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Pour la typologisation des genres textuels

3.2 Le genre en linguistique : exemples de quelques conceptionsconceptions

Apparu dès l’Antiquité grecque, dans la rhétorique et la poétique d’Aristote, le concept du genre devient aujourd’hui, comme l’affirme Simon Bouquet, « aussi multiforme qu’heuristique

» (Bouquet,2004, p. 4). Traditionnellement réservée au domaine littéraire et prise en charge

par la poétique1, la question du genre est depuis plusieurs années au centre des préoccupa-tions, non seulement littéraires, mais aussi linguistiques et didactiques. Ce regain d’intérêt s’est accompagné par une floraison terminologique diverse impliquant des positions théoriques et épistémologiques parfois très éloignées. Parmi les dénominations qui circulent dans la littéra-ture, des syntagmes comme genre(s) du/de discours, genres de textes ou genres textuels, types de textes, ou parfois tout simplement genre(s). En linguistique, ce sont les travaux du philo-sophe russe, théoricien de la littérature Mikhaïl Bakhtine (1895-1975), qui semblent être une référence incontournable pour les recherches autour de la notion du genre. Selon Rastier2, repris

1. Au sens de discipline dont la tâche est l’étude des formes littéraires et des lois de fonctionnement de la littérature.

par d’autres auteurs3, l’idée d’élargir les genres à toutes les productions verbales, au-delà du domaine littéraire, trouve son origine (après la rhétorique d’Aristote) dans la théorie de l’hermé-neutique du philosophe allemand Friedrich D. E. Schleiermacher (1768-1834). Ce dernier, tenant compte de l’étude des textes oraux et écrits, littéraires, religieux ou encore des conversations, postulait déjà que « Toute compréhension du détail est conditionnée par une compréhension du tout [. . .] – Originellement le tout est compris comme genre – des genres nouveaux ne se développent aussi qu’à partir d’une sphère plus étendue, en dernier ressort à partir de la vie

» (Schleiermacher, 1987, pp. 67-68). Le genre est ici posé comme condition première de toute

interprétation et donc de la compréhension. Ce faisant, Schleiermacher, selon P. Szondi, rompt avec une conception traditionnelle de l’herméneutique et s’oppose aux principes établis par la grammaire et la poétique de son époque :

S’il a fait éclater la linguistique, comme la poétique de son temps, par la hardiesse de vues qui anticipent les acquisitions du XX siècle, il y est parvenu, me semble-t-il, grâce à cette conception de l’herméneutique comme inversion de la grammaire et de la poétique » (Szondi,1989, p. 133).

D’ailleurs, si la réflexion de Schleiermacher sur le genre n’a pas eu d’écho immédiat et favo-rable en linguistique, c’est en grande partie en raison de la dominance de la conception logico-grammaticale4 « vouée à demeurer hégémonique pendant les deux deniers siècles » (Bouquet,

2004, p. 5). Cette volonté d’imposer le genre comme seule et unique norme linguistique dé-terminante de l’interprétation est certes radicale et il convient de la nuancer en admettant que certaines normes linguistiques (syntaxiques par exemple) existent et ne dépendent pas des genres.

Comme indiqué ci-dessus (§ 3.1), l’objectif de ce chapitre n’est pas de refaire l’historique des recherches sur la notion du genre5, mais simplement de revenir sur certains travaux en linguis-tique ayant abordé cette notion. L’objectif est de montrer les apports des unes et des autres et

3. (Bouquet,2004), (Portillo-Serrano,2010).

4. Rastier oppose la conception logico-formelle à la conception rhétorico-hérméneutique. Selon lui, la première « s’emploie à rabattre le linguistique sur le logique », et la seconde, « ne formule pas d’hypothèse rationaliste sur la nature de la pensée [. . .]. Elle conduit en tout cas à distinguer les ordres logique et linguistique, en insistant sur l’hétérogénéité constitutive du logique et du linguistique » (Rastier,1996b, p. 15).

5. Nous renvoyons à l’article de (Portillo-Serrano,2010) dans lequel l’auteure propose un tour d’ho-rizon des différentes définitions de la notion du genre en linguistique. Il y a également le numéro 153 de la revue Langage, paru en 2004, qui est dédié à cette question.

surtout la particularité de la poétique généralisée, retenue dans ce travail.

3.2.1 Type, genre et généricité : le genre dans la linguistique

textuelle de J.-M. Adam

Les travaux qu’Adam mène dans le cadre de sa linguistique textuelle, depuis plusieurs années, ont comme principal objectif le dépassement du cadre phrastique dans lequel la linguistique a été longtemps cantonnée. Au fil des années, les fondements théoriques et épistémologiques de la linguistique textuelle n’ont pas cessé d’évoluer tout en veillant à conserver l’essence de son projet de départ, celui de décrire linguistiquement la composition et le fonctionnement des textes. Si dans ses premières recherches6, Adam était proche de la grammaire générative, les publications postérieures (à partir de 19997, et plus résolument de 20058), s’en écartent et revendiquent une articulation avec l’Analyse du Discours. Derrière ce changement de paradigme, se profile la volonté de redéfinir les concepts et de replacer les fondements de la linguistique textuelle dans une tradition de recherche à la française. Le traitement de la notion du genre dans les travaux de l’auteur témoigne de cette mouvance théorique. Il passe du terme de typologie des textes, vers celui des séquences et enfin à l’introduction du concept de généricité.

Au début des années quatre-vingts9, Adam, en reprenant principalement la typologie textuelle du linguiste allemand E. Werlich (1975), propose de distinguer sept types de textes : récit, des-cription, argumentation, exposition, injonction-instruction, conversation et poème. Deux ans plus tard, l’auteur renonce à cette catégorisation jugée « trop globale et ne tient pas assez compte de l’hétérogénéité des textes eux-mêmes » (Adam,1987, p. 55). Il propose de lui sub-stituer une typologie séquentielle, capable de rendre compte de la diversité des productions textuelles et discursives. Il justifie ce changement de postulat en affirmant que « les textes sont des structures tellement diverses et complexes qu’il est impossible d’en établir une typo-logie sauf par commodités pédagogiques illusoires. En revanche, on peut repérer des segments de plus petite taille, généralement composés de plusieurs phrases : les séquences10 » (Adam,

6. (Adam & Goldenstein, 1975), (Adam,1979). 7. (Adam,1999).

8. (Adam,2005). 9. (Adam,1985).

10. Rappelons que l’auteur définit les séquences comme des unités constituantes du texte, elles-mêmes composées de paquets de macropropositions.

2005, p. 9). Dans les premiers ouvrages où l’auteur développe sa théorie des structures sé-quentielles, la perspective adoptée est strictement linguistique. Cela l’a conduit à établir, à la suite de (Slakta,1975), une distinction nette entre Texte et Discours. Le premier résulte de la soustraction du contexte opérée sur le second (Adam,1990, p. 23). Le texte, en tant qu’« objet abstrait », constitue l’objet d’étude de la linguistique textuelle. Le discours, comme « objet concret », met davantage en avant la dimension discursive des faits de langue qui ne relèvent pas du domaine strict de la linguistique (Ibid.). Selon Adam, Texte et Discours correspondent aux formules logiques suivantes : Discours = Texte + Contexte/conditions de production et de réception-interprétation ; Texte = Discours - Contextes/conditions de production. À ce stade de ses recherches, l’auteur ne semble pas se préoccuper de la question des genres qu’il consi-dère comme « codes seconds » par rapport aux principes de régularité transphrastique » (Ibid. 24) et relevant d’un domaine extra-linguistique. Mais paradoxalement, cela ne l’empêche pas de reprendre la définition de Bakhtine sur les genres du discours, comme « types relativement stables d’énoncés »11, pour introduire la notion de séquence prototypique (Adam, 2005). En assimilant les types relativement stables d’énoncés aux séquences, Adam procède à la transpo-sition des réflexions de Bakhtine formulées dans un champ sociolinguistique vers le champ plus strict de la linguistique textuelle. Partant, il propose de distinguer cinq principales séquences prototypiques :

Mon hypothèse est la suivante : les « types relativement stables d’énoncés » et les régularités compositionnelles dont parle Bakhtine sont à la base, en fait, des régularités séquentielles. Les séquences élémentaires semblent se réduire à quelques types élémentaires d’articulation des propositions. Dans l’état actuel de la réflexion, il me paraît nécessaire de retenir les séquences prototypiques suivantes : narrative, descriptive, argumentative, explicative et dialogale12. (Ibid. 32)

Vers la fin des années 90, une reconfiguration théorique s’opère chez Adam. En 1999, dans son ouvrage intitulé Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes13, l’auteur donne une nouvelle orientation à ses travaux et propose de redéfinir sa linguistique textuelle comme « sous-domaine de l’analyse des discours14 ». Il revendique cette fois-ci une prise en compte des

11. (Bakhtine,1984, p. 265). 12. souligné par l’auteur. 13. (Adam,1999).

contraintes génériques et de « la relation du texte au(x) genre(s) et à l’interdiscours » (Ibid. 17). Dès lors, il revient sur sa formule logique autour du texte et la qualifie de malheureuse. Il s’en écarte et justifie ainsi son revirement théorique :

D’abord parce qu’elle laisse entendre une opposition et une complémentarité des concepts de texte et de discours alors qu’il s’agit de dire que ces deux concepts se chevauchent et se recoupent avant tout en fonction de la perspective d’analyse choisie. Ensuite parce qu’il faut tenir compte de ce que Jacques Guilhaumou (1993 & 2002 : 32) décrit comme le passage d’une conception sociolinguistique de l’AD à sa redéfinition comme « discipline herméneutique à part entière » (Adam, 2006b, p. 23).

Dans cette nouvelle perspective et en reconnaissant l’impossibilité de réduire le texte à un objet abstrait, l’auteur inclut les concepts de discours et de genre dans sa théorie. Cette incorporation lui permet d’ouvrir le texte sur les interactions sociodiscursives et de rendre compte de la diver-sité socioculturelle de ces situations, grâce aux genres de discours. Ces derniers, contrairement aux publications antérieures, occupent un chapitre entier dans l’ouvrage paru en 1999, intitulé Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes15. Cependant, dès les premiers para-graphes de ce chapitre, on comprend que l’auteur ne va pas proposer une véritable théorie des genres, car il maintient l’idée selon laquelle ces derniers sont du ressort de l’analyse des discours. Il revient à celle-ci la tâche d’intégrer les données extralinguistiques et sociohistoriques dans les analyses discursives, et de proposer « des catégories et des concepts qui permettent de penser les conditions psychosociales de production et de réception » (Ibid. 86). C’est d’ailleurs pour cette raison que la linguistique textuelle doit s’ouvrir et prendre en compte les acquis de l’analyse des discours et les intégrer dans sa façon d’appréhender le fonctionnement interne des textes. Lorsqu’il formule des hypothèses sur le genre, Adam s’inspire principalement des travaux du cercle de Bakhtine (surtout de (Bakhtine,1984) et de (Todorov,1978)). Il propose de définir le genre comme une pratique sociodiscursive qui « relie ce que l’analyse textuelle parvient à décrire linguistiquement à ce que l’analyse des pratiques discursives a pour but d’appréhender socio-discursivement » (Ibid.83). De son point de vue, il convient de retenir trois principes inhérents

l’analyse de/du discours, qui est une théorie générale de la discursivité, nous préférons substituer une analyse DES discours attentive à la diversité des pratiques discursives humaines » (Adam,1999, p. 40). Souligné par l’auteur.

aux genres : leur diversité, leur normativité (mais sans interdire la variation) et leur influence sur l’organisation textuelle et transtextuelle16. Du fait de leur variété (synchronique et diachro-nique), il est impossible, d’après Adam, d’établir une typologie fixe des genres. Ces derniers « évoluent et peuvent disparaître avec les formations sociales auxquelles ils sont associés » (Adam,

2001, p. 15). Le caractère normé, lui, permet de définir les genres comme des prototypes, des conventions gouvernés par deux principes : celui d’identité (noyau normatif) et celui de diffé-rence (variation). Quant à l’influence du genre sur les niveaux de la textualisation, elle conduit l’auteur à considérer le texte comme un « objet de tension entre les régularités interdiscursives d’un genre et les variations inhérentes à l’activité énonciative des sujets engagés dans une in-teraction verbale toujours historiquement singulière » (Adam, 1999, p. 93). Dans les années qui ont suivi, les réflexions d’Adam autour des genres ont encore évolué. À partir de l’article paru en 200417, co-écrit avec Ute Heidmann, ainsi que dans leurs publications postérieures18, il propose une nouvelle catégorie descriptive appelée généricité ou effet de généricité :

[. . .] la généricité d’un texte résulte d’un dialogue continu, souvent conflictuel, entre les instances énonciative, éditoriale et lectoriale. Un texte relevant généralement de plusieurs genres, il ne s’agit plus de le classer dans une catégorie — son appartenance —, mais d’observer les potentialités génériques qui le traversent — sa participation à un ou plusieurs genres — en tenant compte des points de vue tant auctorial qu’éditorial et lectorial. (Adam & Heidmann,2007, p. 27)

Le concept de généricité permet, selon les deux auteurs, de rendre compte de la complexité de la « mise en discours » et surtout de cerner les rapports entre un texte et son(ses) genre(s). Elle dépasse le statut « trop statique » du genre pour une problématique plus « dynamique » se situant dans le contexte d’une interdiscursivité. Un texte ne peut relever d’un seul genre, et un genre est toujours lié à un système de genres19.

De ce rapide aperçu sur la problématique du genre dans les travaux d’Adam, il convient de rele-ver, d’abord, l’aspect évolutif, innovant et interdisciplinaire qui caractérise sa démarche.Cependant, de notre point de vue, sa conception du genre semble restreinte et focalisée sur l’étude de

l’or-16. Ce qui relève du péritexte, du co-texte et de l’intertexte. 17. (Adam & Heidmann,2004).

18. (Adam & Heidmann,2007), (Adam & Heidmann,2009).

19. Les auteurs distinguent quatre principaux systèmes (ou régimes) de genres : les auctoriaux, les éditoriaux, les lectoriaux, les traductoriaux.

ganisation interne des unités textuelles. La place accordée à l’étude de la séquence reste déter-minante dans ses travaux et prime sur le genre qu’il continue, par ailleurs, de considérer comme étant « un concept du discours et pas de la linguistique textuelle » (Adam,2013, p. 245).

3.2.2 Les genres vus par l’Analyse Du Discours : les

proposi-tions de D. Maingueneau

Partant du postulat d’Adam selon lequel l’étude des genres relèverait du domaine de l’Analyse du Discours (désormais AD), il nous a paru utile de voir comment cette notion est abordée au sein de ce domaine de recherche. Elle sera évoquée à travers les travaux de Dominique Maingueneau auxquels Adam fait référence. Dominique Maingueneau est l’un des représentants phare de l’école française de l’AD. Ses travaux, publiés depuis une quarantaine d’années, ont largement contribué à ériger l’AD au rang de discipline fondamentale au sein des sciences du langage. La tâche de l’AD, d’après Maingueneau, consiste principalement à « appréhender le discours comme intrication d’un texte et d’un lieu social, c’est-à-dire que son objet n’est ni l’organisation textuelle ni la situation de communication, mais ce qui les noue à travers un dispositif d’énonciation spécifique » (Maingueneau,2005, p. 66). Il inscrit ses propositions théoriques dans le cadre de la pragmatique et de l’énonciation et s’appuie largement sur les apports du philosophe français Michel Foucault20(1926-1984), notamment son ouvrage L’Archéologie du savoir, publié en 1969. L’influence du courant pragmatique et l’importance de l’approche énonciative que l’auteur dé-fend, le conduisent à aborder la notion du genre dès ces premières publications21. Il admet son rôle central et son incidence décisive sur l’interprétation des énoncés22. Il emploie le terme de genres de discours qu’il définit à partir de critères situationnels comme étant « des dispositifs de communication socio-historiquement définis, et qui sont habituellement pensés à l’aide des métaphores du « contrat », du « rituel » ou du « jeu » » (Maingueneau,2007, p. 31). Le recours à l’une de ces trois caractéristiques, mettra en avant un aspect particulier du genre. Ainsi défini, le genre de discours permet à l’AD de penser l’articulation des textes et des situations où ils

ap-20. Autour des années 1970, les débats sur la notion de discours acquièrent une dimension épistémo-logique en basculant de la linguistique à la philosophie. C’est pour cette raison que Maingueneau s’est intéressé à Foucault et à ses travaux sur l’ordre du discours.

21. (Maingueneau,1984), (Maingueneau,1987).

22. L’auteur va jusqu’à affirmer que « l’énoncé libre de toute contrainte relève de l’utopie » ( Maingue-neau,1987, p. 26).

paraissent. Il entretient un rapport de réciprocité avec des unités de rang supérieur, dites types de discours23: « tout type est un réseau de genres ; tout genre est rapporté à un type24» (Ibid. 65). Dans cette perspective, les genres de discours sont de nature à la fois linguistique et sociale, et ce double aspect fait d’eux une catégorie en constante évolution avec la société. D’ailleurs, ils peuvent même être considérés comme « un observatoire privilégié des changements sociaux » (Ibid.). Dès 1999, Maingueneau propose de distinguer trois principales catégories de genres : (i) les auctoriaux (ex. l’essai, la dissertation, le traité, etc.) ; (ii) les routiniers (ex. un magazine, un débat télévisé, une consultation médicale, etc.) ; (iii) les conversationnels (difficilement divi-sibles en genres distincts en raison de l’instabilité de leurs compositions et leurs thématiques25),

(Maingueneau,2007, p. 32). Cependant, l’auteur constate que la différence qui sépare les genres

conversationnels d’une part, et les deux autres genres, auctoriaux et routiniers, d’autre part, ne peut s’évaluer au même plan, car « la possibilité pour les auteurs des genres « auctoriaux » de catégoriser leurs pratiques verbales comme « médiation », « manifeste », « confession »... intervient en réalité à l’intérieur des genres qui sont, en dernière instance, routiniers » (

Main-gueneau,2014, p. 117). Ce constat le conduit à abandonner cette tripartition en faveur d’une

distinction entre deux régimes « complémentaires », mais obéissant à des logiques distinctes : un régime institué (englobe les genres auctoriaux et routiniers), et un régime conversationnel. Le premier correspond véritablement à la notion de genre de discours au sens de « disposi-tifs de communication définis socio-historiquement » ; le second, dominé par « l’inorganisation relative26 », et ne relevant pas de lieux institutionnels déterminés et stables, est difficilement décomposable en genres distincts. Dans cette optique, l’auteur porte une attention particulière aux genres relevant du régime institué. Mais, jugeant la distinction entre genres routiniers et genres auctoriaux « trop grossière » (Maingueneau, 2007, p. 31), il introduit encore quatre modes de généricité. Son objectif est à la fois de pouvoir cerner les genres du régime institué dans leur diversité, mais aussi d’intégrer dans le champ de l’analyse du discours, habituellement

23. Les types de discours désignent des « groupements de genres stabilisés par une même finalité sociale » (Maingueneau,2014, p. 64).

24. Maingueneau donne l’exemple d’un tract politique qui constitue un genre de discours, lui même intégré dans l’unité plus complexe contenant un réseau de genres appartenant à un même type de discours , le discours politique (Ibid.).

25. « se demander si une conversation entre collègues dans leur lieu de travail relève du même « genre » que la conversation des mêmes individus s’ils échangent leurs propos dans un autobus, c’est bien autre chose que se demander si une consultation médicale et un débat politique télévisé sont deux genres distincts » (Ibid.).

intéressé par les genres routiniers, les productions les plus « auctoriales » léguées aux spécia-listes de littérature, de philosophie et de religion. Dans cette approche énonciative de l’AD, Maingueneau propose d’analyser les genres de discours en termes de scène d’énonciation27 qui fait interagir trois autres scènes : la scène englobante (i.e. le type de discours), la scène géné-rique (i.e. l’ensemble des normes génégéné-riques) et la scénographie (i.e. la mise en scène singulière de l’énonciation) (Maingueneau,2014, pp. 124-133). Les modes de généricité dépendent de la relation entre la scène générique et la scénographie qui varie en fonction des genres de discours. L’auteur distingue quatre principaux modes. Les genres institués de mode (1), comme le courrier commercial, les rapports de police, etc., ne sont pas, ou très peu, sujets à variation. Ils ont une scénographie dite endogène, car imposée par la scène générique. Les genres institués de mode (3), tels que la publicité, les chansons, etc., n’ont pas de scénographie déterminée par le genre et exigent donc de recourir à une scénographie exogène :

Si l’on sait que tel texte est une affiche publicitaire, cela ne permet pas de prévoir à travers quelle scénographie il va être énoncé. Pour promouvoir le même produit, par exemple une lessive, on peut importer des scènes de parole très variées : montrer un savant qui explique à un collègue la composition chimique et les effets du produit, deux mères de familles qui conversent au téléphone, deux joueurs de rugby qui comparent sur le terrain la propreté de leurs maillots respectifs, etc. (Ibid.134)