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Les autres principes du droit public économique Le principe de non-rétroactivité Le principe de non-rétroactivité

Titre 2. L’autonomisation du droit public économique en France

D. Les autres principes du droit public économique Le principe de non-rétroactivité Le principe de non-rétroactivité

D. Les autres principes du droit public économique Le principe de non-rétroactivité

Traditionnellement en droit français on parle du principe de non-rétroactivité. Comme l’a bien remarqué M.Fromont, « centré sur la théorie des actes administratifs et non sur la problématique des droits des partenaires privés de l’autorité administrative, le système du droit administratif français repose très largement sur la distinction des actes rétroactifs et des actes s’appliquant à l’avenir »266.

Selon un principe bien établi, « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif » (art.2 du Code civil). Cependant, le législateur peut, en matière civile, déroger ce principe.

En ce qui concerne les actes administratifs, ceux-ci ne peuvent pas produire d’effets juridiques sur une période antérieure à leur parution (CE, 25 juin 1948, Société du journal l’Aurore). « Le Conseil d’Etat consacre ainsi un principe général du droit en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l’avenir »267. C’était la décision à propos d’une mesure tarifaire, donc de caractère économique. Seulement la loi peut permettre la rétroactivité, a décidé le Conseil constitutionnel. Un texte comportant des dispositions rétroactives appartient nécessairement au domaine législatif (CC, 24 oct. 1969).

« Dans les matières autres que répressives, le législateur peut adopter des mesures rétroactives mais la faculté dont il dispose à cet égard est de plus en plus encadrée, pour des motifs de sécurité juridique : des dispositions rétroactives doivent reposer sur un motif d’intérêt général suffisant et ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles (CC, Décision du 18 décembre 2001) »268.

Quant à l’entrée en vigueur des actes administratifs , « les mesures nouvelles s’appliquent immédiatement à des situations juridiques antérieurement constituées mais dont les effets, pour l’avenir, se prolongent. En revanche, la décision administrative individuelle continue à produire ses effets lorsqu’elle est devenue définitive, en dépit de la survenance d’une nouvelle réglementation contradictoire. Ce principe est appliqué en matière économique le cas échéant avec quelques nuances (CE, 3 mars 1967, Min. de la Construction c/ Sté Behr Manning et Sté des Abrasifs Norton) »269.

Au sens strict, le principe de non-rétroactivité interdit de faire produire à un acte des effets à une date antérieure à son entrée en vigueur ; il peut s’agir d’une date antérieure à

266 Fromont Michel, Le principe de sécurité juridique, AJDA, numéro spécial, 20 juin 1996, p.180

267 Colin Fréderic, op. cit., p.146

268 Stirn Bernard, op. cit., p.18

269 Linotte Didier, Romi Raphaël, op. cit., p.72

l’adoption même de l’acte ou d’une date antérieure à la publicité dont il doit faire l’objet. « Dans les deux cas, dès lors que l’acte entend régir une période révolue, il est rétroactif et se heurte à ce titre au principe de non-rétroactivité »270.

Ce principe se réalise selon les deux directions.

La première : « le principe de non-application dans le passé d’une mesure nouvelle. A fortiori la jurisprudence reste aussi sévère lorsque les considérations tirées de l’urgence et de l’intérêt général sont moins évidentes »271. Pourtant le législateur peut explicitement ou implicitement permettre aux autorités administratives de prendre des mesures rétroactives272.

La deuxième : « le principe de non-application dans l’avenir d’une mesure nouvelle à une situation constituée dans le passé. Lorsque les contrats ont été conclus sous l’empire de certaines dispositions, la modification de ces dispositions ne s’applique pas à eux. A fortiori lorsqu’aucune règle n’existait en la matière, les nouvelles règles ne sont pas susceptibles d’affecter les contrats en cours d’exécution au moment où elles sont adoptées »273. Seuls les contrats qui viendront à être conclus ultérieurement subiront les effets de la nouvelle réglementation (CE, 9 juil. 1948, Synd. national des courtiers d’assurances).

En général on croit que « le principe de non-rétroactivité doit assurer de stabilité des situations juridiques »274. C’est son lien avec le principe de la sécurité juridique, ce que sera démontré par la suite.

Le principe de spécialité

Le principe de spécialité est « un principe d’organisation administrative, qui s’applique de façon constante et incontestée aux établissements publics ; cette spécialité qui est essentiellement fonctionnelle, mais peut être également territoriale, est déterminée dans les textes constitutifs de l’établissement »275. Selon ce principe, « toute personne morale voit sa compétence limitée à l’objet qui lui a été assigné au moment de sa création par ses statuts, sauf modification régulières de ces derniers »276.

« Le rôle du principe de spécialité n’est pas, cependant, celui d’un principe de non concurrence et sa violation éventuelle n’est pas au nombre des moyens susceptibles d’être soulevés devant le juge du référé précontractuel (CE, 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la Côte d’Amour et de la presqu’île guérandaise). En revanche, il n’est pas exclu que cette règle

270 Delvolvé Pierre, op. cit., р.203

271 Delvolvé Pierre, op. cit., р.203

272 Delvolvé Pierre, op. cit., р.204

273 Delvolvé Pierre, op. cit., р.205

274 Orsoni Gilbert, op. cit., p.58

275 Conseil d’Etat. Rapport public 2002, Collectivités publiques et concurrence, La documentation française, 2002, p.253

276 Colson Jean-Philippe, Idoux Pascale, Droit public économique, LGDJ, 2010, coll. Manuel, 5ème édition, p.136

s’oppose à l’obtention d’un marché public ou d’un autre contrat de la commande publique par une personne publique, s’agissant en particulier du respect de la spécialité géographique »277.

Par exemple, le Conseil d’Etat a considéré qu’une société d’économie mixte créée pour l’aménagement d’une certaine région ne pouvait intervenir en dehors de cette région (CE, 14 mars 1997, Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne) ; le Tribunal administratif de Paris considérant qu’ « il est de la nature des établissements publics, qu’ils soient administratifs ou industriels et commerciaux, de n’avoir d’autre objet que celui qui leur a été spécialement attribué par leurs règles constitutives », a jugé qu’EDF ne pouvait, par l’intermédiaire d’une filiale, exercer une activité d’ingénierie générale qui ne se rattache ni directement ni par voie de connexité aux missions de cette établissement (jugement du 25 mai 1994, Chambre syndicale des sociétés d’études techniques et d’ingénierie)278.

Dans les ouvrages contemporains on remarque que « le principe traditionnel de spécialité est en perte de vitesse, puisque les principaux opérateurs publics constitués sous forme d’établissements publics ont été transformés en sociétés anonymes (France Télécom, EDF, GDF)279. Dans une certaine mesure il s’est perdu pour les établissements publics territoriaux (syndicats intercommunaux à vocation multiple, districts, communautés urbaines) »280.

Sur le plan comparatif, nous remarquerons que le principe de spécialité des personnes morales existant en Russie, est désavoué en plusieurs cas en raison de « l’expansion » de la législation en matière fiscale. Ainsi, si les organisations non commerciales paient les impôts de l’activité commerciale marginale, ils peuvent s’en occuper presque librement, en nivelant alors la différence entre les sujets commerciaux et les sujets non commerciaux.

Encore certains principes

Il existe beaucoup d’autres principes qui ont une importance pour le droit public économique. La plupart ont un caractère de procédure - les principes de procédure. Ainsi, en se fondant du 8 alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, « le principe de démocratisation économique (ou de la participation) est affirmé »281. Une obligation générale d’impartialité s’impose aujourd’hui à toute autorité administrative282 (CE, 3 déc. 1999, Didier).

277 Colson Jean-Philippe, Idoux Pascale, op. cit., p.140

278 Delvolvé Pierre, op. cit., p.121

279 Nicinski Sophie, Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, coll. Systèmes Droit, 2005, p.42

280 Carbajo Joël, Droit des services publics, Paris, Dalloz, coll. Mémentos, 2ème édition, 1995, p.86

281 Colson Jean-Philippe, Idoux Pascale, op. cit., p.148

282 Colson Jean-Philippe, Idoux Pascale, op. cit., p.172

« Au sens strict, le principe de participation à l’élaboration de la décision publique n’existe qu’en matière environnementale, où il jouit d’un rang en constante élévation »283. Sur ce sujet dans la doctrine s’enregistre l’impact croissant des principes du droit de l’environnement284.

Pour la sphère économique ont aussi une signification : le principe des droits de la défense, qui impose à l’administration de suivre une procédure contradictoire avant d’arrêter, à l’égard d’un administré, une mesure prise en considération de la personne (CE, 5 mai 1944, Mme veuve Trompier-Gravier), le principe du droit au recours – même en l’absence de texte, tout administré a la possibilité de demander à l’autorité qui a pris une décision ou à son supérieur hiérarchique de reconsidérer celle-ci (CE, 30 juin 1950, Queralt). Toute décision juridictionnelle doit pouvoir être contestée, au moins par la voie du recours en cassassions (CE, 7 février 1947, Aillières).

Il faut mentionner aussi le principe de proportionnalité, qui est de l’essence même du libéralisme : « l’Etat doit intervenir le moins possible et choisir le moyen le moins gênant pour les particuliers »285. « Dans tous les ordres juridiques, les autorités administratives doivent adapter les mesures qu’elles prennent aux objectifs qu’elles poursuivent, c’est le principe de proportionnalité. La proportionnalité est la mise en balance des intérêts privés et des intérêts publics »286.

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