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P REMIÈRE PARTIE

V. A PPROCHES D ’ ANALYSE

Cette recherche s’appuie sur un cadre interdisciplinaire conjuguant des approches émanant de la sociologie politique et religieuse ainsi que d’autres sciences sociales comme l’histoire et les sciences politiques. Suivant ce cadre méthodologique interdisciplinaire, la thèse sera présentée selon trois approches interdépendantes et complémentaires, à savoir une approche socio-historique, une approche socio-analytique et une approche comparative.

Le premier niveau d’analyse proposé dans le cadre de cette recherche conjugue les deux premières approches (socio-historique et socio-analytique). Dans un premier temps, la recherche vise à situer le PJD/MUR dans son contexte d’émergence et d’évolution. Analysant les fondements du régime monarchique marocain et la nature des rapports persistants entre le politique et le religieux au sein de ce régime, cette recherche s’attaquera à une spécificité propre au MarocP73 F

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P, pays où les islamistes se retrouvent, écrit Bruno

Étienne, « très gênés dans leur action puisqu’ils se heurtaient au Commandeur des Croyants qui occupait déjà le terrain de l’Islam » (Étienne >1999@). Charifisme, ouléma, marabout et confréries mystiques, auxquels s’ajoute un Commandeur des Croyants constitutionnalisé, sont à la fois des concepts et des acteurs, dont l’analyse du rôle et des modes d’action et de réaction au sein du contexte socio-historique marocain sera d’une grande importance pour la construction de l’objet de recherche de cette thèse. Pour ce faire, cette recherche adopte un cadre théorique s’articulant autour de la notion de « champ religieux » tel qu’il a été

74 Le travail de Stéphane Lacroix sur les islamistes saoudiens inspirera notre travail. Sa description de cette problématique dans le contexte de sa recherche (l’Arabie Saoudite) est largement similaire de la nôtre en ce qui concerne le Maroc. « La situation de cette mouvance est par essence différente de celle de l’islamisme de la plupart des pays du Moyen-Orient : il n’est pas ici question de combattre un régime séculier se réclamant d’un régime légitimateur autre que la religion; il s’agit de disputer à un pouvoir fondé sur la religion le monopole du divin. L’Islam en Arabie Saoudite est une source fondamentalement contestée : entre le régime et les islamistes, d’une part, et entre les islamistes eux-mêmes, le fait de la pluralité des visions du monde qui les animent d’autre part ». (Lacroix >2010@, p.4).

118 appliqué dans le contexte marocain par Mohamed Tozy >1984@ et d’autresP74F

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P

, en référence à un cadre théorique forgé par Pierre Bourdieu >1970@ (deuxième partie/ Chapitre I).

En conjuguant toujours approche socio-historique et approche socio-analytique, cette recherche vise à livrer sa propre construction du parcours de son objet de recherche pendant la période s’étendant de 1969 à 2011. Pour faciliter ce travail à la fois historique et analytique, la recherche propose une division de ce parcours s’étendant sur une période de 42 ans selon trois sous-périodes chronologiques. Ces périodes s’imposent d’elles-mêmes, étant divisées selon les évènements charnières ayant présidé à l’évolution du mouvement. La première période s’étend de 1969 à 1981 et couvre la période de l’émergence et de la dispersion du Mouvement de la jeunesse islamique sous la direction de son parrain Abdelkrim Mouti’ (deuxième partie/chapitre II).

La deuxième période s’étend de 1981 à 1996 et couvre la période transitoire qui commence par la réorganisation d’un ensemble des adeptes de la Chabiba dans un nouveau cadre organisationnel (Association du Groupe islamique [la Jama’a] [1981]) avec une manifestation explicite de normalisation dans le paysage politique marocain et qui débouche sur une intégration politique réussie d’une partie importante de l’islamisme marocain dans le paysage politique (1996) (deuxième partie/chapitre III). La troisième et dernière période s’étend de 1996 à 2011. Elle couvre le parcours politique de ce groupe islamiste depuis son intégration politique au sein d’un parti politique en 1996 et jusqu’à son arrivée au pouvoir au Maroc à la suite aux élections législatives de 25 novembre 2011 (troisième partie/chapitre I).

Cette reconstruction de l’histoire du groupe d’étude de notre recherche permettra à celle-ci de suivre et d’analyser le processus d’évolution théorique censé être effectué par les idéologues de ce groupe. L’analyse s’attardera ainsi sur des questions découlant de la problématique de la gestion de la relation entre le politique et le religieux, plus particulièrement, l’islamité de l’État (troisième partie/chapitre II) et la démocratie (troisième partie/chapitre III). Le résultat de cette analyse fournira les éléments nécessaires pour vérifier l’hypothèse centrale de la recherche et répondre à sa problématique. Signalons qu’à ce niveau d’analyse, la recherche prêtera une attention particulière aux rôles des

75 La notion de champ religieux est également adoptée par Malika Zeghal dans ses travaux sur le Maroc et Stéphane Lacroix dans son ouvrage sur l’islamisme saoudien. Nous justifions davantage notre choix dans le chapitre suivant.

119 acteurs au sein de ce parcours, en définissant le profil socio-intellectuel et militant des figures les plus notables de ce groupe (Mouti’, Benkirane, Khatib, Yatim, Raissouni, Othmani); cela nous mettra en relation avec quelques méthodes de la théorie des mouvements sociaux (Lacroix, p. 9). Nous soutenons notre analyse sur les propos recueillis au cours du travail de terrain effectué au Maroc entre 2008 et 2012, propos qui renvoient aux entretiens directs. De plus, nous nous appuyons sur les biographies, récits de vie, mémoires, déclarations, commentaires et écrits d’un ensemble de personnages clés de l’histoire de notre groupe d’étude, présentés précédemment.

Pour ce qui est de l’approche comparative, elle sera adoptée selon deux niveaux distincts. Étant implicite, le premier niveau de la comparaison accompagnera le processus de construction des cadres contextuels, politiques, conjoncturels et théoriques de l’objet de recherche de cette thèse. Ainsi, la focalisation de cette recherche sur l’étude d’un groupe islamiste déterminé dans un contexte géopolitique déterminé (le PJD/MUR au Maroc) ne l’empêchera pas de s’ouvrir sur d’autres expériences islamistes, au Maroc ou ailleurs. Un retour comparatif sur les modes d’organisation et d’action du Groupe d’Équité et de Bienfaisance et du mouvement salafiste (scientifique ou djihadiste) au Maroc ou d’autres organisations islamistes en dehors du pays, s’avèrent d’une grande importance pour l’analyse proposée par cette recherche.

Au deuxième niveau, rappelons que l’hypothèse de cette recherche pose que le PJD marocain, à travers son processus d’évolution idéologique et politique, serait en train d’emprunter le même parcours que celui suivi par les partis chrétiens-démocrates en Europe, ce qui aboutira à une sécularisation du religieux au profit du politique au sein de ses modes de de penser et d’agir. Ainsi, au fur et à mesure de la reconstruction du parcours politique de notre groupe dans sa phase du parti politique (le PJD) (1996-2011), nous comparons ce parcours avec celui des partis chrétiens-démocrates dont l’objectif est de créditer ou de discréditer, du moins en partie, l’hypothèse centrale de notre recherche.