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2. CAS DE LOUISE

2.4. Description de la deuxième situation Un problème

Cette deuxième situation traite d’un problème d’interface appareillage/personne, plus particulièrement de l’ajustement optimal entre les

composantes d’un appareil et le patient. Dans ce cas-ci, Louise aide l’étudiant à identifier la source du problème et à mettre en place une solution appropriée.

2.4.1. Début de la situation – Mise en contexte

L’action se passe lors du premier test faisant partie du bilan, c’est-à-dire celui de la mesure des volumes. L’étudiant reçoit d’abord le patient et prend les informations d’usage. Louise le laisse agir seul. Au premier essai, l’étudiant fait savoir que le résultat n’est pas satisfaisant et Louise corrobore cette évaluation. Il attribue ce résultat à la nervosité du patient et demande au patient d’essayer de se calmer. Louise ne partage pas cette conclusion, mais elle laisse tout de même son stagiaire continuer la procédure.

2.4.2. Problème

Pendant le deuxième essai, l’étudiant répète au patient de se calmer. Louise observe, elle interviendra lors du troisième essai. Louise arrête alors la procédure et demande à l’étudiant d’observer les graphiques obtenus au cours des essais. Il constate qu’ils sont irréguliers. Il suggère alors de procéder d’une autre façon afin de corriger ce problème, mais Louise s’interroge et critique la suggestion de l’étudiant. Elle demande alors à l’étudiant de lui dire en quoi consiste le problème auquel ils assistent.

À ce moment, Louise étudie les graphiques obtenus en compagnie de l’étudiant et lui demande d’observer l’écran de l’ordinateur où ils s’affichent. Elle indique à l’étudiant qu’il s’agit d’un problème d’irrégularité dans la respiration du patient. Elle souligne à l’étudiant que la nervosité n’est pas en cause. Elle lui fait aussi remarquer que le fait de demander au patient de se calmer ne peut qu’aggraver la situation, selon elle. Elle demande alors à son stagiaire quels sont les indices (signes et symptômes) qui peuvent mener à la conclusion que le patient est bel et bien nerveux. Louise répond à sa propre question en lui indiquant les signes et symptômes qui correspondent à un état de nervosité. Certains sont effectivement en accord avec ce qu’ils observent au cours de cette situation, mais elle enchaîne en interrogeant

l’étudiant sur la possibilité que la pièce buccale soit inconfortable pour le patient. L’étudiant ne sait pas vraiment si cela peut expliquer l’état du patient. Louise suggère alors de changer le modèle de la pièce buccale, car elle croit qu’il s’agit là de la source du problème. La pièce buccale est donc changée.

Louise et son étudiant constatent par la suite une stabilité dans la respiration du patient, ce qui confirme que les résultats insatisfaisants obtenus précédemment étaient fort probablement dus à un inconfort occasionné par le modèle de la pièce buccale.

2.4.3. Fin de la situation

Lorsque le patient quitte le laboratoire, Louise revient sur la situation avec son étudiant. Elle reprend ses explications à propos de la façon d’aborder un patient qui présente un problème de nervosité. Elle conseille à l’étudiant de choisir son vocabulaire afin de mieux aborder les personnes.

Elle souligne que c’est son expérience qui lui a fait penser à la présence d’un inconfort chez le patient. En ce qui concerne cette situation, Louise suggère à son stagiaire un ordre dans les causes à examiner afin de trouver l’origine du problème tout en proposant des solutions à chacune de ces causes possibles d’inconfort.

2.5. Analyse de la deuxième situation

Cette situation illustre un problème d’interface personne/appareillage qui a occasionné des résultats inadéquats lors d’un test. Louise aide l’étudiant à identifier la source de ce problème et à apporter la solution adéquate.

2.5.1. Modalités d’enseignement

Au cours de cette situation, seules les modalités de supervision et du modèle de rôle ont été adoptées.

2.5.1.1. Supervision. Louise adopte d’abord une modalité de supervision où elle

observe l’étudiant prendre les informations d’usage et procéder au premier test comme le montre cet extrait : « Encore l’étudiant a pris le poids, la grandeur, il a pris les informations et puis… là il exécute son premier test, c’est sa capacité vitale lente » (C2C2. 18-19).

Les résultats obtenus ne sont pas optimaux. Louise et l’étudiant constatent que le patient a une respiration lente et irrégulière. L’étudiant attribue cela à la nervosité du patient, mais Louise n’adhère pas à cette explication. Elle le laisse tout de même continuer. L’extrait suivant illustre bien que Louise regarde et analyse le travail de son étudiant :

Alors… fait que là… l’étudiant insiste pour que le patient demeure calme, il répète ce mot-là à deux reprises, pendant sa 2e, son 2e… restez calme. Parce que finalement, il remarquait que c’était irrégulier, mais lui, il disait juste parce que c’était le patient finalement, fait qu’il s’est dit je vais le calmer, puis ça va aller mieux. (C2C2. 59-63)

Louise maintient cette modalité jusqu’au troisième essai où là, elle intervient. Par la suite, c’est surtout le modèle de rôle qu’elle empruntera.

2.5.1.2. Modèle de rôle. Au troisième essai du test, Louise arrête la procédure et

prend un moment pour aider l’étudiant à identifier le problème. Elle adopte alors un modèle de rôle où elle dirige la situation en demandant à l’étudiant, dans un premier temps, d’analyser les graphiques obtenus au cours des trois premiers essais. L’étudiant constate avec Louise qu’en effet le patient respire de façon irrégulière. Au même moment, en présence du patient, elle fait remarquer à l’étudiant qu’il n’est pas recommandé de dire à une personne qu’elle est nerveuse. L’extrait suivant montre comment Louise a pris la relève en étant beaucoup plus directive :

Qu’est-ce que tu vois à l’écran? Encore là, étudier les courbes. Alors, il y avait des grandes amplitudes, thoraciques, et tout ça, et puis bien il respirait à 12, fait que… j’ai dit donc c’est l’irrégularité. Il respire croche. Irrégulier. Mais ce n’est pas parce qu’il est nerveux nécessairement, peut-être un peu à l’intérieur, mais j’ai dit, plus tu vas lui dire de se calmer, pire ça va être, parce que là, tu le stresses avec ça, parce que ce n’est pas ça, ce n’est pas

vraiment ça là. (Tu lui dis) de diminuer son amplitude un peu et de dire à un patient de se calmer, ce n’est pas nécessairement la bonne attitude. (C2C2. 80-86)

Bien qu’elle pose plusieurs questions à l’étudiant, c’est la plupart du temps elle-même qui y répond. Son intervention prend alors plutôt la forme d’un exposé. Voici un exemple où Louise interroge l’étudiant et où elle répond elle-même à la question :

Alors, mais là j’ai dit, faut que tu cibles c’est quoi le problème. C’est l’irrégularité. Fait que là j’ai dit OK, regarde la pièce buccale. Un, premièrement ça prend une respiration (aussi). C’est quoi les signes et les symptômes d’un patient qui est très nerveux? Soit qu’il va avoir un problème de concentration, il va amplifier énormément le volume courant, on l’a ça un petit peu. (C2C2. 108–113).

Après quoi, Louise propose de changer la pièce buccale et cela fait en sorte que la respiration du patient devient stable.

Louise demeure directive en proposant des solutions à l’étudiant et suggère même un ordre lors de la vérification des causes possibles des principaux points qui causent de l’inconfort chez les patients. Elle termine avec l’étudiant en lui suggérant d’autres façons d’aborder une personne qui présenterait un problème de nervosité.

2.5.2. Interventions pédagogiques

Les interventions pédagogiques répertoriées au cours de cette situation se rapportent à la réflexion sur l’action, à la généralisation-discrimination, au coaching, à l’échafaudage, la modélisation ainsi qu’au retrait graduel. Au cours de cette situation, Louise a aussi utilisé le problème provoqué.

2.5.2.1. Réflexion sur l’action. La réflexion sur l’action prend la forme d’une

rétroaction, c’est-à-dire un commentaire sur l’intervention de l’étudiant auprès du patient.

Ainsi, lorsque le patient quitte, Louise fait part de son opinion à propos de la façon d’intervenir de son étudiant auprès du patient. Elle s’adresse à lui ainsi :

J’ai dit, avec les patients, faut pas que tu leur dises, là vous allez vous calmer, parce que c’est pire. Parce que c’est comme ça. Il faut trouver les mots qui sont un peu moins…offensants. OK. Alors… c’est bien, mais essaie de diminuer un petit peu l’amplitude OK. Tout ça, mais, j’ai dit essaie de… choisis ton vocabulaire ou tout ça, mais de dire à quelqu’un, tu es nerveux, il n’y a pas personne qui aime ça je pense de se faire dire, ah mon doux vous êtes nerveux! Parce que c’est quelque chose que… les gens vivent des fois très intérieurement et qu’ils savent, puis qu’ils essaient de gérer ça, mais de se le faire dire en pleine face des fois, ça… (rire). (C2C2. 96-103)

2.5.2.2. Généralisation-discrimination. Dans la situation en question, Louise aide

l’étudiant à distinguer les causes les plus probables du problème ainsi que la solution la plus appropriée pour cette situation.

Dans ce contexte, après avoir constaté la présence d’une respiration irrégulière chez le patient, l’étudiant suggère de procéder autrement afin de corriger ce problème. Louise met en doute cette suggestion et indique à l’étudiant qu’habituellement, ce qu’il propose s’adresse à un autre type de problème. Le passage qui suit montre comment Louise s’est adressée à son étudiant à ce sujet :

À la troisième là, j’ai… je suis intervenue, OK. Ah oui, c’est ça, la troisième il dit… oui OK, la respiration était irrégulière, parce que j’ai dit qu’est-ce que tu remarques? Ouais, il dit là c’est très irrégulier, il dit je vais le faire à l’inverse. J’ai dit pourquoi tu vas le faire à l’inverse? … ben ça va aller mieux, je vais peut-être avoir des meilleurs résultats. Je dis en principe, on en fait une à l’inverse quand on a un volume de réserve expiratoire qui est quand même sous-estimée et tout ça, mais j’ai dit là, il est où le problème? Alors c’était de cibler le problème. (C2C2. 65-71)

Par la suite, Louise énumère d’autres causes qui auraient pu expliquer la respiration irrégulière chez un patient. Pour chacune des causes potentielles d’inconfort, Louise suggère des solutions à l’étudiant. À titre d’exemple, elle mentionne que pour une certaine clientèle assez âgée, le port de prothèses dentaires peut causer de l’inconfort. L’inhalothérapeute doit alors demander à la personne de retirer ses prothèses. Elle souligne à l’étudiant que « tout le monde, sans exception, n’aime pas enlever ses dents devant le monde » (C2C2. 227-228). Elle propose alors à l’étudiant de dire « … je crois, d’après ce que j’observe et tout ça, que vos prothèses

dentaires vous gênent un peu et ça pourrait perturber les résultats […] faites-vous en pas, je suis habitué, on va les enlever » (C2C2. 235-238).

Louise ajoute d’autres causes possibles à l’inconfort telles que le pince-nez ou la présence d’une douleur dorsale, mais les deux dernières hypothèses semblent peu probables, car comme le souligne Louise « on avait affaire à un monsieur qui était quand même jeune, là » (C2C2. 304). Ces deux derniers éléments risquent donc de ne pas expliquer le problème de ce patient.

2.5.2.3. Coaching. Louise piste l’étudiant dans la résolution de ce problème en

posant des questions. Elle tente de lui faire identifier la cause la plus plausible du type de respiration observée étant donné le contexte de la situation.

Lors de ce problème, dès le début du test, Louise identifie la présence d’une respiration irrégulière chez le patient. Bien que l’étudiant l’ait aussi notée, il déduit mal la cause qui pourrait expliquer ce type de respiration. À ce moment, Louise piste l’étudiant en lui demandant d’abord : « Qu’est-ce que tu vois à l’écran? » (C2C2. 80). Elle fait alors la remarque : « Encore là, étudier les courbes » (C2C2. 80). Louise doit alors indiquer à l’étudiant qu’il s’agit en effet d’une respiration irrégulière, mais pas nécessairement due à la nervosité du patient, comme le croit l’étudiant.

2.5.2.4. Échafaudage. Pour cette situation, les interventions relevant de

l’échafaudage concernent la reconnaissance du problème, la recherche de données pertinentes, l’analyse, la prise de décision et l’application d’une solution. Bien qu’il s’agisse de questions s’adressant à l’étudiant, c’est Louise qui fournit les réponses et c’est pourquoi ce type d’intervention a été classé comme faisant partie des interventions se rapportant à l’échafaudage et non au coaching. Les interventions de Louise sont beaucoup plus dirigées. Elle souligne à l’étudiant que, selon elle, la cause potentielle de cette respiration irrégulière est plutôt un problème d’inconfort qu’un problème de nervosité, comme le stagiaire le croit. Voici un exemple de la manière d’intervenir de Louise :

Et j’ai dit, d’après toi, est-ce que c’est confortable avoir une pièce buccale comme ça dans la bouche? Bien il dit, je ne le sais pas vraiment… peut-être, j’ai dit on pourrait peut-être changer la pièce buccale. Peut-être qu’il est juste inconfortable avec la pièce buccale, il ne sait pas où mettre sa langue, c’est aussi niaiseux que ça. Mais c’est une grosse pièce qui est rigide, que tu insères dans la bouche, puis tu dois pincer le nez, puis que là il se sent coincé là-dedans, il (inaudible), il est tout croche. Fait que, c’est parce qu’il n’est pas confortable. (C2C2. 113-119)

Elle recommandera alors à son stagiaire de changer la pièce buccale, ce qui correspond à l’application de la solution. Voici comment Louise s’est exprimée : « Là tu vas penser à son confort. Ça on a une possibilité de mettre une pièce buccale plus souple ou une pièce buccale plus étanche, également de par la forme, puis c’est plus souple et ç’a été le jour et la nuit » (C2C2. 121-123).

Elle ajoute pour l’étudiant que par « expérience, souvent, quand tu mets un pince-nez sur le nez d’un patient, il a tendance à amplifier un petit peu le volume » (C2C2. 185-186). Cela ne signifie pas pour autant que cette personne présente un problème de nervosité. Ce qui constitue une autre donnée à vérifier.

2.5.2.5. Modélisation. Louise applique la modélisation à voix haute surtout pour faire

part de son raisonnement quant à ce problème. En effet, Louise indique clairement à son stagiaire l’ordre dans lequel elle intervient lorsqu’un problème semblable se présente. L’extrait suivant illustre bien sa façon de procéder :

Donc ai-je un problème? Oui. Comment vais-je le régler? Bon, OK. Si c’est une pièce buccale qui est inconfortable, je vais essayer d’améliorer le confort du patient. Si ça ne fonctionne pas ça, bon OK. Ça ne fonctionne pas… est-ce que j’ai une fuite à la bouche qui fait que c’est instable? Non, je n’ai pas de fuite à la bouche. Est-ce que mon pince-nez est bien pincé? Oui. Bon OK. (C2C2. 191-195)

Avec l’étudiant, Louise traite aussi d’un autre exemple où elle utilise une situation de la vie quotidienne afin d’indiquer de façon imagée comment respirer au cours du même test qu’a subi le patient dans cette situation. En effet, Louise fait part que certains inhalothérapeutes vont dire : « … respirez comme quand vous regardez la télévision. » (C2C2. 160-161). Mais elle adhère plus ou moins à cet exemple et elle l’exprime à l’étudiant : « Bon, je regarde, chaque personne faut… c’est son petit truc,

j’ai dit bon, moi personnellement j’aime moins ça » (C2C2. 161-162). Elle propose à son stagiaire une manière qui souvent lui réussit comme le montre cet extrait :

Alors là, il y a des fois que je vais dire ça. On enlève tout. J’enlève la pièce buccale, j’enlève le pince-nez puis tout ça, puis je dis regardez-vous respirer, Monsieur. Regardez l’amplitude que vous prenez actuellement là. On a une certaine amplitude […] Là vous mettez un pince-nez, puis je ne veux pas que vous doubliez l’amplitude […] Essayez de rester naturel. Comme là. Et souvent j’ai dit, ça marche. […] Parce qu’ils ont un repère. (C2C2. 198-208)

Elle poursuivra en précisant comment elle fonctionne afin de trouver la cause du problème. Elle s’exprime ainsi à ce sujet :

J’ai dit, j’y vais par élimination là. Bon ça j’ai essayé ça, ça, j’ai essayé ça. Et j’ai dit son dentier, parce que nous parlons confort, […] Qu’est-ce qui pourrait être une source d’inconfort pour le patient? Le pince-nez, c’est un inconfort, la pièce buccale c’est un inconfort […] Ses prothèses dentaires. (C2C2. 212-219)

2.5.2.6. Retrait graduel. Louise énonce clairement les raisons pour lesquelles elle

laisse son étudiant procéder et pour lesquelles elle intervient. Ainsi, au début de la situation, c’est l’étudiant qui exécute le test, car Louise juge qu’il répond bien aux exigences qu’il comporte. Déjà, dans l’action, elle remarque que son étudiant ne semble pas avoir identifié correctement ce qui explique la façon dont respire le patient. Elle le justifie comme ceci :

Et là je regarde faire mon étudiant qui est quand même très… très généreux de sa personne avec lui, c'est-à-dire qu’il se présente bien puis tout ça là, puis il explique bien la manœuvre et tout ça, sauf qu’il n’a pas vu que le patient, il avait juste une respiration irrégulière, il n’était pas nerveux, il était nerveux dans le sens, il a peut-être pris un soupir, mais il avait une respiration irrégulière OK. (C2C2. 50-54)

Elle intervient parce qu’à la suite des réponses que fournit son stagiaire, elle a déterminé que l’étudiant n’était pas en mesure de reconnaître qu’il s’agissait d’un problème d’inconfort plutôt que de nervosité. Elle dira alors : « C’était ça qu’il n’était pas capable de cibler. » (C2C2. 73)

2.5.2.7. Problème provoqué. Louise applique aussi cette intervention pédagogique.

En effet, à la première tentative du test, elle laisse continuer son étudiant même si elle considère que sa façon de procéder n’est pas adéquate comme le montre cet extrait :

Alors… là, tout de suite la première intervention qu’il lui a dit, c’est de demeurer calme et de mieux respirer. Là moi j’avais le goût de rire, parce que j’ai dit OK on va voir ce que ça va donner. Alors la deuxième respiration, ce n’était pas mieux. […] Oui, je l’ai laissé aller. ». (C2C2.54 - 59)

Plus tard, Louise interviendra afin d’aider l’étudiant dans l’identification du problème et de la solution à apporter.