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Le développement de l’employabilité : outil de garantie d’emploi

Section 3 : La gestion des carrières : une responsabilité individuelle

3.2. La version actuelle de l’employabilité

3.2.1. Le développement de l’employabilité : outil de garantie d’emploi

Dans une analyse rétroactive, la notion d’employabilité s’est développée durant les années 90, apportant une réponse à l’incertitude de l’emploi. Elle s’est retrouvée au centre des préoccupations du marché de l’emploi et de la gestion des carrières. Pour protéger son emploi,

l’individu a tout intérêt à anticiper les besoins de son entreprise et à être capable d’évoluer en interne ou en externe. A cet effet, McArdle et al. (2007) affirment que les personnes employables optent pour une démarche proactive afin de s’intégrer au marché du travail. L'employabilité faciliterait la capacité de changer d’occupations à l'intérieur et entre les organisations (Morrison et Hall, 2002).

Pour ce faire, la construction d’un projet professionnel clair est nécessaire. Dans l’esprit des nouvelles carrières, l’individu qui définit et poursuit un projet professionnel n’est pas censé emprunter un parcours linéaire. Il ne peut pas prétendre garantir un avancement régulier de son cheminement de carrière ou se protéger complètement d’éventuels accidents professionnels. Son projet représente davantage un schéma prospectif lui permettant d’orienter son évolution et son développement. Il constitue ainsi le point de référence qui guide ses choix et décisions de carrière.

Sans ce projet, l’individu « va se laisser porter par les évènements, laisser d’autres décider à sa place et, s’il prend des risques, en subir les conséquences sans toujours pouvoir en exploiter tout le potentiel » (Mounier-Kuhn et Knock, 2010, p. 78). L’utilité du projet, c’est de faire progresser la personne dans la direction qu’elle choisit et de l’aider à déterminer, de la manière la plus précise possible, les priorités et les axes de conduite de son parcours professionnel. Le projet serait alors un des outils clés de la gestion de l’employabilité. Tout salarié doit prendre conscience de la responsabilité qu’il a envers la réalisation de son projet et, à travers lui, le développement de ses compétences, en y intégrant ses aspirations ainsi que les réalités du contexte.

D’un point de vue théorique, la notion d’employabilité a été analysée selon deux perspectives. La première se base sur les aptitudes et les comportements individuels (Forrier et Sels, 2003 ; Fugate et al., 2004; Fugate et Kinicki, 2008 ; Van der Heijden et al., 2009 ; De Vos et al., 2011). La deuxième, plus organisationnelle, fait appel aux pratiques RH qui cherchent à optimiser le déploiement des salariés dans le but de renforcer la flexibilité organisationnelle et le pouvoir compétitif (Scholarios et al., 2008 ; Nauta et al., 2009).

Au niveau individuel, l’employabilité serait donc le reflet « des compétences acquises ou développées par le salarié au sein de l’entreprise lui permettant de continuer à répondre aux besoins de celle-ci ou de postuler à des emplois en dehors de l’entreprise » (Weinert et

al., 2001, p.62). Mais, en réalité, l’employabilité d’une personne est également conditionnée par le contexte interne et externe du marché de l’emploi et de sa structure. Elle possède alors un caractère variable et doit se recréer continuellement pour suivre les évolutions des exigences et des conditions du marché du travail. Fugate et al. (2004) représentent l’employabilité sous la forme « d’un construit psychologique qui incarne les caractéristiques individuelles qui favorisent l’adaptation de l’affect, du comportement et de la connaissance, et améliorent l’interface individu-travail » (p. 15). Elle formerait de cette manière « le ressort d’une adaptabilité proactive spécifique au monde du travail » (Cerdin, 2015, p. 114).

Dans une perspective de compétences, Van der Heijde et Van der Heijden (2006) définissent l’employabilité en l’assimilant à « l'accomplissement continu, l'acquisition ou la création de travail à travers l'utilisation optimale des compétences »31. Les individus qui

possèdent des compétences d'employabilité supérieures seraient ainsi capables de s'adapter plus facilement et d’une manière efficace à des situations professionnelles en évolution permanente (De Cuyper et al., 2008 ; Kazilan et al., 2009 ; Rottinghaus et al., 2012 ; De Guzman et Choi, 2013). Ces compétences peuvent revêtir différentes appellations, à savoir compétences de base, compétences clés ou encore « compétences du 21e siècle ». Elles englobent des capacités de communication et de travail d'équipe, des connaissances en technologie ainsi que des aptitudes d’autogestion, de résolution de problèmes, de planification, d'organisation et de formation continue.

Tout individu qui souhaite faire progresser sa carrière et développer ses compétences a intérêt de s’interroger sur son investissement en termes de choix et de décisions professionnelles. Selon Cerdin (2015, p. 32), ce questionnement peut être abordé selon trois types de savoirs qui forment l’« Environnement Carrière ». Le premier peut se traduire en « savoir quoi ». Il est relié aux exigences ou aux risques du contexte du travail, ainsi qu’aux opportunités existantes. Le deuxième ou « savoir où » demande d’être capable de s’orienter vers des projets réalistes (prometteurs d’emplois). Enfin, le « savoir quand » consiste à identifier le bon moment pour agir de manière en conciliant son projet avec ses préférences personnelles.

31 Van der Heijde et Van der Heijden (2006) énoncent que le concept d’employabilité indique « the continuous

Figure 10 : Les trois savoirs de l’« Environnement Carrière »

Source : “La cogestion des carrières”, Cerdin, J.-L., 2015, p. 33.

En pratique, si on veut maintenir son employabilité en développant son parcours professionnel, on doit développer une connaissance de l’environnement, un suivi des évolutions internes et externes du marché du travail et un mélange d’adaptation et d’attractivité sur le marché de l’emploi. Il faut aussi savoir développer ses compétences en cherchant à élargir le périmètre de ses fonctions. Partant de cette logique, Gazier (2001) définit l’employabilité dans une optique interactive et l’associe à « la capacité relative que possède un individu d’obtenir un emploi satisfaisant compte tenu de l’interaction entre ses caractéristiques personnelles et le marché du travail » (p. 10).

Cette approche interactive tient en compte l’influence qu’exerce l’environnement sur la capacité de la personne à maintenir son employabilité. En effet, les organisations ainsi que les législations jouent un rôle essentiel dans la définition des règles du marché de l’emploi. En plaçant les salariés au centre de l’employabilité, on n’exclut pas l’implication que doivent avoir leurs organisations dans la démarche. « La responsabilité de l’individu s’exerce avec le soutien de l’entreprise qui lui apporte les outils nécessaires à travers sa politique de gestion des carrières » (Cerdin, 2015, p. 112).

Savoir quoi

Quel environnement privilégier : Reflet des opportunités, menaces et exigences de l’environnement

professionnel Savoir où

Où se développer :

Reflet de l’orientation vers des projets porteurs

Savoir quand Quand devon-nous agir : Reflet du bon moment pour agir

afin de synchroniser projet et passion

De leur côté, les employeurs font valoir que l’employabilité de leur personnel occupe une place de plus en plus importante dans la politique de leurs entreprises. L’amélioration de l’employabilité des salariés, plus particulièrement des cadres, passe principalement par des pratiques d’apprentissage continu. Ces dernières favorisent la consolidation des compétences acquises tout en facilitant l’appropriation d’autres compétences qui accroitront la valeur de la personne à l’extérieur de l’entreprise. En termes plus simples, ces démarches maximisent la chance du salarié de trouver un nouvel emploi suite à des changements ou à la perte de celui qu’il occupe.

Dans ce contexte, l’organisation doit permettre à ses salariés, à travers ses politiques RH, son mode de management et ses conditions de gestion des ressources humaines, de développer leurs apprentissages et d’être des acteurs du développement de leurs compétences. Tout salarié qui veut pouvoir changer d’emploi sans trop de difficultés, en évitant notamment les phases de reconversion, gagne à s’informer sur les évolutions des métiers. Il doit avoir une vision claire du travail qu’il exerce ainsi que de son potentiel, afin de garantir la portabilité de ses compétences dans d’autres entreprises. Il doit devenir, comme l’affirme Cerdin (2015), « responsable de développer ses compétences transférables et son réseau afin de pouvoir être mobile quand nécessaire » (p. 113).