• Aucun résultat trouvé

restrictives, explicatives et narratives 39 I.1.3 – Statut référentiel de LEQUEL

I. 3 – Corpus d’étude 75 3.1 – Bornes temporelles

I.3.2 – Choix et représentation des genres discursifs ... 77

I.3.3 – Sélection du corpus ... 82

I.3.4 – Répartition des occurrences ... 86

I.1 – LEQUEL comme pronom relatif

En reprenant les définitions de Pierre Le Goffic (1993:42), Marc Wilmet (2010:636), Martin Riegel et al. (2014:780-781) et Maurice Grévisse & André Goosse (2016:1547, § 1109), nous appelons phrase complexe une phrase, entendue comme l’association d’un sujet et d’un prédicat, qui comprend un constituant possédant une structure phrastique du type [P → GN + GV] mise en relation avec une autre structure de phrase. Selon la tradition, nous appellerons propositions ces différentes structures phrastiques.

Notre étude se situe dans le champ de la subordination, que nous définirons par l’intermédiaire de deux paramètres spécifiques. Il y a subordination, pour les gram- maires et traditionnellement, lorsque :

– « [L]a phrase complexe est construite sur [un] rapport de dépendance orien- tée entre une proposition dite subordonnée et une proposition dite principale, [matrice] ou régissante (la subordonnée dépend le plus souvent d’un constituant de la proposition principale) » (Riegel et al., 2014:781).

– La proposition subordonnée est introduite par un mot qu- ou une expression le mettant en jeu, ou encore par si (ibid.). Ce peut être une conjonction de subor- dination (1a), une locution conjonctive (1b), un pronom relatif (2) ou un mot in- terrogatif (3)1.

Nous donnons les exemples suivants pour illustration :

(1a) Je veux que tu partes.

(1b) Bien qu’il soit gentil, je me méfie de lui.

(2) Les enfants qui parlent seront punis.

(3) Je me demande comment il va.

Les propositions mises en italiques sont analysées comme des subordonnées. Elles ne peuvent exister indépendamment des propositions qui les introduisent ou dont elles

1 Voir Le Goffic (1993:42), Riegel et al., (2014:781) et Grévisse & Goosse (2016:1548, § 1110). Marc

Wilmet réfute l’existence de la catégorie des « mots interrogatifs », qu’il englobe dans celle des mots relatifs (Wilmet, 2010:639).

dépendent (je veux, je me méfie de lui, les enfants […] seront punis et je me demande, respectivement) et elles sont toutes introduites par un mot qu- ou une locution le met- tant en jeu, tel que défini dans notre introduction (que, bien que, qui et comment, res- pectivement).

En reprenant les analyses des grammaires que nous venons de citer, le premier pa- ramètre nous permet de distinguer les phrases complexes construites par enchaînement ou parataxe (la juxtaposition, la coordination et l’insertion) de celles construites par emboîtement ou hypotaxe (la subordination)2.

Le deuxième paramètre écarte de notre étude des propositions subordonnées non- introduites par des mots qu-, telles les propositions dites infinitives (J’entends chanter

les oiseaux) et les participiales (J’ai vu ton frère passant dans la rue). Bien que ces

propositions puissent être analysées comme des subordonnées au même titre que les propositions introduites par un terme subordonnant (ces exemples étant équivalents à

J’entends que les oiseaux chantent et à J’ai vu ton frère qui passait dans la rue),

comme le propose Naoyo Furukawa (1996:113-133) et comme le signalent Martin Riegel et al. (2014:787), nous les écartons compte tenu de notre sujet d’étude.

Ceci étant défini, plusieurs grilles de classement ont été proposées pour analyser les différents types de subordination. Pour donner une idée de leur diversité, nous en lis- tons quatre :

– La Grammaire de la phrase française de Pierre Le Goffic (1993:42-52) opère un classement selon le caractère fonctionnel/non-fonctionnel et anaphorique*/non- anaphorique du terme qu- introducteur de la subordonnée. Cela lui permet de dis- tinguer (i) les percontatives (connecteur fonctionnel et non anaphorique), (ii) les

intégratives (connecteur fonctionnel et non anaphorique. La différence vient du

parcours référentiel du terme qu-3), (iii) les relatives (connecteur fonctionnel et

2 L’opposition entre parataxe et hypotaxe n’est pas toujours clairement établie par les grammairiens.

Si nous la retrouvons dans dans la Grammaire méthodique du français (Riegel et al., 2014:780-781) et le Bon Usage (Grévisse & Goosse, 2016:1547, § 1109), Pierre Le Goffic considère davantage un continuum que deux situations clairement délimitées (Le Goffic, 1993:501-502) tandis que Marc Wilmet ne réserve le terme de « phrase complexe » qu’aux phénomènes d’hypotaxe, la parataxe composant ce qu’il appelle la « phrase multiple » (Wilmet, 2010:676 sq.).

3 « La perspective percontative réside en ceci que la subordonnée indique une question ouverte (même

après je sais), l’indéfini balayant toutes les valeurs possibles sans sélection, comme dans l’interrogation simple. […] La différence de perspective [des intégratives] avec les percontatives ré-

anaphorique) et (iv) les complétives (connecteur non fonctionnel et non anapho- rique).

– Dans Syntaxe. La Phrase et la subordination, Annie Delaveau (2001:77-78) classe les subordonnées selon le constituant de la proposition matrice autour du- quel elles s’articulent. Ce constituant peut être (i) un nom (subordonnées complé- tives et relatives), (ii) un verbe (subordonnées complétives et interrogatives), (iii) un adjectif (subordonnées complétives et comparatives) ou (iv) une préposi-

tion (subordonnées circonstancielles).

– La Grammaire méthodique du français de Martin Riegel et al. (2014:835 sq.) opère un classement mixte, prenant en compte la fonction du mot introducteur et la dépendance syntaxique entre les propositions, c’est-à-dire les fonctions que la subordonnée occupe ou peut occuper dans la proposition matrice en équivalence avec une catégorie simple. Elle identifie ce faisant les subordonnées (i) relatives (mot qu- fonctionnel et fonction adjectivale), (ii) les complétives (mot qu- non fonctionnel et fonction de complément verbal, ce qui permet d’inclure dans cette famille les subordonnées interrogatives indirectes), (iii) les circonstancielles (mot

qu- non fonctionnel et fonction de complément circonstanciel).

– Le Bon Usage de Maurice Grévisse & André Goosse (2016:1548, § 1110) prend en compte la catégorie grammaticale du mot introducteur de la subordonnée et ne fait pas de distinction entre que conjonctif et les autres conjonctions de su- bordination. Elle identifie ce faisant les subordonnées (i) relatives (introduites par des pronoms relatifs), (ii) les conjonctives (subdivisées en conjonctives essen-

tielles, corrélatives et adverbiales) et (iii) les interrogatives (et exclamatives) indi- rectes (introduites par des mots interrogatifs ou exclamatifs).

Nous aurions pu poursuivre : presque chaque grammaire, et chaque ouvrage spécia- lisé, propose sa propre typologie, ce qui témoigne de la difficulté d’établir une théorie universelle de la subordination en français. Nous remarquons néanmoins que la catégo- rie des relatives est constante dans tous ces classements, signe d’une certaine stabilité. Comme elles composent plus spécifiquement notre objet d’étude par l’intermédiaire de

side dans le fait que le parcours des valeurs sans sélection ne laisse pas de question ouverte » (Le Goffic, 1993:44, 45). Voir aussi Le Goffic (1994 & 2007) pour une analyse de ces questions et de la notion de « parcours captif » qu’opère, ou non, le mot qu-.

l’emploi relatif de LEQUEL, nous analyserons les propriétés syntaxiques de ces subor-

données et le rôle du pronom-déterminant dans celles-ci.

I.1.1 – Catégorie des subordonnées relatives

Quel que soit le classement que nous avons consulté, les spécialistes prêtent aux su- bordonnées relatives un même critère de définition : est une subordonnée relative une subordonnée introduite par un pronom relatif, qui, que, quoi, dont, où4, LEQUEL et ses

variantes. Ce pronom cumule trois rôles : (i) il marque l’introduction de la subordon- née, (ii) il est généralement anaphorique* à un constituant non-verbal de la proposition matrice, son antécédent, et est parfois interprété comme coréférentiel* à ce dernier, (iii) il a une fonction dans la subordonnée, et sa forme varie selon celle-ci (Le Goffic, 1993:42, 47, Riegel et al., 2014:795-796, Grévisse & Goosse, 2016:995, § 704). Nous illustrons ce processus de relativation* par l’exemple suivant (4).

(4) Je fais un problème qui est difficile.

Dans cette phrase complexe, le GN un problème, constituant non-verbal de la pro- position matrice, est complété par une proposition subordonnée. Celle-ci est introduite par le pronom relatif qui : ce pronom est anaphorique à l’antécédent un problème, et a pour fonction d’être sujet du GV est difficile. Nous pouvons analyser la subordonnée comme une expansion de l’antécédent : elle peut commuter avec un groupe adjectival (je fais un problème difficile) voire, dans certains cas, avec des groupes nominaux ayant des propriétés communes avec l’adjectif comme le signale Pierre Le Goffic (1993:48), chez qui nous reprenons les exemples suivants (5a et 5b) :

(5a) Les animaux qui mangent de la viande.

(5b) Les animaux mangeurs de viande.

Cette expansion de l’antécédent compose une proposition subordonnée, et le rôle des pronoms relatifs est donc d’être des « pivots » ou des « articulateurs », si nous re-

4 Pierre Le Goffic (1993:40) analyse dont et où comme des adverbes, comme nous le signalions en

introduction, en se fondant sur l’équivalence la maison où je suis né/la maison là-bas (op.cit., p. 48) et en considérant dont comme l’adverbe étymologique doublet de d’où (op.cit., p. 41). Nous repre- nons cependant ici une certaine tradition grammaticale en les considérant comme des formes du pro- nom relatif.

prenons la terminologie de Pierre Le Goffic (2007:40), qui permettent de relier, dans le cadre de la phrase, un constituant non-verbal avec une proposition. Mais si les exemples que nous avons présentés (4 et 5a) font de l’antécédent un GN ce qui reste, pour Claude Muller, « la caractéristique principale de ce type de subordination » (Mul- ler, 1996:21), nous remarquons que les subordonnées relatives peuvent s’articuler au- tour de divers constituants et notamment autour de pronoms personnels (6 et 7), dé- monstratifs (8) ou indéfinis (9), voire peuvent ne pas avoir d’antécédent exprimé et endosser un rôle intégratif (10). Nous proposons ces exemples pour illustrer cela :

(6) C’est moi qui parle.

(7) Je l’ai entendu qui chantait.

(8) Ceux qui cassent les verres les paient.

(9) Qui que tu sois, réponds-moi.

(10) Qui veut voyager loin ménage sa monture.

Pour expliquer cette diversité, nous reprenons les études de Pierre Le Goffic (1993:40-41, 2007:18, 33) et de Claude Muller (1996:26) qui analysent le pronom rela- tif comme un pronom indéfini qui viendrait capter un terme, son antécédent, pour construire un constituant de la proposition matrice. Nous citons Pierre Le Goffic sur cette question :

La valeur fondamentale indéfinie, par exemple de qui dans un segment qui V, peut se gloser en disant que le pronom marque un parcours (sans sélection) de toutes les valeurs possibles pouvant vérifier (instancier) le prédicat V : « quiconque V », « celui, quel qu’il soit, qui V ». (Le Goffic, 1993:40)

Puis, plus loin :

On peut faire l’hypothèse que le relatif est à l’origine un intégratif, qu’un terme (devenu son antécédent) vient saturer. Il est difficile d’expliquer autrement le pas- sage d’un indéfini à un anaphorique. (Le Goffic, 1993:47)

La Grammaire méthodique du français parle quant à elle de « proformes indéfinies qui fonctionnent comme termes introducteurs d’une proposition relative […] ou d’une interrogative partielle » (Riegel et al., 2014:794). Ces analyses se rejoignent, et de- mandent à interroger les propriétés sémantico-référentielles des pronoms introducteurs et leur fonctionnement anaphorique dans le processus de relativation. Dans un premier

temps cependant, nous considérons que puisque le pronom relatif « capte » un antécé- dent pour introduire la subordonnée relative, c’est cet antécédent qui dotera la subor- donnée de propriétés spécifiques, ce qui explique leur grande diversité. Il nous faut alors analyser le rôle du pronom-déterminant LEQUEL dans chacune de ces sous-

familles, et observer s’il peut s’articuler autour de n’importe quel constituant de la proposition matrice. Pour étudier cette question, nous reprendrons ci-après le classe- ment de Martin Riegel et al. (2014:794-822) dans la Grammaire Méthodique du fran-

çais. Ces auteurs distinguent, selon la catégorie de l’antécédent et les équivalences

entre les subordonnées et les catégories simples :

– Les subordonnées dont le pronom relatif possède un antécédent nominal, « GN déterminé (défini ou indéfini), ou pronom non-clitique (les personnels moi,

toi, lui, elle, nous, vous, eux, les démonstratifs, possessifs ou indéfinis) » (Riegel et al., 2014:797), dites relatives adjectives et qui sont équivalentes d’un groupe

adjectival. Nous inclurons dans cette catégorie les subordonnées introduites par un

que qui a pour fonction d’être attribut du sujet (nominal ou adjectival) d’un verbe

copule ou d’état, ou attribut du COD. En effet, et bien que « [c]es tours [soient] très idiomatiques et se distinguent nettement des emplois typiques des relatives [adjectives] » (op.cit., p. 811), nous avons observé plusieurs similitudes entre ces différents emplois. De plus, cela nous permet de ne pas compromettre la logique de ce classement en prenant en compte la fonction du pronom relatif introducteur.

– Les subordonnées relatives qui constituent l’expansion d’un pronom démons- tratif clitique, ce ou CELUI, et qui forment avec lui l’équivalent d’un GN, dites re-

latives périphrastiques.

– Les subordonnées relatives n’ayant pas d’antécédent exprimé, dites relatives

substantives indéfinies ou intégratives et équivalentes à des GN.

– Les subordonnées relatives qui ne relèvent pas des catégories précédentes, qui ont pour antécédent des compléments de verbes de perception, de tours pré- sentatifs ou des pronoms objets clitiques, dites relatives prédicatives et qui déve- loppent une nouvelle prédication à partir de leur antécédent.

– Les relatives constituantes d’une expression concessive, ayant pour antécé- dent une expression indéfinie et équivalentes à un complément circonstanciel d’interprétation concessive5.