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La loi 98/11 : une rupture avec les pratiques passées

Les entraves de l’innovation en Algérie

Section 2 : Les mécanismes de soutien public et de financement des PME

III. Politiques de recherche et d’innovation en Algérie :

3.3. La loi 98/11 : une rupture avec les pratiques passées

Cette loi du mois d’aout 1998 constitue pour l’Algérie un véritable tournant et une rupture majeure avec les pratiques passées de planification scientifique et technologique. En effet, la période antérieure à la loi N° 98-11 du 22 aout 1998538, portant loi d’orientation et de programme à projection quinquennale sur la recherche scientifique et le développement technologique, se caractérisait par :

o L’illisibilité du système de recherche

o L’instabilité institutionnelle et organisationnelle

o L’inadéquation des programmes de recherche avec les objectifs du développement économique et social

Afin de remédier à la discontinuité qui a caractérisé la perception et le rôle de la recherche en Algérie, ainsi que les actions engagées par les institutions qui se sont succédées à la tète de la recherche, la loi n° 98-11 relative à la recherche scientifique et au développement technologique a prévu la construction d’un édifice institutionnel de recherche à même de garantir la stabilité des institutions, la pérennité des missions, la cohérence des objectifs ainsi que la mobilisation des compétences humaines et des moyens matériels et financiers.

a- Les principes fixés par la loi

191 Entre 1998 et 2002 un plan quinquennal pour le développement de la recherche scientifique et technologique a été produit. La loi s’est fixé de nombreux objectifs très ambitieux et prometteurs d’une refonte efficace du système national de la recherche scientifique. Pour remédier aux défaillances du système de recherche les principes de la loi 98/11 touchent plusieurs volets importants, que nous les résumons comme suit :

 Organisation et édifice institutionnel :

pour assurer la pérennité de l’activité de recherche scientifique dans un cadre institutionnel stable, la cohérence des objectifs et enfin la mobilisation des ressources humaines, la loi a définit un système institutionnel composé de :

- Du conseil national de la recherche scientifique et technique (CNRST), présidé par le chef du gouvernement, chargé d’arrêter les grandes orientations de la ^politique nationale de la recherche scientifique, de coordonner et d’évaluer sa mise en œuvre.

- De l’organe national directeur permanent, chargé de la mise en œuvre de la politique nationale, dans un cadre collégial et intersectoriel, et d’assurer le secrétariat du CNRST et des commissions intersectorielles

- Des commissions intersectorielles, chargées de la programmation, de la coordination, de la promotion et de l’évaluation des activités de recherche

- Des comités sectoriels, crées auprès de chaque département ministériel concerné par l’activité de recherche, chargé d’assurer la promotion, la coordination et l’évaluation des activités de recherche au niveau sectoriel

- Des organes d’intermédiation, en la forme d’agences nationales chargées de la promotion et de la coordination de la mise en œuvre des programmes nationaux de recherche

- Des établissements et structures d’exécution des programmes nationaux de recherche comprenant l’établissement public à caractère scientifique et technologique, l’unité et le laboratoire de recherche.

 La programmation: une des évolutions majeurs est constituée par le retour d’une démarche ancienne initiée et adoptée dans le passé par l’ONRS Il s’agit de l’inscription de la recherche dans le cadre de programmes nationaux de recherche. En effet, la loi inscrit la programmation nationale des activités de recherche scientifique et de développement technologique dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement global. C’est ainsi que les objectifs de développement socioéconomique sont organisés en 30 programmes nationaux de recherche (PNR) sur la base d’une programmation du « haut vers le bas », qui repose sur la définition préalable des objectifs de la recherche et de les faire prendre en charge par les structure de base global.

 Le financement :

La loi a prévu un financement des activités de recherche scientifiques à hauteur de 1% du PIB, à partir de l’année 2000 (article 21) en consacrant aussi le principe de l’unicité du budget national de recherche. Ce budget regroupe l’ensemble des crédits de fonctionnement et d’équipement alloués aux entités de recherche relevant des différents départements ministériels. L’ensemble des crédits destinés aux financements des programmes nationaux de recherche. La loi a consacré le principe de l’annualité du budget de la recherche fixé par les lois de finance et a prévu pour la période 1999-2002 un montant global de 133.161.000.000DA toutes sources confondues.

 L’évaluation et la valorisation :

Les articles 32 à 35 de la loi définissent les critères, les organes et les étapes de l’évaluation des activité, des chercheurs, des entités et des programmes de recherche à savoir : le conseil

192 de laboratoire etr les conseils scientifiques de l’unité de recherche (ANDRS et ANDRU), les comités sectoriels de recherche scientifique et de développement technologique, et les commissions intersectorielles de programmation et d’évaluation des activités de recherche. Sur le plan de la valorisation des résultats de la recherche, la loi a prévu de larges mesures qui sont : la création de structures de valorisation au sein des établissements d’enseignement et de recherche y compris les filiales, la création de centres nationaux de valorisation et la mise en place de technopoles dans les domaines à haute valeurs ajoutée.

 Les ressources humaines :

S’agissant des ressources humaines, la loi a prévu la mobilisation de 16000 chercheurs par : - L’accroissement du potentiel chercheur à plein temps pour atteindre le nombre de 4000 chercheurs

- L’implication accrue dans les activités de recherche des enseignants chercheurs en vue d’atteindre le nombre de 12000

- L’adoption du statut particulier des personnels de la recherche

- L’encouragement de la mobilité des chercheurs et des enseignants chercheurs - L’élaboration d’un plan de formation des personnels de la recherche

- Bilan et état de mise en œuvre des objectifs fixés

La promulgation la loi 98/11 visant à créer un environnement institutionnel favorable au fonctionnement d’un système national de recherche scientifique, est également considérée comme une rupture avec une période d’instabilité et d’illisibilité. Cependant, les objectifs fixés par la loi, que nous avons pris le soin de résumer en dessus n’ont pas été pleinement réalisés. Le rapport publié en février 2007 par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS) 539, ainsi que les travaux publiés par des chercheurs dans le domaine nous permettent d’établir un bilan, mais qui ne peut être exhaustif, des activités scientifiques et priorités fixées par la loi540.

 Sur le plan institutionnel :

Plusieurs nouveaux organismes sont créés par la nouvelle loi : - Mise en place de 21 comités sectoriels permanents

- Création de 639 laboratoires de recherche répartis sur 8 grands domaines de recherche

- Application du statut de l’établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) à 18 centres de recherche tous secteurs confondus

- Installation de 8 commissions intersectorielles par grands domaines de recherche : agriculture et ressources en eau, matières premières et énergie, technologies, éducation, culture et communication, droit, économie et société, habitat, construction…

Toutefois, nous tenons à signaler que certains objectifs n’ont pas été atteints. Premièrement, le CNRST n’a tenu qu’une seule session suite à sa création en 1992, chose qui a constitué un handicap quant à l’application des décisions prises. Deuxièmement, l’organe national directeur permanent n’a pas été crée, ceci n’a pas permis alors d’assumer la coordination, la cohérence, le suivi et l’évaluation rigoureuse des activités de recherche devant servir de base à l’élaboration d’une nouvelle loi sur la recherche. Troisièmement, les commissions intersectorielles ne se sont pas réunies de manière régulière, et on déplore le fait que l’érection des centres de recherche en EPST a obéi beaucoup plus à une logique de mise en conformité juridique qu’aux exigences scientifiques.

539

Khelfaoui .H, “L’intégration de la science au développement, expériences maghrébines”, éditeurs ADEES Publisud, Paris, 2006, P83.

193  Sur le plan de la programmation :

Sur les 30 programmes de recherche prévus par la loi, 27 ont été élaborés et ont fait l’objet de 04 avis d’appels à proposition de projets de recherche, lancés entre 1997 et 2002, ayant abouti à la soumission de 2368 projets dont 1613 ont été sélectionnés et 1168 exécutés. Aussi le taux de couverture connait de grandes variations d’un programme à un autre, soit de 0 ?5 à 68%. Les programmes nationaux de recherche n’ayant pas bénéficié tous du même nombre d’avis d’appel à proposition de projet d’une part, et n’ayant pas connu le même nombre de projet d’autre part. Les projets retenus ont été domiciliés auprès de 15 organismes pilotes relavant de différents départements ministériel : enseignement supérieur et recherche scientifique, éducation nationale, agriculture… on signalé que trois programmes n’ont pas été élaborés, il s’agit des technologies industrielles, de la culture et communication et de la linguistique. En l’absence d’une stratégie définie par le CNRST, la programmation s’est faite de bas en haut, et en plus l’ajustement et la mise en cohérence des programmes nationaux de recherche (en termes de thématiques) avec les préoccupations et les besoins du développement socioéconomique, étaient absents. Un point très important a été révélé, c’est qu’il est difficile de recentrer les projets de recherche autour des PNR tels que conçus dans l’esprit de la loi, selon lequel, la recherche devait être basée prioritairement sur les objectifs socioéconomiques définis dans les plans nationaux de développement. Or, on assiste à la persistance, parallèlement aux PNR, de 03 autres types de projets de coopération et 625 projets propres aux établissements, exécutés durant la période quinquennale qui continuent à obéir, chacun à des procédures propres en matière de programmation, de financement et d’évaluation. Bien que le nombre de projets exécutés ou en cours d’exécution s’élève à 5244 tous types confondu, moins du tiers des projets engagés (2000 sur 7000) s’inscrivent dans les PNR tels que prévus par la loi et sont susceptibles d’être évalués selon les principes énoncés par celle-ci. D’où la difficulté de procéder à l’élaboration d’un bilan exhaustif de l’ensemble de l’activité de recherche, tous types de projets confondus, en vue d’une nouvelle programmation fondée sur les besoins de développement socioéconomiques et les capacités scientifiques nationales au plan humain et matériel.

 Sur le plan du financement :

pour l’année 1998, le budget de fonctionnement alloué au secteur de l’enseignement supérieur était de 25milliard DA. Il représente 15,6% du budget du système d’éducation et de formation, et 3,1% du budget de l’Etat.. 40% de ce budget, soit environ 9,3 milliard de DA sont effectuées aux œuvre sociales des étudiants (bourses, hébergement, restauration), le reste soit environ 14milliard de DA est absorbé à hauteur de 90% par la masse salariale. Seuls donc 1,4% milliards sont affectées à l’ensemble des activités pédagogiques et de recherche. Ce chiffre est très loin de ce que prévoit la loi 98-11 portant sur le plan quinquennal de la recherche 1998-2002, qui prévoit pour cette première année 5560 milliard de DA dont 1421 milliard de DA alloués par Fonds National de la recherche au financement des projets de recherche entrant dans le cadre des PNR.

Concernant la période 1996-2005, le montant des crédits alloués dans le cadre du Fonds National de Recherche Scientifiques (FNRSDT) s’élève à 28 778 661 714 DA. Il convient de signaler, tout de même que la part du PIB consacrée à la recherche scientifique (0,23% - 0,3%) reste faible par rapport à d’autres pays (en moyenne 2,5% - 3ù). Si nous examinons les budgets réellement octroyés à la recherche par rapport aux budgets prévus par la loi, nous constatons que l’écart est très important; ce qui témoigne le non respect des engagements fixés par la loi 98/11.

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Tableau N° 24: Financement prévu par la loi quinquennale et subvention réelle par les lois annuelles de finances qui y correspondent (en milliards de dinars)

Budget 1999 2000 2001 2002 2003 Total

Prévu par la loi 21,15 31,21 33,66 36,38 36,38 158,78

Réellement octroyé 5,1 4,1 5,1 4,6 5,6 24,5

Réel/prévu (%) 24,11 13,13 15,15 12,64 15,39 15,43

Source : syndicat national des chercheurs permanents. In H.Khelfaoui, « la recherche scientifiques en Algérie : entre exigences locales et tendances internationales », 2007.

Outre les chiffres que nous avons présentés, nous devons noter que l’augmentation observée dans les budgets de fonctionnement à partir de 2002, correspond à l’augmentation des primes de recherche allouées aux enseignants chercheurs. De nombreuses anomalies doivent être encore révélées dans le système de financement qui est basé sur le concept du budget national de la recherche scientifique, ce qui génère des difficultés en termes d’élaboration du bilan financier, difficulté de maitrise de la gestion des crédits destinés aux activités de recherche en raison : de la multiplicité des intervenants, les entités étant sous différentes tutelles…. Nous tenons à préciser que le budget alloués aux programmes nationaux de recherche, ne sont nullement maitrisés.

 Sur le plan d’évaluation et de valorisation :

Tous les organes prévus par la loi ont été mis en place, à commencer par les conseils de laboratoires de recherche, les conseils scientifiques auprès des centres de recherche érigés en établissements publics à caractère scientifique et technique, 21 comités sectoriels permanents, 8 commissions intersectorielles, le comité mixte d’évaluation et de perspective (CMEP), le comité national d’évaluation et de programmation (CNEPRU), la commission universitaire nationale (CUN), et enfin la commission nationale d’évaluation des chercheurs permanents (CNEC).

Malgré la mise en place effective de ces organes, il reste qu’ils n’ont pas été efficaces. Le MESRS confirme dans son rapport que les commissions intersectorielles étaient instables en raison de l’irrégularité de leur fonctionnement d’une part, et des difficultés à mobiliser leurs membres d’autre part. Les PNR ont été aussi évalués de façon administrative où l’aspect quantitatif a primé sur l’aspect qualitatif. On souligne encore l’absence de coordination entre les organes d’évaluation des différents types de projets (CMEP, CNEPRU, PNR, coopération) ainsi qu’une instance d’évaluation des activités de recherche à l’échelle nationale.

Pour ce qui est des objectifs de valorisation fixés par la loi, il y’a eu mise en place de l’agence national de valorisation des résultats de la recherche et du développement technologique (ANDREDET). Le MESRS a réussi a aussi organisé un forum sur la recherche pour le développement, espace de rencontre des chercheurs, producteurs de produits et services de recherche avec des opérateurs économiques, ayant abouti à l’identification de 277 produits et services innovants sur 700 projets sélectionnés. Il a été encore confié à l’ANVREDET d’accompagner 469 projets valorisables, dont 67 brevetables, pour les transférer au secteur économique. En dépit des organes mis en place pour la valorisation des résultats de la recherche, force est d’admettre qu’il y avait absence de visibilité des programmes de recherche-développement en termes d’innovation et l’impact direct sur l’environnement économique. Il a été encore souligné qu’il y’a faiblesse de la demande par les entreprises économiques en R&D et innovation.

 Sur le plan des ressources humaines :

prés de 14747 chercheurs ont été mobilisés, dont 13500 enseignants chercheurs et 1247 chercheurs permanents. Le nombre d’enseignants chercheurs mobilisés représente 50% du potentiel disponible. Mais il est primordial de savoir que le nombre de chercheurs de rang

195 magistral était insuffisant et surtout qu’il existe des disparités en termes de spécialités et de grades. Autres disparité en termes d’effectifs chercheurs doivent d’être soulignées, soit 86% concentrés dans les établissements universitaires et 14% seulement dans les centres de recherche. Enfin, un autre point sensible, c’est que les scientifiques algériens établis à l’étranger n’ont pas été suffisamment mobilisés.

Tableau N°25 : effectifs des chercheurs permanents réels comparés aux effectifs prévus par les projections de la loi quinquennale de 1998

Années 1998 2000 2002 2003 2006

Effectifs réels 890 835 1100 1400 1700

Projections de la loi quinquennale 2314 3114 3921 4500 N.D

Source : syndicat national des chercheurs permanents. In H.Khelfaoui, « la recherche scientifiques en Algérie : entre exigences locales et tendances internationales », 2007.

Globalement, et sans trop s’attacher aux détails, le nombre de chercheurs mobilisés pour accomplir les objectifs fixés par la loi, était insuffisant en le comparant aux effectifs prévus initialement et c’est ce que atteste le tableau suivant :