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Partie 2 : L'histoire des mathématiques dans sa formation

3.8 Aspects éthiques

4.2.2 Présentation d'une formatrice et une enseignante interviewés en France

Nous avons voulu présenter ces deux interviewées, Evelyne et Edith, car elles représentent deux courants de pensée différents tout au long des entretiens : toutes les deux considèrent l'histoire des mathématiques comme une discipline en soi, tandis qu'Edith la considère également comme une ressource possible à utiliser en classe.

Evelyne Barbin

Evelyne Barbin est professeur d'épistémologie, histoire des sciences et des techniques à l'université de Nantes. Est co-responsable de la commission inter-IREM Épistémologie et histoire des mathématiques. Elle a organisé plusieurs colloques et universités d'été interdisciplinaires sur l'histoire des mathématiques. Elle est actuellement présidente de l'International Group on the Relations between History and Pedagogy of Mathematics43 (HPM).

Nous avons présenté Barbin dans le premier chapitre de la thèse, car sa carrière de chercheuse est liée à l'histoire de la commission inter-IREM ci-dessus mentionnée. Elle a bien voulu répondre aux questions posées lors de l'entretien.

Lorsqu'on lui a demandé si elle considérait l'histoire des mathématiques comme une ressource pour l'enseignant, cette chercheuse a répondu que le cours d'histoire devrait être suivi comme un cours d'apprentissage de l'histoire, déclarant qu'elle n'a jamais eu pour objectif de l'utiliser comme une ressource pour l'enseignement, se positionnant ainsi contre l'idée d'y voir une ressource pédagogique.

En ce qui concerne l'approche de l'histoire de la part des enseignants, elle considère que, dans un premier temps, l'enseignant doit apprendre l'histoire, menant dans un deuxième temps cette réflexion sur l'intégration d'une perspective historique dans les cours de mathématiques.

Sa position concernant l'enseignement des mathématiques s'oppose à la position de la didactique des mathématiques, dans laquelle elle met l'accent non pas sur la transformation d'un contenu mathématique à enseigner, mais plutôt sur l'enseignement des mathématiques tel qu'elles ont été construites par l'humanité. Elle souligne la construction des mathématiques à partir du concret, expliquant que ce n'est pas ce qui est enseigné comme mathématiques scolaires aujourd'hui. Elle insiste sur la formation spécifique d'un enseignant de mathématiques, faisant valoir que pour une telle profession, il ne suffit pas de connaître les mathématiques, mais qu'il faut savoir comment elles sont pensées et développées.

Elle pense que l'histoire des mathématiques est une source de problèmes qui peuvent être proposés aux élèves, mais elle aide aussi l'enseignant à comprendre les difficultés d'apprentissage possibles de ses élèves. Les blocages devant une notion mathématique, dans un certain moment historique ont toujours existé, donc pour un enseignant il est fondamental de les connaître, car il est possible que sa complexité nécessite une attention particulière au moment d'être enseignée.

Barbin nous rappelle que les enseignants de mathématiques ont été de bons élèves dans cette discipline et n'en tiennent peut-être pas compte dans la préparation de leurs cours. Pour cette raison, elle affirme également que l'histoire des mathématiques peut collaborer en intéressant les élèves « perdus » du cours. Cependant, explique que le plus grand potentiel de l'histoire des mathématiques pour la formation des enseignants est le dépaysement épistémologique. Susciter la décontextualisation chez l'enseignant au moyen d'un texte historique, l'inviter à penser les mathématiques à partir du contexte dans lequel elles ont été créées, avec d'autres termes, définis à une autre époque. Ce dépaysement peut faire prendre conscience à cet enseignant de la difficulté de compréhension et cette expérience peut favoriser l'empathie dans le processus d'apprentissage de leurs élèves.

En ce qui concerne les difficultés, Barbin se réfère à trouver les textes historiques appropriés au niveau, et en particulier ceux où il est possible d'identifier les différentes étapes de la construction des notions mathématiques. Elle met surtout l'accent sur le souci de ne pas tomber dans le simplisme et l'anachronisme.

Dans son expérience de l'enseignement, elle a systématiquement introduit des notions mathématiques d'une perspective historique à travers des textes originaux, dans le but de présenter à ses étudiants une approche plus culturelle et historique de la notion.

D'autre part, elle dit qu'il est possible de proposer une introduction historique ou un problème aux élèves sans faire ce contexte historique, mais elle considère aussi que leur faire participer à l'histoire peut être enrichissant pour eux.

Édith Rakotomanana

Édith Rakotomanana, elle est actuellement enseignante de mathématiques au collège Jules Ferry à Haubourdin et animateur à l'IREM de Lille.

Au cours de sa carrière universitaire, elle a obtenu une licence et une maîtrise en mathématiques pures, avant de se consacrer à l'enseignement. Avec 20 ans d'expérience elle a décidé de poursuivre des études de maîtrise en histoire et philosophie des sciences. Quelques années

plus tôt, elle avait fait un stage PAF à l'IREM de Lille, ne trouvant pas explicitement un moyen d'intégrer les aspects historiques dans la classe de mathématiques.

Elle pense qu'il est important d'intégrer la cohérence dans laquelle les sciences et le savoir de l'humanité progressent, et que l'histoire est la discipline la plus appropriée pour offrir cette information. Cependant, elle doute de la manière dont cela peut être fait, car craint l'anachronisme et la simplification, qui sont pour elle une grande difficulté.

D'autre part, elle pense que si la formation des enseignants tient compte de l'enseignement d'histoire des mathématiques aux futurs enseignants, il faut s'attendre à que ces connaissances imprègnent leur enseignement.

Elle dit que l'histoire a changé son envie de transmettre le savoir autrement. Toutefois, elle ne dispose pas d'une distance suffisante pour procéder à une auto-évaluation. C'est pourquoi elle déclare que pour l'instant, la connaissance de l'histoire a modifié sa façon de penser les mathématiques, et donc sa pratique, mais elle ne l'utilise pas plus que ça.

L'une des grandes difficultés qu'elle rencontre avec ses élèves est que l'histoire des mathématiques ne fait pas partie du programme et les élèves ne sont pas intéressés s'il n'y a pas d'évaluation. Pour cette raison, elle met l'accent sur le lien entre l'activité historique et le programme, qui présente également la difficulté de trouver les textes appropriés et que l'activité ne reste pas artificielle.

En ce qui concerne le « comment » faire cette intégration, elle réfléchit sur la possibilité de montrer des essais et des erreurs, des fausses pistes et des façons différentes de faire les démarches, car pense que les élèves ne considèrent pas qu'ils ont le droit de faire des erreurs ou de trouver des solutions différentes.