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Modalité et scénario modal : définition et présentation du modèle choisi pour l’étude

1.3 La Théorie Modulaire des Modalités

1.3.4 Présentation et définition des paramètres

1. L’instance de validation (I), également appelée « agent vérificateur », désigne l’instance responsable de la (in)validation du contenu représenté. Gosselin la définit comme « une relation entre une proposition et une instance qui lui confère sa validité » (Ibid. p. 61). L’instance de validation peut être de trois natures différentes : la réalité, le sujet et l’institution. Les frontières entre les trois instances ne sont pas étanches. Elles entretiennent des liens et se présentent au sein d’un espace continu. La nature de l’instance de validation détermine la catégorie modale.

• La réalité, définie ici au sens post -kantien précise l’auteur39, s’actualise dans les propositions où le locuteur fait abstraction de son point de vue. C’est l’ins-tance de validation des modalités aléthiques. À titre d’exemples, les énoncés comme « Depuis janvier 2003, la société X confie à la société Y l’exécution d’un certain nombre de transports routiers », ou encore « Le procès-verbal de police établi par la Gendarmerie Nationale indiquait que le chauffeur de l’en-semble routier de la société X avait perdu le contrôle de son véhicule dans un virage à droite », décrivent des faits objectifs et réels qui ne sont affectés d’au-cun jugement subjectif. À la différence du premier exemple où l’instance de validation n’est pas explicitée, dans le second elle est indiquée par le syntagme nominal le procès-verbal.

• Le sujet, ou la subjectivité40, caractérise les propositions où le locuteur41

énonce des jugements de réalité ou des jugements de valeur. Il s’agit de l’ex-pression des croyances (modalités épistémiques) et des désirs (modalités

appré-39. « Le concept de réalité est entendu ici en une acception post-kantienne, comme désignant le réel tel qu’il est appréhendé par l’intermédiaire de systèmes conceptuels. » (Ibid. 68.)

40. La subjectivité peut être individuelle ou collective (l’opinion commune). 41. Il peut également s’agir du locuteur du discours rapporté.

ciatives ou bouliques). Ainsi42, tandis que l’énoncé : « Les assureurs estiment que la société X ne peut se prévaloir de la limitation d’indemnité prévue à la CMR » exprime une croyance (modalité épistémique) dont l’instance de vali-dation renvoie aux assurreurs ; l’énoncé « X demande à la cour de : - infirmer le jugement entrepris [. . .] », exprime un désir (modalité boulique) formulé par X (I). L’énoncé autorise la paraphrase suivante : « X veut/désire que la cour infirme le jugement entrepris ».

• L’institution est une instance de validation qui renvoie à une structure, une convention sociale qui établit un ensemble de règles à respecter par une com-munauté donnée. Ces dernières peuvent relever de la morale, de la justice, de la religion ou simplement des coutumes et traditions.

Étant donné que le genre textuel étudié ici relève du discours juridique, notre corpus foisonne d’exemples de modalités axiologiques et de modalités déon-tiques dont l’instance de validation est de nature institutionnelle. Soit les exemples suivants qui expriment une modalité axiologique : « la cour d’ap-pel, [. . .], a légalement justifié sa décision. », et une modalité déontique : « il est interdit à un transporteur de livrer la marchandise sans que lui soit présenté l’original du connaissement ».

Concernant la modélisation de ce paramètre, son domaine conceptuel est constitué de deux dimensions intégrales : la variabilité et la conventionalité. La première rend compte du degré de variabilité des jugements. Elle va de la stabilité absolue (hmin) à l’instabilité totale (hmax), avec des degrés intermédiaires (h0, h+, etc.). La seconde qui porte sur le caractère conventionnel ou non des jugements, va de la conventiona-lité explicite (vmax) à une non conventionalité (vmin), avec des zones intermédiaires (v0, v etc.). La combinaison des deux dimensions aboutit à une structure trian-gulaire bidimensionnelle associée au domaine conceptuel du paramètre (I). Soit la figure 1.2 :

Figure 1.2 – Représentation bidimensionnelle du domaine conceptuel du paramètre (I) (Ibid. p.258).

Les différentes valeurs du paramètre (I) seront définies par des régions convexes à l’intérieur de son domaine conceptuel. Ainsi, pour les modalités épistémiques par exemple, vont correspondre les coordonnées de la région convexe suivante : Positif strict (]h0, hmax]) ; Négatif strict ([vmin, v0[). Au sein de cette même région, on relève d’autres valeurs permettant de différencier la subjectivité collective (Positif faible (]h0, h+[) ; Négatif strict ([vmin, v0[)), de la subjectivité individuelle (Positif fort ([h+, hmax]) ; Négatif strict ([vmin, v0[)).

2. La direction d’ajustement (D) est un paramètre que Gosselin emprunte à la pragmatique des actes de langage de J. Searle (1982). Selon Searle, la direction d’ajustement prend deux valeurs fondamentales : soit elle va de l’énoncé au monde, soit du monde à l’énoncé. Dans le premier cas, le locuteur décrit comment les choses se présentent dans le monde et, dans le second, il cherche à faire plier le monde à l’énoncé. À l’origine, la direction d’ajustement a servi à classer les actes de langage en quatre types : les assertifs (elle va de l’énoncé au monde), les promessifs et les directifs (le monde s’ajuste à l’énoncé), les expressifs (sans direction d’ajustement, vide), les déclaratifs (la direction d’ajustement est double). Adaptée au domaine de la sémantique des modalités, la direction d’ajustement s’avère être un paramètre homogénéisant dans le sens où elle permet de rassembler les catégories modales en deux groupes distincts. D’une part, les modalités aléthiques, épistémiques,

axio-logiques et appréciatives qui expriment des contenus devant s’ajuster au monde ; et d’autre part, les modalités bouliques et déontiques où c’est le monde qui doit se conformer au contenu de l’énoncé. Cependant, partant du constat que certaines modalités ne peuvent être purement descriptives ou purement injonctives (le cas des modalités appréciatives et axiologiques), Gosselin propose d’introduire des valeurs intermédiaires permettant ainsi de les inclure. La direction d’ajustement se présente donc sur un continuum à deux extrémités, avec deux degrés intermédiaires :

• Purement descriptive (D = (¿)) : c’est le cas des modalités aléthiques et avec un degré moindre les modalités épistémiques. Dans les textes étudiés, les premières sont particulièrement présentent dans la zone du texte dédiée à la description des faits à l’origine du litige : « X organise une expertise amiable et contradictoire, qui a lieu les 12 octobre 2001 et 22 octobre 2001 ». Les secondes sont exprimées dans les parties dédiées à l’argumentations (celle du juge ou celles des parties telles que rapportées dans les décisions) : « la société X considère que l’appel de la société STF est irrecevable, à défaut de justifier sa qualité à agir » ;

• Prioritairement descriptives et secondairement injonctives (D =¿ (ø )) : cette valeur est caractéristique des modalités appréciatives , comme dans l’exemple « il est regrettable que X ne puisse fournir une police à jour, ce qui aurait évité des discussions stériles », et axiologiques, comme dans l’énoncé : « cette circonstance ne modifie pas la situation des parties au litige dès lors qu’il est justifié par la production de la facture de dédouanement ». Les deux modalités apparaissent également dans les parties du texte dédiées à l’argu-mentation. Leur rôle est primordial dans l’œuvre argumentative dans la mesure où les jugements de valeurs provoquent l’adhésion ;

• Prioritairement descriptives et secondairement injonctives (D =¿ (ø )) : cette direction d’ajustement est spécifique aux modalités bouliques expri-mées par des verbes d’attitude propositionnelle et les modalités déontiques. Les modalités bouliques traduisent dans les textes étudiés les demandes et prétentions des parties en procès : « la société X prie la cour, de : -

décla-rer la société Y tant recevable que bien fondée en son appel ». Les modalités déontiques sont inhérentes au genre judiciaire qui est fondé sur un système normatif : « il est interdit à un transporteur de livrer la marchandise sans que lui soit présenté l’original du connaissement» ;

• purement injonctive (D = (ø)) : il s’agit d’une valeur spécifique aux mo-dalités bouliques et déontiques exprimées par des impératifs. Les momo-dalités exprimées par les impératifs sont absentes de notre corpus. Gosselin donne les exemples suivants pour illustrer la valeur purement injonctive : « Respecte les autres ! », « Passe-moi le sel », (Gosselin, 2010, p. 203).

Le domaine conceptuel du paramètre (D) se voit associé une représentation à une seule dimension séparable doublement orientée, soit la figure 1.3

Figure 1.3 – Représentation à une dimension séparable du paramètre (D)(Ibid. p. 203).

Ainsi, une direction d’ajustement du type « prioritairement descriptive » corres-pondra à la portion : Négatif strict : ([hmin, h]), tandis que celle « strictement injonctive » à la portion : Positif fort : ([h+, hmax])43.

Le croisement des deux premiers paramètres ((I) et (D)) que nous venons de pré-senter permet de définir les six principales catégories44 modales du français. Soit le tableau suivant accompagné d’exemples que nous empruntons à (Gosselin,2010, p. 80) :

43. voir (Ibid. p. 205) pour une présentation détaillée des autres valeurs de (D).

44. Une présentation détaillée de ces catégories, accompagnée d’exemples extraits de notre corpus, est proposée dans la section suivante (§ 1.3.5).

Figure 1.4 – Tableau résumant les principales catégories modales déterminées par les deux paramètres (I) et (D).

3. La force de la validation (F) est le dernier paramètre de la catégorie des pa-ramètres conceptuels. Il rend compte du degré de la relation entre une instance de validation et un contenu représenté. Les différents degrés désignent la force de la validation (F). Il s’agit d’un paramètre qui intervient à l’intérieur de chaque catégo-rie modale pour la structurer en différentes valeurs. Ces dernières s’organisent sur un continuum allant de la validation totale à l’invalidation totale, ou inversement. La force de la validation rend compte également des relations de contrariétés et de contradictions et remplace ainsi le carré logique, système d’opposition abstrait et peu fiable pour un domaine aussi hétérogène et complexe que celui des modalités. Dans cette perspective, les valeurs modales ne se réduisent plus à des valeurs dis-crètes, mais elles sont organisées sur un continuum et se prêtent à la modulation. Ces modulations sont marquées par des adverbes, comme nécessairement, incon-testablement dans les exemples suivants qui indiquent, respectivement, une valeur aléthique et une valeur épistémique :

1. « La société X était nécessairement au courant de l’objet du transport » ; 2. « la société X, via son chauffeur, a incontestablement commis une faute

Ou encore les modifieurs d’intensité, tels que très et peu, dans les exemples ci-dessous :

3. « les joints de la porte arrière sont en très mauvais état, le bas des joints craquelle, et un morceau du joint situé en bas du vantail droit s’est détaché de la porte et repose sur le sol » ;

4. « l’installation du destinataire est peu conforme aux exigences en la matière ».

Ils marquent successivement des degrés de validation des catégories appréciative et axiologique.

La représentation formelle de la force de la validation se fait sur un axe horizontal à deux extrémités allant de la force minimale ou invalidation (hmin) à la validation totale ou la force maximale de validation (hmax). Entre les deux pôles, des degrés intermédiaires sont délimités par des segments plus ou moins étendus (et non des points comme dans le carré logique) et interprétés différemment selon la catégorie modale concernée. Soit la figure suivante :

Ainsi, pour les modalités épistémiques, la force de validation va de l’exclu qui est défini par la portion [hmin, h] jusqu’au certain [h+, hmax] en passant par des degrés variables : le contestable ]h, h0[, l’indécis [h0] et le probable ]h+, hmax[. Soit la figure 1.5 :

Figure1.5 – Les valeurs de la modalité épistémique définies par la force de la validation (F). (Ibid. p. 214)

4. La hiérarchie syntaxique (N) appartient au groupe des paramètres fonctionnels, plus précisément les paramètres structuraux. Ces derniers, comme nous l’avons in-diqué ci-dessus, servent à rendre compte de l’aspect formel des modalités et de ses relations avec les autres éléments de l’énoncé. Le paramètre (N) conduit à détermi-ner la position syntaxique de la modalité au sein de l’énoncé. Il est important de préciser qu’il ne traite pas de la place des marqueurs modaux dans les énoncés, mais de la position syntaxique que la modalité y occupe. Ce paramètre permet de définir deux niveaux hiérarchiques sur le plan syntaxique des modalités qui conduisent à distinguer des modalités extrinsèques et des modalités intrinsèques.

— Les modalités extrinsèques sont à un niveau plus élevé de la hiérarchie syntaxique. Elles se répartissent en quatre catégories : les opérateurs prédicatifs, les opérateurs propositionnels, les prédicats sémantiques (ou métaprédicats) et les opérateurs prédicatifs transparents. Alors que les trois premiers concernent les six catégories modales, le dernier se rapporte uniquement aux modalités axiologiques et appréciatives45. Soient les exemples ci-dessous extraits de notre corpus d’étude :

1. « la marchandise confiée, le commissionnaire de transport n’a le devoir de rendre compte qu’en cas de difficultés d’exécution et non en cas de bonne fin du transport » ;

2. « Le colis a probablement été ripé pour le dépotage du container, mais a manifestement subi ensuite des manipulations non compatibles avec le conditionnement mis en place au départ » ;

3. « il est justifié de lui allouer, par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité de 2. 000e, soit 1. 000echacune »

Dans le premier exemple, la construction a le droit de est un opérateur prédi-catif qui exprime une modalité déontique. Dans l’exemple (2), l’adverbe pro-bablment est un opérateur propositionnel porteur d’une modalité épistémique.

Le dernier énoncé est affecté d’une modalité extrinséque axiologique marquée par le métaprédicat il est justifié. Une exploration statistique du corpus a mis en évidence une présence particulièrement importante de ce type de catégorie extrinsèque dans le genre judiciaire46.

— Les modalités intrinsèques aux lexèmes se divisent en deux groupes dis-tincts : celles qui sont dénotées par les lexèmes et celles qui leur sont associées. Les deux types peuvent appartenir soit au niveau lexical ou au niveau sublexi-cal. Les modalités dénotées sont portées par un nombre limité de lexèmes. Ces derniers contiennent dans leur signification interne une valeur modale et « expriment directement des modes de validation susceptibles de porter sur di-vers contenus » (Gosselin,2010, p. 103). Ainsi, dans notre corpus, tandis que les lexèmes droit, obligation, interdiction dénotent une modalité déontique, les lexèmes nécessaire, possible détonent une modalité aléthique et le lexème légal une modalité axiologique. Contrairement à ces modalités dénotées, celles dites associées sont portées par tous les lexèmes. Elles se divisent à leur tour en deux groupes : les modalités linguistiquement marquées et les modalités prag-matiquement inférées. Dans l’énoncé « Le matériel aurait pu affronter la tem-pête sans dommage si le saisissage avait été convenable, notamment si tous les points disponibles avaient été utilisés », nous relevons des modalités aléthiques associées aux lexèmes matériel, tempête, saisissage, une modalité axiologique associée à convenable, et une modalité aléthique et axiologique47 associées à dommage. Ce dernier est donc un marqueur mixte dans la mesure où deux catégories modales lui sont associées. En outre, une modalité appréciative né-gative est contextuellement inférée, notamment à travers les expressions « si le saisissage avait été convenable » et « si tous les points disponibles avaient été utilisés ». Notons, comme le précise (Gosselin, 2010, p. 141), que les moda-lités inférées ont la particularité de pouvoir être contextuellement annulables

46. Cf. ch. 5, § 5.3.1.2.

47. Il s’agit d’une modalité axiologique associée relativement aux conséquences que le dommage en-gendre à la personne qui le subit.

car elles dépendent des discours et des situations de communication. Qu’elles soient linguistiquement marquées ou pragmatiquement inférées, les modalités associées, exceptées les modalités bouliques associées, se caractérisent par une direction d’ajustement (D) prioritairement descriptive (D =¿ (ø)).

— Pour ce qui est des modalités intrinsèques sublexicales, elles renvoient aux modalités exprimées par des sous-prédicats(ou des prédicats sublexicaux) d’un prédicat lexical. Ainsi, le lexème péniche exprime-t-il au niveau lexical une modalité aléthique, et au niveau sublexical, suivant la définition donnée dans le TLFi48, des modalités épistémiques exprimées par long, plat et alé-thiques portées par bateau, transport et fluvial. Précisons ici que les modalités sublexicales et lexicales entretiennent une relation d’interdépendance. Ainsi, dans cet exemple, la modalité lexicale aléthique dont l’instance de validation est la réalité englobe au niveau sublexical des modalités épistémiques dont l’instance de validation est la subjectivité.

Dans les analyses empiriques proposées dans les derniers chapitres de ce manuscrit, nous verrons que, si la description globale du profil modal du corpus (ch. 5) nécessite la prise en compte des modalités dénotées ou associées à chaque mot, au niveau lexical et sublexical, l’étude textuelle (ch. 6) montrera l’intérêt incontestable des modalités contextuellement inférées.

5. L’engagement énonciatif (E) appartient au groupe des paramètres énonciatifs. Son rôle consiste à identifier le degré de prise en charge de la validation du contenu propositionnel par le locuteur. Il est important de le distinguer du degré de croyance qui concerne uniquement les modalités épistémiques et qui est pris en charge par un autre paramètre, la force de la validation (F). L’engagement énonciatif n’agit pas sur la détermination de la catégorie conceptuelle, mais sur ses effets discursifs. De ce point de vue, il interfère avec les six catégories modales et en produit des modulations différentes en fonction du degré de prise en charge. C’est en s’appuyant

sur les travaux de la polyphonie, notamment ceux de la Scapoline49((Nølke & Olsen,

2000), (Nølke & Fløttum,2004)) que Gosselin développe ce paramètre. Il part ainsi de la typologie des degrés de prise en charge établie par (Nølke, 1994b)50 ainsi que de la classification faite par (Dendale & Coltier, 2005)51 et propose un ensemble de valeurs de l’engagement énonciatif du locuteur sur un continuum allant du refus absolu jusqu’à un engagement maximal (ou inversement) en passant par des degrés intermédiaires. Soit la figure 1.6 simplifiée :

Figure 1.6 – Représentation unidimentionnelle du paramètre (E)

Un classement très fin des différentes valeurs de (E) est également proposé dans le graphe conceptuel suivant 1.7 :

49. Théorie SCAndinave de la POlyphonie LINguistiquE dont l’objectif consiste notamment, comme l’affirme (Nølke, 2009, p. 81), à concevoir « une théorie formalisée qui soit en mesure de prévoir et de préciser les contraintes proprement linguistiques qui régissent l’interprétation polyphonique.»

50. L’auteur distingue trois degrés de prise en charge : soit le locuteur (i) s’associe à la modalité, soit il (ii) l’accorde, ou bien il (iii) se dissocie.

51. Les deux auteurs distinguent deux principales classes de degrés de prise en charge : une classe de prise en charge et une classe de non-prise en charge. Dans chacune de ces deux classes, ils répartissent des degrés intermédiaires de prise en charge. Dans la première ils distinguent la responsabilité et l’accord. Dans la seconde, le neutre et la réfutation.

Figure 1.7 – Les principales valeurs de l’engagement énonciatif (E) (Gosselin, 2010, p. 228).

Soient les exemples suivants :

1. « Considérant que contrairement à ce que la société X soutient, M. Y n’a pas inclus son temps de restauration dans le temps de travail effectif, mais dans le temps d’astreinte » ;

2. « Il est exact, comme le souligne la société X, que son attention n’a pas été attirée sur une quelconque urgence qu’il pourrait y avoir à livrer dans tel délai plutôt qu’un autre » ;

3. « la société X fait valoir que ce sont les articles 4-4 et 4-5 de la convention de Rome du 19 juin 1980 qui sont applicables en matière de transport international de marchandises » ;

4. « Attendu que X prétend, à l’appui de certains indices, que Y serait inter-venue en qualité de loueur de véhicule avec chauffeur ».

Alors que dans l’exemple (1), la valeur (E) est de type Négatif fort ([hmin, h]) et exprime un refus de prise en charge maximal marqué par l’adverbe contrairement et

la négation52, dans l’exemple (2), la valeur de (E) est de type positf fort (]h+, hmax]) et exprime un engagement fort et explicite du locuteur marqué par l’expression il est exact que. Entre ces deux pôles, les exemples (3) et (4) se caractérisent par des valeurs de (E) intermédiaires, respectivement : Neutre strict (h0) qui désigne une non-prise de position vis-à-vis de la modalité exprimée, et négatif faible (]h, h0[) qui indique que le locuteur se dissocie de la modalité sans pour autant la récuser. Cette valeur est assignée par le verbe prétendre et l’emploi du conditionnel.

Concernant l’instance responsable de la prise en charge, Gosselin insiste sur l’im-portance de prendre en compte non seulement l’engagement énonciatif du locuteur responsable de l’énonciation (le locuteur-en-tant-que-tel (l0)), mais également ceux des autres être discursifs53, surtout « lorsque ceux-ci sont explicitement mention-nés dans l’énoncé » (Gosselin, 2010, p. 232). Cette précision qui s’inscrit dans une perspective polyphonique est très importante pour notre travail. En effet, les textes étudiés s’inscrivent dans une dimension pleinement dialogique dans la mesure où