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Bilan des principales réalisations pratiques de la transgénèse végétale

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CHAPITRE 2 : TRANSGENESE VEGETALE

5. Bilan des principales réalisations pratiques de la transgénèse végétale

Dès les années 1970, les biologistes ont senti les limites des méthodes d'amélioration classiques des plantes qui reposent sur l'hybridation sexuée. Quelques tentatives de fusions cellulaires ont permis l'échange d'informations génétiques de manière aléatoire et non satisfaisante ainsi que le transfert de certains caractères par fusion interspécifique des protoplastes (cas de la pomme de terre) ou bien l'élimination de viroses via la culture de méristèmes ou d’apex, etc.

Dès le début des années 1980, les premiers résultats de la transgénèse sont apparus et les premières cultures transgéniques "commercialement significatives apparaissent au milieu des années 90" (Rapport sur la science et la technologie n°13, 2002, p. 42). Par conséquent, un fort potentiel de recherche s’est créé en collaboration avec les groupes industriels ou les firmes multinationales.

Contrairement à la mutagenèse classique, la transgénèse contribue à introduire un gène bien déterminé pour une fonction prédéfinie. Il s'agit d'une sélection dirigée, au cours de laquelle il y a intervention directe sur le logiciel génétique de la plante, d'après Gallais et al. (2006). Les PGM fabriquées sont utilisées dans une large gamme d'applications possibles :

- le domaine de la production agricole :

L'amélioration des plantes (la résistance des plantes aux insectes, la tolérance des plantes aux herbicides, la résistance aux maladies, la résistance aux conditions climatiques extrêmes…), l'amélioration en élevage (l’amélioration de la santé animale, une meilleure nutrition animale, l’amélioration de la croissance…).

- le domaine de l'alimentation :

L’amélioration de la qualité des aliments destinés à l’alimentation humaine (la modification de la teneur en certains nutriments, une meilleure conservation des produits…)

L’intervention dans le processus de transformation alimentaire : (grâce à des micro-organismes génétiquement modifiés), etc.

- le domaine de la santé

La production de molécules pharmaceutiques par les plantes et les animaux transgéniques, La fabrication d'animaux transgéniques modèles de maladie humaine, etc.

- le domaine industriel ou la bio-industrie :

Adaptation des plantes à des transformations industrielles :

La modification de la qualité des amidons pour l’industrie agroalimentaire, par exemple.

La fabrication de produits cosmétiques et agroalimentaires "sur mesure" (Simonneaux, 2006), etc.

Il convient de noter que ce bilan n'est pas exhaustif ; il ne résume pas toutes les réalisations pratiques de la transgénèse végétale qui touchent le domaine environnemental, sanitaire, industriel, etc. La liste des PGM réalisés ou en cours d'étude est longue et en perpétuelle évolution.

Dans notre recherche, nous nous intéresserons, particulièrement, à des exemples choisis faisant partie du domaine de la protection et de "la régularisation de la production agricole"

(Gallais et al., 2006). Nous nous intéresserons, préférentiellement à ce domaine d'intérêt, car nous estimons que les différentes manipulations pour protéger ou améliorer les plantes peuvent avoir, directement ou indirectement, des répercussions sur l'environnement. L'impact

éventuel des PGM sera traité dans la partie analysant les risques éventuels associés, dans le cadre du chapitre (chap. 3) suivant : la relation biodiversité-PGM.

En agriculture, la protection des plantes contre les agressions des agents phytopathogènes est cruciale. La majorité des réalisations pratiques de la biotechnologie végétale en matière de protection végétale visent à protéger les plantes vis-à-vis des ravageurs, des maladies, des troubles divers et de l'invasion de mauvaises herbes.

5.1 La tolérance aux herbicides

La transgénèse constitue l’une des voies de création de plantes tolérantes aux herbicides. Les herbicides les plus utilisés sont le glyphosate (Round-up), le glufosinate (Liberty). Ces derniers "inhibent respectivement la biosynthèse des acides aminés aromatiques et de la glutamine dont les voies n'existent pas dans le règne animal. Les principales espèces chez lesquelles des gènes de détoxification ou d'insensibilité ont été introduits sont le maïs, le soja, le coton, le colza, la betterave (variétés RR ou Round-up Ready et variétés LL ou Liberty Link)" (Rapport sur la science et la technologie Rst n° 13, décembre 2002, p. 43).

5.2 La résistance aux insectes

En fait, la création de plantes résistantes aux insectes occupe une place importante dans le champ des recherches sur la transgénèse. "… De 1996 à 2002, le caractère de résistance à des insectes a constitué le deuxième trait dominant dans l’ensemble des cultures transgéniques cultivées de par le monde (…) avec, en 2002, 17 % pour les cultures Bt (…) et 8% (…) pour les cultures combinant les caractères de résistance à des insectes et de tolérance à des herbicides …" (Rapport de l'AFSSA : OGM et alimentation : peut-on identifier et évaluer des bénéfices pour la santé ?, 2004, p.7)23.

D’un point de vue environnemental, la lutte chimique est substituée par l'utilisation de gènes codant pour la synthèse de molécules à effets insecticides. Au premier abord, cette alternative semble agir de manière sélective ce qui peut réduire l'effet sur les insectes non-cibles et sur l'homme, car la majorité des molécules utilisées dans la lutte chimique contre les insectes sont estimées dangereuses pour l'homme (Rapport de l'AFSSA, 2004). Mais, les plantes transgéniques constituent-elles une solution plus efficace à ces problèmes ? Possèdent-elles leurs propres effets pervers comme la lutte chimique ?

L'utilisation de ces variétés transgéniques résistantes aux insectes a déclenché le débat public sur les OGM depuis les années 1997 (Gallais et al., 2006). En effet, les plantes Bt poseraient problème, car elles produisent une forme "d’endotoxine active dans tous les tissus de la plante, y compris les feuilles et le grain". La culture "de variétés Bt peut apparaître à première vue comme écologique. En réalité, elle présente de nombreux inconvénients. En produisant continuellement une endotoxine Bt, ces cultures accélèrent l’apparition et la généralisation de résistances génétiques parmi les ravageurs" (Hansen, 2001, p. 91).

Depuis les années 1980, de nombreuses variétés transgéniques (maïs, pomme de terre, riz, coton, etc.) portent le gène Bt. Mais, parmi ces variétés dites "Bt", nous nous intéresserons, en

23 Ce rapport consiste en une étude au travers de 4 exemples : les plantes résistantes à des insectes, la betterave tolérante au glyphosate, l'enrichissement en vitamine A : cas du riz doré et des microorganismes génétiquement modifiés.

particulier, au maïs Bt. En effet, les situations didactiques proposées (situation-problème, projection vidéo) portent, essentiellement, sur cette plante transgénique.

5.2.1 Le Maïs Bt

Le maïs-Bt est un maïs transgénique résistant à un insecte ravageur : la pyrale. Il s'agit d'un lépidoptère originaire d'Europe introduit accidentellement au début du XXe siècle en Amérique (Rst n°13, 2002). La pyrale (Ostrinia nubilalis) est un petit papillon crépusculaire ; elle peut causer des dégâts énormes aux maïsicultures.

Le principe de fabrication du maïs Bt se base sur les potentialités d'une bactérie Bacillus thuringiensis, bactérie vivant dans le sol, utilisée dans la lutte biologique. Cette bactérie synthétise divers types de protéines cristallines insecticides. Lorsqu’elles sont partiellement digérées, elles libèrent une forme active d’endotoxine à caractère insecticide qui perfore l’appareil digestif des insectes ravageurs. Plus précisément, "les toxines Bt détruisent par lyse les cellules épithéliales de l'intestin des insectes ravageurs cibles ; il en résulte une paralysie du système digestif de l'insecte qui cesse de s'alimenter et meurt." (Gallais et al., 2006, p. 87).

Les plantes Bt sécrètent des toxines tout au long de leur vie qui tuent ou éloignent les ravageurs. L'endotoxine en question a la propriété d'être complètement biodégradable, ce qui a fait des toxines Bt bactérienne une méthode de lutte biologique depuis plusieurs décennies.

L'introduction de ce gène de résistance à un insecte confère à la plante transgénique la capacité de synthétiser une forme tronquée d'endotoxines protéiques, fabriquées par certaines souches de Bacillus thuringiensis.

5.3 La résistance aux maladies bactériennes, fongiques et virales

La pathologie végétale ou phytopathologie est la science qui étudie les maladies des plantes, notamment, les plantes cultivées. Ces maladies sont causées par des agents ou organismes phytopathogènes (bactéries, virus, algues, champignons…). Dans certaines conditions, ces organismes, parfois utiles ou symbiotes à la plante, deviennent pathogènes.

En fait, la protection contre des maladies bactériennes, virales ou cryptogamiques (dues à des champignons) font l'objet de lutte biologique, chimique et récemment de lutte génétique. La lutte génétique est perçue, en quelque sorte, comme une alternative à l’application de produits phytosanitaires ; elle concerne l'amélioration de la résistance des plantes vis-à-vis des bioagresseurs, le suivi et l'évaluation d'effets secondaires éventuels ainsi que la traçabilité des transgènes.

5.4 L'adaptation au milieu : la tolérance à la sécheresse, à la salinité et au froid Depuis le Protocole de Kyoto jusqu’à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1998), des mesures pour l’adaptation au changement climatique sont prises. La transgénèse est considérée parmi les voies prometteuses dans l'amélioration et l'adaptation des plantes aux conditions du milieu et aux maladies bactériennes et fongiques associées au réchauffement climatique.

La tolérance à la sécheresse, au froid et à la salinité constitue un objectif crucial dans le domaine de la création variétale et la construction génomique "… même si les recherches n'ont pas aujourd'hui totalement abouti, une deuxième génération d'OGM devrait permettre

de sélectionner des plantes résistant à la sécheresse, ou poussant sur des terres à fort taux de salinité. Des plantes génétiquement modifiées devront permettre une économie d'utilisation de l'eau pour l'irrigation. La disponibilité en eau sera sans doute en lien avec le réchauffement climatique, un des grands problèmes écologiques du XXI° siècle" (Rapport : La place des biotechnologies en France et en Europe, 2005, p. 118).

Concernant l'adaptation au stress hydrique, plusieurs pistes sont en cours d'exploration. L'une des pistes possibles consiste à surexprimer les gènes responsables de la fonction protectrice de l'état des structures cellulaires. "… il a pu être démontré que la surexpression d'un gène (CBF/DREB) codant une protéine régulatrice se liant aux promoteurs d'un ensemble de gènes qui interviennent dans la réponse à la sécheresse et au gel (qui agit par un effet de déshydratation), améliore en conditions expérimentales, la tolérance à ces deux adverses…"

(Rst n° 13, 2002, p. 54)

La sélection classique n'a pas été suffisamment efficace pour l'amélioration des plantes au déficit hydrique même si les nouvelles variétés sont plus tolérantes que les anciennes. Dans certains cas, il est "indispensable d'avoir des variétés valorisant bien l'eau absorbée et tolérant la sécheresse pour les plantes qui ont une part importante de leur cycle pendant l'été (cas du maïs) (…) La transgénèse semble pouvoir apporter de nouvelles sources de variabilité pour ce caractère" (Gallais et al., 2006, p. 104).

Il apparaît que le réchauffement climatique n'agit pas seulement sur le niveau hydrique, mais il agit également sur le taux de gaz carbonique dans l'air. Ce facteur a un effet important sur la production. Les plantes actuelles sont le résultat d'une longue évolution qui a conduit à une augmentation du rendement photosynthétique et une efficacité supérieure pour utiliser l'eau et les sels minéraux.

De même, des manipulations génétiques ont été développées pour résister à la salinité. C'est l'exemple de la tomate, par surexpression d'un gène qui dirige la synthèse d'une protéine assurant l'échange des ions H+ et Na+ entre le cytoplasme et la vacuole. Par conséquent, les plantes de tomate génétiquement modifiées peuvent survivre dans un milieu irrigué avec une eau dont le taux de salinité est de l'ordre de 40% de la salinité de l'eau de mer. Elles sont capables d'accumuler le sel dans les vacuoles des cellules des feuilles en produisant des fruits normaux (Rst n° 13, 2002, p. 55).

Certaines approches visent à traiter, simultanément, la tolérance aux trois stress (hydrique, salin et hypothermique), car ils sont physiologiquement liés. "Le froid et la sécheresse provoquent tous les deux une déshydratation des tissus et le stress salin à un effet voisin."

(Gallais et al., 2006, p. 106).

D'après ces derniers auteurs, de multiples travaux sur la transgénèse sont en cours de développement à savoir :

- "l'amélioration de l'efficacité d'absorption et d'utilisation de l'azote", - "la création de variétés d'épinard et de laitue avec moins de nitrates", - "la tolérance aux métaux lourds : la phytoremédiation",

A ces travaux, s'ajoute une catégorie de recherche qui s'intéressent à améliorer la qualité nutritionnelle comme l'amélioration de la qualité des apports glucidiques, la qualité des acides gras, la teneur en anti-oxydants des légumes et des fruits, l'équilibre protéique dans les aliments, des céréales moins allergéniques, des plantes plus riches en vitamines... Nous

choisirons l'exemple du "riz doré" pour illustrer la modification de la qualité nutritionnelle : enrichissement en vitamines.

5.5 La modification des qualités nutritionnelles : cas du "riz doré"

Le riz "blanc" décortiqué est dépourvu de vitamine A alors que le riz "brun" entier ne contient que de faibles quantités de provitamine. Il convient de noter l'importance de la vitamine A qui est indispensable pour résoudre des problèmes de cécité. En effet, la carence en vitamine A peut causer des troubles visuels qui, selon le rapport de l'AFSSA (2004), auraient pour conséquence la mort annuelle d'environ de 1 à 3 millions d'enfants dont l'âge ne dépasse pas les 5 ans. Dès lors, l'amélioration de la qualité nutritionnelle en vitamine A a été effectuée, d'abord, par des voies classiques (carotte à haute teneur en bêta-carotène en Inde, patates douces enrichies au Mozambique, au Pérou), puis par génie génétique.

Beyer, Protrykus et al ont décrit, en 2002, la transformation génétique d'un riz enrichi en pro-vitamine A ; ce type de riz a été appelé "riz doré", car la couleur du riz, habituellement incolore, est modifiée par des réactions métaboliques. Ce type de riz a été considéré comme un "support d’une complémentation du régime" (Rapport de l'AFSSA, 2004). Le protocole proposé se base sur l'utilisation d'embryons immatures de riz et d'Agrobacterium pour introduire en une seule opération les transgènes concernés.

Cependant, l'obtention du "riz doré" par voie biotechnologique a été objet de débat, voire objet d'une polémique très vive, car certains proclament que "le riz doré" ne peut pas résoudre à lui seul le problème de carence en vitamine ; il est possible d'utiliser d'autres plantes locales sources de vitamine A. En effet, la question de la carence en vitamine A peut être, selon les nutritionnistes, le résultat de plusieurs approches, comme le fait d' :

"- Améliorer la valeur nutritionnelle du riz par sélection classique,

- Enrichir directement le riz en nutriments comme le fer, le zinc ou en vitamine A,

- Tenter de modifier les habitudes alimentaires, en encourageant la diversification de l'alimentation : consommation de légumes comme les carottes ou les patates douces, de produits animaux, de fruits ou de riz brun, qui contient du carotène, plutôt que du riz blanc"

(Rapport de l'Assemblée Nationale n° 2046 sur La place des biotechnologies en France et en Europe, 2005).

Le bilan des réalisations transgéniques est très diversifié et se décline en différents domaines d'intérêts, mais le bilan des avantages et éventuellement des limites de variétés transgéniques dépend, nous semble-t-il, de plusieurs facteurs, entre autres, de la nature de la variété elle-même. A titre d'exemple, "l'intérêt économique est très net pour le producteur de coton alors qu'il n'existe pas toujours pour le maïs Bt", d'après Gallais et al. (2006, p. 94). De même, le bilan est lié à l'évaluation, à la gestion, voire à la perception des risques, à la perception des PGM, etc. Le bilan peut dépendre également de la perception de la nature des sciences, de la communication (ou de la médiatisation) sur certains faits, etc.

Nous estimons que ce que peuvent apporter les plantes génétiquement modifiées peut dépendre de la manière dont le public examine, problématise et se représente les PGM, les controverses socio-scientifiques, et particulièrement, le statut des technosciences.

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