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sémantiques et référentielles

II. 1.2.1 – Position de clausule

Nous avons remarqué que la proposition subordonnée introduite par LEQUEL inter-

venait généralement après la complétion syntaxique de la proposition matrice. Pour préciser ce que nous entendons par là, nous considérons que la subordonnée occupe une position de clausule vis-à-vis de la matrice :

‒ Lorsque la subordonnée est graphiquement isolée à sa droite par un point, un point-virgule ou deux points, et que tous les éléments intermédiaires entre LEQUEL

et cette ponctuation dépendent syntaxiquement de constituants de la subordonnée (35).

(35) [840] Car enfin, ce n'est pas assez de considérer la vie présente à laquelle nous sommes attachés ; il faut considérer ce que nous serons un jour. Et, comme dit Tertullien, qu'est-ce que nous sommes sinon un peu de boue et de fange érigée en titre d'homme ? (Bourdaloue, 1692)

‒ Lorsque tous les constituants situés après la proposition subordonnée dépen- dent syntaxiquement de celle-ci et non de la matrice, et ce jusqu’à l’emploi d’un signe de ponctuation fort ou semi-fort (36).

(36) [410] Bref, les hommes les plus raisonnables, ce sont ceux qui vivent selon les loix de la nature, laquelle nous doit tousjours incliner à la vertu de sçavoir supporter les infirmités de nos amis, mesmes de ceux lesquels nous devons suivre ; c'est pourquoy Messieurs, nous vous prions, monsieur le Capitaine et moy, de quitter ces riotes et picoteries, qui sont plus propres à des jeunes femmes qu'à des hommes de vostre aage. (Gouge- not, 1633)

‒ Lorsque qu’une autre proposition est coordonnée (37) ou juxtaposée (38), soit à la proposition matrice, soit à la proposition subordonnée passée celle-ci et non pas à un constituant de la proposition matrice.

(37) [641] Nous sommes bien raisonnables, mais aussi y a- t'il quelque chose qui contrarie à la raison, autrement il n'y au- roit point de vices. Et c'est ceste partie de laquelle je n'ay peu encores obtenir ce poinct dont vous parlez, car les sens sont in-

finiment puissants en celuy qui ayme, et quoy que l'ame soit

celle qui ayme, si est-ce qu'avec les beautez de l'ame elle ayme aussi celles du corps. (Urfé, 1610)

(38) [369] Apres les infortunes advenues nous n'avons con- solation que du remede que l'on ne trouve point en se plaignant, il faut recourir au discours, et à la prudence, laquelle ne se connoist jamais si bien qu'au besoin, comme en la plus forte et

obscure tempeste, on void reluire l'art et l'experience d'un as- seuré Pilote. (Amboise, 1584)

Dans les cas contraires, nous considérons que la subordonnée est incluse dans la matrice, à l’instar de ce que nous avions commenté plus haut (cf. § II.1.1.1, exemples 11 ‒ 13). Selon ce paramètre, voici les résultats que nous avons obtenus concernant la position respective des propositions matrice et subordonnée :

Fonction du pronom- déterminant

Place de la subordonnée

Après la matrice Dans la matrice

Fonctions directes

(629 occ.) 600 (95,4%) 29 (4,6%)

Fonctions prépositionnelles

(297 occ.) 269 (90,6%) 28 (9,4%)

Total (926 occ.) 869 (94,9%) 57 (5,1%)

Tableau 3 – Place de la proposition subordonnée vis-à-vis de la matrice (toutes fonctions, période classique)

Dans la majorité des occurrences analysées, la subordonnée introduite par le pro- nom-déterminant se situe après le dernier constituant de la proposition matrice, fût-il (39 et 40) ou non (41 ‒ 43), l’antécédent de LEQUEL et ce quelle que soit sa fonction

(39) [504] Les cris que le misérable berné faisait furent si grands qu'ils parvinrent jusqu'aux oreilles de son maître, le-

quel, s'arrêtant pour les écouter attentivement, crut que c'était

quelque nouvelle aventure qui lui survenait, jusqu'à ce qu'il connût clairement que celui qui criait était son écuyer ; et tour- nant bride, il revint à la taverne avec un pénible galop, et, la trouvant fermée, il tourna tout à l'entour pour voir s'il trouverait par où y entrer. (Oudin, 1614)

(40) [821] [...] mais souffrez que je déteste l'infâme mollesse des habitants de votre île et l'impudence brutale avec laquelle ils célèbrent vos fêtes. (Fénelon, 1699. Cf. ex. 4, p. 101)

(41) [261] Il a déjà considéré toutes les fortifications l’une après l’autre, est entré jusque dans les contremines du chemin couvert, qui sont fort belles, et surtout a été fort aise de voir ces fameuses redoutes entre les deux chemins couverts, lesquelles ont donné tant de peine à M. de Vauban. (Racine, 1687)

(42) [179] Il reçut donc fort humainement les Ambassadeurs des Sagues, & leur donna Excipine pour les accompagner, le-

quel ayant gagné les bonnes graces du Roi comme Epheftion,

ne lui cedoit en rien pour la beauté, mais il s’en falloit bien qu’il eût son esprit & sa mine. (Vaugelas, 1709)

(43) [811] Je demeurai encore deux jours à Sedan, dans les-

quels monsieur le comte changea cinq fois de résolution ; et

Saint-Ibar me confessa, à deux reprises différentes, qu'il étoit difficile de rien espérer d'un homme de cette humeur. (Retz, 1679)

Par contraste, nous avons effectué cette analyse sur 700 occurrences sélectionnées aléatoirement de subordonnées introduites par qui ou que pronom relatif dans notre corpus. Sur ces subordonnées, 541 (sur 700, 77,3%) sont situées après les propositions matrices. En comparaison, une proposition subordonnée introduite par LEQUEL inter-

vient quasiment toujours après la complétion syntaxique de la proposition matrice (94,9% des occurrences) et n’interrompt jamais son organisation, ce qui est remar- quable.

Nous pouvons mettre en relation cette position post-matrice avec l’enchaînement produit par LEQUEL dans l’énoncé, comme nous l’évoquions précédemment (cf. § I.1.3

& I.2.3). Nos analyses du rôle du pronom-déterminant relatif en langue nous amenaient à remettre en question son rôle subordonnant au profit d’un rôle plus complexe

d’anaphore* ou de mot de liaison, ce qui engage l’analyse de la structure qu’il intro- duit. Cette position de clausule que nous avons observée est pour nous un argument de poids quant à l’autonomisation de ces subordonnées, qui semblent davantage enchaî- nées qu’enchâssées à leur matrice. La relative en LEQUEL ne survient dans l’énoncé que

lorsqu’est achevée la prédication de la proposition matrice : son rôle n’est donc pas de participer à la construction syntaxique de celle-ci, mais de s’appuyer sur l’ensemble de ses informations pour poursuivre l’énoncé et introduire un nouveau mouvement tex- tuel.

Il est donc difficile de considérer la subordonnée comme une construction secon- daire ou incidente : sa position particulière dans l’énoncé l’amène au contraire à être interprétée comme une nouvelle structure indépendante, au potentiel de prolongement certain. La prise en compte de la subordonnée en LEQUEL est indispensable à la com-

préhension de l’énoncé, comme l’indiquaient déjà Claude Buridant (2000:189) et Li- mousin & Dupuy (2015:51-52) pour l’ancien et le moyen français, et nous les rejoi- gnons sur leurs analyses : malgré l’écroulement de la fréquence du pronom- déterminant au long de la période classique, ses emplois en discours seraient très ap- prochants de ceux des états anciens de la langue. Si la structure introduite par LEQUEL

relève bien de l’hypotaxe, son interprétation serait plus proche d’une structure paratac- tique, sa valeur anaphorique l’emportant sur son rôle de subordonnant : et le pronom- déterminant se comporterait davantage comme un autre GN que comme un pronom relatif, comme nous le supposions tout au long de la première partie de notre étude (cf. § I).