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DANS LE PROGRAMME DE FORMATION EN INHALOTHÉRAPIE AU QUÉBEC

Le programme d’inhalothérapie comporte 2 775 heures dont 960 heures sont consacrées à l’enseignement clinique (Cégep de Sherbrooke, 2008; Ministère de l'Éducation du Loisir et du Sport, 2008). Ce programme a été conçu selon un modèle traditionnel où les étudiantes et les étudiants acquièrent les connaissances de base en contexte scolaire d’abord, connaissances qui sont ensuite appliquées en milieu clinique. Ces connaissances devraient aussi contribuer à aider les étudiantes et les étudiants à prendre des décisions efficaces et pertinentes par rapport aux situations qui se posent dans le milieu d’apprentissage clinique. Le stage clinique représente environ le tiers de la formation du programme d’inhalothérapie (Ibid). Les stages ont lieu dans les secteurs d’activité des soins cardio-respiratoires généraux, de laboratoire de physiologie respiratoire, d’anesthésie, de soins à domicile et aux unités de soins critiques et d’urgence et concernent l’adulte, l’enfant et le nouveau-né.

Le préceptorat et le monitorat sont les formes d’enseignement clinique les plus souvent rencontrées. Comme préceptrice ou précepteur, l’inhalothérapeute encadre un seul stagiaire. Lors de monitorat, l’inhalothérapeute se voit attitrer

plusieurs stagiaires, mais cette dernière formule est plutôt réservée pour les enseignantes ou les enseignants à l’emploi des cégeps. Tout au long de cette thèse, c’est l’expression « chargé d’enseignement clinique » qui sera employée pour désigner l’inhalothérapeute donnant l’enseignement clinique. Ce professionnel est soit un inhalothérapeute à l’emploi du centre hospitalier où a lieu le stage, soit une enseignante ou un enseignant d’un cégep ayant une entente de formation clinique avec le centre hospitalier.

Tous les acteurs impliqués dans l’enseignement clinique des stagiaires possèdent des formations ainsi que des niveaux d’expertise variés. Il va de soi que le degré d’expérience en enseignement clinique diffère lui aussi. Cela signifie qu’une étudiante ou un étudiant peut tout aussi bien être encadré par un inhalothérapeute chevronné que par un inhalothérapeute faisant ses débuts dans la profession. De plus, la chargée ou le chargé d’enseignement clinique est avant tout responsable des patients dont il a la charge. L’inhalothérapeute chargé d’enseignement clinique évolue dans un contexte de travail complexe qui a été largement décrit à la section précédente. Le rôle de la chargée ou du chargé d’enseignement clinique s’ajoute aux responsabilités inhérentes à sa profession.

Même s’il existe quelques différences organisationnelles sur le plan de la grille de cheminement scolaire entre les cégeps offrant cette formation, elles sont mineures et nous pouvons considérer que l’agencement des cours et des stages cliniques est semblable pour l’ensemble des cégeps.

Le programme de formation actuel a été élaboré à partir d’une analyse de situation de travail conduite en 1992. Bien qu’il ait été révisé, ce programme n’a pas encore fait l’objet d’un processus d’actualisation qui aurait permis des modifications officielles et des adaptations majeures à la pratique contemporaine. La formulation des compétences se rapportant à la maîtrise des nouvelles technologies a permis aux institutions de bien s’adapter aux nombreux changements technologiques qui se sont produits depuis 1997, année d’implantation du nouveau programme. Mais notre expérience clinique, tant comme inhalothérapeute, comme chargée d’enseignement

clinique ainsi que celle découlant de la participation à plusieurs comités commandés par l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec traitant de la formation initiale en inhalothérapie, nous fait voir que depuis l’implantation du programme, l’autonomie décisionnelle chez ce professionnel s’est grandement accentuée. Cette autonomie décisionnelle, plus présente maintenant qu’à l’époque, fait en sorte que les inhalothérapeutes doivent fonder leur jugement sur un raisonnement clinique fiable qui assure la justesse et la qualité des opinions, décisions ou actions prises.

Comme il est formulé actuellement, le programme de Techniques d’inhalothérapie montre peu d’occasions d’enseignement formel du raisonnement clinique. Toutefois, en prenant connaissance des éléments qui constituent les compétences du programme québécois actuel, on retrouve à plusieurs reprises les expressions « Choix judicieux… », « Repérage précis… », « Décision éclairée quant à … » (Collège de Sherbrooke, 1997), ce qui comporte de façon implicite l’application d’un raisonnement clinique. L’élément de compétence « Proposer des solutions aux problèmes rencontrés » (Ibid) qui se rapporte à la compétence « Évaluation de la qualité de la ventilation mécanique » (Ibid) et le critère de performance « Adaptation appropriée aux diverses situations de travail » qui lui se rapporte à la compétence « Organisation du travail » (Ibid) laissent supposer que seules ces deux compétences exigent un enseignement formel du raisonnement clinique. Ces dernières descriptions font partie de compétences enseignées en contexte scolaire. Les descriptions des compétences se rapportant aux stages cliniques reprennent ces divers éléments, mais cette fois en contexte de pratique professionnelle. Ce sont là des indices qui nous permettent de croire que le processus de raisonnement clinique fait l’objet d’un enseignement et d’une évaluation implicites ou explicites, malgré qu’il n’en soit pas fait mention ouvertement dans le devis ministériel du programme.

Les résultats obtenus aux épreuves synthèses communes de programme ayant lieu à la fin de leur formation démontrent que les étudiants et les étudiantes réussissent bien. Ces épreuves sont essentiellement constituées de questions associées

à un contexte riche, c’est-à-dire l’histoire d’un patient. Ces histoires sont très fidèles aux situations rencontrées par les inhalothérapeutes dans leur milieu clinique. Les questions sont essentiellement à choix multiples dont la réponse peut comporter plusieurs choix afin d’être complète. Selon ce que soulignent Charlin, Bordage et Van der Bleuten (2003) à partir de leur revue de littérature, ce type d’épreuve comporte certaines limites dont l’impossibilité d’évaluer adéquatement la qualité du raisonnement clinique et la probabilité pour les étudiantes et les étudiants de reconnaître des indices qui les orientent vers la réponse. Dans ces circonstances, cette forme d’évaluation ne fournit donc aucune indication quant à l’adéquation d’un quelconque raisonnement. Par contre, selon ce qu’ont noté ces auteurs, la réussite de ce type d’épreuve peut prédire la performance des futurs professionnels.

La faible démonstration de l’obligation d’enseigner le raisonnement clinique à l’intérieur du devis ministériel et l’absence d’outils d’évaluation formels du raisonnement clinique font en sorte qu’il devient légitime de s’interroger à propos des modalités d’enseignement et des interventions pédagogiques utilisées pour développer et encourager le raisonnement clinique.

Dans leur ouvrage, Christensen et al. (2008) s’accordent à dire que c’est principalement au cours des stages que le raisonnement clinique s’acquiert, à savoir en contexte professionnel. L’étude de Laitinen-Väänänen et al. (2007) où ont été filmées des interactions entre les stagiaires en physiothérapie et leurs chargées d’enseignement clinique lors d’interventions auprès des patients abonde dans le même sens. En général, le stage est un moment crucial à exploiter afin d’effectuer le transfert des apprentissages du contexte scolaire au contexte de pratique. L’étude de cas de Bizier et al. (2005) qui portait sur le transfert des apprentissages dans un contexte d’enseignement de niveau collégial met à l’avant-plan le contexte d’apprentissage qu’offre le milieu de stage où des situations complexes qui apparaissent fréquemment permettent « l’engagement cognitif et le transfert des acquis » (Bizier et al., 2005, p. 163). Ces auteurs font aussi état des attitudes des

superviseurs ainsi que des interventions pédagogiques utilisées pour favoriser le transfert des apprentissages.

Plusieurs domaines professionnels en santé se sont intéressés à mettre en évidence les modalités d’enseignement clinique et les interventions pédagogiques qui contribuent au développement du raisonnement clinique sur le terrain, mais peu d’études ont été réalisées dans le domaine de l’inhalothérapie plus spécifiquement. Ces aspects sont étudiés de plus près à la section suivante.