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Section 1 : La diversification des démarches et pratiques de gestion de carrière

1.3. De la stratégie organisationnelle à la stratégie de carrière

1.3.2. Entre évolution professionnelle et mobilité

Plusieurs chercheurs (Blau et al., 1956 ; Stewman et Konda, 1983 ; Rosenbaum, 1984) ont démontré que des caractéristiques organisationnelles peuvent jouer un rôle important dans les choix de carrière des individus. En ce sens, le taux de croissance aurait des effets sur les possibilités d’avancement des salariés et sur le recours à de nouvelles recrues. De même, la

taille de l’organisation constitue un facteur majeur de présence d’opportunités de progression et de changement des parcours professionnels.

De leur côté, St-Onge et al. (2004) notent que, dans les grandes organisations, il y a une plus forte diversité de profils ainsi qu’une amplification des marchés de travail interne. Celles-ci peuvent donner ainsi de plus larges possibilités pour la mobilité potentielle des cadres et pour leur développement (Dalton et Kesner, 1983).

Etroitement liée à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la mobilité concerne les personnes qui évoluent dans leur fonction ou dans leur métier, celles qui évoluent vers d’autres responsabilités et celles qui évoluent en interne ou en dehors du cadre organisationnel d’une même entreprise. Pour le salarié, il s’agit d’un changement professionnel qui lui impose souvent des contraintes. Du côté de l’entreprise, la mobilité représente un vecteur qui améliore sa flexibilité en adaptant au mieux ses ressources à ses besoins. Ce moyen de gestion de carrière peut envelopper différentes formes en fonction des besoins individuels et organisationnels.

La mobilité professionnelle :

Pour un salarié, il s’agit de changer de fonction, en lui permettant de bénéficier d’une évolution en termes de responsabilités, de rémunération ou de poste, ou bien de saisir les moyens de changer de métier. Mercier et Schmidt (2004) distinguent :

- la mobilité horizontale/ fonctionnelle, qui demande de changer de fonction ou de métier en conservant le même niveau hiérarchique, à travers l’acquisition ou l’élargissement des compétences.

- et la mobilité verticale, qui fait référence à un changement de position hiérarchique par le moyen d’une promotion ou plus rarement d’une rétrogradation.

Cerdin (2000) a cité une troisième forme de mobilité qu’il a appelée latérale et qui serait en lien avec le degré de pouvoir et de décision qu’un salarié détient dans l’entreprise. Dany et Livian (2002) parlent en outre de la mobilité de reconversion qui s’inscrit « en rupture relativement radicale par rapport au reste de la carrière » (p. 75).

La mobilité géographique :

Selon Mercier et Schmidt (2004), la mobilité géographique consiste, dans un esprit de marché de travail interne, à inciter ou à aider un salarié à changer de lieu de travail. Cela lui donne l’occasion d’évoluer au sein de la structure, tout en permettant à l’entreprise de répondre aux impératifs d’une situation de reconversion ou de redressement. Plus généralement, la mobilité géographique consiste à changer d’environnement. Les personnes sont donc amenées à modifier leur lieu de travail en intégrant un autre service, un autre établissement ou même un autre pays.

Pour Cerdin (2000), il faut distinguer la mobilité nationale et internationale. La première implique la mutation du salarié d’un lieu professionnel à un autre dans le même pays. La seconde oblige en général à s’expatrier (avec des conséquences souvent plus complexes). Mais selon Dany et Livian (2002), l’internationalisation ne passe pas nécessairement par l’envoi du salarié à l’étranger. On peut l’impliquer dans des projets internationaux, « sans que sa participation nécessite une expatriation : les nouvelles technologies de l’information et quelques déplacements de courte durée peuvent se révéler largement suffisants » (p. 78).

Une autre typologie de mobilité est proposée par Peretti (2013, p. 90). Elle met en avant deux politiques différentes. La mobilité « au coup par coup » s’inscrit dans une démarche de recherche d’un candidat pour un poste à pourvoir rapidement. La mobilité « organisée » fait appel, quant à elle, à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, avec un processus d’évaluation et une procédure de planification de la succession.

Dans une vision moderne, la gestion de carrière ne se résume plus à la gestion des promotions. Elle s’appuie de plus en plus sur le développement professionnel. Tout salarié qui émet un souhait d’évolution, qui montre une volonté et un potentiel de progression, pas forcément hiérarchique ou dans un seul domaine d’activité, peut voir des possibilités s’ouvrir à lui, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation. L’un des rôles les plus importants des responsables RH est donc d’offrir des opportunités d’évolution et de présenter toutes sortes de possibilités d’avancement aux salariés. Cela passe par un processus d’évaluation qui peut être axé sur l’emploi ou sur la personne et qui favorise par la suite la mobilité.

L’un des facteurs les plus déterminants des possibilités de mobilité dans une organisation relève de la structure. Chanlat (1992) a pu opposer un modèle traditionnel, caractérisé par une évolution verticale linéaire et un emploi stable (celui qu’on trouve plutôt dans les grandes structures) et un modèle plus moderne (du moins plus récent), qui concerne des structures horizontales et flexibles où les parcours professionnels sont beaucoup plus instables et discontinus.

Le secteur d’activité est une autre variable qui influence la politique de mobilité. Comparé au secteur privé, on remarque en effet que dans les organisations publiques, la mobilité verticale est beaucoup moins présente. St-Onge et al. (2004, p. 294) expliquent que la gestion, dans le secteur étatique, se base sur une bureaucratie où l’on trouve plus couramment des pratiques de gestion de carrière formelles. Cette disparité entre les deux secteurs peut être interprétée dans la divergence des taux de croissance, des systèmes de transfert de compétences, des types de profils demandés, des procédés utilisés pour augmenter la productivité (Tremblay, 1991).

Plusieurs facteurs peuvent donc définir les pratiques de mobilité dans les entreprises. La situation économique et financière, la structure ou le fonctionnement organisationnel, la politique de gestion des carrières et des ressources humaines, ou encore le contexte de l’activité, sont des paramètres à prendre en compte. Ils vont servir à déterminer les axes de mobilité qui correspondent le mieux aux besoins d’une organisation, afin d’optimiser sa flexibilité interne. Selon Mercier et Schmidt (2004), une démarche de mobilité en adéquation avec les modes de fonctionnement de l’entreprise et sa politique de gestion des ressources humaines améliore son efficacité. Ces auteurs ajoutent que pour s’assurer d’obtenir les réponses escomptées, il est nécessaire de bien choisir les déterminants de la politique de mobilité en termes de volume souhaité, de répartition sur les catégories professionnelles concernées, d’équilibre entre pratiques internes et externes, de plans de carrière et de développement des compétences, etc.

Encadré 3. Typologie d’entreprises en fonction des politiques de mobilité interne

Une étude de l’APEC a été menée en juin 2013 sous l’intitulé de : « Politiques et pratiques de mobilité interne des cadres dans l’entreprise »23. Son objet est de décrire une typologie d’entreprises sur la base de leurs politiques de mobilité interne. Quatre profils ont été donc fixés selon le schéma suivant :

Le profil 1 concerne des entreprises (PME ou grandes entreprises « familiales ») ayant une culture défavorable à la mobilité dans le sens où il semble compliqué de développer des transversalités entre métiers.

Le profil 2 réunit des entreprises (jeunes, en forte croissance) n’ayant pas de politique de mobilité active. Le salarié est considéré dans ces entreprises comme étant acteur de son projet d’évolution professionnelle. Les DRH se placent en prestataires de service.

Le profil 3 caractérise les entreprises (secteurs connaissant des évolutions technologiques) qui mettent en œuvre une politique de mobilité interne « stratégique ». Elles cherchent à assurer la transmission de savoirs et de savoir-faire spécifiques, à fidéliser les salariés portant ces savoirs et à garantir l’anticipation des emplois.

Le profil 4 est relatif aux entreprises (grandes) ayant une politique de mobilité interne « stratégique » qui favorise l’adaptation aux changements de stratégies, aux problématiques de générations ou encore aux restructurations.