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2.3 Le cœur interférométrique monobloc

2.3.2 La lame modulatrice

Le cœur interférométrique est équipé d’un mécanisme de modulation de phase, afin de remplir des fonctions d’étalonnage, ainsi que pour assurer une meilleure qualité de mesure. Ce mécanisme met en rotation la lame compensatrice. Nous verrons ici le prin- cipe de fonctionnement de la lame compensatrice qui a été réalisée pour le cœur inter- férométrique adhéré. Les paramètres caractéristiques du mécanisme seront également abordés.

2.3.2.1 Principe de fonctionnement

Le concept instrumental de la modulatrice a été décrit au paragraphe 1.2.3.2, ici, on s’attarde sur la solution technique retenue pour réaliser ce composant et le mettre en œuvre. La figure 2.13 montre une vue éclatée du mécanisme.

La méthode retenue pour introduire le décalage en différence de marche nécessaire à la modulation de phase est de faire tourner la lame compensatrice. Pour ce faire, la lame compensatrice est montée sur un axe vertical. L’axe est collé aux faces inférieure et supérieure de la lame. Deux pivots flexibles sont fixés aux extrémités de l’axe. Les pivots flexibles assurent l’élasticité de la rotation. Ils sont munis d’ailettes qui se déforment sous l’effet de la contrainte due à la rotation. Celles-ci se tordent et exercent une force de rappel.

Le mouvement est assuré par deux actionneurs piézoélectriques. Ceux-ci exercent une poussée sur un bras de levier situé dans la partie inférieure du système, sous le pivot flexible. La vue de dessous du mécanisme est représentée sur la figure 2.14. On peut voir le bras de levier, en forme de S. Les actionneurs poussent ou tirent simultanément de part et d’autre de l’axe sur le bras de levier. Pour exercer cet effort, ils s’appuient sur la plaque de base. Leur déplacement est asservi en boucle fermée grâce à des jauges de contrainte qui font office de capteurs de déplacement. Les jauges de contrainte mesurent la contrainte dans les actionneurs. Dans son fonctionnement un actionneur s’étire ou se contracte. La force de rappel due aux pivots flexibles varie en fonction de l’extension de l’actionneur. Par conséquent, la contrainte dans l’actionneur varie également en fonction de son étirement.

Une des grosses difficultés associée à ce mécanisme de rotation de la lame compensa- trice est celle des inerties mises en jeu. La masse de la lame compensatrice est d’environ 500 g et on prévoit une fréquence de fonctionnement de l’ordre de 30 Hz. Les conditions d’utilisation sont exigeantes d’autant plus que le système doit être suffisamment stable pour ne pas affecter les mesures interférométriques. La conception du mécanisme a donc été effectuée en prenant soin de conserver une fréquence de résonnance du système la plus grande possible par rapport à la fréquence de fonctionnement. Pour ce faire, les

Fig.2.14 – Vue de dessous du cœur interférométrique. Cette vue montre bien la partie inférieure du

mécanisme de modulation. Les mouvements des actionneurs piézoélectriques sont représentés par des flèches rectilignes. Ils sont convertis en une rotation matérialisée par des flèches courbes. Sur cette vue seul le bras de levier est animé d’un mouvement de rotation.

éléments du mécanisme sont choisis très rigides. Plus un mécanisme est rigide plus sa fréquence de résonnance est élevée. Par exemple, l’axe de rotation a un diamètre de 18 mm, ce qui en fait une pièce massive donc rigide. Les simulations prévoyaient un premier mode de résonance à 400 Hz. Les mesures de recette ont confirmé cette va- leur. L’électronique de pilotage filtre cette fréquence dans le signal de consigne envoyé aux actionneurs. Elle annule sa composante. Il y a une marge d’un facteur 10 entre la fréquence d’utilisation du mécanisme et sa fréquence de résonance.

Nous allons voir maintenant les critères de performance qui ont été fixés lors de la définition de la lame modulatrice.

2.3.2.2 Déplacement et précision de déplacement de la lame modulatrice Le besoin en termes de déphasage était à l’origine de pouvoir réaliser d’une part des mesures en modulation de phase, et d’autre part de brouiller le signal interférométrique pour pratiquer l’étalonnage spatial du spectromètre. Pour les mesures en modulation de phase, la définition du système a été faite dans la perspective d’une mesure avec quatre phases décalées deux à deux de π/2. Le décalage en différence de marche entre deux interférogrammes successifs est donc de λ0/4, où λ0 est la longueur d’onde moyenne de

la bande de mesure. Les interférogrammes modulés sont obtenus à partir des interfé- rogrammes décalés de λ0/2, c’est-à-dire le premier et le troisième, puis, le second et le

quatrième. Le cas de mesure de référence pour la définition du mécanisme de modulation de phase est la mesure en doublage de points. Pour le brouillage des interférences, l’ob- jectif était de pouvoir effectuer un balayage de la différence de marche sur une période de l’interférogramme à savoir une longueur d’onde λ0.

Les spécifications en termes de décalage en différence de marche sont les suivants : – Trois décalages de λ0/4 pour les mesures

– Un balayage total de deux longueurs d’onde, de manière à disposer d’une certaine marge et à pouvoir réaliser des tests complémentaires.

En complément de ces spéficications, il faut fournir la précision avec laquelle les dépla- cements sont effectués.

Pour les déplacements, connaissant les paramètres de la lame, nous avons vu que l’on peut déduire l’angle de rotation nécessaire (voir le paragraphe 1.2.3.2 et l’équa- tion 1.122). Nous retiendrons l’ordre de grandeur αxr ∼ 1 nm/µrad pour le coefficient αxr de conversion de l’angle de rotation de la lame en décalage en différence de marche. Ce coefficient étalonne la lame modulatrice du cœur interférométrique. Il dépend de l’épaisseur de la lame, de son indice et de l’incidence des rayons. On en déduit l’am- plitude de la rotation nécessaire pour nos besoins : environ 3,2 mrad. L’incrément en rotation pour les quatre positions de mesure est de 0,4 mrad.

Le paramètre le plus important est la précision relative de déplacement du méca- nisme entre deux positions. Cette précision peut être affectée par une rotation incorrecte de la lame. On fait alors une erreur sur le décalage en différence de marche entre les deux points de mesure. Elle peut également être affectée par un défaut de stabilité de la lame. Durant une mesure, la lame doit rester dans sa position afin de maintenir l’état interférométrique constant. On caractérise directement la précision par le déca-

lage en différence de marche. Nous avons demandé une précision relative de déplacement de 5 nm. De cette manière, on estime que les performances globales du spectromètre ne seront pas affectées par les défauts de fonctionnement de la lame modulatrice. L’erreur de décalage est de l’ordre de λ0/300 et de 1 % du déplacement entre deux positions lors

d’une mesure. Angulairement la précision relative de déplacement est de 5 µrad. Les autres éléments de précision sont :

La précision absolue de positionnement, qui caractérise l’erreur commise sur la va- leur du déplacement par rapport à une origine fixe. Cette précision traduit les dérives à long terme du mécanisme. Elle en fixe la valeur maximale.

La précision relative entre les points extrêmes de la mesure, soit sur un déca- lage de 3λ0/4. Ce critère est ajouté pour illustrer la manière dont les erreurs

relatives unitaires peuvent se cumuler. On souhaite que l’erreur en fin de mesure ne s’additionne pas directement avec les erreurs précédentes.

La dérive qui est définie comme l’erreur de connaissance absolue de la différence de marche modulée, durant une période de mesure sans étalonnage de la différence de marche, typiquement un jour. Ce critère fixe la limite de dérive par rapport à un des étalonnages encadrant la mesure.

Les spécifications pour ces différentes précisions sont reportées dans le tableau 2.10.

Type de précision Besoin pour l’acquisition

Déplacement en DDM Rotation de la lame

Précision absolue 100 nm ∼ 90 µrad

Précision relative sur 2 points 5 nm ∼ 4 µrad

Précision relative sur 4 points 10 nm ∼ 8 µrad

Dérive (court terme) 10 nm ∼ 8 µrad

Incrément maximum entre 2 points 400 nm ∼ 370 µrad

Tab. 2.10 – Spécifications en précision de déplacement de la modulatrice. Les critères sont définis dans le chapitre 2.3.2.2

2.3.2.3 Temps de commutation et de stabilisation de la lame modulatrice On appelle le temps de commutation et de stabilisation de la lame modulatrice le temps que met le mécanisme pour rallier une position stable. Ce temps comprend : la durée de rotation de la lame, appelée temps de commutation et, une fois la rotation effectuée, le temps que met la lame pour se stabiliser dans sa position finale.

La spécification du temps de commutation et de stabilisation est le résultat d’un compromis entre la fréquence de travail du mécanisme qui ne doit pas être trop élevée et la rapidité de la mesure. Le temps alloué au déplacement du mécanisme est considéré comme un temps mort pour la mesure. On a donc intérêt à le réduire au maximum. Il a été spécifié un temps de commutation et de stabilisation inférieur à 35 ms, avec un objectif à 20 ms.

Les 35 ms allouées au mécanisme se traduisent sur la mesure totale des quatre phases par un temps dédié au déplacement de la lame de 105 ms. Il faut trois déplacements pour mesurer quatre phases. Dans le cas d’une durée de mesure d’une seconde, ce qui est plus représentatif d’une mesure satellitale, plus de 10% du temps de mesure est perdu pour le fonctionnement du mécanisme. La valeur de 35 ms est le fruit des réflexions communes avec les industriels en charge de la réalisation. Nous avons convergé vers cette spécification qui est, avec la précision de déplacement de la lame, la plus contraignante pour la fabrication du mécanisme.