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La première Restauration instaure en revanche un nouvel ordre provisoire puisque Bonnaire se fait ravir sa puissance décisionnelle par le commissaire extraordinaire de Ferrières. Ce dernier choisit de révoquer le 12 mai les trois commissaires de Rennes, sur le compte desquels des plaintes lui sont parvenues, et nomme provisoirement leurs successeurs le jour-même. Bonnaire prend la 4 Prenons pour exemple la nomination du cinquième commissaire de police de Saint-Servan : trois hommes, Rousseau, Wilman et Fichet sont en lice. Les deux premiers reçoivent les éloges du sous-préfet de Saint-Malo quand le troisième « conviendrait beaucoup moins à la place », n'étant désigné que dans le seul but d'atteindre le seuil de candidats demandé (AN F/7/9853 : tableau de présentation des candidats pour le poste de commissaire de Saint- Servan, 18 juillet 1813). Il arrive également qu'un quatrième candidat se greffe in extremis aux trois autres, c'est le cas de Templer à Fougères qui, soutenu par le préfet et le sous-préfet, obtient finalement la place (AN F/7/3269 : lettre du préfet Mounier au ministre de la Justice, 4 vendémiaire an XII).

défense des destitués et ne leur impute « aucun fait qui les compromette » et rend « des témoignages favorables de leur activité et de leurs anciens services »5. Le pair Lanjuinais et Soult, tout juste

nommé gouverneur de la 13ème division, prennent aussi leur parti. Bien que les nombreuses pièces

produites sur le devenir de ces fonctionnaires prouvent que la question n'a pas été tranchée à la légère et qu'elle demeure en suspens encore en septembre, le ministère de la Police, devenu direction général de la Police du royaume, ne revient finalement pas sur les choix du commissaire extraordinaire. Le caractère politique de la purgé n'est pas avancé, on parle plutôt d'une relève à visée pragmatique car ce sont les compétences qui s'avèrent remises ici en cause. Bonnaire reconnaît lui-même dans sa louange que Bert est trop routinier, Carré parfois peu régulier dans le travail et Bacon fort âgé pour sa fonction. Dans un cas comme dans l'autre, les trois commissaires déchus ne sont pas vus comme des parias par le nouveau régime, ainsi le directeur général de la Police n'est pas insensible à leur voix et à celle de leurs soutiens :

« J'appuierai avec plaisir auprès du son Ex. le ministre de l'Intérieur les propositions qui seront faites en faveur du sieur Bacon pour récompenser ses anciens services, et je saisirai avec empressement la première occasion de présenter les sieurs Bert et Carré pour les fonctions de commissaires de police dans quelque autre ville du royaume »6.

Conservant l'oreille de Paris pendant la cohabitation avec de Ferrières, Bonnaire recouvre également son monopole au départ de ce dernier. Se fiant au maire de Rennes qui s'est accommodé des trois nouveaux commissaires, Jouon, Macé et Carnet, qu'il décrit comme talentueux et aimés, il appuie leur intégration définitive qui intervient le 2 janvier 1815.

Deux derniers remplacements ont lieu durant la première Restauration et font suite à des décès, le premier intervient avant l'arrivée de De Ferrières, le second après son départ. À Fougères, Templer meurt soudainement le 6 avril 1814, jour du renoncement de Napoléon au trône. Le sous-préfet Baron pourvoit en urgence à la vacance en nommant provisoirement Fontaine7, ce qu'approuve le

préfet le 9 avril. Le commissaire extraordinaire laisse en place cet homme décrit comme attaché à la dynastie royale et Fontaine est définitivement confirmé le 18 octobre. Le même jour a également lieu le remplacement du commissaire vitréen Mauduit, décédé en juillet 1814. Ce n'est autre que l'ex-commissaire Carré qui obtient le poste. Dans cette affaire, on remarque que Carré n'était pourtant pas inscrit parmi la liste des candidats proposés par le préfet pour la place. L'usage en vigueur étant d'accepter les choix du sous-préfet sans y porter de rectifications, Bonnaire a donc fait 5 AN F/7/9853 : rapport au directeur général de la Police par le chef du second bureau du personnel, 20 septembre

1814.

6 ADIEV 4/M/10 : lettre du directeur général de la Police au préfet Bonnaire.

7 « J'espère, monsieur le préfet, que vous voudrez bien avoir égard à notre recommandation [la sienne et celle du maire et des adjoints de Fougères] et expédier en faveur du sieur Fontaine une commission provisoire de commissaire de police ». Lettre du sous-préfet de Fougères Baron au préfet Bonnaire, 7 avril 1814, ADIEV 4/M/11.

confiance à son collaborateur qui n'a choisi que des individus de l'arrondissement. Voyant avec raison que ses chances de reconquête du trône rennais s'amenuisent, Carré a postulé directement auprès du directeur général de la Police pour un poste de sous-préfecture qu'il voit comme un pis- aller8. Soutenant la candidature du nommé Lorion, le choix de Bonnaire n'a de manière inédite pas

été respecté.

Trois commissaires sur sept sont donc les « victimes » du retour de la monarchie. Chiffre proportionnellement comparable au tableau parisien, où dix-sept des quarante-huit commissaires sont remplacés9. Mais le détail des carrières permet d'apporter une nuance à la statistique brute : le

vieillissant Bacon (65 ans à l'époque des faits) se destinait à laisser sa place, ayant obtenu du ministère un débit de tabac et du conseil municipal de Rennes une retraite de 500 francs mensuels ; Carré reste six mois dans l'apathie avant de retrouver un poste similaire -certes moins lucratif- à Vitré. Seul Bert n'est pas réintégré et est donc le seul à être totalement lésé par l'avènement des Bourbons.

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