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P REMIÈRE PARTIE

I. L A DÉMOCRATIE CHRÉTIENNE : BRÈVE HISTOIRE

I.1. Première démocratie chrétienne

En juillet 1830, la France connait une nouvelle révolution qui donne naissance à un nouveau régime. À la suite de cette révolution, la « monarchie de juillet » de Louis Philipe IP

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P succède à celle de Charles V. Le nouveau régime cherchait à réconcilier royauté et

valeurs de 1789. C’est dans ce contexte que paraîtra « L’Avenir », journal qui avait pour devise « Dieu et la liberté ». Des intellectuels catholiques qui exprimaient à leur manière la rupture qui persistait jusqu’à lors entre Église catholique et libéralisme, sont derrière cette initiative. Le plus notable de ces intellectuels fut Lamennais (1782-1854). Grande figure du catholicisme libéral du XIXP

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P siècle, il « se déclarait favorable à toutes les grandes libertés,

de conscience, de la presse, des associations, de l’enseignement. Il acceptait le principe de la souveraineté du peuple et le suffrage universel » (Mallet, ibid.). C’est ainsi qu’il réclama « la suppression du concordat et la séparation de l’Église et de l’État » (ibid.). C’était là le champ de bataille du journal « l’Avenir ». Karsten Grabow présente dans son article

Historical Developments of Christian Democracy in Europe >2011@ une formulation pertinente à ce contexte.

The Christian Democratic idea was further developed by the Breton priest Robert Lamennais and his colleagues Charles de Mantalembert and Henri Dominique Lacordaire. Influenced by the Belgian constitutional movement of 1830, which was sup-ported by the liberals and the Catholics, they demanded the separation of church and state. They also called for freedom of religion and conscience, freedom of education, freedom of the press and freedom of association. Nonetheless, democracy and Christianity remained linked by theological traditionalist ideas. A comprehensive political programme had as yet not been developed. Lamennais » main achievement was the early recognition of the increasingly important role of the people as political actors and the realisation that the social question would be the main issue with regards to the socio-political order of the 19th century. in continental Europe, the modern state arose from a political process best described as a ‘revolt against God and religion’ and the rejection of centuries of absolutist rule ‘by the grace of God’. Lamennais, in contrast, did not regard religion and democracy as fundamentally opposed to each other but considered both to be closely intertwined. He defined freedom, justice and equality as theological elements with a religious moral connotation distinct from individual liberalism. Lamennais had hoped for the formation of an alliance between Christian-liberal forces and individual-secularism which, however, was still in the very distant future (p.11).

74 Évidemment, « ces idées étaient très avant-gardistes au sein d’une Europe monarchique et conservatrice » (Mallet, ibid.). Lamennais sera ainsi « mis au ban de la société ecclésiale de son temps pour avoir écrit, dans un style qualifié de flamboyant et de parabolique, sur les misères et les malheurs de l’époque » (ibid.). Le parcours du journal « L’Avenir » prendra fin le 15 novembre 1831. Le 15 aout 1832, le journal sera condamné par l’encyclique

Mirari Vos de Grégoire XVI (1831-1846). Pourtant, les idées sont plus fortes que les

évènements et les incidents. Ainsi, si le parcours de ce journal a été rapidement interrompu, il n’en va pas de même pour les idées qu’il véhiculait.

Le 15 février 1848, la France est le théâtre d’une nouvelle révolution. La chute du roi Louis-Philipe 1P

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Pdébouche surP Pl’instauration de la deuxième république proclamée

par Alphonse de Lamartine. Une particularité propre à cette révolution concerne l’Église catholique. Contrairement aux révolutions précédentes (1779, 1730), celle de 1848 n’était pas « anticléricale, mais animée au contraire par le sentiment religieux et la fraternité entre tous et de la justice pour tous » (Dreyfus, p.46). Tenant de cette thèse, Jean-Dominique Durant, estime que « les révolutions de 1779 et de 1830 ont vu des tentatives de conjuguer liberté et christianisme, avec les grandes figures de l’abbé Grégoire et de Lamennais, mais ils étaient isolées au sein d’un courant général hostile à l’Église » (p.49). Par contre, « les mouvements insurrectionnels de 1848, aux revendications nationales, sociales, démocratiques, se sont référés à l’Évangile, et le clergé n’a pas eu besoin de se forcer pour bénir les arbres de la liberté » (ibid.). Ce contexte profiterait à l’activisme catholique de l’époque. En fait, constate Dreyfus, « à aucun moment de l’histoire de France une action politique, catholique, démocrate et sociale n’a été si près de se réaliser » (Dreyfus, p. 46). On n’est donc pas très loin d’une formulation sérieuse de ce que deviendra « la démocratie chrétienne ».

Le rôle du journal « l’Ère nouvelle » est incontestable dans ce contexte. « C’est à partir de ce quotidien, fondé le 15 avril 1848, sur l’initiative de l’Abbé Maret et de Frédérique Ozanam, que sont posés les jalons des idées démocrates-chrétiennes. Les premières affirmations d’appartenance à « la démocratie chrétienne » ont été exprimées dans ses pages » (Denon-Birot, pp. 48-49). La révolution de 1848 et la deuxième république qui en a découlé constitueront un contexte favorable aux rédacteurs de ce journal pour formuler une partie considérable de l’idéologie de la démocratie chrétienne. Pourtant, ni l’aventure de la deuxième république ni celle de « l’Ère nouvelle » ne persistèrent. Ce double échec

75 marquera profondément le destin de cette première démocratie chrétienne naissante autour de l’expérience de la deuxième république et du journal « L’Ère nouvelle ». Vers la dernière décennie du XIXP

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P siècle, la démocratie chrétienne trouvera un second souffle.

Paradoxalement, ce second souffle proviendra de l’Église catholique elle-même. En 1891, le Pape Léon XIII présente l’encyclique Rerum Novarum et incite les catholiques à rallier la république. C’est l’ère de la seconde démocratie chrétienne.