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Le modèle direct décrit le passage du vecteur d’état atmosphérique au vecteur des observations. L’état atmosphérique est donné par différents paramètres, dont les pa- ramètres géophysiques que l’on cherche à mesurer comme la concentration en dioxyde de carbone. On peut décomposer la modélisation en deux parties : la modélisation du transfert radiatif dans l’atmosphère et la modélisation instrumentale. La modélisation du trajet de la lumière à travers l’atmosphère permet de calculer, à partir d’un état atmosphérique donné, le spectre en entrée d’instrument. La modélisation instrumentale permet de calculer, à partir du spectre en entrée d’instrument, le spectre mesuré en sortie.

4.2.1 Modèle atmosphérique

La mesure du dioxyde de carbone atmosphérique repose sur ses propriétés radiatives. La connaissance de la physique du transfert radiatif permet de déduire de l’observation de l’absorption du dioxyde de carbone sa concentration. La modélisation atmosphérique passe en premier lieu par la résolution de l’équation de transfert radiatif.

4.2.1.1 L’équation de transfert radiatif

L’équation de transfert radiatif est centrale dans la modélisation atmosphérique. Sa résolution permet de calculer les spectres obtenus après propagation des rayons lumi- neux à travers l’atmosphère. On donne les résultats généraux de la physique du transfert radiatif, utiles pour la mesure du dioxyde de carbone atmosphérique. Les développe- ments mathématiques de ces résultats sont détaillés dans l’annexe A. On trouvera une description exhaustive des problèmes de transfert de radiatif et de leurs méthodes de résolution dans [Len93]. On peut également citer [DMP05] ainsi que [Duf03], dont une partie est spécifiquement consacrée au transfert radiatif appliqué à la mesure du dioxyde de carbone atmosphérique.

L’équation de transfert radiatif s’obtient en effectuant un bilan d’énergie à travers une tranche d’air de dimension infinitésimale. Le vecteur ~r désigne la position considé- rée pour le calcul. La direction de propagation des rayons est notée ~n. La luminance

spectrale énergétique en W/(m2sr cm1

) ou en W/(m2sr µm) si on travaille en L λ, en

sortie d’une tranche d’air de longueur ds = ~n· d~r, s’écrit :

Lσ(~r + d~r,~n) = Lσ(~r,~n) + dLextσ + dLdifσ + dLemiσ (4.9)

avec dLext

σ la luminance perdue dans la tranche, dLdifσ la luminance diffusée dans la

direction ~n gagnée dans la tranche et dLemiσ la luminance émise par la tranche dans la direction ~n au nombre d’onde σ.

Le développement de l’équation 4.9 donne :

dLσ(~r,~n) =−αextLσ(~r,~n)ds + Jσ(~r, ~n)ds (4.10)

où αextest le coefficient d’extinction, et J

σ(~r, ~n), la fonction source. Le coefficient d’ex-

tinction caractérise les pertes par absorption et par diffusion. La fonction source carac- térise les gains par émission du milieu et par diffusion. Dans le cas de la spectroscopie solaire par absorption, dans le domaine du proche infrarouge, l’émission du milieu est négligée devant la luminance solaire.

La résolution de l’équation de transfert radiatif, dans un cas simple est effectuée dans l’annexe A. Le cas général est également abordé. On aboutit, à l’expression de la luminance suivante :

Lσ(τ1) = Lσ(τ0)· e−(τ1−τ0)+

Z τ1

τ0

σ(τ )· e−(τ1−τ )dτ (4.11)

L’équation de transfert radiatif a été intégrée en fonction de l’épaisseur optique définie par τ =R αextds. Le terme σ a pour expression σ = Jσ/αext. Dans le cas de la mesure

du dioxyde de carbone par spectroscopie solaire, il ne comprend que la contribution de la diffusion.

La résolution numérique de l’équation de transfert radiatif nécessite la connaissance des paramètres atmosphériques tels que les profils de concentration, de pression et de température, ainsi que les paramètres spectroscopiques du milieu traversé. Un code de transfert radiatif calcule, à partir de toutes ces données, le spectre atmosphérique mesuré.

4.2.1.2 Le code de transfert radiatif SWIM

On utilise le code de transfert radiatif SWIM (pour Short Wavelength Infrared Mo- del). Ce code, initialement dédié à la mesure du dioxyde de carbone, a été développé par le CEA et le CNES, et plus particulièrement par Emmanuel Dufour [DBP04], [Duf03]. Le code permet de calculer les spectres atmosphériques sur un domaine spectral allant du visible à l’infrarouge, au delà de 2 µm.

SWIM est un code de tansfert radiatif raie par raie. L’ensemble des raies est pris en compte pour le calcul du spectre, quelle que soit la longueur d’onde de calcul. Ce type de code est plus précis que ceux reposant sur des méthodes où l’on ne considère pas toutes les raies. En contrepartie, le nombre de calculs effectués est plus important et le temps de calcul plus long.

Le code SWIM peut lire deux bases de données spectroscopiques : HITRAN (HIgh- resolution TRANsmission molecular absorption database) [RJB+05] et GEISA (Gestion et Etude des Informations Spectroscopiques Atmosphériques) [JHSC+05]. Les bases de

données spectroscopiques répertorient les paramètres des raies d’absorption des gaz. Elles rassemblent à la fois des résultats théoriques et des résultats expérimentaux.

Pour le dioxyde de carbone, dans la bande spectrale considérée autour de 1,6 µm, les raies d’absorption sont dues à des transitions de vibration-rotation des molécules. L’énergie est quantifiée et les transitions entre niveaux discrets conduisent à des raies dans le spectre dont la position correspond à l’échange d’énergie entre le photon et la molécule décrit par la formule de Planck ∆E = h ν = h c σ = hcλ. Les paramètres spectroscopiques des raies (position, intensité, coefficient de déplacement par la pression, . . .) sont mesurés en laboratoire par spectrométrie à haute résolution, modélisés par des formalismes théoriques (hamiltonien de vibration-rotation et opérateur moment dipolaire, calcul des largeurs des raies, . . .) et introduits dans les banques de données spectroscopiques pour les applications (HITRAN, GEISA, . . .). Le profil d’absorption de chaque raie (c’est pour cela qu’on parle de calcul raie par raie) est ensuite modélisé (dans le code de transfert radiatif) en utilisant les paramètres spectroscopiques mesurés ou calculés.

La progression de la connaissance de la spectroscopie des molécules est un enjeu de recherche de premier plan pour le sondage atmosphérique. Avec l’amélioration des instruments de mesure embarqués, les phénomènes d’absorption et d’émission doivent être toujours mieux maîtrisés. La spectroscopie moléculaire théorique qui permet d’in- terpréter et de modéliser les spectres de laboratoire continue à progresser au fur et à mesure de l’amélioration de la précision des mesures et ne devrait pas être le facteur limitant pour le sondage atmosphérique.

Le sondage atmosphérique requiert une connaissance de la spectroscopie moléculaire toujours plus précise. Pour bien saisir l’importance des paramètres spectroscopiques, ci- tons le sondage atmosphérique du profil de température. La mesure satellitale permet de retrouver les profils de température atmosphérique. Le spectromètre par transformation de Fourier IASI, embarqué sur le satellite MetOp, comme le spectromètre à réseau AIRS [ACG+03], sur le satellite Aqua, réalisent cette mesure dans l’infrarouge thermique. Le sondage vertical s’appuie sur les propriétés d’absorption et d’émission des raies en fonc- tion de la pression et de la température. La pression est la coordonnée verticale. La forme des raies varie avec celle-ci. Les raies sont plus larges en bas de l’atmosphère du fait de l’élargissement collisionnel. Pour mesurer le plus précisément possible les profils de température et de concentration, il faut donc maîtriser au mieux les paramètres de raie utilisés par les codes de transfert radiatif [SHDSM+03].

Les entrées du code de transfert radiatif SWIM sont : – Les profils des différents constituants atmosphériques – Un profil d’aérosols

– Les profils de pression et de température – L’angle zénithal solaire

Pour notre application, dans la bande de mesure du spectromètre par transformation de Fourier statique, on restreint la liste des constituants atmosphériques considérés au

dioxyde de carbone et à la vapeur d’eau. Le code permet également de simuler des mesures satellitales. Dans ce cas, il tient compte de l’angle de visée de l’instrument et de la réflectance de surface. L’altitude de la surface terrestre, ou plus précisément la pression de surface, est prise en compte. Un trajet horizontal de la lumière, à la surface, peut être simulé par le code SWIM. La lumière suit, après réflexion, un tel trajet horizontal dans le cas des mesures qui ont été effectuées au sol. Un atlas du spectre solaire est intégré à SWIM. Les raies solaires de Fraunhofer présentes dans le spectre solaire et mesurées par le spectromètre sont ainsi prises en compte.

Le code de transfert radiatif SWIM est employé pour le calcul des a priori. Les sorties du code sont :

– Le spectre simulé correspondant à l’état atmosphérique et à la géométrie de mesure – Les jacobiens des espèces atmosphériques telles que le dioxyde de carbone ou la

vapeur d’eau

Les jacobiens décrivent la sensibilité du spectre atmosphérique à un paramètre donné. Ils sont définis plus en détail au paragraphe 4.3.1.1. Retenons qu’ils sont utilisés pour inverser le modèle direct.

La figure 4.3 représente le spectre en transmission de différents paramètres atmo- sphériques autour de la bande de mesure du spectromètre par transformation de Fourier statique. Ce spectre a été calculé à l’aide de SWIM. L’absorption du dioxyde de carbone est tracée en rouge. Elle est prépondérante en comparaison à celle des autres espèces (H2O, . . .). Le spectre d’absorption de la vapeur d’eau est tracé en bleu. L’influence de

la vapeur d’eau est limitée dans la bande de mesure. Enfin, la courbe verte représente le profil relatif du spectre solaire. Le spectre solaire en unité de luminance est calculé comme le produit du sommet de la fonction de Planck et d’un profil relatif. Ce profil relatif décrit la forme de la fonction de Planck ainsi que les raies solaires de Fraunhofer. Sur la figure on distingue plusieurs raies solaires. Par contre, la variation du profil de Planck est imperceptible sur la fenêtre spectrale trop étroite. La figure 4.4 représente le spectre atmosphérique correspondant, en unités de luminance.

L’étude qualitative des figures 4.3 et 4.4 permet une première caractérisation de la mesure. On distingue les zones d’intérêt du spectre qui sont les raies d’absorption du dioxyde de carbone. La définition de la bande de mesure a été conditionnée par la présence de raies d’absorption. La contribution limitée de la vapeur d’eau dans le spectre est également un critère de choix. La vapeur d’eau induit une absorption sur une part importante du spectre optique, avec des fenêtres de transmission. La variabilité de la concentration en vapeur d’eau dans l’atmosphère peut avoir un impact indésirable. La bande spectrale de mesure autour de 1,6 µm a également été choisie pour la bonne sensibilité de la mesure en bas de l’atmosphère. On cherche à mesurer le rapport de mélange moyen en dioxyde de carbone avec une bonne sensibilité proche de la surface, car c’est là que les sources et les puits de dioxyde de carbone ont le plus d’impact sur la concentration. L’objectif final de la mesure spatiale de la concentration en dioxyde de carbone est de distinguer les sources et les puits de dioxyde de carbone. La sensibilité au dioxyde de carbone se trouve dans les raies. Nous pouvons déjà imaginer que le jacobien du dioxyde de carbone dans le spectre sera maximal, en valeur absolue, au niveau des raies. On peut se reporter à la partie 4.3.1.1 pour plus de détails sur les jacobiens. La

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 6340 6345 6350 6355 6360 6365 6370 6375 Transmission Nombre d’onde (cm−1) T CO2 T H2O T Soleil

Fig.4.3 –Transmission des différentes espèces considérées pour le calcul des spectres à l’aide du code de transfert radiatif SWIM

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 6340 6345 6350 6355 6360 6365 6370 6375 Spectre en luminance (W.m −2 .sr −1 . µ m −1 ) Nombre d’onde (cm−1)

figure 4.11 représente le jacobien du dioxyde de carbone dans le spectre.

A ce stade de modélisation, on peut prévoir, connaissant un état atmosphérique, le spectre en entrée d’instrument. La modélisation instrumentale se combine à la modéli- sation atmosphérique.

4.2.2 Modèle instrumental

Le modèle instrumental permet de décrire l’influence de l’instrument sur le spectre incident. Les spectres en sortie du code de transfert radiatif ne sont pas directement exploitables pour traiter les mesures instrumentales du fait de cette influence.

Classiquement, en spectrométrie, la modélisation instrumentale consiste à déter- miner la fonction de réponse instrumentale dans le spectre. On peut se reporter au paragraphe 1.1.2.2 traitant spécifiquement de la réponse instrumentale. Une représen- tation de la réponse instrumentale mesurée en utilisant une raie laser est donnée par la figure 2.35. La réponse instrumentale est calculée à partir des paramètres instrumentaux détermninés lors de l’étalonnage. La mesure de la différence de marche est cruciale. Le profil de transmission du filtre optique passe-bande intervient également. Il pondère la sensibilité spectrale du spectromètre.

Une fois la réponse instrumentale déterminée, le passage des spectres en entrée d’instrument aux spectres mesurés est effectué en convoluant les spectres à résolution infinie par la réponse instrumentale. On entend par résolution infinie une résolution très supérieure à la résolution du spectromètre. La résolution de calcul du code de transfert radiatif, fixée à 0,005 cm−1

, est plus de trente fois plus fine que la résolution du spectromètre.

Nous avons également examiné une méthode spécifiquement développée pour le spec- tromètre par transformation de Fourier statique au paragraphe 3.6.3. Celle-ci consiste à appliquer des matrices de passage aux spectres calculés grâce au code de transfert radiatif. Pour passer d’un spectre à résolution infinie à un spectre à la résolution de me- sure du spectromètre, on applique plus particulièrement la matrice de convolution de la réponse instrumentale. Remarquons que la matrice de passage du spectre à résolution infinie à l’interférogramme permet de limiter la modélisation instrumentale à la mesure de l’interférogramme.

Le modèle instrumental est appliqué indifféremment aux spectres comme aux ja- cobiens fournis par le code de transfert radiatif. Numériquement, il est ramené à des matrices de passage. La mesure est complètement modélisée par l’application successive du modèle atmosphérique et du modèle instrumental, ce qui constitue le modèle direct permettant de calculer, à partir d’un état atmosphérique connu, le spectre mesuré par le spectromètre. L’inversion du modèle direct a pour but de réaliser l’opération inverse, à savoir calculer l’état atmosphérique correspondant au spectre mesuré.