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Aperçu sur la formation suivie

Dans le document TTHHÈÈSSEE En vue de l'obtention du (Page 169-174)

SECTION II : APPROCHES DIDACTIQUES ET CADRE D'ANALYSE

CHAPITRE 1 : CONTEXTE TUNISIEN

4. Aperçu sur la formation suivie

Par ailleurs, le fait d'aborder des questions socio-scientifiques controversées sur les conséquences des pratiques biotechnologiques avec des étudiants, qui sont supposés connaître les mécanismes des technosciences, les principales pratiques biotechnologiques, peut-il contredire l’idée de certains chercheurs ou de firmes qui pensent que les individus rejettent les technosciences par peur et méconnaissance et qu’il suffit donc de bien les informer, de les alphabétiser pour modifier leurs attitudes ?

4. Aperçu sur la formation suivie

Pour analyser leur formation suivie en master, nous nous sommes basés sur le dossier de réhabilitation (le master écologie), sur le programme des modules (le master biotechnologie) et sur quelques extraits de cours. Les biotechnologues ont, sommairement, une formation beaucoup plus orientée vers les applications biotechnologiques agronomiques, environnementales et médicales alors que la formation des écologues est axée plus sur le domaine de l'environnement, de l'aménagement des écosystèmes, de l'économie. Toutefois, la formation des écologues et des biotechnologues comprend plusieurs thématiques communes.

Nous y reviendrons un peu plus loin.

Concernant le programme d'enseignement du master écologie, les thèmes s'inscrivent dans un registre environnemental. Tous les intitulés des modules proposés contiennent le mot écologie (module 1 : "écologie évolutive et biologie de développement", module 2 : "écophysiologie et rythme biologiques", module 3 : "écologie parasitaire", module 4 : "génétique écologique", etc.).

Quant au programme d'enseignement des biotechnologues, il se focalise sur le bilan des pratiques biotechnologies. Leur formation est axée sur des données de la microbiologie (module D biotechnologie des microorganismes), de la biologie cellulaire (module E la culture in vitro de cellules et de tissus végétaux), de la biochimie (module B biochimie de développement), de la génétique (module G génie génétique et biotechnologies).

Globalement, les programmes d'enseignement des deux masters paraissent avoir deux orientations différentes, mais ils ont certains points communs. La formation est pluridisciplinaire et riche, particulièrement, en génétique.

Pour ce qui est de la formation du master biotechnologie, les étudiants apprennent, dans le cadre du module génie génétique et biotechnologie, le principe de base de l'ingénierie génétique et les procédées de transfert de gènes chez les végétaux : transgénèse naturelle, transgénèse dirigée (la transformation génétique indirecte (via Agrobacterium, la méthode du vecteur binaire…), la transformation génétique directe (microinjection, éléctroporation, biolistique), etc.). Ce module présente certaines applications possibles des PGM comme les applications agronomiques (plantes et animaux transgéniques, industrie agro-alimentaire), des

applications médicales (thérapie génique), des applications environnementales (dépollution, phytoremédiation…), etc.

Une grande partie du programme est consacrée à la culture in vitro des cellules et de tissus végétaux et à des biotechnologies en production agricole. Le module de biotechnologie végétale, comprend trois sous-parties : la micropropagation, la culture de protoplastes, la culture d'apex, microgreffage et assainissement viral. La protection des plantes, l'amélioration des qualités nutritionnelles des aliments et l'adaptation des plantes aux conditions climatiques extrêmes (stress salin, hydrique et métallique) sont abordées dans le cadre du module : biotechnologie des microorganismes. Une large gamme d'applications est présentée dans le domaine agricole (étude de la lutte biologique (cas de Bacillus thuringiensis, Bacillus cristallifères…), le domaine agro-alimentaire (utilisation des mirocorganismes dans les industries agro-alimentaires) et le domaine de la santé (étude de la microbiologie clinique et pharmaceutique (productions d'hormones, de vitamines…)).

L'enseignement des différents modules est étayé par des lectures et des analyses des chapitres de livres ou d'articles de revues scientifiques. A titre d'exemple de textes proposés à lire :

- des articles de la revue Biofutursur concernant le clonage,

- de la revue La Recherche sur les PGM résistants à un herbicide et le flux de gène.

Certaines enquêtes particulièrement sur les OGM sont présentées sous le thème

"Agronomie" (volume n°295 qui date de 1997) ou "d'Agronomie débat" (volume n°

371 qui date de 2004).

- Quelquefois, les étudiants assistent à des projections vidéo (documentaire divers sur la culture in vitro, par exemple), à des visites de laboratoires, etc.

Pour ce qui est de la formation des écologues, la génétique est présente dans la majorité des modules notamment dans le module 4 : génétique écologique. Ce module comprend deux parties : la génétique des populations et le polymorphisme. En plus des thèmes en génétique, la formation des écologues et des biotechnologues comprend certains thèmes en commun. Les rythmes biologiques, par exemple, sont abordés dans le cadre du module "écophysiologie et rythmes biologiques" pour les écologues alors que ce thème est abordé dans le cadre du module "biologie de développement et morphogenèse" pour les biotechnologues.

De même, la problématique de la génétique des populations est abordée au niveau des deux masters. La biologie des populations est appréhendée dans le cadre du module 1 "écologie évolutive et biologie des populations" alors que pour les biotechnologues, elle est abordée dans le module "fondements génétiques du développement". Ainsi, le rôle de la reproduction sexuée dans la variation génétique des populations est traité dans les deux options.

Pour ce qui est du domaine médical, le programme d'enseignement des biotechnologues traite de la biotechnologie des microorganismes (module C) et plus particulièrement de l'étude de la microbiologie clinique et pharmaceutique. Cependant dans le programme des écologues le module 3 présente l'écologie parasitaire dont l'une des parties traite la parasitologie médicale et humaine.

Pour les deux masters, la formation des étudiants se termine par une série de conférences spécialisées (présentation de certaines thèses ou de mémoires soutenus ou en cours, des présentations de supports de cours (des CD, film…) et par des stages (dans des laboratoires, des entreprises…) selon un calendrier approuvé.

4.1 Analyse critique de certains aspects de la formation suivie

Il nous semble que les cours (sur des sujets liés à l'environnement ou sur des objets de savoir biotechnologique) sont souvent présentés sous forme de "faits scientifiques" sans prendre en compte les considérations sociale, éthique, politique, idéologique. Quelques considérations sociales et éthiques semblent cependant être prises en compte chez les biotechnologues. Mais par contre, les indicateurs "durables" ne nous semblent pas être considérés chez les écologues bien que l'un des objectifs du master consiste à former des chercheurs et des experts dans l'aménagement des écosystèmes, la gestion et la valorisation de la biodiversité.

Pour l'exemple de la biodiversité, elle est considérée comme un concept clé de la formation des écologues. Mais, elle est abordée indépendamment des connotations sociales, économiques, politiques et éthiques. A titre d'illustration, la biodiversité est étudiée, entre autres, à travers l'étude de la génétique écologique77, de l'écologie évolutive et de la biologie des populations78. En fait, il nous semble que l'enseignement de la biodiversité soit pris en compte à travers l'explication de son origine et de son évolution sans reconnaître les enjeux que cristallise cette problématique. Nous estimons que pour aborder ce thème de convergence, il est de première importance de connaître les actions humaines sur la biodiversité à savoir l'impact de la sélection traditionnelle et de la sélection dirigée (la transgénèse, par exemple), c'est-à-dire l'intensité de la pression anthropique à ce propos. Nous estimons qu'il est aussi pertinent de connaître les enjeux reliés à la biodiversité pour agir. C'est l'une des conditions pour passer de la connaissance scientifique de la biodiversité à une éducation pour un développement durable. Le développement durable est considéré comme l'une des orientations du programme d'étude, notamment du master écologie comme spécifié dans le dossier de réhabilitation.

La formation, notamment des écologues, se base sur la notion d'environnement, mais cette notion semble plus abordée comme un milieu de vie alors qu'en réalité elle désigne l'association des éléments naturels (aspects physiques, chimiques, biologiques), des facteurs sociaux et économiques. Cette notion est appréhendée à travers les interactions entre les êtres vivants entre eux et leurs milieux (génétiques des populations, les milieux de vie…). Mais, quelle perception de l'environnement, de la biodiversité… véhiculent ces contenus disciplinaires ? La notion d'environnement, par exemple, qui est considérée comme une notion clé dans l'orientation générale du programme d'étude des deux masters, est-elle présentée comme une notion à différentes facettes : la représentation de nature", ressource", problème", système", milieu de vie", biosphère", "l’environnement-projet" (Sauvé, 2002, p.1) ?

Pour ce qui est de l'enseignement de la transgénèse, cette technique est présentée notamment au niveau de l'option biotechnologie comme une technique d'amélioration des plantes et des caractéristiques des êtres vivants. A titre d'exemple, le cours intitulé "Biotechnologie : développement, applications et implication" explore plusieurs points : les biotechnologies dans les domaines industriels et biomédical, la biotechnologie végétale, les biotechnologies dans les domaines vétérinaire. Dans ce cours, une partie est consacrée à la biotechnologie et l'éthique. Certains titres ou sous titres semblent traiter de manière ambivalente les défis et les

77 A travers l'étude de la génétique des populations (la diversité interpopulations, la spéciation…) et du polymorphisme.

78 A travers l'étude de l'origine de la biodiversité et le rôle des composantes spatiales, le rôle des facteurs

contraintes de la biotechnologie agricole. Mais, finalement, c'est surtout le premier aspect (progrès, défis) qui est développé alors que le second est presque inexploré. Nous estimons donc que les cours traiteraient plus de ce qu'apporte la transgénèse (ou ce que peut apporter), mais ils accorderaient peu de place aux risques éventuels associés ou aux effets

"éventuellement défavorables".

En outre, les technosciences sont sujettes à débat dans le domaine de la recherche, dans la société et en classe (Simonneaux, 2001 ; Albe & Simonneaux, 2003 ; Simonneaux, 2003, Simonneaux & Simonneaux, 2005, Simonneaux, 2007). Elles font partie de ce que les anglophones appellent la " frontier science" et sont caractérisées par un manque de consensus notamment sur les risques et les effets environnementaux. Or, les contenus des programmes d'étude ne semblent pas traiter ce point crucial dans l'enseignement des questions socio-scientifiques. Nous estimons dès lors que certaines thématiques enseignées sont objet de débat, mais elles sont présentées de façon non problématisée (comme c'est le cas des organismes génétiquement modifiés au niveau du master d'option biotechnologie). Nous estimons que l'enseignement scientifique se concentre surtout sur "l'enseignement des résultats de la science". Or, d'après Bachelard (1938, p.14) " l’enseignement des résultats de la science n’a jamais constitué un enseignement scientifique".

De même, nous estimons que le fait d'aborder des QSS en classe de manière non problématisé peut gommer "la distinction entre la science stabilisée et la science encore débattue dans la communauté scientifique", d'après Simonneaux (2007). Nous pensons qu'il est intéressant de présenter les faits scientifiques notamment ceux sur le front de la recherche comme provisoires. Ceci pourrait abandonner l'idée que la science est objective et neutre. En effet, une prise en compte de la nature controversée et complexe de la problématique des OGM (particulièrement des PGM) peut favoriser une appréhension des contenus biotechnologiques et, entre autres, des controverses liées à des questions environnementales comme pouvant être influencés par des systèmes de valeurs.

Pour agir et favoriser des comportements "durables", nous pensons qu'il ne s'agit pas de former les étudiants sur la large gamme d'applications biotechnologiques possibles, mais il serait pertinent d'engager les apprenants à débattre afin de questionner la légitimité des applications et de questionner la légitimité des recherches en amont.

Nous nous interrogeons dans quels paradigmes génétiques s'inscrivent l'amélioration des plantes (la sélection traditionnelle et dirigée) et le processus "d'artificialisation" du vivant au sens large ? Les programmes tels qu'ils sont conçus permettent-ils une initiation à "la politique des technosciences" et "une éducation aux sciences plus citoyennes" selon les expressions de Larochelle et Désautels (2006). A la lumière du progrès technoscientifiques, ces programmes prennent-ils en compte la "balance bénéfices/risques" liés au développement des technosciences ? Concernant la question de répercussions éventuelles des PGM sur la biodiversité, les programmes appréhendent-ils la question "en considérant les points techniques, scientifiques, économiques et sociétaux" selon les termes de Gallais et al. (2006) ? Les programmes prennent-ils en compte les oppositions duales sélection naturelle, sélection dirigée, "biodiversité naturelle", "biodiversité artificielle" ? Quelles perceptions de la nature des sciences, de l'incertitude, du progrès scientifique peuvent véhiculer ces programmes d'étude ? La science est-elle présentée comme un construit social ou comme un ensemble de résultats "objectifs" et "stables" ? Ces programmes d'étude favorisent-ils une "culture de l’évidence", "qui profite des avancées du scientisme et du positivisme" (Simonneaux, 2003, p.

192) ou plutôt pour devenir des acteurs sociaux.

En référence aux controverses liées à certaines questions environnementales, Outlon, Dillon

& Grace (2004) proposent de mettre en œuvre des approches didactiques qui permettraient de comprendre les préoccupations environnementales selon une approche critique et systémique.

Ces stratégies sont proposées pour promouvoir :

- La compréhension de la nature controversée des questions environnementales et la prise en compte des points de vue contradictoires sur la question;

- La motivation des élèves à réfléchir, de manière critique, sur l'origine des positions contrastées (la prise en compte de l'influence des représentations de la nature, de l'influence des représentations sociales, de l'influence du système de valeurs…);

- La reconnaissance du besoin d'informations complémentaires pour décrypter ces questions ayant des implications dans divers domaines (biologie, économie, politique…) et pour apprendre à développer une prise de décision informée;

En quoi l'expérimentation proposée, dans le cadre de notre recherche, vient bousculer les coutumes didactiques que nous venons de présenter ?

Dans le document TTHHÈÈSSEE En vue de l'obtention du (Page 169-174)