• Aucun résultat trouvé

2.4 Caractérisation du spectromètre

2.4.1 Caractérisation de l’interféromètre

L’exploitation du cœur interférométrique nécessite la connaissance des différences de marche générées par les miroirs à échelettes. D’autre part, la stabilité des différences de marche a été étudiée. Ce dernier élément de caractérisation revêt une importance particulière dans la mesure où les interférences optiques sont particulièrement sensibles à de faibles variations de la différence de marche.

2.4.1.1 Matrice de différence de marche

La combinaison des deux miroirs à échelettes forme une matrice de différences de marche. Nous avons vu au paragraphe 2.3.1.1 les spécifications de ceux-ci.

L’adhérence des échelettes des miroirs s’accompagne inévitablement de défauts de réalisation. Les échelettes n’ont pas rigoureusement la hauteur spécifiée et l’échantillon- nage de l’interférogramme est irrégulier. Pour caractériser la différence de marche effec- tivement réalisée, on la compare à la différence de marche régulière idéale. De la sorte, on visualise les erreurs de positionnement des échelettes. La courbe sur la figure 2.15 montre cette erreur en fonction du numéro d’échantillon dans l’interférogramme. Le numéro des échantillons est représentatif de leurs coordonnées spatiales sur les miroirs. On évalue la précision avec laquelle on peut réaliser les miroirs à échelettes par adhérence molécu- laire. L’écart-type de l’erreur est de 3,2 µm, soit deux fois la longueur d’onde de mesure et 2 % de la hauteur nominale des échelettes. Sur la courbe, on constate une pente ainsi qu’un motif périodique. L’origine de la pente d’ensemble est une inclinaison du miroir à grandes échelettes. Le motif périodique est caractéristique des petites échelettes. En effet, la différence de marche générée par les miroirs se lit selon les petites échelettes qui suréchantillonnent les grandes une à une. Une fois une grande échelette décrite en entier du bas vers le haut par les petites, on passe à la grande échelette suivante, en repartant de la petite échelette du bas. Par conséquent, on décrit périodiquement la direction de

progression des petites échelettes. En fin de lecture des échantillons, on a décrit toute la direction de progression des grandes échelettes.

-6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12 14 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 Erreur de construction ( µ m) Numero d echantillon

Fig. 2.15 –Erreur de réalisation de la différence de marche par rapport à la différence de marche

régulière spécifiée

L’amplitude de la variation d’ensemble de l’erreur est d’environ 6 µm, ce qui cor- respond à une inclinaison du miroir de 4 µrad. Cette valeur a été évaluée en ef- fectuant le rapport de l’amplitude ∆δ et de la dimension du miroir, en l’occurence ∆x = 19× 4 = 76 mm.

θx≃

∆δ

2∆x (2.9)

Le facteur 2 au dénominateur ramène la différence de marche à une distance géomé- trique.

Selon les petites échelettes, on ne distingue pas de pente dans la variation. Le mi- roir n’est donc pas signicativement incliné. Par contre, les trois premières échelettes présentent une erreur de positionnement supérieure aux autres. Elles forment un pic périodique dans la courbe.

L’erreur de réalisation est étalonnable par mesure. L’irrégularité de l’échantillon- nage est ensuite prise en compte dans les traitements des interférogrammes. Par contre, durant les mesures, on ne connaît pas les dérives de la différence de marche dues aux instabilités thermiques du cœur interférométrique.

2.4.1.2 Stabilité thermique du cœur interférométrique

La stabilité thermique du cœur interférométrique est primordiale. L’interféromètre a tendance à se déformer sous l’effet des variations de sa température. C’est l’élément

du spectromètre le plus sensible aux déformations. Un interféromètre permet en effet de mesurer des fractions de longueur d’onde, dans notre cas des distances de l’ordre de la dizaine de nanomètres. Le reste du spectromètre, en particulier le système d’imagerie est beaucoup moins sensible aux déformations.

Un bon moyen de caractériser la stabilité thermique de l’interféromètre est de com- parer des mesures successives de différence de marche entre elles. Si l’interféromètre n’est pas affecté par les variations thermiques de son environnement, alors la différence de marche reste stable et la différence entre deux étalonnages est nulle.

L’étude a été faite pour des mesures effectuées à plusieurs jours d’intervalle, en l’oc- curence huit jours. La différence entre les deux mesures est représentée sur la figure 2.16 par la courbe en noir. On obtient ainsi les déformations de la matrice des différences de marche en fonction du numéro de la zone.

−0.2 −0.15 −0.1 −0.05 0 0.05 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 Déformation ( µ m) Numéro de la zone Sans Correction Correction tilt y Correction tilt x Correction piston

Fig.2.16 –Variation temporelle de la différence de marche sur un intervalle de temps de 8 jours (en

noir). La courbe en bleu représente les déformations résiduelles une fois l’inclinaison suivant l’axe hori- zontal corrigée. La courbe en vert représente les déformations résiduelles une fois les deux inclinaisons corrigées et la courbe en rouge représente les déformations résiduelles une fois les deux inclinaisons et le piston corrigés.

La forme de la courbe est structurée, ce qui ne correspond pas à un bruit aléatoire. On repère les effets de déformations de corps rigide. Des dents de scie périodiques de pé- riode 24 super-pixels apparaissent. Cela correspond à la déformation de l’interféromètre suivant la direction de progression des petites échelettes. La lame séparatrice ou les mi- roirs se sont inclinés selon un axe horizontal. Les dents de scie s’appuient sur une pente qui est due à l’inclinaison de la lame séparatrice ou des miroirs suivant un axe vertical. La progression des grandes échelettes se fait selon l’axe horizontal. Elle est affectée par une inclinaison autour de l’axe vertical. Enfin, les différences sont globalement centrées autour d’une même valeur de piston : les miroirs ou la lame séparatrice se sont déplacés suivant l’axe optique. Une translation suivant la direction transverse, du même ordre de

grandeur, doit assurément se produire. Elle est cependant moins critique. En effet, des marges ont été prévues pour le dépot du traitement séparateur de la lame séparatrice. Par conséquent, sa translation transverse est sans incidence sur la mesure. La trans- lation transverse des miroirs engendre une translation de l’image de l’interférogramme sur le détecteur. Pour autant, vu la faible amplitude des déplacements, l’image mesu- rée ne sera pas affectée. Le grandissement du système d’imagerie est de 1/10. Aussi, à un décalage de l’image de 4 µm, qui équivaut à un dixième de pixel, correspond une translation des miroirs de 40 µm. Cette valeur est bien supérieure à ce que l’on observe. Pour les mesures exploitées pour tracer la figure 2.16, les déformations de corps rigide sont :

– Inclinaison suivant les petites échelettes, c’est-à-dire autour de l’axe horizontal : 0,6 µrad. Soit une déformation de différence de marche d’un bout à l’autre du miroir de 115 nm en DDM optique.

– Inclinaison suivant les grandes échelettes, c’est-à-dire autour de l’axe vertical : 0,5 µrad. Soit une déformation de différence de marche d’un bout à l’autre du miroir de 80 nm en DDM optique.

– Piston : −162 nm en DDM optique.

Les variations de différence de marche ont été converties en déformation des miroirs. C’est grâce à leur agencement particulier que l’on peut mesurer les trois paramètres de déformation de corps rigide. Cependant, le composant dont la déformation est la plus critique est la lame séparatrice. Alors que les déplacements des miroirs sont multipliés par deux pour les convertir en variation de différence de marche, les déplacements de la lame séparatrice doivent être multipliés par quatre. Ils affectent en effet les deux bras de l’interféromètre simultanément et de manière cumulée. De plus, la lame séparatrice est moins épaisse que les deux miroirs. Elle se déformera donc plus facilement. D’autre part, le piston que l’on observe a également de fortes chances de provenir d’une dérive de la lame modulatrice. Une erreur de positionnement de celle-ci entraîne en effet un piston.

Les résidus de déformation, une fois les déformations de corps rigide compensées, sont également représentés sur la courbe 2.16. Ceci est fait en deux temps. On recherche d’abord les paramètres de déformation de corps rigide par la méthode des moindres carrées. Puis on soustrait les déformations modélisées à partir des paramètres retrouvés. La courbe en rouge correspond aux déformations résiduelles, une fois les inclinaisons et le piston corrigés. On voit là qu’une déformation d’ordre supérieur affecte l’interféromètre. L’étude a été également effectuée pour des mesures de différence de marche réalisées le même jour à quelques dizaines de minutes d’intervalle. On s’attend à mesurer des déformations bien inférieures à celles mesurées précédemment. Les déformations de corps rigide retrouvées sont les suivantes :

– Inclinaison suivant l’axe horizontal : −3 · 10−3

µrad. Elle est 200 fois plus faible, en valeur absolue que celle observée sur un intervalle de plusieurs jours.

– Inclinaison suivant l’axe vertical : 0,5 µrad. Soit une déformation de différence de marche d’un bout à l’autre du miroir de 80 nm en DDM optique.

– Piston : −60 nm en DDM optique.

vant les petites échelettes. Une fois les déformations de corps rigide compensées, le résidu de déformation présente encore une structure typique de déformations d’ordre supérieur. On peut essayer de retrouver cette structure. La méthode de calcul consiste à considérer les grandes échelettes indépendamment et à modéliser les déformations de celles-ci par des polynômes dont on retrouve les coefficients par optimisation. On a effectué les calculs jusqu’à l’ordre 4. Les résultats sont présentés sur la figure 2.17.

−0.015 −0.01 −0.005 0 0.005 0.01 0.015 0.02 0.025 0.03 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 Résidu ( µ m) Numéro de la zone Ordre 1 Ordre 2 Ordre 3 Ordre 4 −0.004 −0.002 0 0.002 0.004 Résidu ( µ m) Ordre 2 Ordre 3 Ordre 4

Fig. 2.17 – Résidu de déformation des différences de marche après corrections des mouvements d’ensemble d’ordres différents. On voit que la prise en compte d’un polynôme d’ordre 2 permet de réduire considérablement le résidu. Le graphe du haut repésente uniquement les corrections d’ordres 2, 3 et 4 avec une échelle mieux adaptée.

On a constaté une diminution des déformations de l’interféromètre consécutive à l’intégration du nouveau cœur interférométrique adhéré. Les étalonnages des différences de marche, systématiques lors des mesures, ont confirmé cette amélioration de l’instru- ment. On contrôle les déformations entre le début de l’étalonnage et sa fin. Pour une durée de mesure d’une trentaine de minutes, on observait, avec l’ancienne version de l’interféromètre, des pistons de l’ordre de la centaine de nanomètres. Maintenant, on observe typiquement des pistons de l’ordre de la dizaine de nanomètres. Les pistons ont été divisés par 10 en remplaçant l’interféromètre précédent par le cœur interférométrique adhéré. L’amplitude des inclinaisons a également diminué, mais dans des proportions moindres.

Par contre, on a constaté que les déformations d’ordre supérieur sont plus impor- tantes que celles que l’on observait avec le cœur interférométrique précédent. L’ampli- tude crête à crête de celles-ci est de l’ordre de 15 nm, et l’écart-type de l’ordre de 5 nm. Celles-ci n’étaient pas perceptibles avec l’ancien interféromètre, pour des durées infé-

rieures à la journée. La lame séparatrice est le composant le plus susceptible d’engendrer ces déformations des différences de marche. Il est donc probable qu’elle soit soumise à des contraintes d’un nouveau genre, et d’amplitude non négligeable. Ces contraintes sont certainement dues à la présence d’une poutre supérieure faite dans un matériau de nature différente de celle du reste de l’interféromètre. Des forces sont appliquées au cœur interférométrique du fait des dilatations différentielles entre la plaque de base en silice et la poutre supérieure en invar. La lame sépatrice subit alors des forces diffé- rentes appliquées en haut et en bas de celle-ci. En réponse, elle se tord et la différence de marche varie selon un mode de déformation plus complexe qu’une déformation de corps rigide. On tente d’interpréter les déformations d’ordre supérieur et leur effet sur la mesure du dioxyde de carbone au paragraphe 5.3.3.1.

Les conclusions concernant le piston observé sont plus complexes. Les défauts de positionnement de la lame modulatrice peuvent être une source de piston, en plus de la dérive thermique.

Cette étude permet finalement d’évaluer la précision de mesure des différences de marche. Celle-ci sera abordée plus en détail au paragraphe 3.3. Une fois les déformations d’ensemble compensées, le résidu de déformation est représentatif du bruit de mesure des différences de marche. On calcule l’écart-type des résidus pour les différents ordres de correction des déformations. On trouve les valeurs suivantes pour les résidus en DDM optique :

– Après correction de la déformation de corps rigide d’ordre 1 : σdef = 4,4 nm

– Après correction de la déformation d’ordre 2 : σdef = 1,3 nm

– Après correction de la déformation d’ordre 3 : σdef = 1 nm

– Après correction de la déformation d’ordre 4 : σdef = 0,5 nm

La précision de détermination des différences de marche est donc de l’ordre du nano- mètre, ce qui est remarquable. On mesure des centimètres avec une précision nano- métrique. Le rapport entre l’erreur de mesure et la grandeur mesurée est de 10−7

. La différence de marche est mesurée à mieux que λ0/1000.

Afin de mieux visualiser les déformations de l’interféromètre, on les a reportées au niveau des coordonnées spatiales de chaque échantillon. On obtient ainsi des images de déformation du front d’onde. Les figures 2.18 et 2.19 présentent les déformations du front d’onde entre les deux mesures espacées de huit jours. La figure 2.18 représente les déformations totales, la figure 2.19 représente les déformations résiduelles une fois les déformations de corps rigide corrigées. De la même manière, la figure 2.20 illustre les déformations entre deux mesures de différence de marche consécutives espacées d’une trentaine de minutes. Le résidu de déformation après correction de l’ordre 1, dans ce cas de mesure est représenté sur la figure 2.21. Avant correction des déformations de corps rigide, nous ne voyons que l’effet des inclinaisons. Par contre, les déformations de corps rigide compensées, les torsions au sein du cœur interférométrique apparaissent.