repositionnement du tube endotrachéal, lorsque vient le moment de fixer le tube, c’est Marie qui assiste l’anesthésiologiste « parce qu’on parle que l’étudiante est à sa 2e semaine de stage » (C1C3.397-398), ce que Marie juge être un peu trop lui demander dans les circonstances.