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La biodiversité : une pluralité de définitions

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Question 3 : Quel est l'effet éventuel de l'expérimentation sur la qualité de l'argumentation déployée et sur les domaines de référence convoqués ?

3. La biodiversité : une pluralité de définitions

Pour définir le concept de biodiversité, il existe une pluralité de définitions qui ont conduit à son évolution. Comment sommes-nous parvenus à la conception actuelle de la biodiversité ?

3.1 Développement de la définition

- de l'étude de la diversité spécifique à la prise en compte du "triptyque de la diversité biologique" :

Le processus qui a mené à la définition actuelle de la biodiversité s'est déroulé en trois principales phases d'évolution caractérisée chacune par une certaine unité thématique (Hottois et al., 2001). La première correspond au début des années vingt, la seconde commence vers la fin des années vingt et la troisième correspond aux années 70 jusqu'à nos jours. Généralement,

10 Grison (2008, p.349) se base sur les travaux de Weber (1959) qui distingue entre "la rationalité par rapport à une fin donnée – qui est la rationalité dans le choix des moyens" et plus généralement la rationalité

"calculatrice", celle "en vigueur dans les sciences, les techniques, l’économie".

les deux premières phases se sont focalisées sur le niveau spécifique (les unités de mesure de la diversité biologique, les typologies des espèces…). Il est intéressant de noter que le terme biodiversité traduit, en réalité, ou représente, selon Hottois et al. (2001, p. 104), "le dernier-né d'une longue histoire de la recherche sur la diversité biologique en écologie." Les études écologiques se sont longtemps focalisées sur la richesse spécifique sur Terre.

Dans notre contexte, nous limitons notre analyse à la troisième phase au cours de laquelle la recherche scientifique "coïncide avec la prise en compte de la conscience de la crise écologique : la rareté, l'hétérogénéité, la faible densité et l'extension limitée des espèces, à différentes échelles spatiales…" (Hottois et al., 2001, p. 107). A la diversité spécifique classique s'ajoute la diversité génétique et écosystémique, ce qui conduit à la définition du

"triptyque de la diversité biologique".

En limitant notre analyse à la conception actuelle du concept de biodiversité, la problématique de la biodiversité n'a pas cessé d'évoluer (notamment sur le plan scientifique). A titre d'illustration de cette évolution perpétuelle, les définitions du concept de biodiversité proposées au cours du XI Congrès Forestier Mondial en Turquie (Antalya) en 1997 montre cette tendance évolutive : du synonyme de "la variété de vie" au synonyme de "variété et variabilité des organismes vivants et de leurs écosystèmes". Nous avons choisi cette illustration, car elle présente une succession de définitions qui ont suivi la définition donnée par OTA -Office of Technology Assessment- (1987) comme nous l'avons présenté plus haut (la définition fondatrice et la plus utilisée). Ces définitions vont de la définition de Reid &

Miller (1989) à la définition donnée par di Castri & Younès (1996). Nous estimons que cette période a connu une multiplicité et évolution rapide de la définition du concept de biodiversité.

- la conception actuelle de la biodiversité : du synonyme de "la variété de vie" à "la variété et variabilité des organismes vivants et de leurs écosystèmes"

Pour les uns, la biodiversité est plus ou moins synonyme de "variété de vie" ("variety of life"

en anglais) dans sa totalité, mais que l’on peut organiser en champs thématiques précis. Dans son ouvrage Biodiversity a biology of number and difference, Gaston (1996) considère que les différentes définitions de la biodiversité ne font que développer cette même idée : "variété de vie". Ceci nous rappelle la définition de la diversité biologique qui désigne selon Solbrig (1991) "la propriété qu'ont les systèmes vivants d'être distincts, c'est-à-dire différents, dissemblables" (Cité par Aubertin & Vivien, 1998, p. 11). Dans ces définitions, la biodiversité est abordée à travers la définition du vivant.

Il apparaît qu'une partie des définitions de la notion de biodiversité suivantes réunies par Rodgers (1997) s'articulent autour de l'idée de "variété de vie". La biodiversité désigne : - "the variety of life and its processes" (U.S. Forest Service, 1990).

- "the variety of life on all levels of organization, represented by the number and relative frequencies of items (genes, organisms and ecosystems) (EPA, 1990).

- "the total variety of life on earth. It includes all genes, species and ecosystems and the ecological processes of which they are part" (ICBP, 1992)

- "complex beyond understanding and valuable beyond measure, biodiversity is the total variety of life on Earth" (Ryan, 1992).

Pour d'autres, la biodiversité est liée à la complexité de la vie. Or, cette irréductibilité à la complexité de la vie a engendré, à un moment donné, une insatisfaction, car les définitions

sont devenues imprécises et assez vagues recouvrant tous les champs de la biologie. Par conséquent, de nouvelles définitions ont été suggérées développant l'idée que "La biodiversité ne doit pas être vue sous la forme d'une simple juxtaposition de formes du vivant dont il conviendrait de faire l'inventaire. Le monde du vivant n'est pas figé. On sait depuis Darwin qu'il doit être appréhendé dans son histoire longue et sa dynamique évolutive" (Aubertin &

Vivien, 1998, p11). Les définitions des années 90 (voir la série des définitions suivantes), comprennent donc le mot "variété" et "variabilité"11 ou parfois le mot processus comme c'est le cas de la définition du U.S. Forest Service (1990) indiquée plus haut. La biodiversité désigne, par conséquent, la dynamique des interactions des êtres vivants dans des milieux en perpétuel changement.

- "the variety of the world's organisms, including their genetic diversity and the assemblages they form. (…) The breadth of the concept reflects the interrelatedness of genes, species and ecosystems" (Reid & Miller, 1989).

- "the structural and functional variety of life forms at genetic, population, species, community, and ecosystems levels" (Sandlund et al., 1993).

- "the ensemble and the interactions of the genetic, the species and the ecological diversity, in a given place and at a given time" (di Casstri, 1995).

- "is the ensemble and the hierarchical interactions of the genetic, taxonomic and ecological scales of organization, at different levels of integration" (di Castri &

Younès, 1996).

Nous nous interrogeons sur les conceptions que se font des étudiants en master du concept de la biodiversité, des technosciences et de la mise en relation entre développement des technosciences et la dynamique de la biodiversité. Différentes activités (écrites et orales) permettent-elles de faire évoluer leurs conceptions sur la question : est-ce qu’ils passent de l'idée de "variété de vie" à l’idée de "variabilité", c’est-à-dire l'appréhension du concept de biodiversité dans sa dynamique évolutive (état et dynamique de la biodiversité) ?

Nous remarquons que les définitions de la diversité biologique varient, mais nous estimons qu'elle est définie, souvent, dans la littérature comme étant la variété génétique, la variété spécifique ou taxonomique et la variété écosystémique, ce qui nous rappelle la définition donnée par Hottois et al. (2001, p. 104). La biodiversité "désigne la richesse et la variété des formes de vie sur terre. Cette richesse est une propriété fondamentale de la nature, un phénomène émergeant de l'interdépendance entre différents niveaux d'organisation biologiques et écologiques. L'ensemble des variétés de gènes, d'espèces (populations, communautés) et d'écosystèmes (paysages régions, biosphère constitue l'expression et le fondement de la continuité de la vie sur la planète".

Le "triptyque de la diversité biologique" ou les niveaux de complexité sont :

- La diversité génétique qui correspond à la diversité des gènes au sein d'une espèce (diversité intraspécifique).

- La diversité spécifique qui correspond à la diversité des espèces (diversité interspécifique).

- La diversité écosystémique qui correspond à la diversité des écosystèmes.

11 Il convient de préciser que la prise en compte de l'idée de "variété" et de la "variabilité" correspond à une approche dynamique.

3.2 Les niveaux d'organisation

Pour définir les niveaux d'organisation, un conflit sur les unités de mesure de la biodiversité a eu lieu entre chercheurs. Il semble qu’il n’y ait pas eu de consensus sur l’unité de mesure de la biodiversité. La hiérarchie fonctionnelle adoptée par Mallet (1996), par exemple, est une hiérarchie graduelle du gène au phénotype. Le gène code une protéine qui remplit une fonction physiologique (fonctionnelle) et structurale de l’organisme. En revanche, certains pensent que le gène est l’unité de sélection (Dawkins, 1976, 1982) alors que l’espèce constitue la réalité taxonomique (Ghiselin, 1975). En génétique fonctionnelle, les caractères morphologiques, les chromosomes, les enzymes, les loci et l’ADN peuvent constituer des unités de mesure de la diversité. Ces éléments peuvent nous renseigner sur l’évolution de la diversité et la divergence entre les organismes (Mallet, 1996, p. 14). Nous estimons que ce manque de consensus sur les unités de mesure de la biodiversité est en rapport avec le problème du choix d'indicateurs de la biodiversité. Nous y reviendrons un peu plus loin dans l'analyse de la controverse autour de la biodiversité.

3.2.1 Le niveau d'organisation génétique

La variété morphologique ne traduit pas toutes les variétés génétiques entre populations ou à l’intérieur de la même population. Les variations morphologiques constituent, souvent, des indices génétiques, mais elles ne sont pas toujours corrélées. La plupart de ces variations bien qu’elles soient génétiquement programmées, dépendent de la fluctuation saisonnière ou des changements qui accompagnent la maturité, etc.

De nos jours, certaines techniques sont fondées sur l'ADN (l'électrophorèse par exemple) qui permettent la mesure de la biodiversité et de la stabilité génétique. L’ADN révèle de nombreux marqueurs qui servent à distinguer les espèces et à estimer leur phylogénie (Avise, 1994 ; Moritz, 1994).

Selon Harris (1996), vers les années 1960, il y a eu utilisation des techniques pour tenter de mesurer la diversité génique, notamment celle d’enzyme soluble. Au premier abord, cette étude a été réalisable en immunologie, en particulier pour les cellules hématopoïétiques humaines afin d’estimer le degré de polymorphisme dans les séquences protéiques, par conséquent la possibilité de faire le transfert de séquence d’ADN.

3.2.2 Niveau d'organisation spécifique

Le niveau d’organisation spécifique correspond à la diversité des espèces. Une espèce, selon Mayr (1989), est une communauté reproductive de populations (reproductivement isolées d’autres communautés) qui occupe une niche particulière dans la nature. L’espèce est définie comme un ensemble de populations interfécondes. Elle possède un patrimoine commun ou

"pool" de gènes disponibles pour des recombinaisons à travers la reproduction sexuée. Dans une espèce, le "pool" génétique est enrichi via des interactions interraciales, entre races et populations, sub-spécifiques ou inter-populations.

3.2.3 Niveau d'organisation écosystémique

La diversité écosystémique désigne la diversité des écosystèmes présents sur notre planète.

Un écosystème désigne l'ensemble d'êtres vivants ou biocénose qui occupent un milieu ou

biotope ainsi que les relations entre ces êtres vivants eux-mêmes (coaction intra-spécifique et coaction interspécifique) et entre leur milieu de vie. C'est en 1935 qu'Arthur Tansley, écologue britannique, appelle écosystème, le système interactif qui s'établit entre la biocénose et le biotope. Selon la convention de Rio 1992, un écosystème désigne "le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle"

(Convention sur la biodiversité, 1992, article 2). Dans toutes les classifications proposées, les définitions soulignent une hiérarchisation des phénomènes biologiques en différents niveaux : gènes, espèces, écosystèmes. Cependant, de nombreuses définitions accordent de l’importance à cette organisation hiérarchique plus qu’à l'aspect relationnel entre ses différents niveaux de complexité.

Cette pluralité de définitions du terme biodiversité a conduit vers une évolution de la signification de ce terme. Ce concept ne désigne pas seulement la "variété de vie", mais aussi l’importance de cette variété, le danger encouru en cas de sa perte et la nécessité de sa préservation. En outre, la biodiversité n’est pas considérée, pour certains, comme un concept scientifique neutre, mais elle est perçue comme une "valeur". En effet, "in this wider arena, biodiversity is not a neutral scientific concept, biodiversity is perceived as a value (often an option value), or as having a value" (Gaston, 1996, p. 5).

Le discours sur la biodiversité cherche à construire une nouvelle vision qui permet de percevoir la biodiversité comme un concept à connotation sociale, économique et politique.

Cette perception de la biodiversité s’intéresse fondamentalement aux interactions entre l’homme et son milieu dans un contexte écologique, mais aussi socioculturel. "Ce thème a (…) un grand impact également dans les sciences humaines" (Hottois et al., 2001, p. 104), voire un "pont" entre sciences naturelles et sciences sociales.

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