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3 : La cour prévôtale à l’œuvre (avril 1816-mars 1818).

C. III Affaires traduites devant la cour prévôtale d'Ille-et-Vilaine (avril 1816-mars 1818)

67 Date de départ de l’affaire. Mars Février 1818 Janvier Décembre Novembre Octobre Septembre Août Juillet Juin Mai Avril Mars Février 1817 Janvier Décembre Novembre Octobre Septembre Août Juillet Juin Mai Avril Mars Février 1816 Janvier Décembre Novembre Octobre 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Arrêt d'incompétence Classement sans suite/acquittement Condamnation rendue

3. La loi d'amnistie du 12 janvier 1816.

Dans sa déclaration de Cambrai, le roi laissait à la Chambre la possibilité de prendre part à l'élaboration de la loi d'amnistie. S'offusquant de la douceur avec laquelle Richelieu entend traiter le sort des proscrits de juillet, la perspective est des plus séduisantes pour les ultra. Le ministre a exposé le 8 décembre son projet :maintenir les « poursuites contre les dix-neuf [généraux et officiers] et [bannir], sans autre forme de procès, les trente-huit [civils], auxquels on ajoute les membres de la famille Bonaparte »1. Les ultra voient au contraire les choses en grand, ils refusent la

mesurette et proposent à leur tour différents projets. Celui que Régis de la Bourdonnaye soumet à ses homologues le 11 novembre 1815 fait grande impression. Ce meneur exalté distingue trois catégories de coupables, lesquelles regrouperaient mille deux cent personnes. La mort aurait frappé sans réserve les individus coupables de s'être ralliés d'une manière ou d'une autre à Bonaparte (acceptation de charges, adhésion des agents du roi : préfets, généraux etc.). Il n'épargne pas non plus les ex-conventionnels régicides, qui sont en vérité les hommes auxquels il réserve ses plus belles flèches. En voulant assurer le succès de son expédition, Napoléon s'était fait l'écho du peuple et les régicides, déjà coupables du plus grand des crimes, se sont pour la plupart fourvoyés derechef en suivant jusqu'au bout l'usurpateur. Leur implication permet à la Bourdonnaye d'atteindre par ricochet la cible qu'il s'était fixée : la Révolution française2. À défaut de pouvoir recommander ces

régicides relaps à la mort, solution proscrite par le roi conduit à l'échafaud3, la Bourdonnaye

demande leur exil. Émigré malgré lui par le coup d'État du 18 fructidor an V, il voit dans sa mesure un juste retour des choses, une expulsion inversée qui débarrasserait à jamais le royaume de ces figures honnies et invétérés comploteurs.

Une commission de députés reprend pour partie les suggestions de la Bourdonnaye mais elle exempte tous les coupables de la peine capitale, laissant leur sort entre les mains des tribunaux. À propos des régicides, elle ne fait pas varier d'un iota la position du chef de file ultra : le bannissement pour ceux qui ont accepté des fonctions durant les Cent Jours ou signé l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire. Le gouvernement et les députés les plus modérés 1 WARESQUIEL Emmanuel de, YVERT Benoît, Histoire de la Restauration..., op. cit. p. 181.

2 TORT Olivier, « Le discours de la Bourdonnaye sur l'amnistie (11 novembre 1815). Un archétype du rôle des conflits de mémoire dans la marginalisation de l'extrême-droite », Histoire, économie et société, 2005, n° 3, p. 241- 242.

3 Dans son testament, Louis XVI pardonnait à ses assassins, ce qui fait dire à la Bourdonnaye : « si la parole sacrée des rois les dérobe à la peine encourue par un premier crime, elle accroît aussi l'énormité du second et les rend indignes de l'amnistie ». Article 2 alinéa 3 du projet de loi présenté par la Bourdonnaye en comité secret le 11 novembre 1815, AP, 2e série, t. 15, p. 221, cité par FUREIX Emmanuel, « Regards sur le(s) régicide(s), 1814-1830 », Siècles,

désapprouvent cette fausse amnistie et veulent, de leur côté, modérer les sanctions. Les articles de la commission sont votés individuellement par la Chambre et tous sont rejetés, à l'exception d'un seul. Si le nombre de coupables est revu à la baisse, la loi d'amnistie exclut de la grâce royale plusieurs catégories d'individus : les militaires et civils compris dans l'ordonnance du 24 juillet, ceux déjà sous le coup d'une poursuite judiciaire, les membres de la famille impériale et enfin les régicides relaps. Cette dernière proposition a été massivement adoptée et fait payer au prix fort le ralliement à Napoléon. Les ministres refusent l'amendement mais le roi, soucieux d'en finir avec la crise institutionnelle, finit par l'approuver. La loi d'amnistie est proclamée le 12 janvier 1816 et se compose de sept articles, le dernier d'entre eux concerne les régicides relaps :

Art. 7 : Ceux des régicides qui, au mépris d'une clémence presque sans bornes, ont voté pour l' acte Additionnel ou accepté des fonctions ou emplois de l'usurpateur, et qui par là se sont déclarés ennemis irréconciliables de la France et du Gouvernement légitime, sont exclus à perpétuité du royaume, et sont tenus d'en sortir dans le délai d'un mois, sous la peine portée par l'article 33 du Code pénal ; ils ne pourront y jouir d'aucun droit civil, y posséder aucuns biens, titres ni pensions à eux concédés à titre gratuit4.

À Paris, une commission se charge de vérifier qui est exactement atteint par la mesure. Il s'agit dans un premier temps de recenser les ex-conventionnels régicides puis de désigner, parmi ceux-là, les candidats à l'exil. Pour ce faire, les préfets font remonter les registres de votes à Paris et joignent en outre, une fois la sélection effectuée, des renseignements sur chacun des régicides de leur département. Ils doivent également fournir des passeports à ceux qui viendraient demander à partir. L'application de la loi pose néanmoins plusieurs problèmes. En premier lieu, il est malaisé de trouver où résident actuellement des ex-conventionnels dont certains, connus pour cette seule députation, sombrèrent dans l'anonymat le plus total. Aux disparus qui ne se manifestent pas, aux morts oubliés, s'ajoutent les régicides qui ont précipité leur départ avant que d'être officiellement frappés d'exil. Et lorsque les accusés font entendre leur voix, c'est pour défendre leur cause : d'aucuns disent avoir voté l'Acte additionnel sous la contrainte, d'autres nient l'avoir fait, chacun fait jouer ses relations dans ce grand tumulte au terme duquel beaucoup risquent le bannissement. La situation s'avère des plus complexes, afin d'y pallier et par-là même de formaliser les pratiques administratives, un tableau-type est adressé aux préfets. Ils sont tenus de le remplir au fur et à mesure que les informations demandées remontent à la préfecture. Plusieurs rubriques sont dédiées à l'âge des régicides, leur fortune, leur famille, l'influence actuelle et la conduite antérieure, particulièrement durant la Révolution et sous les Cent Jours. Il est aussi question de savoir où se trouvent exactement ces individus car ils sont peu à rester statiques durant les premiers mois de 4 Bulletin de lois de la République française, 7e série, t. 2, n° 56 à 96, Paris, Imprimerie nationale des lois, 1816, n°

cette année 1816. Le parcours individuel de chacun doit être connu, de son point de départ en France jusqu'à sa destination choisie pour l'exil.

Le départ des régicides n'a pas donné lieu à d'études géographiques précises5, il y aurait sans doute

beaucoup à dire tant le seul recensement des régicides parut compliqué. Comment trouver des individus députés il y a un quart de siècle et depuis lors disparus ? En Ille-et-Vilaine, la situation est de plus confuses : les sous-préfets peinent d'abord à recenser les régicides et buttent sur la définition même à donner à ce terme. Les tâtonnements sont nombreux avant d'être en mesure d'adresser une liste complète au ministère de la Police. À la décharge du préfet, les enfants du pays montés à Paris en 1792 ne sont guère revenus en Ille-et-Vilaine et le comte d'Allonville ne les connaît que par ouï dire, souvent pas du tout. Il ne peut guider des absents au lointain et échoue à contenir le seul individu qui part de manière suspecte à Gand. Reste à livrer les informations collectées, forcément lacunaires : on se fie à la réputation laissée dans les villages ainsi qu'aux comportements que la rumeur prête à ces individus. Et l'essentiel passe à la trappe puisqu'on ignore souvent qui mérite l'exil. En donnant l'initiative du voyage aux relaps eux-mêmes6, le gouvernement atteint l'objectif

qu'il s'était fixé mais il donne à voir en filigrane les imperfections de l'administration, l'incomplétude des états civils et la lenteur des communications.

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