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1.2 Spectromètre par transformation de Fourier statique

1.2.2 Présentation du concept instrumental

En 1998, le CNES a déposé un brevet de spectromètre par transformation de Fourier statique dont l’inventeur est Paul Vermande [Ver98].

Dans un spectromètre par transformation de Fourier statique, l’échantillonnage de l’interférogramme est effectué spatialement plutôt que temporellement pour un spec- tromètre par transformation de Fourier dynamique. La différence de marche varie donc dans la dimension spatiale et tous les échantillons de l’interférogramme sont acquis simultanément.

La mesure spatiale de l’interférogramme nécessite en sortie de l’interféromètre un système d’imagerie, qui remplace le monodétecteur d’un spectromètre par transforma- tion de Fourier dynamique.

La figure 1.24 présente un schéma de principe du concept instrumental. On y re- connaît en partie un interféromètre de Michelson comparable à celui représenté sur la figure 1.10. Ici, la variation de la différence de marche est introduite par des miroirs à échelettes. Un miroir à échelettes est un miroir en forme d’escalier. Chaque marche fournit une différence de marche différente et donc un échantillon de l’interférogramme. L’association des deux miroirs engendre une matrice de différences de marche, et l’in- terféromètre est équivalent à une multitude d’interféromètres de Michelson classiques en parallèle.

En sortie de l’interféromètre, l’image des miroirs est acquise grâce à un système d’imagerie. Les rayons tracés en rouge sur la figure 1.24 illustrent la combinaison optique. L’image est donc une image de l’interférogramme dont l’agencement des échantillons est matriciel comme celui des différences de marche introduites par les miroirs à échelettes. Une représentation schématique de celle-ci est donnée sur la figure 1.24. Chaque carré

de couleur représente le signal pour un échantillon de l’interférogramme.

L’obtention d’un spectre à partir de l’image d’un interférogramme nécessite dans un premier temps une opération de traitement de l’image qui consiste à isoler le si- gnal de chaque échantillon de l’interférogramme. Puis, comme pour un spectromètre par transformation de Fourier classique, on obtient le spectre mesuré en effectuant la transformation de Fourier inverse de l’interférogramme.

En résumé, ce concept statique consiste à reprendre un interféromètre de Michelson, à remplacer ses miroirs plans mobiles par des miroirs à échelettes fixes, et à substituer, au monodétecteur en sortie de l’interféromètre, un détecteur matriciel sur lequel on fait l’image des miroirs.

On va maintenant décrire plus en détail, deux aspects clés pour ce concept qui sont l’échantillonnage et la contrainte sur l’étalonnage apportée par la configuration statique. Ensuite, on dressera un bilan des caratéristiques du concept instrumental.

1.2.2.1 Echantillonnage statique de l’interférogramme et limitation de la bande spectrale de mesure

On va voir ici comment l’échantillonnage statique de l’interférogramme répond aux contraintes d’échantillonnage que l’on a introduites au paragraphe 1.1.2.2.

Dans le concept de spectromètre par transformation de Fourier statique, c’est le critère de Shannon-Nyquist généralisé, décrit dans le paragraphe 1.1.2.2, qui est utilisé pour l’échantillonnage. La fréquence d’échantillonnage de l’interférogramme doit être supérieure au double de la largeur de la bande spectrale de mesure.

La fréquence d’échantillonnage de l’interférogramme est limitée du fait de la tech- nique de réalisation des miroirs. En effet, on ne peut pas fabriquer des miroirs avec des marches de hauteur inférieure à la dizaine de micromètres géométrique (soit une ving- taine de micromètres en différence de marche). La limite haute pour la largeur spectrale ∆σmax que l’on peut couvrir par transformation de Fourier statique est d’environ :

∆σmax= 1 2 δmin e ≈ 1 2· 20 µm ≈ 250 cm −1

avec δmine le pas d’échantillonnage minimal accessible. Ici, le critère de Shannon-Nyquist généralisé prend tous son sens. Les mesures ne sont pas limitées qu’à une bande spectrale de borne inférieure le nombre d’onde nul. On peut décaler la bande de mesure autour d’un nombre d’onde central quelconque.

Le spectromètre doit donc être utilisé pour des mesures dans des bandes spectrales limitées. Pour les mesures satellitales de sondage atmosphérique cela présente un intérêt pour la mesure d’un gaz cible. La mesure spectrale est alors centrée sur une bande d’absorption du gaz.

Une mesure en bande étroite nécessite un filtre passe-bande de sélection de celle-ci. Sur la figure 1.24, le filtre de sélection est placé en avant du détecteur. Nous verrons au chapitre 2, comment on définit en pratique un échantillonnage compatible avec le critère de Shannon-Nyquist, en associant des miroirs à échelettes et un filtre optique passe-bande.

1.2.2.2 Echantillonnage irrégulier de l’interférogramme

Du fait des limitations technologiques, on ne peut pas fabriquer des marches de hau- teurs parfaitement régulières. En conséquence, l’échantillonnage de l’interférogramme est irrégulier. Les erreurs de construction sont typiquement de l’ordre de quelques mi- cromètres. Celles-ci sont, dans le cas du spectromètre étudié, supérieures à la longeur d’onde.

Dans le paragraphe 1.1.2.2, l’échantillonnage considéré est régulier. Cependant, à partir d’un interférogramme échantillonné irrégulièrement, on peut calculer l’interféro- gramme régulièrement échantillonné. On reprend l’équation 1.77 :

I(δ) = +∞ X n=−∞ I(nδe)· cos  π(m +1 2)( δ δe − n)  sinc π 2( δ δe − n) 

où I(nδe) est l’interférogramme échantillonné régulièrement et I(δ) l’interférogramme en

une différence de marche quelconque, par exemple à la différence de marche échantillon- née irrégulièrement par les miroirs. Cette équation est vérifiée pour les N échantillons de l’interférogramme mesuré. Pour retrouver l’interférogramme régulier, il faut donc résoudre un système de N équations à N inconnues.

La régularité de l’échantillonnage est indispensable pour calculer numériquement la transformée de Fourier inverse des interférogrammes, c’est-à-dire les spectres. Les algorithmes mathématiques classiquement utilisés en traitement du signal, tels que celui de FFT, traitent des données régulièrement échantillonnées [CT65].

Nous verrons au chapitre 3 comment la reconstruction de l’interférogramme régulier est effectuée numériquement. Nous verrons également une autre méthode de traitement des interférogrammes irréguliers aboutissant aussi aux spectres mesurés. Il faut retenir ici que l’échantillonnage de l’interférogramme, dans ce type de concept statique, est irrégulier. Cette irrégularité est telle qu’elle doit être mesurée et prise en compte dans le traitement des interférogrammes.

1.2.2.3 Influence de la dimension spatiale

Alors que la dimension spatiale transverse était ignorée dans la description du concept classique (paragraphe 1.1), elle doit être maintenant prise en compte.

On doit en particulier assurer l’homogénéité spatiale de la réponse du système. Intrinsèquement celle-ci n’est pas constante. Il faut en mesurer ses variations dans le plan de la matrice du détecteur afin de les corriger ensuite par traitement. Les inhomogénéités de réponse sont à la fois dues aux variations de sensibilité interpixel dans le détecteur et aux variations spatiales de la transmission du système.

On effectue maintenant une mesure d’imagerie de l’interférogramme. Comme pour tout système d’imagerie, il faut étalonner la réponse spatiale de celui du spectromètre. Pour ce faire, la méthode classique consiste à placer l’instrument devant une source de profil spatial en luminance connu et à comparer le profil mesuré au profil réel. Géné- ralement la source est une sphère intégrante dont le profil est homogène et les défauts d’homogénéité mesurés sont ceux du système.

Dans le cas du spectromètre par transformation de Fourier statique, il est impos- sible de faire directement l’image d’une source à cause des interférences provoquées par l’interféromètre. On reprend l’expression, pour une source monochromatique de l’inter- férogramme (équation 1.21) dans laquelle on introduit les coordonnées spatiales i et j dans le détecteur :

Iij(δ) =

I0(i,j)

2 · (1 + cos(2πσδij)) (1.98)

La sensibilité de l’interféromètre est directement proportionnelle à I0(i,j). Cette valeur

est en effet proportionnelle à l’énergie intégrée dans le champ et pour toutes les longueurs d’onde. Celle-ci est sensée être constante spatialement pour un instrument embarqué sur un satellite. Dans ce cas, la source est à l’infini et tous les points des miroirs observent une même source. Si l’on peut mesurer dans toute l’image le terme I0(i,j), alors on est

à même de pratiquer l’étalonnage spatial de l’interféromètre.

Cette mesure suppose de brouiller le terme en cosinus. Pour ce faire, un système introduisant de légères variations de la différence de marche de manière homogène dans la dimension transverse a été défini et développé. Il s’agit d’un mécanisme de rotation de la lame compensatrice. Du fait de sa nouvelle fonction, la lame compensatrice est appelée lame modulatrice. Une description détaillée de ce composant est donnée dans le paragraphe 1.2.3.2.

Nous retiendrons que la dimension spatiale devient un paramètre important de la mesure. L’exploitation de celle-ci pour l’échantillonnage, plutôt que de la dimension temporelle, lui confère un rôle essentiel. Les étalonnages spatiaux de l’instrument de- viennent cruciaux.

1.2.2.4 Bilan sur les caractéristiques du concept

On vient de décrire un concept de spectrométrie par transformation de Fourier sta- tique. L’interférogramme est échantillonné spatialement et tous les échantillons de l’in- terférogramme mesuré sont acquis simultanément. Dans une configuration dynamique classique, les échantillons sont acquis les uns à la suite des autres. Au premier abord, on pourrait croire que le temps de mesure est considérablement réduit du fait de la mesure statique. C’est en fait faux. En effet, l’échantillonnage spatial se fait en divisant la pupille en autant de sous-pupilles que d’échantillons dans l’interférogramme. Par conséquent, pour intégrer la même énergie, il faut augmenter en conséquence le temps d’intégration, d’un facteur égal au nombre d’échantillons. Au final, le temps d’intégration total est le même que dans un spectromètre par transformation de Fourier dynamique ayant la même pupille. Le concept statique et le concept dynamique sont donc équivalents d’un point de vue radiométrique. Bien que l’étendue géométrique de chaque sous pupille soit diminuée, l’avantage de Jacquinot est toujours vérifié.

Le concept instrumental impose une mesure sur une bande spectrale réduite. Celle-ci doit être limitée par un filtre optique passe-bande. Le gain de la configuration statique impose cette contrepartie. Cependant pour une mesure satellitale de sondage atmosphé- rique, ce type d’instrument peut répondre à des besoins de mesure et de surveillance d’un seul gaz. Dans ce cas, la bande de mesure est centrée sur une bande d’absorption

du gaz. Le spectromètre statique allégé par rapport à un spectromètre dynamique pré- sente alors un atout majeur compte tenu des contraintes sur la masse des instruments embarqués sur des satellites.

Pour une telle mesure, l’instrument est ramené au plus près du besoin, on ne mesure que la bande d’intérêt. Une mesure sur une large bande permet de couvrir les signatures spectrales de plusieurs espèces atmosphériques. Souvent, le spectre mesuré est ensuite traité par bandes d’intérêt, et certaines zones du spectre ne sont même pas exploitées. Une mesure sur une bande étroite présente également l’intérêt de limiter la « pollution » du spectre de l’espèce cible par les autres gaz atmosphériques.

La dimension spatiale de la mesure rajoute une contrainte forte en comparaison avec les spectromètres par transformation de Fourier classiques. Pour le concept statique, il faut prévoir un étalonnage spatial de l’instrument. Un nouveau composant a été défini à cet effet : la lame modulatrice.

Par rapport à un concept plus classique de spectrométrie par transformation de Fourier statique, le spectromètre par transformation de Fourier statique étudié ici se distingue sur plusieurs points importants. Dans un spectromètre par transformation de Fourier statique, il est fréquent que la variation de différence de marche soit introduite par une inclinaison d’un des miroirs. Les deux miroirs plans vus à travers la lame sépa- ratrice ne sont plus superposables et la différence de marche évolue transversalement. L’image des miroirs donne également l’image de l’interférogramme. Pour ce type de spectromètre, on peut accéder à des fréquences d’échantillonnage de l’interférogramme plus grandes et donc faire des mesures sur des bandes spectrales plus larges. Cepen- dant, la différence de marche maximale est en contrepartie limitée. Pour disposer d’une grande différence de marche maximale, il faut soit un angle d’inclinaison important soit un miroir de grande dimension. Dans un cas comme dans l’autre, ces solutions posent problème : avec un angle d’inclinaison trop grand les rayons peuvent ne plus interférer entre eux du fait de la trop grande déviation. Un miroir de grande dimension pose un problème d’encombrement. Par conséquent un spectromètre par transformation de Fou- rier statique avec un miroir incliné ne permet pas de faire des mesures avec une grande résolution spectrale. Pour le concept à miroirs à échelettes, les faces des miroirs restent localement parallèles. En quelque sorte, les escaliers des miroirs sont des inclinaisons « numériques ». La différence de marche maximale n’est donc plus limitée. Et le concept permet de faire des mesures à haute résolution spectrale.