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La mesure d’un interférogramme est la mesure d’un couple de valeurs : le signal interférométrique et la différence de marche de mesure. La maîtrise de la différence de marche est cruciale pour la mesure. Pour le concept de spectromètre par transformation de Fourier statique, elle est l’objet d’une mesure d’étalonnage à part entière réalisée avant ou après la mesure des spectres.

Idéalement, la configuration statique devrait permettre de faire l’étalonnage des différences de marche une fois pour toutes. Cependant, l’interféromètre a tendance à se déformer au cours du temps, sous l’effet de dérives thermiques. Ceci nous a amené à étalonner périodiquement les différences de marche. On effectue un étalonnage par journée de mesure. On verra au chapitre 4 que les différences de marche sont par ailleurs corrigées en temps réel par traitement des acquisitions.

La méthode d’étalonnage des différences de marche est une méthode de mesure absolue.

3.3.1 Méthode de mesure

La méthode de mesure des différences de marche est interférométrique. Elle exploite les interférogrammes acquis devant un laser accordable. On rappelle qu’une fois corrigé radiométriquement, l’interférogramme d’une source monochromatique a pour expression (équation 1.21) :

I(δ) = I0

2 · (1 + cos(2πσδ))

Cette expression est théorique. Nous avons vu au paragraphe 1.1.2.3 que même devant une source monochromatique, le contraste du signal interférométrique n’était pas égal

à 1 du fait de l’effet du champ de l’instrument. Une représentation plus rigoureuse fait intervenir un maximum M et un minimum m non nul. L’expression devient :

I(δ) = M + m

2 +

M − m

2 cos(2πσδ) (3.22)

La mesure des différences de marche consiste à enregistrer les interférogrammes de la source laser à différentes longueurs d’onde d’émission. Pour une différence de marche δi

donnée, si l’on fait varier le nombre d’onde d’émission du laser, on obtient une sinusoïde dont la fréquence est proportionnelle à δi. La mesure de la fréquence du signal de

l’échantillon i de l’interférogramme, en fonction du nombre d’onde d’émission du laser, donne donc la différence de marche δi de cet échantillon. Cette méthode est classique

pour la métrologie de précision. Elle est par exemple employée dans des systèmes de mesure de profil de surface, associant un interféromètre de Fizeau à un laser accordable. Remarquons tout d’abord qu’une seule mesure à une seule longueur d’onde est insuf- fisante. Dans ce cas on ne peut pas faire une mesure absolue. On ne connaît pas l’ordre de l’interférence mesurée. Autrement dit, on ne sait pas à combien de fois la longueur d’onde est égale la différence de marche. D’autre part, nous pouvons également noter que plus la longueur d’onde varie durant la mesure, plus on pourra distinguer facilement les fréquences des sinusoïdes. Si deux fréquences sont très proches il faut un certain nombre d’oscillations pour que l’on puisse distinguer une différence entre les deux sinusoïdes. Plus on fait varier la longueur d’onde, plus on distinguera des fréquences proches, donc plus la mesure des différences de marche sera précise. Par conséquent, la mesure néces- site des acquisitions à plusieurs longueurs d’onde, sur une plage de longueurs d’onde la plus grande possible.

Le protocole de mesure consiste à enregistrer 1600 interférogrammes pour 1600 lon- gueurs d’onde différentes réparties tous les 0,01 nm entre 1565 nm et 1581 nm. La fenêtre spectrale de mesure est plus large que le filtre optique passe-bande. On le retire pour ces mesures. Pour chaque longueur d’onde d’émission du laser, on mesure sa puissance à l’aide d’un puissance-mètre fibré connecté au laser.

En fin de mesure, on dispose d’une matrice d’interférogrammes de dimension 456× 1600 : 456 échantillons par interférogramme et 1600 longueurs d’onde de mesure. La matrice va être traitée ligne à ligne : à différence de marche constante et à nombre d’onde variable.

3.3.2 Méthode de traitement

On corrige le niveau d’obscurité, les gains interpixels et la non-linéarité des interfé- rogrammes avant de procéder au traitement des mesures d’étalonnage de la différence de marche. Les variations de la puissance du laser sont également prises en compte pour le pré-traitement des mesures.

Pour retrouver la différence de marche on traite les variations chromatiques de signal de chaque échantillon de l’interférogramme. On optimise au sens des moindres carrés les paramètres de la réponse théorique, donnée par l’équation 3.22 :

I(δ) = M + m

2 +

M − m

Ces paramètres sont le maximum M , le minimum m et la différence de marche δ. On a même ajouté le nombre d’onde d’émission du laser σ. Le spectromètre permet d’améliorer la maîtrise de l’émission de la source laser.

La figure 3.7 présente le signal de l’échantillon numéro 3 à grande différence de marche. Les croix représentent le signal mesuré. La courbe en rouge affiche la fonction de réponse théorique optimisée. Le graphe du bas présente la différence entre les mesures et la fonction retrouvée par optimisation. Cette différence est inférieure au signal mesuré d’un facteur égal à environ 100. De plus, son allure correspond à un bruit aléatoire tel que le bruit du détecteur. La figure 3.8 est une vue resserrée de la figure 3.7. Nous voyons l’allure sinusoïdale du signal en fonction du nombre d’onde. La figure 3.9 est une représentation en nuage de points de la fonction optimisée en fonction des points de mesure. L’allure est bien celle de la droite y = x ce qui illustre la bonne optimisation.

La précision de la mesure a été caractérisée au paragraphe 2.4.1.2. Elle est nanomé- trique. Une telle précision est remarquable : on mesure des centimètres au nanomètre près. On a cependant constaté une indéterminée dans la mesure égale à la longueur d’onde moyenne de mesure. Pour certaines différences de marche il se peut que, compte tenu des bruits de mesure, l’optimisation ne converge pas vers le minimum global mais vers un minimum local de la fonction de coût. Les minima sont périodiques de période égale à la longueur d’onde moyenne de mesure. L’erreur de mesure est alors de n λ0avec

n un entier relatif de valeur absolue typiquement inférieure à 5 et λ0 la longueur d’onde

moyenne. Ce type d’erreur n’a qu’une influence limitée. En effet, on a choisi la plage des longueurs d’onde de mesure de telle sorte que la longueur d’onde moyenne de mesure soit égale à la longueur d’onde moyenne du filtre passe-bande. L’interférogramme est donc localement périodique de période la longueur d’onde moyenne. Par conséquent, l’erreur de mesure de la différence de marche d’un nombre entier limité de λ0 reste

acceptable.

La mesure est par contre limitée par les dérives thermiques du cœur interféromé- trique. Des déformations sont observées durant la mesure. Le temps d’effectuer le ba- layage en longueurs d’onde, l’interféromètre s’est déformé. On mesure des variations de la différence de marche de l’ordre de la dizaine de nanomètres avec le cœur interféromé- trique, alors que l’on mesurait des déformations de l’ordre de la centaine de nanomètres avec l’ancien interféromètre. On tient compte des déformations de corps rigide, mais les déformations d’ordre supérieur dégradent la qualité de la mesure. On peut penser que l’on mesure, pour chaque échantillon, la différence de marche moyenne durant la mesure. L’étalonnage des différences de marche perd sa validité avec le temps. Plus les mesures sont éloignées temporellement de l’étalonnage moins la différence de marche étalonnée correspond à la différence de marche réelle. Cette instabilité posera problème pour l’ex- ploitation des mesures. Un traitement en temps réel des interférogrammes permet de corriger en partie les variations de la différence de marche (voir paragraphe 4.3.2.2).

En fin de mesure on obtient la série des différences de marche mesurées, la série des maxima du signal de chaque échantillon et la série des minima.

Pour finir, notons l’analogie de la méthode avec celle employée classiquement en spectrométrie par transformation de Fourier dynamique. La mesure de la position du miroir mobile est également interférométrique. Un laser est envoyé sur le miroir mo-

−15 −10 −5 0 5 10 15 6320 6330 6340 6350 6360 6370 6380 6390 Erreur de fit (LSB) Nombre d’onde (cm−1) 100 200 300 400 500 600 Mesure et fit (LSB) Fit Mesure

Fig. 3.7 – Optimisation de la fonction d’ajustement lors du traitement d’une mesure laser pour

l’étalonnage des différences de marche. Les paramètres d’une fonction de modélisation ont été optimisés pour minimiser les différences avec la mesure. En particulier, la différence de marche a été ajustée. Cette figure représente le signal mesuré pour une échelette (donc une différence de marche) en fonction du nombre d’onde. La fréquence dépend de la différence de marche. Sur le graphe, on distingue également le maximum et le minimum de modulation du signal interférométrique qui varient avec la différence de marche. Ce type d’ajustement sera reproduit pour toutes les échelettes.

-15 -10 -5 0 5 10 6355.5 6356 6356.5 6357 6357.5 6358 6358.5 6359 Erreur de fit (LSB) Nombre d’onde (cm-1) 100 200 300 400 500 600 Mesure et fit (LSB) Fit Mesure

Fig. 3.8 – Optimisation de la fonction d’ajustement lors du traitement d’une mesure laser pour l’étalonnage des différences de marche, vue resserrée sur quelques points de mesure. On peut ici mieux juger que sur la figure 3.7 de la qualité de l’optimisation.

100 200 300 400 500 600 100 200 300 400 500 600 Fit (LSB) Mesure (LSB)

Fig. 3.9 – Courbe en nuage de points de la fonction optimisée représentée en fonction des points de

mesure. On retrouve bien la droite y = x.

bile, est réfléchi et interfère avec lui-même. Le signal interférométrique est recueilli. Le décompte des alternances de maxima et de minima permet de déduire l’amplitude du déplacement du miroir et donc la différence de marche. La distance parcourue par le miroir entre deux maxima du signal de contrôle est égale à la moitié de la longueur d’onde du laser. La mesure de la différence de marche se fait en temps réel pour les spectromètres par transformation de Fourier dynamiques. En fait on ne mesure pas la différence de marche (sauf dans les spectromètres de Fourier pas-à-pas), mais on échan- tillonne l’interférogramme à des multiples ou sous-multiples entiers de l’interfrange du laser de contrôle de la différence de marche.