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Section 2 : La gestion des carrières : une responsabilité organisationnelle

2.2. En passant par la formation

2.3.4. La gestion du retour

L’expertise et les expériences professionnelles internationales deviennent une nécessité dans le monde du travail actuel. C’est pourquoi « l’expatriation reste un processus central de la gestion internationale des ressources humaines » (Barabel et Meier, 2014, p. 65). Dans cette hypothèse, la gestion du retour est un aspect de la gestion des carrières qui prend beaucoup d’ampleur, d’où l’abondance des travaux de recherche qui traitent ce processus, disent son importance et discutent de son application dans les entreprises (Caligiuri et Lazarova, 2001 ; Cerdin, 1996, 2002, 2004 ; Davel et al., 2008 ; Deardorff, 2009 ; Oddou et al., 2009). Les chercheurs s’intéressent surtout à la gestion des carrières au retour (Berthoin Antal, 2001 ; Yan et al., 2002 ; Bolino, 2007) dans une perspective aussi bien individuelle qu’organisationnelle.

Selon Cerdin (2002), un salarié est considéré mobile lorsqu’il est prêt à accepter une mobilité internationale sur une durée bien déterminée, en ayant la capacité de s’adapter et de réussir sa mission. En effet, « la réussite des expatriés passe par leur adaptation, en particulier l’adaptation à leur travail et à l’interaction avec les membres de la culture d’accueil » (Peretti, 2013, p. 92). Leur mission inclut aussi la phase du retour durant laquelle ils apportent, à travers leur expérience, toute l’expertise et les connaissances qu’ils ont acquis

à leur entreprise initiale, dans une optique d’apprentissage organisationnel (Berthoin Antal, 2001).

La mobilité internationale procure donc des avantages aussi bien pour l’entreprise que pour le salarié concerné. Le succès de l’affectation dépend d’une période d’expatriation réussie et d’une intégration au retour qui ait des effets positifs sur le long terme. Pour Yan et al. (2002), l’appréciation de la phase du retour par l’entreprise se base principalement sur les possibilités qu’elle aura d’utiliser et de transférer les expertises, ainsi que de retenir les collaborateurs concernés. Cette gestion des carrières à l’expatriation est au centre de la mobilité internationale (Cerdin, 2008).

Du côté du salarié, le résultat positif consiste à disposer de meilleures perspectives d’évolution professionnelle sous forme de promotion, d’élargissement de responsabilités ou de progression de statut. Toutefois, il peut y avoir un décalage entre les attentes de la personne avant qu’elle ne parte et ce qu’on lui propose réellement au retour (Forster, 1994 ; Caligiuri et Lazarova, 2001). Cette distorsion entraîne souvent de la frustration et des difficultés d’adaptation pour le salarié dans son entreprise d’origine. Barabel et Meier (2014) insistent alors sur la nécessité, pour la fonction RH, d’« adapter et de repenser ses outils et pratiques de gestion de carrières à l’international » (p. 89). Ils détaillent dans le tableau suivant les principaux malentendus qui peuvent se produire entre les expatriés et les entreprises.

Tableau 6 : Le décalage entre la réalité organisationnelle et les attentes des cadres expatriés (les malentendus)

Perception de l’expatrié sur son expérience à l’étranger

Perception de l’environnement Service rendu à l’entreprise Gains équivalents pour l’entreprise et l’expatrié Expatriation comme moyen de faire carrière dans

l’entreprise (accélérateur)

Risque d’opportunisme de l’expatrié qui peut en profiter pour valoriser son expérience ailleurs (questionne la fidélité de l’individu)

Décision courageuse et risquée Echappatoire aux contraintes quotidiennes de l’entreprise

Expérience riche et risquée Expérience culturelle et dépaysement Responsable RH au service de l’expatrié de la

préparation au début jusqu’à son affectation dans son pays d’origine

Investissement important pour permettre une bonne intégration sur place (éviter le choc culturel) jusqu’au retour

Attentes et attitudes de l’expatrié à son retour La réalité organisationnelle au retour de l’expatrié Reconnaissance sociale

Augmentation de son périmètre de responsabilité Accueil chaleureux des collègues

Prise en charge par l’entreprise du retour au niveau administratif et logistique

Perte d’un certain statut social

Fin des avantages financiers liés au travail à l’étranger

Diminution des responsabilités

Frustration émanant de l’avancement de certains collègues restés en France

Accroissement des difficultés administratives, logistiques et matérielles à leur retour en France Gratification salariale

Promotion

Emploi plus riche et complexe qu’à l’étranger Prise en charge de la gestion de carrière par le service RH

Rationalisation des processus RH

Harmonisation des politiques de rémunérations Pas de politique volontariste et spécifique en faveur des anciens expatriés (salarié acteur)

L’expatriation comme viatique : l’expérience parle d’elle-même

Valorisation des compétences acquises au sein de l’entreprise

Procédure de transfert des compétences acquises

L’expatrié doit prouver l’utilité de son expérience à l’étranger

Réorganisations internes et affectation en fonction des disponibilités

Changement ou évolution de poste Nouveau périmètre ou nouveau chef

Nouvelles procédures, pratiques et méthodes de travail

Communication interne sur l’expérience acquise pendant l’expatriation

Communication externe sur l’ouverture et le développement international de la firme

Attitudes et comportements Dispositifs

Impatience et ambition Conformité avec les évolutions de l’organisation et des marchés

Quête d’une plus grande autonomie Affranchissement de l’organisation Faible tolérance à la hiérarchie Demande de responsabilité élargie

Respect de la hiérarchie et équipes en place Standardisation des normes et des procédés Mécanismes de contrôle et de coordination Volonté de faire partager son expérience et son

vécu

Besoin de parler de cette expérience et de transmettre ses connaissances

Rapports complexes et ambigus avec les autres collaborateurs de l’entreprise, restés en France (méfiance, jalousie, « concurrence », etc.)

Source : “Gestion internationale des ressources humaines”,

C’est donc de la responsabilité de l’entreprise d’origine de rassurer l’expatrié avant son départ, d’assurer sa formation, et de faciliter son adaptation à son retour en apportant des réponses précises à ce qui, autrement, produirait de l’insatisfaction. La communication sur les objectifs et la mission de l’expatriation ainsi que sur ses répercussions de carrière s’avère donc essentielle. De même, c’est la proposition de postes permettant aux anciens expatriés d’exprimer leurs nouvelles compétences qui évite à ces derniers de vouloir quitter l’entreprise et, s’ils ne le peuvent pas, d’y être moins efficaces qu’ils ne le pourraient.

Tableau 7 : Les facteurs d’insatisfaction des expatriés à leur retour

Facteur 1. Nécessité de réapprendre à vivre dans son pays d’origine et dans son organisation

Facteur 2. Faire le deuil d’un moment privilégié de sa vie

Facteur 3. Faire face à l’indifférence et jalousie des autres collègues Facteur 4. Non valorisation des compétences acquises lors de l’expérience

internationale Facteur 5. Perte d’autonomie

Facteur 6. Absence de perspectives professionnelles post-expatriation Facteur 7. Absence de pratiques managériales/ RH efficaces pour

accompagner l’expatrié lors de son retour

Facteur 8. Perte de réseau professionnel et d’influence politique

Source : “Gestion internationale des ressources humaines”,

Barabel, M. et Meier, O., 2014, p. 111.

Dans la figure suivante (8), Cerdin et Brewster (2014) illustrent l’importance de toutes les démarches qu’on vient d’aborder pour contribuer à retenir les talents :

Figure 8 : Objectifs de l’expatriation et gestion des talents

Source : “Talent management and expatriation : bridging two streams of research and practice”,

Cerdin, J.-L. et Brewster, C., 2014, p. 246.

En pratique, il y a malheureusement peu de recours à ces différentes démarches de formation, de développement des personnes ou encore de communication à cause d’un manque d’anticipation et d’une négligence du management par rapport à l’importance de le faire. Dans les faits, de plus en plus d’entreprises font appel à des acteurs externes afin de mettre en place les pratiques RH nécessaires, ce qui les exonère en partie de leur responsabilité à ce sujet.

Coordination Développer les personnes

Contrôle

Ad hoc Raisons pour l’expatriation Stratégique

Pourvoir des postes

Encadré 7. Le principe ‘Welcome Back’

Dans le contexte actuel, la fidélisation des collaborateurs et la rétention des talents représentent des défis difficiles à relever. C’est pourquoi, il est important de réfléchir la fidélisation en termes de carrière, et non seulement en termes de période ou de poste. On trouve de plus en plus de salariés qui montrent leur volonté de réintégrer une entreprise après l’avoir quittée pour de nouvelles expériences professionnelles ou personnelles. D’où, notamment, tout l’intérêt du projet « Welcome Back » de British American Tobacco. En 2012, les responsables RH de BAT France ont renforcé la formalisation de cette dimension afin d’apporter une réponse adéquate à toutes les demandes et d’offrir un accompagnement plus efficace.

« Welcome back on board » chez SAIPEM :

Avant le départ à l’étranger, les expatriés chez Saipem se voient remettre le livret « welcome back on

board ». Présent dans plus de 50 pays, ce spécialiste en forages pétroliers est persuadé que le retour est

une phase sensible et qui a une grande importance dans un parcours de carrière. Des procédures sont mises en place pour rendre le retour plus facile, la réintégration se passe ainsi en deux étapes. Un point carrière et performance à distance est organisé avec les RH à six mois ensuite à trois mois de la fin de la période d’expatriation. Les collaborateurs qui reviennent seront réaffectés dans le cadre d’une démarche progressive.

Encadré 8. Le netchising

Que ce soit pour fuir le système d’emploi en France ou pour s’adapter à un monde de plus en plus internationalisé, les statistiques montrent que les taux d’expatriation les plus élevés sont enregistrés chez les jeunes les plus diplômés et chez les profils qualifiés en général. En mars 2014, la chambre de commerce de Paris a réalisé une enquête qui relève un changement de profils des français qui partent à l’étranger. Alors que le nombre des entrepreneurs a fortement augmenté ces dernières années, celui des salariés envoyés sous le statut d’expatriés dans le cadre de leur travail ne cesse de diminuer. En effet, la mondialisation de l’économie et des marchés a favorisé la globalisation des entreprises qui investissent dans des filiales à l’étranger, en ayant recours à l’expatriation de certains collaborateurs, afin de contrôler plus efficacement les activités. Cependant, ce mode d’organisation n’est pas vraiment une grande réussite, plusieurs multinationales ont constaté le décroissement de leur performance et de leur rendement. Les coûts considérables générés par cette façon de se développer, les difficultés liées à la gouvernance d’une firme internationale ainsi que la gestion complexe de l’expatriation des salariés poussent les entreprises à aller de plus en plus vers des pratiques du Netchising.

Ce mode alternatif offre une organisation internationale beaucoup plus flexible sans avoir à être présent localement grâce à l’utilisation des nouvelles technologies et du web. Ce qui permet ainsi d’éviter, entre autres, les coûts d’expatriation des salariés en développant à l’étranger les compétences installées dans les pays d’origine. Résultat, le transfert des connaissances et des compétences est plus efficient en faveur de tous les partenaires.

L’exemple d’entreprises le plus cité dans ce domaine est celui de Coca-Cola. Coca-Cola n’a pas de filiales à l’étranger et peut contrôler aujourd’hui ses activités en temps réels via le web.