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Politique commerciale, croissance et réduction de la pauvreté

la réduction de la pauvreté 3

3.2 La relation entre commerce, croissance et réduction de la pauvreté

3.2.2 Politique commerciale, croissance et réduction de la pauvreté

Il est dit que les réformes et stratégies de politiques commerciales sont à la base de la croissance durable que connaissent un certain nombre de pays. L’expérience des économies de l’Asie du Sud-Est, en particulier de Singapore, de Hong Kong, du Japon, de Taiwan (Chine) et de la Corée confirme cette observation. Ces dernières années, le Chili et Maurice ont également enregistré de remarquables augmentations de revenu, grâce en partie aux réformes du commerce. Tous ces pays ont augmenté de manière substantielle leurs exportations et leur part du commerce dans le PIB, augmenté les niveaux de revenu, réduit la pauvreté et sont devenus d’actifs acteurs sur le marché mondial. Bien que l’expansion des exportations constitue un élément commun à ces expériences réussies, il existe des différences considérables dans les modèles de politiques commerciales mis en oeuvre.

Les réformes des politiques commerciales peuvent revêtir des formes différentes.

Toutefois, trois types de réformes sont utilisés par certains pays qui ont enregistré des succès. La première forme, celle consistant en une libéralisation du commerce à l’échelle de toute l’économie, est pratiquée par Hong Kong, Singapore et le Chili.

Ces pays ont supprimé toutes les barrières non tarifaires. La Banque mondiale indi-que dans un rapport indi-que Hong Kong et Singapore pratiquaient le libre-échange, avec des droits nuls, alors que le Chili recourait à des droits de douane bas et uniformes.

Une deuxième catégorie importante de réforme est celle de la protection accompa-gnée de politiques de compensation pour les exportateurs. Cette réforme tend à imposer des contrôles stricts sur les importations destinées aux marchés intérieurs, pour ainsi décourager les exportations. Avec les réformes des politiques commerciales protectionnistes, les entreprises sont incitées à produire pour la vente sur le marché intérieur, au détriment des exportations. La Corée, Taiwan, la Chine et le Japon ont utilisé cette méthode pour parvenir à une croissance rapide et durable du commerce et du PIB. La protection des produits et services intermédiaires crée un handicap sérieux pour les industries d’exportation, parce qu’elle porte leurs coûts à des niveaux plus élevés que ceux de leurs concurrents potentiels sur les marchés mondiaux, les décourageant par l’effet du protectionnisme sur le taux de change réel.

Les politiques commerciales de la Corée fournissent un bon exemple des effets du protectionnisme. La Banque mondiale relève dans un rapport que, au cours des années 60 et 70, les exportations et l’économie coréennes se sont développées très rapidement, en dépit de l’existence de barrières tarifaires et non tarifaires élevées pour les importations1. La théorie économique indique que l’imposition de taxes à l’importation rend la production pour le marché intérieur plus rentable, au détri-ment du marché de l’exportation. La Corée compense le déséquilibre en défaveur des exportations par une admission en franchise de droits des produits intermédiai-res utilisés dans la fabrication des produits exportés, tout comme par des aides à l’équipement accordées aux exportateurs. Elle a en outre accordé à ces derniers un accès préférentiel aux capitaux, à des taux d’intérêt considérablement plus bas que ceux accordés aux entreprises produisant pour le marché intérieur. Cette politique a grandement concouru à augmenter les exportations, à réduire les importations et à stimuler la croissance économique de la Corée.

Le troisième instrument de politique commerciale permettant de développer le com-merce et de stimuler la croissance est la protection accompagnée de la création de zones franches industrielles (ZFI). L’existence de ZFI favorise les exportations d’un pays doté d’un régime de protection commerciale qui décourage les exporta-tions. Les exportateurs d’une ZFI ont un accès en franchise de droits aux facteurs de production intermédiaires et sont souvent soumis à des contraintes réglementaires

1 Voir www.worldbank.org/trade.

moindres. Il s’ensuit qu’ils peuvent ainsi concurrencer sur quasiment un pied d’éga-lité les industriels qui produisent pour le marché intérieur. Maurice a augmenté considérablement ses exportations et réduit la pauvreté grâce à des ZFI créées dans le cadre d’un régime commercial qui n’était pas totalement libéralisé. Watson (2000) soutient que, pour des pays à faible revenu et disposant de faibles institutions com-merciales, les ZFI peuvent être des instruments efficaces de promotion de la pro-duction destinée à l’exportation, non seulement parce qu’elles permettent l’accès en franchise de droits à des facteurs de production importés, mais aussi parce qu’elles constituent des moyens de s’attaquer au problème des infrastructures et à celui de la faiblesse des services publics qui entrave l’investissement.

Comme indiqué plus haut, une manière pratique de stimuler le commerce et de s’ouvrir à l’économie mondiale consiste à opter pour des régimes libéraux du com-merce. Mais cette stratégie n’est pas sans coûts, qui peuvent décourager les pays à procéder à pareilles réformes, de crainte qu’elles ne produisent de possibles effets négatifs sur leur économie et sur les pauvres au sein de leurs populations. Dans une analyse portant sur plus de 50 études empiriques, Matusz et Tarr (2000) sont toute-fois parvenus à la conclusion que les coûts d’ajustement sont infimes par rapport aux avantages qu’offre la libéralisation du commerce. Dans une étude sur les réformes du commerce dans 19 pays en développement, Papageorgiou, Choksi et Michaely (1990) ont abouti à la conclusion selon laquelle la libéralisation du commerce n’avait pas entraîné en général de baisse de l’emploi, même sur le court terme. Ces auteurs ont relevé que, en comparaison avec la période d’avant la réforme, l’emploi dans l’in-dustrie manufacturière était devenu plus important une année après la libéralisation.

De fait, dans 12 des 13 cas, l’emploi dans l’industrie manufacturière était devenu plus important au cours de la période de la réforme, comparativement aux niveaux enregistrés avant la libéralisation. Parker et al. (1995) et Harrison et Revenga (1995) ont mené des études similaires ayant abouti à des résultats semblables.

Les données disponibles montrent que les coûts d’ajustement sont généralement à court terme et disparaissent lorsque les travailleurs trouvent à nouveau un emploi, tandis que l’on peut s’attendre à ce que les avantages de la réforme du commerce s’accroissent à mesure que l’économie se développe. Dans les économies en dévelop-pement, comme celles de l’Afrique, la libéralisation du commerce devrait favoriser l’emploi, étant donné que les exportations seront de manière générale produites par des entreprises à forte intensité de main-d’œuvre. Des mutations internes impor-tantes se produisent au sein des entreprises généralement après la libéralisation, qui tend à réduire au minimum la suppression des facteurs de production. Qui plus est, la durée du chômage dans la plupart des entreprises tend à être plus courte. Dans de nombreuses entreprises, le taux normal de renouvellement du personnel est supé-rieur au taux qui résulte de la suppression d’emplois induite par la libéralisation, ce qui démontre que la réforme peut se faire sans risque de chômage important.

La plupart de ces études portent surtout sur les pays industrialisés, ce qui fait que davantage de recherche est nécessaire pour procéder à une extrapolation des résultats aux pays en développement. Cependant, Liedholm et Meade (1995) ont conclu à l’existence d’un nombre élevé de créations de petites et moyennes entreprises dans les pays en développement, où ces entreprises entrent pour une part importante dans le nombre total d’emplois. Ce nombre élevé de créations de ces entreprises indique que les entrepreneurs réagissent rapidement aux nouvelles possibilités qui s’offrent, ce qui rend vraisemblable l’idée d’un ajustement rapide à la réforme du commerce.

Par conséquent, il est peu probable que les suppressions d’emplois résultant de la libéralisation soient plus nombreuses que celles qui découlent du fonctionnement normal, au jour le jour, des économies de nombreux pays.

Dans les années 70, un certain nombre de pays en développement ont commencé à libéraliser leur commerce et ont cherché à ouvrir leurs économies aux marchés mondiaux. Comme Baldwin (2003) l’a souligné, ces politiques, connues sous le nom d’«industrialisation par substitution aux importations» étaient fondées sur deux hypothèses: la nécessité qu’il y avait de s’attaquer à l’écart grandissant entre pays riches et pays pauvres, du fait de l’absence d’industries dans les pays en développe-ment; pour s’industrialiser, les petits pays devaient protéger leur secteur manufactu-rier naissant. Ces idées ont eu une influence réelle, particulièrement en Amérique latine et dans certains pays africains.

Kruger (1998) indique que c’est à la fin des années 80 que les politiques protec-tionnistes ont commencé à perdre du terrain. Les pays en développement avaient renoncé à l’industrialisation de substitution aux importations au profit de celle de substitution aux exportations, qui exige une libéralisation du commerce. Kruger relève que les principaux arguments contre la première option sont les suivants:

Les pays en développement, y compris ceux d’Afrique, disposent en

géné-• ral d’un avantage comparatif dans la production de biens nécessitant une forte intensité de main-d’œuvre, tout en important des biens et services nécessitant une forte intensité de capital. Cela signifie que la protection des entreprises concurrentes des importations devrait exiger des économies en développement qu’elles substituent aux produits importés des biens locaux, à forte intensité de capital, produits à des coûts plus élevés. Avec les mêmes montants de dépenses d’équipement, des prix plus élevés des biens d’équi-pement signifient un niveau plus faible d’équid’équi-pement réel et de résultats, atteint à des taux de croissance plus faibles.

L’adoption du protectionnisme par les pays en développement impose

d’al-• louer des ressources, au détriment des exportations, à des entreprises impor-tatrices de produits de substitution aux exportations, ce qui est source de pressions sur les réserves de devises.

Les pays en développement disposent d’un faible revenu par habitant et

• leurs marchés sont de taille relativement petite. Protéger de tels marchés pourrait avoir pour conséquence soit de concentrer une position de force entre les mains d’un petit nombre d’acteurs soit de conduire à des branches de production fragmentées, un trop grand nombre d’entreprises se trouvant en dessous de la taille minimale d’efficacité. Dans l’un comme l’autre cas, les consommateurs locaux sont contraints de payer des prix plus élevés que ceux des produits importés.

Les politiques de substitution des importations aux exportations ont

ten-•

dance à favoriser la corruption parmi les fonctionnaires qui ont un contrôle sur l’octroi des licences d’importation et parmi ceux qui sont chargés de la collecte des droits de douane.