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La politique institutionnelle participe à un système injuste qui favorise les

5. Fins et moyens : penser, lutter et vivre de façon alternative

5.3. Le rapport des militant.es queers à la politique institutionnelle

5.3.2. La politique institutionnelle participe à un système injuste qui favorise les

La politique institutionnelle est un appareil de gestion et de contrôle qui est loin d'être neutre. Elle est jugée comme étant au service des groupes dominants, les participant.es entrevoient peu de changements qui mettraient à mal les rapports de domination favorables au groupe de personnes en pouvoir.

« Je crois qu'on va avancer sur les combats [relatifs aux sexualités], mais reste que dans les mécanismes de domination homme/femme, je suis assez matérialiste. Il y a quand même un enjeu économique derrière ça très fort, et la classe dominante va tout faire pour maintenir le patriarcat, pour maintenir ce rapport de domination là. » (Dimitri).

D'autres militant.es suggèrent également que les classes qui forment le domaine de la politique institutionnelle n'ont pas d'intérêt à voir les choses changer et façonnent les institutions à leur image et selon leurs besoins. Liam n'accorde pas beaucoup de crédit à la justice telle qu'elle existe au Québec.

« La justice est juste pour les personnes qui sont privilégiées. Je serais pour une justice plus équitable. Je dis équitable et non égalitaire parce qu'égalitaire c'est de mettre les personnes avec des besoins spécifiques à part. Si on prend les personnes sourdes et muettes par exemple, elles sont vraiment invisibles dans la vie de tous les jours. Le monde est pas dessiné pour eux autres, on va pas se le cacher. Moi je voudrais quelque chose qui est fait pour tout le monde. » (Liam).

Amélia et Quentin, chacun.e dans leurs mots, ajoutent qu'il est essentiel de comprendre que ce sont des personnes privilégiées qui ont le pouvoir de dire ce qui est juste ou non, ce qui est légal ou non, ce qui est normal ou non, etc. Ce sont, en bref, des personnes qui ignorent tout de certaines situations d'oppression, de marginalisation et de domination.

Joshua, particulièrement engagé dans les luttes pro-travail du sexe, évoque sa colère face à une législation qui criminalise le travail du sexe, mettant les travailleurs et travailleuses dans une position précaire et non sécuritaire.

« Ce que je trouve terrible du projet de loi 36, c'est qu'en fait ça met en danger toutes les personnes qui font le travail du sexe, mais peut-être surtout les personnes qui, je dirais, sont les plus vulnérabilisées, c'est-à-dire les gens qui travaillent sur la rue qui sont les personnes les plus visibles, puis moi j'achète pas ça le fait que c'est pour le bien des femmes. » (Joshua).

Il continue à dénoncer les agissements des gouvernements du Canada ou du Québec qui font violence à plusieurs franges de la population.

« Je trouve ça aberrant qu'on soit sous un gouvernement de droite qui met de l'avant des projets de loi, qui deviennent des lois et qui sont très négatives par rapport à des gens qui peuvent être considérés comme vulnérables. [Un gouvernement] qui fait vraiment la guerre contre les pauvres en coupant dans les programmes sociaux, en ne voulant pas écouter les gens qui se lèvent en disant "qu'est-ce que vous faites par rapport aux femmes autochtones, qu'est- ce que vous faites par rapport au salaire minimum, qu'est-ce que vous faites par rapport aux gens qui sont en région et qui n'arrivent pas avoir du travail avec les entreprises qui s'en vont?" » (Joshua).

« … dans un monde idéal, les gens devraient être capables de travailler ensemble, sans avoir besoin de vivre sous des gens qui les dirigent, puis qui décident ... qui décident qu'est ce que les gens doivent faire, comment les gens doivent travailler, comment les gens doivent vivre. » (Joshua).

Là encore, le discours de Joshua est proche de la mouvance anarchiste, dans la mesure où il considère que les gouvernements et le modèle représentatif ne doivent pas être vus comme indépassables. Ils ne sont pas capables de prendre en compte toutes les situations ni de les comprendre en vue de les améliorer.

Pour Liam, la politique institutionnelle est bien souvent un moyen de faire violence aux personnes les plus marginales. Pour lui, à l'instar de plusieurs participant.es, le travail du sexe/prostitution ne devrait pas être légalisé. Non pas parce que c'est un travail profondément exploitatif, mais parce ce que l'État chercherait à l'encadrer en reproduisant les rapports de domination et d'oppression.

« Si ça devenait légal, ça deviendrait contrôlé par l'État, par les tarifs. Ça va créer des discriminations, des classes sociales de prostitution. Y en a déjà en fait des classes sociales de prostitution, comme il y en a partout. Une personne blanche va faire plus d'argent comparée à une personne racisée dans le milieu de la prostitution. » (Liam).

Il ajoute que l'État pourrait profiter de situations de vulnérabilité :

« Ça donnerait droit au gouvernement de faire la promotion de la prostitution et ça pourrait amener à plus de tourisme sexuel, donc des personnes plus marginalisées ... Parce que les lois sont faites pour les personnes blanches hétéros et cisgenres, on peut rajouter d'autres adjectifs certainement comme pas de handicap, pas de trouble psychologique. Le système dans lequel on est n'est pas dessiné pour les personnes plus marginales et faire ça c'est recréer les mêmes problématiques et il y aurait encore de la prostitution illégale, comme pour les cigarettes par exemple. » (Liam).

Selon lui, la politique institutionnelle constitue la plupart du temps une sphère de pouvoir illégitime. D'ailleurs, Sarrasin, Kruzynski, Jeppesen et Breton (2012) confirment que les militant.es anti-oppressifs et anti-autoritaires jugent l'autorité des gouvernements et de l'État illégitimes parce que l'action politique gouvernementale est inutile pour enrayer les causes d'injustice (2012, 147).