• Aucun résultat trouvé

Durant les Cent Jours, quatre préfets ont été révoqués, un est resté à son poste, un a été déplacé. Baron à Fougères, Ropert à Redon, de Séguinville à Saint-Malo et Teulon à Vitré sont éliminés par l'ordonnance du 7 juillet, portant que ce sont les prédécesseurs écartés ou partis qui doivent théoriquement reprendre la place. Dans les faits, tout dépend de leur volonté, de celle du préfet d'Allonville et au-dessus d'eux des ordres du ministre de l'Intérieur.

– À Fougères, de Kersepertz s'impose avec une facilité qui ne surprend pas. Premier arrivé dans son arrondissement (qu'il n'avait pas quitté), maître d’œuvre habile dans le 266-267 qui montrent ce volte-face.

32 AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/4 : liste des secrétaire général et sous-préfets du département d'Ille-et-Vilaine, établie par le commissaire extraordinaire Caffarelli, mois d'avril 1815.

licenciement des troupes royales, le sous-préfet emporte l'adhésion inconditionnelle de d'Allonville. Il est celui qui soulève le plus d'enthousiasme : excellent royaliste que sa démission précoce durant les Cent Jours n'a pas rendu revanchard, de Kererspertz est un homme intelligent et absolument irremplaçable.

– À Rennes, ville dont le préfet ne connaît pas les spécificités, de la Morélie s'avère un collaborateur précieux « à raison de ses connaissances relatives au pays »34. Le sous-préfet

est par ailleurs zélé, capable et estimé.

– À Saint-Malo, Dupetit-Thouars triomphe de sa querelle avec le maire Thomas, lequel paiera le prix de son ralliement à Napoléon. Faussement informé par le clan de l'édile en disgrâce, d'Allonville reconnaît vite au sous-préfet ses qualités35 : intelligence, vivacité et bonnes

connaissances de l'arrondissement.

– À Vitré, de Carné-Coëtlogon n'a pas regagné son poste et informe depuis Paris qu'il ne souhaite pas revenir dans le département. D'Allonville replace provisoirement l'ancien sous- préfet de la Plesse, « généralement estimé, et que l'opinion [lui a] désigné »36, c'est à dire les

meilleurs royalistes de la ville. De la Plesse ayant perdu sa place en 1813 « pour s'être opposé à des mesures tyranniques »37, c'est que du moins affirme le préfet, il mérite d'autant

plus cette marque de confiance.

Adoubés par le préfet, de Kerespertz, de la Plesse et Dupetit-Thouars sont confirmés par le ministère de l'Intérieur. De la Morélie doit, lui, quitter le chef-lieu puisqu'une ordonnance royale l'envoie le 2 août dans la sous-préfecture de Mortagne. Ce déplacement d'une sous-préfecture de chef-lieu de département à une sous-préfecture de classe inférieure constitue une dégradation pour de la Morélie, qui fut le premier à prêter serment à l'empereur durant les Cent Jours et qui servit le régime impérial jusqu'à son écartement fort tardif. D'Allonville essaie de conserver son administrateurs mais le ministre de l'Intérieur refuse d'annuler le transfert tout autant qu'a choisir un rennais pour le poste. C'est le nommé de Chabre à qui échoit la place, récompense octroyée à cet ancien garde du corps38 qui a suivi Louis XVIII à Gand.

Reste donc pour d'Allonville à étudier le cas des deux dernières sous-préfectures, où Maudet à 34 AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/4 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 7 août 1815.

35 « J'ai pris en conséquence, auprès de plusieurs personnes sages et modérées autant qu'elles sont dévouées au Roi des informations propres à fixer mon opinion. Le résultat en a été fort favorable à M. Dupetit-Thouars ». Lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 2 septembre 1815, ADIEV 1/M/101.

36 AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/4 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 7 août 1815. 37 ADIEV 2/M/17 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 29 novembre 1815.

38 ADIEV 2/M/15 : notice de renseignements sur le sous-préfet de Rennes de Chabre, dressée par le préfet d'Allonville, 17 août 1815.

Montfort et Bayme à Redon, puis Rennes lors du départ de la Morélie, ont servi sans discontinuité. – De retour à Redon, Bayme a été très fraîchement accueilli par la population et par les

volontaires royaux qui occupent la ville39. Impossible pour lui d'affirmer son autorité, le

maire de Bréhier doit provisoirement y suppléer en prenant ses fonctions. D'Allonville demande qu'il soit remplacé et éventuellement placé ailleurs, parce qu'il n'est ni assez considéré, ni assez ferme.

– À Montfort Maudet reçoit un avis plus favorable car il est d'une bonne famille royaliste et qu'il le fut lui-même avant de se parjurer dans le seul but, écrit le préfet, de conserver sa place. Pas question cependant de le garder dans son arrondissement mais d'Allonville « croi[t] devoir insister davantage sur l'obligation de le placer autre part »41.

Les deux hommes sont néanmoins révoqués et le préfet doit leur désigner de bons successeurs. Pour Montfort, d'Allonville recommande Postel de Martigny, son compagnon d'infortune lors de l'émigration. Douze ans secrétaire particulier du receveur général du département des Ardennes puis chef-comptable de la recette générale42, l'homme est sans emploi durant la première Restauration. Il

accompagne d'Allonville « plutôt comme ami que comme secrétaire »43 lors de sa nomination à la

préfecture d'Ille-et-Vilaine. Connu de Talleyrand et de l'abbé de Montesquiou, Postel de Martigny est nommé sous-préfet de Montfort le 23 août.

À Redon, d'Allonville donne sa préférence à de Robillard, lui-aussi émigré et connu du préfet. Aide de camp puis membre du conseil général de la Manche et administrateur des hospices de Saint-Lô44, de Robillard est décrit comme ayant des moyens de travail, des principes et de bonnes

connaissances en administration et en politique45. Là encore le ministre de l'Intérieur obtempère, de

Robillard obtient la place le 12 août.

Nous pouvons conclure la phase épuratoire : les quatre sous-préfets mis en place durant les Cent Jours sont révoqués, les deux restés à leur poste connaissent le même sort, de la Morélie est rétrogradé. Jamais tel renouvellement n'avait encore eu lieu dans le département, de surcroît avec un taux de révocation quasiment absolu. Tous les hommes changés subissent une sanction d'ordre politique, ce qui n'est plus le cas par la suite.

39 AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/4 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 3 août 1815. 41 Ibid.

42 AN F/1BI/170/22 : lettre de Postel de Martigny au ministre de l'Intérieur, 29 mars 1815. 43 AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/4 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 8 août 1815. 44 ADIEV 2/M/14 : biographie du sous-préfet de Redon de Robillard par lui-même, 2 septembre 1815. 45 AN F/1BI/172/11 : lettre de de Robillard au ministre de l'Intérieur, 28 juillet 1815.

– 4/b. Stabilisation durable du corps (septembre 1815-octobre 1817).

Le premier bouleversement occasionné est d'ordre juridique. Le 20 décembre 1815, une ordonnance royale entraîne la suppression des sous-préfectures des chefs-lieux de département pour des raisons budgétaires46. De Chabre n'est pas enchanté et se fend d'une lettre où au

désintéressement pour le service du roi se mêle le besoin plus prosaïque mais bien compréhensible de survivre47. Si le texte de loi ne le spécifie pas, il est convenu de privilégier ces malheureux et

désormais ex-sous-préfets aux emplois analogues vacants.

Au même moment à Vitré, de la Plesse est victime d'une fronde organisée par plusieurs habitants qui désignent le sous-préfet comme un homme volatile et « habile à se plier à toutes les formes de gouvernement »48. De grandes figures départementales dont le député Corbière prennent fait et

cause contre de la Plesse qui freinerait l'épuration en multipliant les certificats d'honorabilité distribués à de dangereux fonctionnaires. Le préfet se range de l'avis qu'il faut écarter ce sous-préfet mais il n'accrédite absolument pas la subversion politique dont il est accusé. Le reproche officiel qu'il transmet au ministre de l'Intérieur est le manque d'énergie et de fermeté49 de l'intéressé, au

demeurant « honnête homme, même bon royaliste »50. Très affecté51, de la Plesse est révoqué mais

pour motif professionnel et non politique.

De Chabre se propose pour la place de Vitré, laquelle lui échoit de droit si le préfet n'y voit pas d'inconvénient. En l'occurrence d'Allonville peut se plaindre de cet homme dont il a regardé le départ avec soulagement. De tous ses confrères, de Chabre fut le plus ardent : « passionné, entêté, a 46 « Les grands sacrifices auxquels la France a été contrainte nous obligent à porter la plus sévère économie dans toutes les branches du service public, à opérer toutes les suppressions que l'expérience a démontrées possibles, et à faire céder toute autre considération à cette loi, d'une impérieuse nécessité ». DUVERGIER Jean-Baptiste,

Collection complète..., op. cit., vol. 20, Paris, A. Guyot, 1827, p. 200.

47 « Il m'est pénible de me trouver compris dans cette suppréssion. Mais dès l'instant que S.M. y a vû un but d'économie je dois ainsi que je l'ai toujours fait, et ne cesserai de le faire, lui sacrifier mes intérêts personnels [...]. Quant aux indemnités, personne, je crois, n'est plus que moi dans le cas d'en réclamer, et même trois mois d'appointemens seront bien au-dessous des sacrifices que j'ai fait pour venir à Rennes m'y établir […] ». Lettre du sous-préfet de Rennes de Chabre au préfet d'Allonville, 26 décembre 1815, ADIEV 2/M/15.

48 AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/5 : lettre de sept habitants de Vitré au ministre de l'Intérieur, non datée (fin 1815).

49 « Il est fort derrière [les autres sous-préfets] pour la Police et les changements devenus indispensables parmi les fonctionnaires publics. Je l'en ai averti plusieurs fois, entre autres au commencement de ce mois, d'une manière un peu vive à l'égard d'un homme de son âge. Je n'ai pu rien gagner ; il veut en tout administrer paternellement, et il appelle réaction le changement d'employés qui se sont mal conduits ou qui ont tenu de mauvais propos ». Lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 29 novembre 1815, AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/5.

50 AN F/7/9665 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 1er décembre 1815.

51 « Je me sacrifiai dans des tems difficiles et très difficiles ; j'ai fais tout ce que le devoir, le zèle le plus actif et la délicatesse exigoient d'un fonctionnaire attaché à sa majesté et à sa patrie, ma conscience me le dit, en tout tems elle fut mon juge et un juge rigoureux. Je savois cependant que l'exagération, l'intrigue et la calomnie (consignés depuis plusieurs mois à ma porte) me dénonçoient partout ; me amis me le disoient ici, me le mandoient de Rennes et de Paris en me demandant un mémoire ; je ne suis plus dans l'âge ou l'on a besoin de se justifier […] ». Lettre de l'ex- sous-préfet de Vitré de la Plesse au préfet d'Allonville, 29 février 1816, ADIEV 2/M/17.

peu d'esprit, encore moins de tact ; il est très ignorant en affaires administratives »52. Son

ultraroyalisme tranche avec la ligne constitutionnelle du préfet. On lui remarque aussi une certaine privauté envers son supérieur, notamment lors de la phase épuratoire lorsqu'il le relance assez abruptement sur ses propositions de remplacements. Il est clair que d'Allonville est très réticent à l'idée d'avoir de nouveau affaire à cet homme. Il recommande donc de Chabre, dont il loue par ailleurs le dévouement et la moralité, pour une autre sous-préfecture. Celle de Loudéac est alors vacante par le départ forcé de son titulaire Hillion. Rare sous-préfet ayant servi durant les Cent Jours et laissé au même poste par Louis XVIII, Hillion ne peut rester dans son arrondissement tant il est harcelé par les ex-volontaires royaux53. De Chabre est nommé à sa place le 22 février 1816.

S'il parvient à écarter de Chabre, d'Allonville ne réussit pas à placer à Vitré Morel Desvallons, premier adjoint et maire par intérim de Rennes. Ses capacités reconnues ne sont pas en cause54 mais

il y a présentement beaucoup d'ex-sous-préfets de chefs-lieux à replacer, dont certains forts compétents. C'est un d'entre-eux, du Fougerais, ancien sous-préfet de Nantes recommandé par son supérieur de la Loire-Inférieure, qui est finalement nommé le 22 février 1816.

Le troisième et dernier changement a lieu un an plus tard. De Kersepertz, soutenu par le préfet55,

obtient une préfecture qu'il demandait depuis son retour aux affaires. Il est nommé préfet de la Vendée le 21 février 1817. Le secrétaire général de préfecture du département Guyot Desherbiers, le remplace, la encore sur les recommandations de d’Allonville56.

52 AN F/1BII/Ille-et-Vilaine/5 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 6 janvier 1816.

53 AN F/1BI/157/13 : lettre du préfet des Côtes-du-Nord de Bellisle au ministre de l'Intérieur, 10 janvier 1816.

54 « Ayant fini son droit en 1810, il n'a cependant jamais voulu de places sous le gouvernement de Buonoparte. L'année dernière, le Roi le nomma adjoint au maire de Rennes, il accepta ce titre honorable avec reconnaissance et il peut dire avoir servi sa M-j. avec le dévouement le plus absolu, dans plusieurs circonstances de sa vie, jusqu'à l'arrivée de l'usurpateur à qui il refuse le serment et tout acte de soumission ». Note confidentielle sur Morel-Desvallons par le préfet d'Allonville, non datée, ADIEV 2/M/15.

55 AN F/1BI/165 : lettre du préfet d'Allonville au ministre de l'Intérieur, 27 janvier 1917.

B.I. Préfets et sous-préfets d'Ille-et-Vilaine, des origines au préfet d'Allonville

Date de

nomination57 Préfets Sous-préfets

Fougères Montfort Redon Rennes Saint-Malo Vitré

Consulat

31/03/00 Borie

07/04/00 Baron Maudet Baymé Boullet De la Plesse

13/04/02 Mounier

Empire

22/12/04 Bonnaire

14/07/11 Huchet de Cintré

07/04/13 Dupetit-Thouars

08/04/13 Gengoult De la Morélie De Vergennes

Première Restauration 30/07/14 De Kerespertz 09/09/14 De Carné-C. 02/11/14 Maudet fils 26/01/15 De Brévannes Cent Jours 22/03/15 Méchin 30/03/15 Baron 26/04/15 De Séguinville 19/05/15 Teulon 10/06/15 Ropert Baymé Seconde Restauration

Arrivée du préfet d'Allonville

07/07/15 De Kerespertz Dupetit-Thouars 12/07/15 D'Allonville 02/08/15 De Chabre 07/08/15 De la Plesse 12/08/15 De Robillard 23/08/15 Postel de Martigny 22/02/16 Du Fougerais

16/04/17 Guyot des Herbiers

Départ du préfet d'Allonville 08/08/17 De la Villegontier 21/07/19 Lemaître 10/05/20 De Savighnac 29/06/23 De Langle 21/04/24 De Godefroy Monarchie de Juillet 26/06/32 Fresneau

57 Et motif officiel du remplacement du prédécesseur. En gras les administrateurs renommés à leur poste ou dans un autre arrondissement. En vert une nomination à un autre poste ; en orange une démission ; en rouge une révocation ; en noir un décès (la couleur concerne toujours le titulaire précédent). Ne sont pas comptés les hommes exerçant par intérim, dans ce tableau comme dans les suivants.

B. Le corps des secrétaires généraux et conseillers de préfecture.

Outline

Documents relatifs