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sémantiques et référentielles

II. 1.3.2 – Concurrence virtuelle

Nous n’avons pas relevé de paramètres syntaxiques contraignant l’emploi des fonc- tions directes de LEQUEL, si ce n’est celui analysé plus haut, lorsque le groupe verbal de

20 Ce sont les occurrences [637], [648], [653], [676], [689], [736], [744], [798], [814], [820], [827],

[843], [861], [869], [873], [882].

la subordonnée est au participe (cf. § II.1.2.2). Quant aux paramètres mis en avant par les grammaires, et notamment la levée des équivoques, nous avons montré qu’ils ne correspondaient pas aux relevés de notre corpus (cf. § I.1.1). En revanche, nous avons relevé deux paramètres syntaxiques contraignant l’emploi de LEQUEL prépositionnel :

– Tout d’abord, certaines prépositions contraignent le relatif subséquent, qui ne peut être que LEQUEL, en premier lieu la préposition parmi. Nous n’avons trouvé

aucune occurrence de [parmi (parmy) + pronom relatif simple], ni dans notre cor- pus, ni dans Frantext, ni dans le corpus PRESTO sur la période 1580 – 1720. C’est ce que nous avions plus haut avec l’exemple (84). Nous trouvons cela autant avec des antécédents inanimés (89) qu’avec des animés humains (90).

(89) [778] D’Urfé y fit arriver toutes ses aventures, parmi

lesquelles il en mêla beaucoup d’autres, et enchâssa les vers

dont j’ai parlé [...] (Boileau, 1717)

(90) [696] Du côté des Macedoniens, il y en eut peu de tuez, & ce fut de ceux qui donnerent des premiers avec plus de furie,

parmi lesquels Alexandre fut blessé legerement d’un coup

d’épée à la cuisse droite. (Vaugelas, 1709)

La préposition entre semble également contraindre le pronom relatif subséquent (91 et 92). Nous n’avons pas trouvé d’occurrences de [entre + pronom relatif simple] dans le corpus PRESTO, et nous n’en avons relevé qu’une et une seule dans Frantext sur la période 1580 – 1720 (93). Dans notre corpus, les antécédents sont tous animés hu- mains.

(91) [783] Permettez-moi cependant de vous faire ressouve- nir que ce n’est point à l’approbation des faux ni des vrais sa- vants que les grands écrivains de l’antiquité doivent leur gloire, mais à la constante et unanime admiration de ce qu’il y eut dans tous les siècles d’hommes sensés et délicats, entre les-

quels on compte plus d’un Alexandre et plus d’un César. (Boi-

leau, 1700)

(92) [803] Mon valet avait trouvé en cette plage beaucoup de matelots et de marchands de son pays, entre lesquels il s’en était rencontré de fort charitables qui, le voyant jeune et sans appui avec un étranger abandonné, s’étaient employés de bonne sorte à l’instruire de ce commerce [...] (L’Hermite, 1643)

(93) Les gens de Cornélie, entre qui vos Romains Ont déjà reconnu des frères, des germains […] (Corneille, 1682. Cote Frantext : R313)

Selon nous, l’emploi de qui dans cette dernière occurrence est lié à la contrainte de l'alexandrin : lesquels, que l'on aurait dû attendre après la préposition entre, compte deux syllabes contre une seule pour qui.

Enfin, les prépositions introduisant des compléments temporels de durée, à l’instar de pendant (94) ou de durant (95), contraignent également l’emploi de LEQUEL.

(94) [743] Et comme il est bien plus aisé de faire traîner vne affaire que de la finir, celle qu'il avoit en Provence dura plus de six mois, pendant lesquels par sa qualité, par son esprit, et par sa hardiesse, il fut de toutes les parties de divertissement qui se firent. (Scudéry, 1667)

(95) [643] Je continuay cette vie plus d'un an, durant lequel quelquefois je luy dérobois quelque baiser, quelquefois je luy mettois la main dans le sein, feignant de me jouer, à fin que cette coustume me servist à l'avenir presque comme d'une pos- session. (Urfé, 1612)

Une fois encore, des tests effectués dans Frantext et PRESTO semblent vérifier cette hypothèse. Dans le corpus PRESTO, nous avons trouvé deux occurrences de du-

rant quoy (dans Le Moyen de parvenir, de François de Béroalde de Verville, 1616)

contre 19 occurrences de durant LEQUEL, et une occurrence de pendant quoy (dans

Mathilde, de Madeleine de Scudéry, 1667) contre 30 de pendant LEQUEL. Dans Fran-

text, nous avons relevé, sur la période 1580 – 1720 aucune occurrence de durant quoi,

et une seule de pendant quoi (96) :

(96) Il élevait sa queue, il la faisait briller, Et cent mille autres badinages.

Pendant quoi nul Dindon n'eût osé sommeiller :

L'ennemi les lassait, en leur tenant la vue Sur même objet toujours tendue.

(La Fontaine, 1693. Cote Frantext : S007).

Comme pour l’exemple (93), la contrainte du vers semble expliquer cet emploi et nous remarquons qu’à l’instar de l’exemple (54) étudié précédemment (cf. § II.1.2.2),

le pronom ne reprend pas un antécédent spécifique mais un contenu propositionnel plus vaste.

Vaugelas assimilait ces compléments circonstanciels de durée à des ablatifs abso- lus : il donnait l’exemple « J’y ay esté un an, pendant lequel... » comme illustration de ceux-ci ([1647]1934:118). Cela composait l’un des cadres syntaxiques autorisant selon lui l’emploi de LEQUEL en discours, ce qui nous fait croire qu’il avait remarqué cette

tendance dans la langue ; les grammaires ultérieures que nous avons consultées n’en feront cependant plus jamais mention. Nous avons néanmoins trouvé, dans le Diction-

naire critique de la langue française de Jean-François Féraud, ce commentaire à

l’entrée quoi : « Il est aussi des prépositions avec lesquelles quoi ne s’allie pas bien. *Bossuet a dit pendant quoi, pour dire, pendant lequel tems » (Féraud, 1788:335). Nous n’avons en revanche pas pu trouver cette référence à Bossuet ni dans notre cor- pus, ni dans Frantext, ni dans PRESTO.

– Deuxième contrainte que nous avons relevée : la relativation* d’un GP lui- même contenu dans un GP, qui ne peut s’effectuer que par l’intermédiaire du pro- nom-déterminant (23 occurrences sur 297, 7,7%22). Un pronom relatif simple

comme quoi, où ou dont est effectivement incapable de construire ce groupe (97 et 98), et nous n’avons pas trouvé dans Frantext ou dans PRESTO d’occurrences contredisant cette observation. C’est ce que nous avions également dans l’exemple (75) présenté plus haut, qui constitue la seconde occurrence de concur- rence effective quant aux LEQUEL prépositionnels.

(97) [658] Il n'y a point au monde de Palais si beaux, ny si eslevez, qui ne soient au dessous de mes pensées, et je conçoy en mon esprit un hermitage, à la fondation duquel (*de quoi,

*dont) il entre plus de choses qu'il n'en faut pour l'establisse-

ment d'une Republique. (Balzac, 1624)

(98) [693] Au dos de ces montagnes, dans les endroits les plus reculez, il y a trois entrées fort étroites & de difficile ac- cés, par l'une desquelles (*de quoi, *dont) il faut passer pour entrer dans la Cilice ; & au bas, en tirant vers la mer, on dé-

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Ce sont les occurrences [656], [658], [669], [671], [693], [700], [709], [717], [727], [728], [735], [754], [758], [759], [761], [762], [824], [826], [830], [897], [920], [922] et [923].

couvre des plaines arrosées de quantité de ruisseaux. (Vaugelas, 1709)

(75) [672] Bien plus, j'ai feint que cette Léontine, ne croyant pas pouvoir cacher longtemps cet enfant que Maurice avoit commis à sa fidélité, vu la recherche exacte que Phocas en fai- soit faire, et se voyant même déjà soupçonnée et prête à être découverte, se voulut mettre dans les bonnes grâces de ce ty- ran, en lui allant offrir ce petit prince dont il étoit en peine, au

lieu duquel (*de qui, *dont) elle lui livra son propre fils

Léonce. (Corneille, 1647)

Pour la Grammaire méthodique du français, « [i]l s’agit ici d’un cas particulier du principe, dit “A / A” dans la littérature générativiste, qui empêche un GP de franchir la frontière gauche du GP dont il est lui-même un constituant » (Riegel et al., 2014:801)23. Nous considérons, au regard de notre problématique, que la morphologie

du pronom-déterminant a eu également un rôle à jouer ici : contrairement aux pronoms relatifs simples, sa variation en genre et en nombre facilite l’interprétation de cette construction compliquée et permet, malgré la distance entre le pronom-déterminant et son antécédent, de mieux l’identifier.

Cette étude de la concurrence entre les familles de pronoms va dans le sens de nos analyses précédentes : les fonctions directes de LEQUEL semblent faire l’objet d’une

concurrence libre avec les pronoms relatifs simples tandis que les fonctions préposi- tionnelles font l’objet d’une concurrence contrainte. Effectivement, nous n’avons pas relevé de paramètres syntaxiques justifiant l’emploi du pronom-déterminant aux fonc- tions sujet et objet direct, et ceux établis par les grammaires ne trouvent pas réellement d’écho dans notre corpus. En revanche, leurs commentaires semblent plus en accord avec nos observations pour les fonctions prépositionnelles, certaines prépositions et certaines structures amenant les auteurs à employer LEQUEL au détriment des formes

simples. Les fonctions prépositionnelles semblent davantage se mouler dans le para- digme des pronoms relatifs simples tandis que les fonctions directes gardent leurs spé- cificités : cela se verra davantage par l’étude des propriétés sémantiques et référen- tielles de leurs antécédents, comme nous l’étudierons ci-après.

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Le principe A/A est englobé, comme l’indique Pierre Attal (2002:4), dans celui de sous-jacence. Voir également Jacob (1984:55-56).