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La controverse scientifique autour du flux de gène

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CHAPITRE 3 : INTERRELATION BIODIVERSITE-TRANSGENESE VEGETALE

1. Le flux de gène : les échanges entre variétés transgéniques et variétés conventionnelles

1.1 Les répercussions potentielles des PGM sur la biodiversité

1.1.2.3 La controverse scientifique autour du flux de gène

Pour tenter d'élaborer une analyse de la controverse socio-scientifique concernant le flux de gènes, nous choisissons d'examiner les effets éventuels du maïs transgénique au Mexique, le berceau de la maïsiculture. Nous nous basons donc sur les résultats d'études menées dans le cadre du programme de la Commission de Coopération Environnementale, des gouvernements du Canada, du Mexique et des États-Unis (CCE) dans le domaine de l’environnement, de l’économie et du commerce relatif à la conservation de la biodiversité, institué en vertu de l’article 13 de l’ANACDE36 sur le maïs et la biodiversité. Dans le cadre de ce programme, certaines études (particulièrement l'étude d'Alvarez-Buylla, 2004) analysent les incidences environnementales (aspects écologiques et biologiques) du maïs transgénique sur la biodiversité, ou plus précisément sur l'agrobiodiversité. D'autres études (plus particulièrement celle de Carpentier & Herrmann, 2004) discutent les enjeux reliés aux effets du maïs transgénique au Mexique. Ces études ont mis l'accent, préférentiellement, sur l'étude des risques associés au passage éventuel de transgènes vers les autres cultures (sauvages et cultivées).

- Le Mexique centre d'origine et de diversité de la maïsiculture

À l'échelle mondiale, la maïsiculture est classée deuxième après la riziculture. Les États-Unis sont le plus important producteur et exportateur de maïs de la planète alors que le Mexique est le plus grand consommateur de maïs. "La majeure partie du maïs produit à l’échelle mondiale est destinée à la consommation animale ou à des usages industriels; la consommation humaine ne représente qu’environ 20 % de la production totale. Cependant, au Mexique, les tendances de la consommation diffèrent de celles des États-Unis et des autres pays industrialisés, car 68 % de tout le maïs y est directement utilisé pour la consommation humaine" (Carpentier, 2004, p.2).

Tant au Mexique qu’à l’échelle internationale, la controverse concernant les répercussions des PGM tournent autour de trois tendances générales : la transformation de l’agriculture, la diminution de la diversité biologique et la perte de diversité culturelle. Comment la controverse concernant la contamination du maïs mexicain a été développée au niveau des experts et des décideurs politiques ?

1.1.2.3.1Controverse dans la presse scientifique : la querelle des experts

Depuis la publication de l'article de Quist et Chapela (université de Berkely) intitulé

"Introgression d’ADN transgénique dans des variétés traditionnelles de maïs à Oaxaca, au Mexique" dans la revue Nature en 2001, la question de la dissémination involontaire de transgènes est devenue objet de débat tant pour la recherche que dans la société.

La publication en question défend deux idées fondamentales en faveur d'une contamination des variétés locales de maïs obtenues par deux approches méthodologiques différentes qui sont les suivantes :

1 - par PCR (Polymerase Chain Reaction), une méthode standard de détection de l'ADN recombiné. Quist et Chapela détectent des séquences d’ADN transgénique dans les variétés

36 Accord Nord-Américain de Coopération dans le Domaine de l'Environnement

locales de maïs cultivées à Oaxaca et les identifient comme des séquences codant pour la protéine insecticide Bt ; "Using a polymerase chain reaction (PCR)-based approach, we first tested for the presence of a common element in transgenic constructs currently on the market the 35S promoter (p-35S) from the caulifower mosaic virus (CMV). The high copy number and widespread use of p-35S in synthetic vectors used to incorporate transgenic DNA during plant transformation make it an ideal marker to detect transgenic constructs… We obtained positive PCR amplifcation using primers specifc for p-35S in five of the seven Mexican maize samples tested (…). Four criollo samples showed weak albeit clear PCR amplification, whereas the Diconsa sample yielded very strong amplification comparable in intensity to transgenic-positive Bt1 and RR1 controls [Monsanto Corporation]. (p. 541).

2 - par PCR inverse ou iPCR, les chercheurs essayent de déterminer les points d’insertion des transgènes dans le génome de la plante testée (plusieurs variétés locales). Quist & Chapela précisent l'objectif de la méthode PCR inverse comme suit: "We performed inverse PCR (iPCR) to reveal the various genomic contexts in which the CMV construct was embedded in the Oaxacan criollo maize. This method enabled us to sequence unknown DNA regions flanking the known p-35S sequence in each of the samples (p. 542).

La détection des séquences d'ADN transgénique par PCR et iPCR est considérée comme une preuve de la contamination des variétés conventionnelles de maïs. Toutefois, la première affirmation concernant la méthode PCR est démontrée et justifiée, mais la deuxième affirmation est présentée sous forme d'hypothèse. Quist et Chapela (2001) disent que "The diversity of transgenic DNA constructs present in criollo samples suggests the occurrence of multiple introgression events, probably mediated by pollination" (p. 542).

Ceballos & Eddé (2003) ont analysé l'évolution des recherches sur les effets du maïs transgénique sur la biodiversité, au Mexique. Ils considèrent que la controverse est devenue de plus en plus vive en 2002. Elle a été alimentée, dans un premier temps, par le conflit dans la presse scientifique déclenché par l'article de Quiste et Chapela (2001). Dans un deuxième temps, Hodgson, rédacteur de la revue Nature Biotechnology, a rendu compte des inquiétudes du public dans son article intitulé "Doubts linger over mexican corn analysis".

Les vives inquiétudes alimentées par les travaux de Quist et Chapela et de Hodgson dévoilent une autre facette du problème de la contamination du maïs : l'éventuelle contamination des banques de gènes. Ceci a mené le centre international pour l’amélioration du blé et du maïs (CIMMYT) à effectuer des analyses sur les semences qu’il conserve dans ses chambres froides. Les résultats préliminaires, négatifs, ont été divulgués afin de rassurer les utilisateurs de la banque de gènes. Hodgson (202) déclare que: " the CIMMYT findings appear to be at odds both with work from Mexican government researchers announced in September and study in November 2001 in Nature…" (p. 3).

Dans le même numéro (n°20) de la revue Nature Biotechnology, Martinez-Soriano, Bailey, Lara-Raynal, & Leal-Klevezas publient une note rassurante intitulée "Transgenes in mexican maize". Ils expliquent la notion de contamination comme étant une diffusion inattendue, indésirable et incontrôlable. Toujours dans le même numéro, Hodgson publie, un peu plus loin, son article "Maize uncertainties create political fallout" dans lequel est explicitée l'importance des retombées politiques dans le déroulement des recherches sur la question.

En outre, la controverse scientifique déclenchée par Quist et Chapela (2001) a été contestée par les recherches menées à l'université de Californie et de Berkeley, dont les analyses

prouvent que les séquences d'ADN présumées proviennent d'un transgène commercial de certaines variétés de maïs.

Les analyses critiques du travail de Quist et Chapela ont été poursuivies par Metz et Futterer dans un article intitulé : "Suspect evidence of transgenic contamination", d'une part et par Kaplinsky, Braun, Lisch, Hay, Hake & Freeling dans un autre artcile intitulé "Maize transgene results in Mexico are artefacts", d'autre part, dans le même numéro de la revue Nature. Ces critiques se sont concentrées, essentiellement, sur la deuxième partie des résultats énoncés par Quist et Chapela, dans leur publication, sous forme d'hypothèse. Vers la fin de l'année 2002, dans la note éditoriale de la revue Nature, les rédacteurs ont déclaré l'indisponibilité des preuves sur les effets du maïs transgéniques. Cette déclaration a conduit à un conflit entre différents groupes concernés. Ce conflit a été révélé en juin 2002 ; la revue Nature a publié un article intitulé "Conflicts around a study of Mexican crops".

1.1.2.3.2 Dénégation de la contamination et rôle de la pression sociale En dépit de la vive controverse entre équipes de recherche et dans la presse scientifique, la contamination a été officialisée, mais en mentionnant qu'elle ne constitue pas, pour autant, un danger ni pour la biodiversité ni pour la santé.

C'est après la réalisation d'une étude menée par the Institute of Science in Society (2003) que la contamination est devenue une réalité. Cette étude a montré que 95% des sites échantillonnés étaient contaminés à des degrés de contamination allant de 1 à 35%. Par la suite, des équipes de recherche dépendant du gouvernement mexicain ont confirmé ces résultats.

Après une longue dénégation, les firmes biotechnologiques ont assisté avec le gouvernement et les scientifiques mexicains à la Conférence du 29-30 septembre 2003 à Mexico en reconnaissant l'existence de flux de transgènes dans les variétés de maïs traditionnelles, dans au moins deux Etats.

En 2004, une étude menée en vertu de l’article 13 de l’ANACDE sur les effets du maïs transgénique au Mexique montre qu'un flux génétique entre le maïs et le téosinte (Z. m. ssp.

mexicana)37 s’effectue à un rythme lent au sein d’une même génération lorsque les plantes poussent à proximité les unes des autres ; certains allèles des variétés cultivées de maïs se sont introduits dans les téosintes au fil des générations.

D'après ces mêmes études sur le maïs et la biodiversité, les conséquences du flux génétique, au Mexique, consistent en la persistance des transgènes dans le sol, dans les graines, etc. De même, une résistance aux herbicides a été notée, notamment chez des ravageurs des plantes adventices ; ceci peut faire d'elles des plantes invasives. Egalement, l'existence de téosinte contaminé dans un champ de maïs résistant à un herbicide ne se détruit pas sous l'action de l'herbicide utilisé. Le téosinte, dans ce cas, joue le rôle d'une plante nuisible. Par ailleurs, des effets imprévus pourraient être causés par les répercussions des transgènes sur des espèces non-cibles. C'est ce qui explique que l'utilisation des plantes transgéniques suscite des questions d'ordre éthique et morales d'une grande complexité.

37 Le téosinte est une variété locale de graminée annuelle dont le niveau de production est le plus élevé du monde. Au Mexique, il constitue le cultivar dont la superficie cultivée est la plus importante.

1.1.2.3.3 Questions d'ordre éthique

Certes, la technique de la transgénèse peut permettre d'approfondir nos savoirs sur le vivant dans le domaine de la génétique, de la physiologie, de la biologie du développement et de la reproduction. Cette technique permet de mieux comprendre le vivant, de localiser les gènes en dressant les cartes génétiques, de réaliser le séquençage des génomes de plusieurs espèces végétales et animales, etc.

Du point de vue épistémologique, la "maîtrise de la reproduction à l'identique" selon l'expression de Gallais et al. (2006) - les tendances à uniformiser les cultures, par exemple - paraissent aller contre les lois naturelles, notamment la loi de la reproduction sexuée qui constitue l'apanage des êtres vivants et la source de leur diversité. Nous estimons qu'en aval de cette "maîtrise de la reproduction à l'identique" se pose d'autres questions d'ordres éthique et épistémologique concernant le franchissement des barrières spécifiques (notamment le franchissement inter-règnes) et l'universalité du code génétique.

Les pratiques transgéniques pourraient toucher la composition de la flore par le biais de l'uniformisation des plantes cultivées, mais dans certains cas, elles pourraient toucher aussi la composition de la faune (Gallais et al., 2006), notamment les organismes non-cibles comme nous l'avons analysé précédemment (voir chapitre 2). Nous allons examiner dans ce qui suit une autre controverse qui concerne l'hypothèse de l'intoxication des lépidoptères (des papillons) comme conséquence de la culture d’une plante résistante aux insectes : le maïs-Bt.

2. L'effet de la culture de variétés transgéniques résistantes aux insectes sur la faune

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