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restrictives, explicatives et narratives

I. 2 – L EQUEL comme anaphore

Par leur implication dans la détermination référentielle de leur antécédent, les su- bordonnées relatives adjectives ont une incidence sur la dynamique informationnelle* des énoncés, soit la façon dont ils se construisent et élaborent, in fine, un texte. Nous citons l’introduction de Denis Apothéloz dans Rôle et fonctionnement de l’anaphore

dans la dynamique textuelle pour situer notre propos :

[…] il faut bien voir que la question qui se trouve au centre de la linguistique tex- tuelle […] est celle qui consiste à déterminer quels sont les dispositifs langagiers qui, au niveau inter- et transphrastique, prennent le relais de la syntaxe. Or, on re- connaît généralement qu’un des dispositifs de cette macro-syntagmatique réside dans la répétition, partielle ou complète, modifiée ou non modifiée, de certains des objets (ou référents) qui sont désignés dans le texte. Pour qu’une suite de phrases puisse être reçue comme un texte il faudrait, en d’autres termes, qu’elle présente une continuité référentielle minimale. (Apothéloz, 1995a:9-10)

Comme un texte est une unité, plus ou moins délimitée, plus ou moins autonome dans laquelle se succèdent plusieurs phrases ou structures phrastiques, il doit exister des outils qui assurent une relation entre ce premier niveau d’analyse et les supérieurs. Michel Charolles (1994b:128) distingue parmi ces outils :

– Les anaphores* et les expressions anaphoriques, qui créent des chaînes de ré- férence et dont l’interprétation des différents maillons dépend de celle d’une autre expression du même texte.

– Les connecteurs, qui explicitent les relations entre les différentes séquences textuelles.

– Les expressions introductrices de cadres de discours, qui conditionnent la compréhension et l’interprétation de l’énoncé subséquent.

– Les marques configurationnelles, tels les marqueurs métadiscursifs d’organisation de l’énoncé (du type « premièrement…, deuxièmement… »). Par notre sujet d’étude, nous étudierons plus particulièrement la famille des ana- phores, auquel appartient par son emploi relatif le pronom-déterminant LEQUEL comme

nous l’avons vu ci-dessus (cf. § I.1) ; nous nous demanderons cependant si certains emplois peuvent le rapprocher d’autres outils.

Nous aborderons ce sujet de trois façons : premièrement, du point de vue de la co- hésion* textuelle ; deuxièmement du point de vue de la cohérence* textuelle ; enfin du

point de vue de la notion de relatif de liaison*, qui articule ces deux concepts et nous permet de définir au mieux la spécificité de l’emploi relatif de LEQUEL dans les textes.

I.2.1 – L

EQUEL

et la cohésion textuelle

Nous commençons par distinguer dans notre propos cohésion* et cohérence* tex- tuelle, en reprenant les définitions d’Anna Jaubert qui recommande de ne pas les con- fondre :

Au départ la cohérence, propriété définitoire du texte (elle est ce qui fait qu’un texte est perçu comme un texte, c’est-à-dire un ensemble énoncé qui se tient), a souvent été confondue avec sa matérialisation, l’ensemble des moyens linguis- tiques qui assurent les liens intra- et interphrastiques, c’est-à-dire la cohésion. (Jaubert, 2005:8).

Si la cohérence est un résultat, « le fait qu’un texte est perçu comme texte », la co- hésion est quant à elle un moyen et son étude renvoie à celle des marques qui permet- tent d’atteindre ce résultat, dont les anaphores*. Selon Denis Apothéloz, chez qui nous reprendrons les analyses et les concepts de cette section, une anaphore se définit comme une expression qui répétera, de façon « partielle ou complète, modifiée ou non modifiée » (Apothéloz, 1995a:10), une expression référentielle située à sa gauche le plus souvent. Toute expression linguistique dont l’interprétation dépend d’une autre expression linguistique exprimée auparavant sera définie comme une anaphore. Les anaphores subséquentes peuvent ensuite renvoyer au même référent source et former une continuité référentielle, une chaîne dont les maillons renvoient au même objet du discours. La cohésion se fonde sur un rapport d’identification entre ces différents ob- jets au moyen des anaphores, identification qui peut se matérialiser dans le cadre d’une phrase ou entre plusieurs phrases consécutives. Bien que les faits d’anaphore et de re- prise référentielle ne soient pas les seules formes de continuité textuelle comme le pré- cise Denis Apothéloz (op.cit., p. 10-11), nous nous concentrerons de prime abord sur ceux-ci par l’intermédiaire de l’emploi relatif du pronom-déterminant LEQUEL.

Nous avons établi précédement que LEQUEL en emploi relatif est une expression ré-

férentielle définie, au contraire des pronoms relatifs simples qui ne sont pas référentiels et ne sont que des introducteurs de variables. Un pronom relatif simple, en ce sens, n’est pas stricto sensu une anaphore. Pour Michel Charolles (2007:194-195), « il se contente de maintenir son antécédent dans la mémoire des auditeurs/lecteurs » : s’il

assure bien une continuité référentielle, il est davantage un relais ou un rappel de l’expression référentielle qu’il recrute comme antécédent qu’une nouvelle expression de celle-ci. La chose est différente pour LEQUEL, du fait de son fonctionnement particu-

lier.

De prime abord, nous observons que par son rôle dans la subordination relative, le pronom-déterminant intervient comme un maillon d’une chaîne de référence en s’articulant autour d’un constituant, souvent nominal, de la proposition matrice. Cette expression référentielle peut ensuite être reprise, après la subordonnée, par d’autres expressions anaphoriques dont l’interprétation dépend des précédentes. Dans l’exemple (52), la chaîne à laquelle participe LEQUEL n’est composée que de son anté-

cédent (une jambe) et du pronom-déterminant, mais rien de plus ; en (53), cette chaîne est composée notamment de l’antécédent (ce pauvre garçon15), du pronom lequel, de

pronoms personnels (il, lui) et de l’expression possessive sa vie, qui exige de prendre en compte l’expression référentielle ce pauvre garçon pour être interprétable.

(52) [515] – Je ne sais ce que ce peut être que de redresser les torts, dit le bachelier, mais moi de droit que j’étais, vous m’avez rendu tors en me rompant une jambe, laquelle je ne verrai plus droite tant que je vivrai ; et le grief que vous avez réparé en moi a été de me laisser si fort grevé que je le serai pour tout jamais ; et ç’a été une assez grande mésaventure pour moi, de vous avoir rencontré, vous qui allez cherchant les aven- tures. (Oudin, 1614)

(53) [157] Pour le bon D’Hacqueville, il a eu le paquet d’aller à Frazé, à trente lieues d’ici, annoncer cette nouvelle à la maréchale de Gramont et lui porter une lettre de ce pauvre garçon, lequel a fait une grande amende honorable de sa vie passée. Il en a demandé pardon publiquement et a mandé à Vardes mille choses qui pourront peut-être lui être bonnes. En- fin il a fort bien fini la comédie et laissé une riche et heureuse veuve. (Sévigné, 1675)

Ceci étant défini, il nous faut à présent nous demander quelle différence existe entre le pronom-déterminant et un pronom relatif simple dans cette problématique. Effecti-

15 Comme le suppose le déterminant démonstratif ce, il y avait déjà eu une mention du référent désigné

par l’expression ce pauvre garçon (le comte de Guiche) avant l’extrait que nous avons choisi de citer dans cet exemple. Comme il est l’objet d’une grande partie de cette lettre de Madame de Sévigné, nous avons dû sélectionner un extrait limité pour illustrer notre propos.

vement, dans ces deux exemples, laquelle et lequel auraient pu commuter avec que et

qui respectivement et assurer la continuité référentielle : quelles sont alors les implica-

tions de l’emploi d’un pronom plutôt qu’un autre dans le mécanisme de l’anaphore ? Pour étudier cette question, nous reprendrons la distinction faite par Denis Apothé- loz entre forme liée et forme de rappel. Sans revenir dans le détail de ses analyses, auxquelles nous renvoyons (Apothéloz, 1995a:18-25), nous reprendrons après lui la distinction entre deux types d’anaphore : (i) les formes dites liées, dont l’interprétation est tributaire d’un contrôle syntaxique, et (ii) les formes dites de rappel, dont l’interprétation dépend davantage de « l’action langagière » (op.cit., p. 18) et de la suc- cession des énoncés, sans influence syntaxique. Nous reprenons de son étude les exemples suivants (54 – 56) pour illustrer ces différences :

(54) Jean a l’air pâle. Il est peut-être malade.

(55) Jules aime se voir dans un miroir.

(56) Jean reconnaît qu’il est malade.

Nous reprenons également les analyses qu’il fait de ces exemples :

Dans [(54)], « Jean » et « Il » sont des expressions qui se trouvent dans des phrases différentes. Qu’elles désignent ou non le même référent, elles ne peuvent donc être liées par une relation syntaxique ; de sorte que l’interprétation du pro- nom y est exclusivement dépendante du contexte.

Dans [(55)], le pronom « se » est lié syntaxiquement à l’expression « Jules », plus exactement à la position syntaxique de sujet qu’occupe cette expression. […] L’interprétation du pronom repose par conséquent ici exclusivement sur ce rap- port syntaxique.

L’exemple [(56)] admet quant à lui deux interprétations : l’une dans laquelle « il » désigne une autre personne que Jean ; l’autre dans laquelle « il » désigne Jean. Dans la première, il n’y a aucune relation anaphorique entre le pronom et le sujet de la proposition principale ; […] l’interprétation du pronom est dépendante de facteurs contextuels ; on est alors dans un cas analogue à [(54)]. Mais dans la se- conde interprétation, le pronom est lié à la position syntaxique de son antécédent « Jean » et est régi par cette expression ; on est alors dans une situation analogue à [(55)]. (Apothéloz, 1995a:19)

Suite à ces analyses, nous identifierons le pronom il dans (54) et dans la première interprétation, non co-référentielle, de (55) comme une forme de rappel, tandis que le pronom se dans (55), et le pronom il dans la seconde interprétation, co-référentielle, de (56), seront identifiés comme des formes liées. Ces exemples montrent que ces éti-

quettes ne sont pas directement dépendantes du mot étudié, à l’instar du pronom il qui peut être, selon l’occurrence, une forme liée ou une forme de rappel. En revanche, ces deux types d’anaphore se distinguent sur le plan de la référence : les formes liées sont non-référentielles tandis que les formes de rappel sont analysées comme référentielles (Apothéloz, 1995a:20), condition sine qua non pour qu’elles puissent fonctionner ana- phoriquement à un niveau transphrastique. Par son fonctionnement linguistique, le pronom-déterminant LEQUEL sera identifié comme une forme de rappel tandis que les

pronoms relatifs simples seront des formes liées, dont l’interprétation est toujours tri- butaire de l’antécédent qu’ils recrutent et de son support notionnel. Considérer LEQUEL

comme une expression référentielle d’une part, et comme une forme de rappel de l’autre, a des implications sur la relation anaphorique qu’il entretient avec son antécé- dent :

– D’une part, ce dernier devient inutile pour l’interprétation du pronom, comme le remarque Denis Apothéloz concernant les formes de rappel en général (op.cit., p. 22). Cela est vrai du moins du point de vue syntaxique puisqu’il n’y a aucun contrôle qui s’opère entre les deux référents ; et cela explique la spécialisa- tion de LEQUEL dans les relatives explicatives et narratives, qui entretiennent un

lien lâche avec la détermination référentielle de leur antécédent.

– D’autre part, cet antécédent n’en demeure pas moins présent, et il oriente l’opération de parcours de LEQUEL comme nous l’avons montré (cf. § I.1.3). Denis

Apothéloz précise cependant qu’« [un] référent explicitement dénommé [en quali- té d’antécédent] est en effet un référent dont la catégorisation lexicale a été expli- citement donnée » (op.cit., p. 24). LEQUEL relatif ne recrute donc pas uniquement

une forme linguistique dont il reprendrait le genre et le nombre, mais il recrute également une catégorie lexicale, soit une conception du sens et des qualités de son antécédent. Partant, et à l’instar des pronoms personnels,

il ne peut être question ici d’un accord grammatical au sens strictement formel et syntaxique du terme, mais seulement en un sens beaucoup plus vague : une sorte de conformité du genre du pronom par rapport au genre de la dénomination anté- cédente (si elle existe), ou à celui de la dénomination supposée désigner la catégo- rie (si celle-ci doit être extrapolée). (Apothéloz, 1995a:24)

L’emploi d’une expression référentielle, et d’une forme de rappel pour l’anaphore, doit donc faire intervenir « une représentation du sens construit par le texte » (Apothé- loz, 1995a:24) pour être interprétable : que ce soit pour la forme déterminant ou pour

la forme pronom de LEQUEL, il nous faut prendre en compte non seulement les para-

mètres syntaxiques présidant à son emploi, mais également les informations textuelles à notre disposition, notamment les connaissances partagées entre les interlocuteurs et la dynamique informationnelle* du texte, soit la progression de l’information. L’étude du pronom-déterminant relatif n’implique donc pas seulement une problématique liée à la continuité référentielle et aux faits d’anaphore, à la cohésion textuelle, mais égale- ment à sa cohérence.

Avant d’aborder cette question, nous désirons revenir sur les autres rôles que peut prendre en charge le pronom-déterminant relatif LEQUEL dans les textes, toujours en

lien avec ce rôle anaphorique de forme de rappel. Nous citons Denis Apothéloz sur l’emploi, dans un texte donné, d’une anaphore :

[...] le choix des expressions anaphoriques est conditionné par un avant et par un

après, par le sens tel qu’il a été préalablement construit et par le sens tel qu’il va

se construire. C’est pourquoi on peut dire que ces expressions sont tout à la fois des marqueurs et des opérations : des marqueurs, en ceci que leur choix est par- tiellement déterminé par ce qui les précède ; des opérations, parce qu’il est égale- ment motivé par la nouvelle configuration que ces expressions, tout comme la clause16 dans laquelle elles figurent, contribuent à mettre en place. (Apothéloz, 1995a:160-161)

Cette idée selon laquelle une anaphore est à la fois le produit du continuum textuel antérieur et l’annonciateur de ce qui sera mis en place nous permet d’aborder les exemples similaires à (57) et (58) où le rôle de LEQUEL se démarque de celui d’un pro-

nom relatif :

(57) [386] Quand nous fusmes entrez en la sale, et que nous eusmes dancé un petit ballet, Basile, en rompant la promesse qu’il m’avoit faite de ne prendre Geneviefve, s’adressa de plain saut à elle, et moy à sa cousine, pour dancer un branle. Lequel

estant fini, chascun se mist à deviser avecques celle qu’il me-

noit. Ce fust lors que je cognu clairement l’affection mutuele qu’ils se portoient [...] (Turnèbe, 1584)

(58) [343] Nous n’en savons point encore les articles, au moins parfaitement ; mais il n’est pas difficile de juger, par ceux qui ont été proposés ces jours passés, que ceux qui auront

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Denis Apothéloz emploie cette notion dans le sens d’Alain Berrendonner (1990, 2002), soit comme « l’unité minimale à fonction communicative » (Apothéloz, 1995:159, citant Berrendonner, 1990).

été arrêtés ne seront ni honnêtes ni sûrs. C’est, à mon avis, sur ce fondement qu’il faut opiner, lequel supposé, je ne balance point à croire que nous ne sommes pas obligés à tenir l’accommodement, et que nous sommes même obligés à ne le pas tenir par toutes les raisons et de l’honneur et du bon sens. (Retz, 1679)

Dans ces exemples, le pronom-déterminant n’introduit pas stricto sensu de proposi- tion subordonnée relative dans la mesure où le noyau verbal est au participe, présent (57) ou passé (58). Ces subordonnées peuvent être considérées comme des proposi- tions participiales bien que ces dernières, dans le sens commun du terme, n’ont norma- lement pas de terme introducteur (Riegel et al., 2014:789). Dans ces exemples, il semble que LEQUEL perde son rôle de pronom relatif pour endosser celui d’une expres-

sion référentielle à part entière, un jalon permettant de faire le lien entre ce qui le pré- cède et ce qui le suit et d’assurer la fonction de « sujet » du participe : par consé- quence, il ne peut pas commuter ici avec un pronom relatif simple (*qui estant fini, *qui supposé17). Il permet d’introduire une précision circonstancielle en association

avec le participe ; et s’il entretient bien une relation anaphorique avec un antécédent nominal antérieur, son emploi dépend également de la configuration du propos subsé- quent. Ce faisant, il agit comme un jalon cadençant l’interprétation du texte.

Ce rôle de jalon, qui est l’expression la plus forte de son statut de forme de rappel et d’expression référentielle, peut se combiner avec ses rôles dans la subordonnée rela-

17 Pour faire une remarque diachronique, il est possible de trouver des occurrences similaires à (57) et

(58) mettant en jeu le pronom quoi à la période classique.

Ces paroles toucherent de sorte au coeur de Silvandre, cognoissant com- bien il avoit peu gaigné sur sa volonté, que ne pouvant cacher le desplaisir qu'il en ressentoit, son visage par un changement de couleur le descouvrit.

De quoy Astrée s'appercevant : vous est-il, luy dit-elle, survenu quelque de-

faillance de coeur ? (Urfé, 1610, p. 90. Cote Frantext : Q883)

Nous remarquons cependant que dans cet exemple, le mot qu- ne reprend pas un antécédent nominal spécifique mais tout un contenu textuel antérieur ; dans le cas contraire, seul LEQUEL semble em- ployé, tant à la période moderne que classique. La Grammaire françoise d’Oudin commente : « L’accusatif que ne se construit point immediatement devant les participes passifs, ou preterits, mais bien le relatif lequel ; par exemple, on apporta des lettres, lesquelles receuës & non pas, que

receuës. Ce qui ne s’observe pas devant les participes en ant, car l’un & l’autre se peut dire : v.g. on luy apporta des lettres, lesquelles ayant veuës, ou bien, qu’ayant veuës : on tient pourtant que le

tive, par exemple dans les emplois en série que nous pouvons relever dans l’exemple (59) :

(59) [506-509] « Ce chevalier que tu vois là, aux armes jaunes, lequel porte en son écu un lion couronné, prosterné aux pieds d’une damoiselle, c’est le valeureux Laurcalco, seigneur du Pont d’argent. L’autre, qui a pour armes des fleurs d’or et porte en son écu trois couronnes d’argent en champ d’azur, c’est le redouté Micocolembo, grand-duc de Quirocia ; l’autre, aux membres de géant et qui est à sa main droite, c’est le hardi Brandabarbaran de Bolice, seigneur des trois Arabies, lequel est vêtu de cuir de serpent et a pour écu une pourte qui est, à ce que l’on dit, l’une de celles du temple que Samson abattit, lors- qu’en mourant il se vengea de ses ennemis. Mais tourne les

yeux de cet autre côté, et tu verras en tête de cette autre armée

toujours le vainqueur et jamais vaincu, Timonel de Carcajone, prince de la Nouvelle-Biscaye, qui est armé d’armes parties par quartiers d’azur, de vert, de blanc et de jaune paille, et porte en son écu un chat d’or en champ de gueules, avec un blason qui dit Miaou, qui est le commencement du nom de sa maîtresse,

laquelle, comme l’on dit, est la nonpareille Miaouline, fille du

duc Alfegniquen de l’Algarbe. L’autre, qui charge et presse l’échine de cette puissante cavale, et porte les armes blanches comme neige, l’écu tout blanc et sans aucune devise, c’est un chevalier novice, Français de nation, appelé Pierre Papin, sei- gneur des baronnies d’Utrique. Cet autre qui, de ses talons fer- rés, presse les flancs mouchetés de ce zèbre rapide, et porte en ses armes de vair d’azur, c’est le puissant duc de Nerbie, Es- partafildo du Bois, lequel porte pour emblème en son écu un champ d’asperges avec une devise en castillan qui dit : Suis ma fortune. » (Oudin, 1614)

En (59), la description de l’armée rêvée par Don Quichotte se fait par succession, chaque phrase étant consacrée à l’un des chevaliers qu’il fantasme. Elles commencent par les expressions référentielles L’/Cet autre, qui permettent d’organiser l’énoncé en