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Portée de la définition et questionnement

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SECTION II : APPROCHES DIDACTIQUES ET CADRE D'ANALYSE

CHAPITRE 1 : LA PERSPECTIVE DE DEVELOPPEMENT DURABLE (DD)

2. Développement durable : dates clés

2.2 Portée de la définition et questionnement

La définition du développement durable la plus classique et la plus connue est celle du rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement publié en 1987. Ce rapport est dénommé rapport Brundtland48 : "Our Common Future" (Notre avenir à tous) est l’un des documents fondateurs du développement durable ; il a servi de référence au premier Sommet de la Terre à Rio en 1992. "Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de "besoins", et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir" (Rapport Brundtland, 1987, chapitre 2).

Dans ce même rapport, deux notions inhérentes au concept de développement durable sont identifiées :

- la notion de besoin, notamment les besoins des plus démunis,

- l'idée de limitations qu'impose l'homme par ses activités et son organisation sociale sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.

Dans ce rapport, il est indiqué que "le développement durable n'est pas un état d'équilibre, mais plutôt un processus de changement dans lequel l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation du développement technique ainsi que le changement institutionnel sont déterminés en fonction des besoins tant actuels qu'à venir". Cette notion de processus est importante car elle privilégie l’idée d’une logique de pensée et d’action continue plutôt qu’une solution unique et généralisable.

Le terme durable est utilisé pour la première fois dans le rapport Brundtland. Il est défini comme un mode de développement qui répond aux besoins des générations actuelles et futures. Certains préfèrent parler de développement soutenable. Le terme "soutenable" est un

terme provenant d’une traduction littérale du terme anglophone "sustainable development". Il traduit une vision qui met en cause la limite des ressources à long terme. Mais, si le terme

"soutenable" traduit l'idée de recherche des limites des ressources naturelles (l’idée des limitations de la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir) le terme de "soutenabilité" traduit l'idée de limitation, mais aussi la gestion des ressources en fonction du besoin à court et à long terme.

Par rapport à la définition dite de Brundtland, le Sommet de la Terre tenue à Rio a explicité de manière plus générale les principes, les dimensions et les indicateurs de la durabilité. "Le développement durable, bien que non défini formellement à Rio, y est propulsé comme un prisme prometteur, candidat pour fédérer de nombreuses attentes dans une nouvelle synthèse, à la veille du XXIe siècle." (Hottois et al., 2001, p. 271). La Conférence internationale sur l'environnement et le développement a valorisé la place de l’homme et son droit à une vie saine en harmonie avec la nature (Déclaration de Rio, 1992, principe 1). "Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures" (Déclaration de Rio, 1992, principe 3).

En outre, la notion de développement durable valorise la protection de l'environnement et la considère comme indissociable du processus du développement. D'ailleurs, "Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolement" (Déclaration de Rio, 1992, Principe 4)).

En se référant au rapport de Göteborg (2001), la dimension environnementale semble la plus étudiée, mais elle ne constitue pas le seul versant du durable. Par ailleurs, "… cette expression [le développement durable] est surtout employée au niveau politique, où elle insiste sur l'intégration des préoccupations relatives au développement et à l'environnement." (Hottois et al., 2001, p. 269).

D’une manière générale, le durable est à la croisée du social, de l'environnemental et de l'économique. Ce concept est, souvent, schématisé par la trilogie : environnement, économie et société selon la figure suivante.

Durable

Dimension sociale Dimension environnementale

Dimension économique Équilibre

social

Préservation de la nature

Gestion des ressources, couverture des

besoins

Fig.3 La représentation classique du concept de développement durable

Cette notion constitue donc un projet de changement qui cherche à réconcilier les volets environnemental, économique, social et politique (nous reviendrons plus loin pour expliquer pourquoi nous ajoutons le volet politique). Il convient de noter que ces différentes composantes interagissent entre elles. Toutefois, cette interaction semble difficile à observer directement et souvent difficile à mesurer, car il s'agit d'un processus complexe. Par rapport à la représentation classique du durable, la représentation explicitée par la commission européenne (2001) révèle la complexité des différents domaines dont les multiples composantes interagissent entre elles selon la figure suivante :

Fig. 3 : Représentation simplifiée des liens entre les dimensions sociale, économique et environnementale du développement durable (Source : Commission Européenne, 2001, Propositions sur les aspects sociaux du développement durable, Rapport Brisay pour le sommet de Göteborg, Bruxelles.).

Les différents volets de la durabilité sont liés les uns aux autres selon des relations bidirectionnelles et dynamiques. Les relations qui lient les trois principaux domaines (environnement, société, économie) et les relations réciproques sont expliquées comme suit,

"1. Aléas de santé ; impact sur les conditions de vie et de travail;

2. Pression sur les ressources environnementales ; prise de conscience environnementale du citoyen;

3. Quantité et qualité de travail ; consommation;

4. Distribution ; opportunités d'emploi;

5. Fonctions productives de l'environnement;

6. Pression sur les ressources environnementales, investissement;"

La relation 2 et 6 est au cœur de la problématique. Le fait de faire référence explicitement à la

"prise de conscience environnementale du citoyen" va justifier l’introduction de la durabilité dans le système éducatif. L’idée de citoyen s’appuie sur une prise de conscience et de responsabilité des acteurs.

Nous ajoutons, à cette représentation, un autre volet : la durabilité politique. Certains discours proclament que cette notion est employée dans un registre politique (Hottois et al. 2001). De même, le développement durable représente aussi un mode de développement (nous reviendrons un peu plus loin pour aborder la controverse autour de la notion de

"développement") qui cherche à réconcilier la dimension culturelle et éthique comme nous le verrons mieux par la suite. Le durable est caractérisé donc par la recherche d’une durabilité sociale, d’une durabilité économique, d’une durabilité écologique, d’une durabilité politique, d’une durabilité culturelle et d'une durabilité éthique. Nous proposons dès lors de re-schématiser le durable selon un modèle pyramidal qui peut représenter l’interaction entre ces différentes dimensions de la durabilité.

Dès lors, le développement durable est une notion transversale et polysémique. Elle a été employée par divers groupes et entités. Elle a été également utilisée dans différentes perspectives et dans différents plans d'actions. Par conséquent, il nous semble opportun de questionner le concept de développement durable pour en préciser notre interprétation. Il serait aussi intéressant de questionner la pertinence de la perspective du durable qui interroge la notion d'environnement et, particulièrement, la problématique de la biodiversité.

2.3 Le paradigme du durable : des ruptures épistémologiques et idéologiques Certes, cette notion a favorisé une prise de conscience des crises environnementales et des prises de décision à l’échelle de la planète, mais ceci ne masque pas "la face cachée du consensus" comme le proclame Fleury (2003). "Si cette idée est devenue aussi rapidement une référence commune, c’est sans aucun doute parce que son contenu politique et économique reste assez vague et qu’elle s’avance très peu sur les moyens de sa mise en œuvre (…) issue de compromis, cette notion est prise dans un système complexe de tensions." (p. 2).

En ce sens, des ruptures épistémologiques pourraient être élucidées.

La problématique du durable paraît mettre en cause le modèle de développement, voire l'idéologie du progrès "technico-scientifique" ainsi que le modèle de développement économique. Concernant le développement des technosciences ou de l’idée du "progrès technico-scientifique devait entraîner un progrès de civilisation. De nombreux événements dramatiques du XX° siècle ont ébranlé cette croyance et ont provoqué le divorce du rationnel et du raisonnable" (p. 3). Se questionner dans une perspective de durabilité, c’est interroger les raisons qui justifient la création des PGM, mais se questionner aussi sur les raisons de

refus et d'acceptation des PGM (la perception des PGM (des technosciences), sur la perception de l'environnement (nature)) et sur son évolution, sur la percetion du risque, etc.

L'idée d'introduire des PGM, une chimère, dans l'écosystème, dans l'alimentation… est influencée par notre perception de la nature et du naturel, d'une part et de la science et, particulièrement, des technosciences, d'autre part. Ces transformations (génétiques) ont entraîné, entre autres, une peur de "toucher" à la nature et d'artificialiser le vivant. C'est ce qui peut expliquer peut être la multiplicité des raisons de rejet des PGM, le sentiment de refus, parfois, de "tout risque" selon l'expression de Gallais et al. (2006) et a suscité de nombreuses questions d'ordre éthiques et morales (la limite d'artificialisation du vivant, la dignité de l'homme…).

La perspective du durable a entraîné des changements dans les politiques environnementales, par opposition à l'ancienne position qui repose sur l'idée de la préservation de l'environnement et de la poursuite du développement économique49. Cette perspective a mis en question la vision préservationnniste du capital naturel, particulièrement, de la biodiversité, car il ne suffit pas de préserver le capital naturel et de chercher les limitations pour que les futures générations puissent répondre à leurs besoins, mais il s'agit de penser à un partage équitable des ressources qui permet la poursuite du développement sans dégrader pour autant l'environnement. Mais, ceci ne va pas sans susciter des questionnements éthiques comme l'ont souligné Hottois et al. (2001) : "quel partage des ressources ?" "Que faut-il préserver ?" ou encore "qu'est ce qui doit être durable ?" Parallèlement à cela, le modèle de développement économique a été mis en question pour laisser de la place à un éco-développement (Sachs, 1980) et à l'instauration d’un nouvel ordre économique, voire à une politique de

"décroissance".

Pour mieux cerner la problématique du durable certains questionnent le rapport au temps, à la nature, au vivant… Fleury (2003, p. 3) perçoit que "nous avons besoin de réinventer de nouveaux rapports à la nature". Nous estimons également que nous avons besoin de redéfinir de nouvelles relations homme-nature, donc de nouvelles philosophies de la nature, du progrès, de la science, etc. D'autres proposent de nouvelles approches pour aborder la question du durable. Camerini (2003) opte pour une "analyse épistémologique élargie" selon deux sens,

"l'un philosophico-scientifique lié à la science et à la théorie de la connaissance, l'autre sociologique lié aux valeurs d'une société, permet d'approcher les trois dimensions qui composent la notion du développement durable, c'est-à-dire économique, écologique et sociale…" (p. 12).

Les mérites du rapport de Brundtland sont de reconnaître, la crise écologique, la crise énergétique, l'écart grandissant entre le sud et le nord et, entre autres, entre les pays en voie de développement et les pays industrialisés…, mais la reconnaissance et la généralisation du DD par l’ONU n’empêche pas de questionner la notion de durabilité. D'après Simonneaux et al.

(2008), "… La critique du développement s’appuie aussi sur une analyse anthropologique, le concept même de développement étant une conception culturelle qu’il faut interroger et non pas vouloir appliquer à l’ensemble de la planète".

Pour ce qui est de la composante culturelle, Camerini (2003) considère que "le paradigme du développement durable se présente comme un changement culturel majeur de notre vie, et étant donné que les changements dans le système culturel constitue les étapes principales de

49 Plus loin, nous présentons les différentes positions éthiques : conceptions technocentriste, écocentriste et

l'évolution sociale" (p. 12). Cette notion semble basculer dès lors entre deux tendances opposées : à la restriction (ou une interprétation "étroite") et à l'extension (ou une interprétation "large") de la portée de cette notion, d'après cet auteur. Cette extension peut être décelée au travers la pluralité des définitions -évolutives- attribuées à la problématique du durable dont le volet culturel apparaît comme un axe d'analyse qui fond le durable. Dans cette optique, le Programme Annuel des Nations Unies pour le Développement (PNUD) : le rapport mondial sur le développement humain met en évidence qu'il ne s'agit pas de n'importe quel type de développement, mais qu’il s'agit d'un "développement humain durable" (PNUD, 1993, p. 7).

Pour Camerini (2003), cette pluralité de définitions et d'interprétations de la notion du durable peut constituer "une menace de mort pour cette notion, et ce à travers deux processus : le premier en raison de la dynamique émotionnelle qui, en prenant le dessus, vide la notion de sens jusqu'à provoquer sa mort par inanition ; le deuxième à cause de l'invasion technique qui rend la notion incompréhensible…" (p. 15). D'ailleurs, le second processus concernant un équilibre éventuel entre l'invasion technologique et l'organisation sociale est explicité, dans le rapport Brundtland, sous forme de dilemme "(…) qu'impose l'état actuel de nos techniques et de l'organisation sociale, ainsi que la capacité de la biosphère de supporter les effets de l'activité humaine…" (CMED, 1989, p.10).

Nous voulons montrer, tout d'abord, que la notion du développement durable est appréhendée comme étant une approche qui cherche à réconcilier l'économique, le social, l'écologique, le politique et le culturel. Dans ce sens, nous parlons de paradigme car la durabilité conduit à un changement de mode de pensée, y compris au niveau scientifique et éducatif. Dans cette même optique, nous essayons d'élaborer par la suite une analyse qui peut permettre de saisir ces différentes composantes du durable. En l'occurrence, nous abordons les fondements éthiques qui pilotent cette nouvelle vision du monde, car le durable paraît aussi comme un défi éthique. D'après Guay (2004, p. 21), "le développement durable apparaît toujours comme un chantier et un grand défi : défi social, politique et institutionnel, économique et technologique. Il peut aussi être, plus que d'autres, un défi éthique, puisqu'il force à poser la question du rapport humain à la nature et aux générations à naître."

La question est donc de savoir si l'enseignement des dilemmes environnementaux, dans le cadre de la formation du master sciences de la vie d'option écologie et biotechnologie, est abordé selon des approches critiques (qui met en valeur la complexité, l'incertitude, la prise en compte des composantes du durable, les différentes échelles spatio-temporelles) et, entre autres, si le processus d'enseignement prend suffisamment la mesure des changements paradigmatiques qui ont accompagné les crises environnementales, sanitaires, etc. Dès lors, nous nous intéresserons dans ce qui suit à analyser les différents volets de la durabilité.

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