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Les entraves de l’innovation en Algérie

Section 2 : Les mécanismes de soutien public et de financement des PME

III. Politiques de recherche et d’innovation en Algérie :

3.1. Politique de la recherche scientifique en Algérie

La recherche scientifique doit obéir aux exigences d’une société et répondre à ses besoins réels, exprimés par des entreprises, des collectivités ou des entités de l’Etats pour une

188 meilleure production. Cette relation de synergie entre le développement d’une société et la recherche scientifique est définit par Kouilsky comme suit : « la recherche scientifique est un moteur d’évolution. Elle est la source du progrès pour nos sociétés. Elle irrigue l’innovation industrielle, l’activité économique, le progrès social et la culture »534

.

Pendant une longue période, les activités de la création de la recherche scientifique en Algérie ont été rejetées au second plan. A la veille de l’indépendance, la recherche scientifique s’insérait dans le système de recherche scientifique français535

. Au lendemain de l’indépendance, toute préoccupation de recherche apparaissait en second lieu ou dérisoire par rapport au faible personnel resté sur place, et aux taches d’enseignement et d’administration qui étaient devenues écrasantes. La recherche scientifique n’est abordée en tant que problème qu’à partir de 1970 avec la création d’un ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique536. La recherche devait se faire d’abord au sein des universités et être dirigée vers le secteur de production. Le développement économique créait une très forte demande aussi bien au niveau des cadres de niveau universitaire, mais posait aussi d’une façon particulière les problèmes de choix technologique, de l’ingénierie et de la maitrise de procès qui relevaient du domaine de la recherche.

Mais il reste que les véritables mutations dans le champ de la recherche scientifique en Algérie n’ont vu le jour qu’a partie des deux dernière décennies, notamment avec l’introduction de la loi d’orientation et de programme à projection quinquennale sur la recherche scientifique et le développement technologique pour la période 1998-2002. Le système national de la recherche a connu plusieurs transformations, nous allons présenter en ce qui suit les principales transformations ainsi que les caractéristiques de ce système. Nous commençons par présenter un rappel historique du système national de la recherche ainsi les principes de la loi n°98-11 du 22aout 1998 ainsi que son bilan et enfin nous faisons le point sur la coopération scientifique internationale de l’Algérie.

Un petit rappel historique de l’évolution du système Algérien de la recherche est nécessaire. Il est relativement récent, si nous le comparons par exemple aux systèmes de recherches dans d’autres pays africains537

. Dans le souci de former des cadres en grands nombres, et avec un héritage colonial très faible, les activités de création scientifiques ont été pendant une longue période marginalisées. Mis à part les initiatives singulières, mais fondatrices, de l’ONRS et HCR durant les années 1970 et 1980, qui ont été malheureusement interrompues à chaque fois par l’instabilité institutionnelle, de nombreux chercheurs s’accordent à dire que la recherche n’est véritablement entrée dans les débats publics et politiques qu’a partir de la décennie 1990.

a- La période de gestion de l’héritage colonial

Si l’intervention de l’Etat en matière de recherche scientifique ne prend une forme dirigiste et organisée qu’a partir des années 1970, les enjeux autour de son contrôle ont été posés dés 1962. En effet, au lendemain le l’indépendance, les activités scientifiques se réduisaient à quelques projets de recherche initiés et conduits par des institutions françaises. Dans les années 1962-1971, la création du conseil de la recherche scientifique (CRS crée en 1963) est un compromis dans les rapports franco-algérien. Au plan général, si les rapports entre l’Algérie et la France ont toujours été complexes, il convient tout de méme de souligner une volonté indéniable de maintenir les liens et d’entreprendre des actions communes. Cette volonté se traduit par la définition d’un nouveau rapport bilatéral, voire d’un nouveau modèle

534 Kouilsky cité par Issolah .R &Bernaoui.R, In « Evaluation et planification de la recherche scientifique : enjeux et méthodes », OPU, Alger, 2005, P10

535 Djeflat A, « Recherche et développement et maitrise technologique au maghreb : les sources du blocage », cahiers du CREAD n° 29, 1er semestre 1992

536

Ait Atmane Foudil, Opcit, P110

537 Khelfaoui.H, « La recherche scientifique en Algérie, entre exigences locales et tendance internationales » cahier du CREAD n° 56, 3 eme trimestre 2000, P87

189 pour les relations postcoloniales à travers la mise en œuvre d’une politique de coopération qui se voulait exemplaire.

Durant les années 1962-1970, la coopération franco-algérienne, plutôt déséquilibrée et tendue, porte essentiellement sur la formation de compétences scientifiques et techniques nécessaires à la reprise et au développement de l’université et la poursuite de projets de recherche initiés avant l’indépendance. En réalité, malgré un discours-programme particulièrement ambitieux, l’activité scientifique est le fait de quelque initiative personnelle, d’enseignants-chercheurs pour la plupart européens restés en Algérie après l’accession du pays à son indépendance, domiciliés au sein de quelques instituts (l’institut d’études nucléaires, l’institut océanographique, le centre anticancéreux, le centre de recherche anthropologique et de préhistoire). Mais les plus grandes préoccupations sont ailleurs (particulièrement l’industrialisation du pays), ce qui a conduit à une marginalisation de la recherche scientifique.

Il faut attendre le début des années 1970, pour que les pouvoirs publics prennent conscience du role de la science et de la technologie dans le processus de développement. La recherche scientifique commence alors à être un véritable sujet de préoccupation pour les décideurs algériens. La recherche scientifique est délibérément intégrée dans les décisions gouvernementales dans ses divers domaines d’intervention. Au niveau institutionnel, la première décision ayant une portée hautement symbolique se traduit par la dissolution, en 1968, de l’OCS. Dans le même temps, on assiste à la formulation d’une nouvelle politique de la recherche scientifique.

b- Le nouveau dispositif international

Les premières tentatives algériennes d’organiser la recherche remontent aux années 1970, avec la création du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS), qui consacre l’intégration de la recherche scientifique aux activités d’enseignement supérieur. Cette création est suivie aussi par la mise en place du Conseil Provisoire de la Recherche Scientifique (CPRS) en 1971, en remplacement de l’OCS.

Le débat inauguré en liaison avec les services économiques aboutit à la création, en juillet 1973, de l’Office National de la Recherche Scientifique (ONRS) et du Conseil National de la Recherche (CNR). Le CNR est chargé de conseiller le gouvernement sur la politique de la recherche et de coordonner son application. L’ONRS quant à lui, est considéré comme l’instrument d’exécution de la politique de promotion et d’orientation de la recherche scientifique. En 1973, l’université algérienne comptait essentiellement trois universités : Alger, Oran et la toute jeune université de Constantine (créée en 1969). Celle d’Alger, de loin la plus importante, comptait 16 000étudiants. La recherche n’était donc le fait que de quelques centaines d’enseignants souvent en cours de thèse. Dans ce contexte, les missions de l’ONRS one été principalement orientées dans deux directions : l’impulsion de la recherche dans les universités, et la liaison et la coordination de cette recherche avec le secteur socioéconomique. Très vite l’ONRS s’attache à développer la recherche universitaire en l’organisant selon deux grands volets : les instituts universitaires, parties intégrantes des universités et les centres de recherche, placés directement sous son contrôle. L’ONRS a eu pour principal souci la formation du personnel chercheur. De 1974 jusqu'à sa dissolution en 1983, cet organisme a soutenu 109 projets de recherche dans les universités et 62 programmes.

La dissolution de l’ONRS marqua un tournant dans le développement du processus de changements institutionnels de la recherche scientifique. Ses attributions et activités furent transférées. En 1985, on a mis en place le Commissariat à la Recherche Scientifique et Technique (CRST) et le Commissariat aux Energies Nouvelles (CEN). Le CRST met en place un comité intersectoriel de coordination et de planification qui apparut comme l’organe privilégié d’une approche intégrée de la recherche, mettant à contribution tous les opérateurs concernés par un même domaine. Le CRST apparut historiquement comme la première

190 instance à avoir pu dégager un certain nombre de programmes nationaux prioritaires en ajustant l’offre et la demande de la recherche. Des groupes de concentration furent mis en place avec comme objectif d’assurer la convergence des programmes au niveau national. C’est ainsi que différents programmes furent élaborés dans les domaines suivants : mines, phosphate, métallurgie, fonderie, soudure, microélectronique, agronomie, technologie, agroalimentaire….

En 1986, de nouveaux changements institutionnels sont opérés et se traduisent par la dissolution du CRST et la création du haut commissariat à la recherche (HCR), placé auprès de la présidence de la république. Deux missions principales lui sont confiées : une mission verticales (développement des énergies nouvelles avec la possibilité de c créer des centres de recherche dans d’autre domaines ; une mission horizontale (mise en œuvre d’une politique d’animation et de coordination de la recherche scientifique nationale). Aussi, malgré quelques succès, le HCR ne pouvait mener de front l’ensemble du programme d’actions qui lui incombait. Avec la dissolution du HCR en 1990, la recherche est entrée dans une longue phase d’instabilité organisationnelle et institutionnelle. Des réorganisations, des changements de missions et d’appellations se sont succédées jusqu’à 1995. Les premières tentatives sérieuses pour soigner le SNR viennent avec l’adoption de la loi n°98-11 du 22 Aout 1998. Ainsi, ce bref aperçu historique de l’évolution du système de la recherche scientifique en Algérie, où nous avons dressé les grandes lignes, met en lumière un certain nombre de faits remarquables qui témoignent l’instabilité des structures et l’inadéquation des programmes de recherche avec les objectifs du développement économique et social.