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Section 2 : La méthodologie de collecte des données

2.2. Les outils de collecte des données

2.2.1. Préparation et conduite des entretiens

L’entretien individuel est souvent considéré comme une source privilégiée de production40 de données, essentiellement lorsqu’il s’agit de recueillir des opinions, des jugements ou des attitudes par rapport à des pratiques de travail, des choix opérationnels ou des expériences vécues. Par définition, il d’agit d’un « entretien entre deux personnes, un interviewer et un interviewé, conduit et enregistré par l’interviewer ; ce dernier ayant pour objectif de favoriser la production d’un discours linéaire de l’interviewé sur un thème défini dans le cadre d’une recherche » (Blanchet et al., 1987, p. 75). Le chercheur l’emploie comme un puissant moyen d’accéder aux faits, aux représentations et aux interprétations sur des situations connues par les acteurs.

Wacheux (1996) distingue quatre formes d’entretiens : de groupe, directifs, non directifs et semi directifs. Les entretiens conduits dans notre recherche appartiennent à la dernière forme où « l’acteur s’exprime librement, mais sur des questionnements précis, sous

40 Igalens et Roussel (1998) préfèrent le terme production de données que collecte de données, estimant que

l’utilisation du vocable collecte peut sous-entendre que les données existent et que le chercheur n’a qu’à les recueillir et les traiter. Ces auteurs affirment que dans de nombreuses recherches en sciences sociales, le chercheur produit et engendre des données par questionnaire ou par entretien. (p. 71)

le contrôle du chercheur » (p. 204). L’implication est donc partagée. Nous avons élaboré des questions ouvertes auxquelles l’interlocuteur pouvait répondre dans le cadre d’une conversation sur des thèmes préalablement définis, issus de notre lecture théorique et rattachés à la problématique de notre étude.

En mettant en valeur la flexibilité des entretiens semi-structurés, Garsten (2011) explique qu’ils permettent de suivre « un cadre de thèmes prédéfinis, ce qui permet d’avoir un centre d’intérêt thématique ». Mais, ils autorisent aussi le chercheur « à poser de nouvelles questions dans l’entretien ». L’auteur approuve que « ce type d’entretien permet(te) de mettre en évidence les priorités des personnes interviewées » (p. 8).

- Les entretiens auprès des responsables RH :

Une première série d’entretiens a été menée, comme déjà annoncé, auprès de trente directeurs et responsables RH dans vingt-huit entreprises. Les répondants ont été constitués par convenance (Royer et Zarlowski, 2007), simplement en fonction des opportunités qui se sont présentées (salons RH, profils LinkedIn ou Viadeo, contacts professionnels de connaissances).

Afin d’instaurer un climat de confiance lors des interviews, nous avons commencé à chaque fois par une explication claire de l’objet de notre étude, du choix de la personne et des motifs de l’appel. Nous avons également rassuré les interviewés quant à l’utilisation de leurs propos, en leur garantissant l’anonymat et la confidentialité. Le but était de susciter l’intérêt pour l’étude et de faciliter les échanges. De plus, nous avons veillé à ce que les entretiens soient menés avec l’empathie, caractéristique de la recherche interprétativiste. Comme le soulignent Girod-Séville et Perret (1999) : « la valeur d’une recherche sera mesurée au regard de sa dimension empathique, c’est-à-dire de sa capacité à mettre à jour et à travailler non plus uniquement sur les faits, mais sur la façon dont ceux-ci sont interprétés par les acteurs » (p. 26).

Un premier guide d’entretien41 a été alors conçu sur la base des différentes pratiques

RH mises en place au sein des entreprises, telles que la succession des postes et la gestion

prévisionnelle des emplois. En outre, il était demandé de s’exprimer sur des sujets RH plus larges, à savoir la responsabilité de carrière et l’importance de la gestion de carrière d’une manière générale. Cependant, des actions d’ajustement ont été entreprises par la reformulation des réponses dans certains cas : le non-respect de l’ordre des questions du guide ou l’élimination de certaines interrogations auxquelles l'interviewé a répondu spontanément. Ces actions avaient pour but d’aider l’interlocuteur, de le mettre à l’aise ou de vérifier certaines notions qui nous ont semblé ambiguës. Au fur et à mesure de l’avancement des entretiens, des relances ont été ajoutées aussi.

Par ailleurs, nous avons noté un intérêt particulier des répondants vis-à-vis de l’objet et des thématiques traités par notre étude. Selon eux, il s’agit d’un sujet très peu abordé en profondeur malgré son importance accrue et son actualité aujourd’hui, surtout dans un contexte où le salarié doit plus que jamais être proactif et où les entreprises se sont engagées dans une permanente « guerre de talents ». La plupart d’entre eux ont exprimé leur envie d’avoir un retour sur les résultats et les conclusions de l’étude.

Les entretiens ont été réalisés par voie téléphonique. Les premiers contacts que nous avons eus avec des directeurs et responsables RH nous ont confirmé la grande difficulté d’obtenir des entretiens en face à face. Le manque de disponibilité de cette catégorie de cadres, leur manque d’accessibilité ainsi que leur ubiquité sur différentes régions françaises ont rendu la gestion des déplacements sur les lieux de travail trop compliquée à mettre en œuvre. En comparaison avec le face à face, Alami et al. (2009) jugent que les entretiens téléphoniques permettent aussi de la proximité avec les interlocuteurs, notamment par une écoute attentive de la voix, de ses intonations et des moments de silence.

En outre, nous avons utilisé l’enregistrement audio, par dictaphone, qui reste le meilleur outil permettant la préservation des verbatim dans toute leur richesse. Dans une volonté d’éviter toute perte d’informations utiles pour comprendre les données collectées, la retranscription intégrale de chaque interview était réalisée le jour de l’appel téléphonique. Enfin, les entretiens ont été conduits sur une période allant d’octobre 2013 à février 2014 (quatre mois) et ont duré en moyenne 22 minutes, avec une durée totale de 11 heures et 15 minutes d’enregistrement audio pour l’ensemble des interviews.

Figure 16 : Processus de production et d’analyse de la première série d’entretiens

- Les entretiens auprès des salariés :

Une deuxième série d’entretiens a été ensuite menée auprès de soixante-dix salariés d’entreprises basées en France. Là encore les répondants ont été constitués par convenance (Royer et Zarlowski, 2007), c’est-à-dire en fonction des opportunités qui se sont présentées (profils LinkedIn ou Viadeo, contacts professionnels de connaissances personnelles).

Afin de réaliser les interviews dans les meilleures conditions, nous avons procédé de la même manière qu’avec les responsables et directeurs RH. Nous entendons par là l’instauration d’un climat de confiance à travers une explication claire de l’objet de notre

Gestion des entretiens

Temps 1 Traiter des données générales Temps 2 Déterminer les thèmes Temps 3 Analyser Temps 4 Vérifier Transcription intégrale des enregistrements audio et codage Réalisation de matrices à groupements conceptuels par secteur d’activité et d’une méta- matrice inter- secteurs Vérification d’une partie des propositions de recherche Extraction des thèmes à partir du premier guide d’entretien Catégorisation et organisation en matrices Retour aux quatre objectifs de la recherche Repérage des extraits de discours Saisie sur Excel

(caractéristiques des répondants): 1. Fonction 2. Entreprise et secteur d’activité Regrouper et rapprocher les extraits selon les thèmes

Réalisation et interprétation de la grille d’analyse

étude, du choix de la personne et des motifs de l’appel. De même, comme nous voulions susciter leur intérêt pour l’étude et faciliter les échanges, nous les avons rassurés quant à l’utilisation de leurs propos, en leur garantissant l’anonymat et la confidentialité. Et nous avons pris soin de construire une situation d’empathie quand nous étions en discussion avec eux.

Les interviews ont été conduits sur la base d’un deuxième guide d’entretien42 qui a fait

l’objet d’un pré-test effectué à travers des entretiens non directifs auprès de salariés dans différents domaines d’activité, et ce dans le but d’ajuster et de valider le guide. Ce dernier a été pensé en se basant sur une idée centrale qui est la conduite du parcours professionnel et la justification des changements qui y sont associés. Pour y arriver, nous commencions par des questions sur le choix de la spécialisation de l'interviewé et sur son éventuel intérêt envers d’autres types de métiers, dans le but de le mettre à l’aise. Ensuite, nous poursuivions spontanément en évoquant toutes les étapes de sa carrière. L’interviewé était invité à s'exprimer librement, mais cela ne nous empêchait pas, quand c’était nécessaire, de le relancer et de reformuler les questions afin de recentrer son discours en le ramenant vers le sujet de notre étude.

Les points sur lesquels ont porté les conversations étaient alors principalement axés sur le déroulement du parcours professionnel des personnes depuis leur premier emploi. Nous tenions à ce qu’elles abordent, dans l’ordre qu’elles souhaitaient, les événements marquants de leur carrière. Nous avons simplement veillé à obtenir les précisions nécessaires quant aux dates, aux tâches effectuées, au temps passé sur chaque poste et aux raisons de chaque changement professionnel. Les thèmes suivants ont évoqué les attentes que peuvent avoir les personnes vis-à-vis de leurs entreprises (hiérarchie, DRH) concernant leurs parcours, ainsi que les aides qu’elles peuvent avoir ou qu’elles ont eues par d’autres structures ou personnes extérieures. Dans une dernière étape, nous appelions les interviewés à porter une vision d’ensemble sur leur carrière (moments positifs, moments négatifs, critères de choix, avenir professionnel,…).

Par ailleurs, nous avons noté là aussi un intérêt des répondants vis-à-vis de l’objet et des thématiques traités par notre étude. Selon eux, il s’agit d’un sujet qui les concerne

davantage dans le contexte actuel, d’autant qu’ils n’arrivent pas toujours à avoir les réponses nécessaires de la part des décideurs de leur propre organisation. A leur niveau, ils soulignent eux aussi les difficultés liées à la gestion individuelle de la carrière aujourd’hui. Beaucoup d’entre eux ont exprimé leur envie d’avoir un retour sur les résultats et les conclusions de l’étude.

Pour ce deuxième échantillon, les entretiens ont été réalisés par voie téléphonique. La dispersion des répondants sur toute la France a rendu l’administration d’entrevues en face à face quasiment impossible. En outre, pour les mêmes raisons, nous avons utilisé la même technique que lors de la première série d’entretiens, à savoir l’enregistrement audio. La retranscription intégrale de chaque interview a été réalisée le jour même de l’appel. Les entretiens ont été conduits sur une période de cinq mois (mars – juillet 2016) et ont duré en moyenne 23 minutes, avec une durée totale de 26 heures et 15 minutes d’enregistrement audio pour l’ensemble des interviews.

Tableau 14 : Durée des entretiens et caractéristiques démographiques des interviewés

Catégories Hommes Femmes Durée moyenne

des entretiens

Nombre des entreprises Nombre des répondants Non cadres 13 10 19 minutes 11 PME (dont 5 dépendent

de groupes) 10 Grandes entreprises

23

Cadres 16 8 24 minutes 13 PME (dont 4 dépendent de groupes) 8 Grandes entreprises 24 Cadres Supérieurs / Dirigeants

21 2 26 minutes 15 PME (dont 2 dépendent

de groupes) 4 Grandes entreprises

23

Figure 17 : Processus de production et d’analyse de la seconde série d’entretiens

Afin de synthétiser nos approches, nous les avons résumées dans la figure 18 ci-après. Celle-ci rappelle notre démarche scientifique, notre logique de construction théorique ainsi que notre gestion des deux guides d’entretiens qui constituent la base empirique majeure de notre recherche.

Gestion des entretiens

Temps 1 Traiter des données générales Temps 2 Déterminer les thèmes Temps 3 Analyser Temps 4 Vérifier Transcription intégrale des enregistrements audio et codage Réalisation de matrices à groupements conceptuels par catégorie socio- professionnelle Vérification des propositions de recherche restantes Extraction des thèmes à partir du deuxième guide d’entretien Catégorisation et organisation en matrices Retour aux quatre objectifs de la recherche Repérage des extraits de discours Saisie sur Excel

(caractéristiques des répondants): 1. Catégorie socio- professionnelle 2. Catégorie d’âge 3. Caractéristiques de la carrière Regrouper et rapprocher les extraits selon les thèmes

Réalisation de méta-matrices pour une analyse inter-catégories

Figure 18 : Construction théorique, logique conceptuelle et guides d’entretien